Témoignages

 

Hans Remhs, R.I.P.

Le Père Jozef de Bekker, Délégué Provincial du secteur des Pays-Bas,
vous fait part du retour au Seigneur du Père

Hans Remhs

 

le mercredi 15 novembre 2017 à Heythuysen (Pays-Bas)
à l’âge de 86 ans dont 61 ans de vie missionnaire
au Burkina Faso, Mauritanie, Mali et aux Pays-Bas.

Prions pour lui et pour ceux qui lui étaient chers.

 

Jalons de vie du Père Hans Remhs

Hans est né le 2 novembre 1931 à Amsterdam, dans le diocèse de Harlem (Pays-Bas). Il entra à l’année spirituelle le 15 septembre 1952 à ‘s-Heerenberg (NL) puis continua ses études de théologie à Thibar (Tunisie) où il prononça son serment missionnaire le 26 juin 1956 avant d’être ordonné prêtre le 21 avril 1957 à Carthage (Tunisie).

 

16/08/1957 Santpoort Nederland
01/01/1959 Hirksel Nederland
01/09/1960 Apprend Langue Guilongou CELA Haute Volta
01/05/1961 Vicaire Tikare,D.Ouahigouya Burkina Faso
18/09/1961 Petit Séminaire Koudougou Burkina Faso
13/02/1966 Tikare Burkina Faso
23/07/1967 Petit Séminaire Koudougou Burkina Faso
14/09/1974 Grande Retraite Villa Cavalletti Italia
01/09/1980 Vicaire Tikare Burkina Faso
01/05/1981 Econ.Dioc.+Supérieur Ouahigouya,Procure Burkina Faso
27/09/1989 Session-Retraite Jérusalem Israël / Palestine
30/05/1992 Nommé aux Pays-Bas Nederland
01/06/1992 Econome Provincial Boxtel,Mais.Prov. Nederland
01/09/1992 Conseiller Prov. Nederland
05/02/1993 Mission Centre Nijmegen Nederland
01/11/1994 Elu Cons. Prov. Nederland
08/11/1994 Supérieur communauté Boxtel,Mais.Prov Nederland
27/05/1997 Réélu Conseil.Prov. Nederland
01/07/1998 Année sabbatique Nederland
15/09/1998 Session DMA Jérusalem Israël / Palestine
01/06/1999 Econome Diocésain Nouakchott Mauritanie
22/10/1999 Nommé Mali(PE 99/10) Mali/Mauritan
01/11/2003 Residence Dongen Nederland
05/11/2003 Nommé (PE 03/10) Nederland
15/11/2017 Retour au Seigneur Heythuysen Nederland


Un fils aîné mal aimé ?

 

******************

Un conte pour les adeptes du devoir qui s’offusquent

de voir l’insouciant pardonné et son retour fêté :

« Moi je ne comprends pas ça ! »

*****************

prodigue

 

Dans le monde des fables et des contes, le grand frère de l’enfant prodigue fait mauvaise figure. Sa faute ? Quand son père, fou de joie, le presse de se joindre au banquet qui célèbre le retour du cadet, « il se met en colère et refuse d’entrer ». Que peut-il y avoir en son cœur qui le fasse ainsi se cabrer, sinon l’envie la plus vile, la dureté la plus implacable ?

Ce qui aurait dû m’être évident depuis toujours, c’est que dans cette histoire, la justice au sens où l’entendent les humains est du côté du fils aîné. En tant que premier-né, il lui revenait d’être le premier servi en matière d’héritage. Son frère plus jeune l’avait berné, s’était enfui avec sa part, puis avait jeté le déshonneur sur la famille en dissipant son bien dans une vie de désordre. L’aîné était donc dans son droit quand il s’en fut affronter son père pour lui dire ce qu’il pensait, honnêtement et sans ambages : « Voilà tant d’années que je te sers… et tu ne m’as jamais donné un chevreau… mais quand ton fils que voici est arrivé… tu as tué le veau gras. »

J’admets avoir pendant longtemps et de bonne foi, déformé le sens de ces mors. Je les entendais comme une sommation exigeant du père la punition due pour un comportement aussi odieux ; ou tout au moins comme une pétition requérant que ne soit pas accordé à ce dévoyé plus qu’il ne demandait, le statut de serviteur. Cette interprétation reflétait ma propre compréhension de la justice à l’époque, à savoir qu’idéalement parlant, elle exige l’égalité entre l’offense et la sanction, à défaut de quoi elle se satisfait d’une forme d’équité qui, dans l’équation, fait intervenir les circonstances.

Pourtant, les paroles du fils aîné ne constituent pas une réclamation des droits rigoureusement évalués. Elles laissent plutôt deviner une question non-exprimée à propos d’un geste du père qui défie la raison. Ce que l’aîné trouve inconcevable, c’est que son père soit disposé à montrer, à l’égard d’un fils ingrat et dépravé, une générosité plus abondante qu’il ne l’a fait jusqu’ici pour le compte d’un fils dévoué et fidèle. Ce que son discours met en question, ce n’est pas l’indulgence du père, c’est un manque de mesure qui jette un doute sur son impartialité.

Y aurait-il une frontière au-delà de laquelle la miséricorde devient excessive et dégénère en injustice ?

¤¤¤

A l’approche de mes quatre-vingts ans, je me demande ce qui m’a pendant si longtemps empêché de démasquer mon manque d’honnêteté, quand je blâmais le fils dont on ne peut que louanger la constance et l’assiduité. Je projetais sans doute sur lui mon propre malaise devant un Dieu qui s’abaisse à festoyer avec des gens que j’aurais jugés impropres à inviter à ma table. Peut-être y avait-il une autre raison. Comme il arrive à bien d’autres, le fait d’avoir du faire face aux plous sournois des démons, l’orgueil, l’envie et l’égoïsme, m’a aidé à réaliser que si ma rectitude ne surpassait pas celle des scribes et des pharisiens, je n’accéderais pas au bonheur promis par Jésus à ses disciples.

Bien sûr, les gens qui peuvent se féliciter d’avoir en tout temps fait leur devoir auraient mauvaise grâce de s’inquiéter. Rien que ce qui caractérise l’histoire de leur relation avec le Dieu qu’ils servent ponctuellement, c’est la fidélité réglée selon la norme du quid pro quo. Ils n’ont que faire de la miséricorde puisqu’ils se situent spontanément dans la cour du droit. Leur salaire sera le salut qu’ils auront gagné par leurs mérites… et ce sera beaucoup.

D’autres ont eu moins de chance, et à un mauvais tournant de leur vie se sont malgré eux retrouvés dans la classe des ratés. Ceux là se situent d’emblée dans les taudis des périphéries et ne peuvent qu’espérer l’arrivée d’un passant avec un grand cœur, qui s’arrêtera et prendra pitié. Si la vie éternelle est affaire de compétition, ils se savent déjà perdus. Ce qu’ils ignorent, c’est que dans la perspective de l’Evangile, l’histoire de leur rapport avec Dieu en est une d’amour marqué par la gratuité. La grande finale, pour eux, ce sera le festin auquel le Père les conviera, quand ils se risqueront finalement à clopiner jusqu’a sa maison, pour se voir reconnus par lui comme ses fils-aimés.

¤¤¤

En vérité, il n’est pas plus facile pour nous de sonder le mystère de la justice de Dieu qu’il ne l’était pour l’aîné de la parabole de comprendre la prodigalité naïve de son père. Même aujourd’hui, nombreuses sont les bonnes gens qui pensent et agissent comme si la balance était le symbole le plus apte à représenter la justice en action. Et ils présument que Dieu ne connaît pas mieux, qu’il passe ses nuits à comptabiliser les actes bons ou mauvais de chacun et à allouer récompense et punition selon les mérites.

Dans la parabole, quelle réponse le père donne-t-il à son fils aîné ? « Mon enfant… tout ce qui est à moi est à toi ». C’est-à-dire, son père n’a d’aucune façon lésé ses droits. Le problème est de son côté à lui l’aîné. Il n’ pas su apprécier la magnitude de l’événement qui se déroulait sous ses yeux, à savoir, une résurrection qu’on n’espérait plus : « Il fallait festoyer et se réjouir, parce que ton frère que voici était mort, et il est vivant, il était perdu, et il est retrouvé. »

Le défi qui s’adresse à l’aîné, c’est de grandir spirituellement et d’embrasser les valeurs de son père, celles du Père céleste « qui fait tomber la plus sur les justes et sur les injustes ». Celui qui s’adresse au cadet, c’est de se relever, de se conduire en enfant fier de son appartenance à la famille de pareil Père et de goûter le bonheur qu’il y a à vivre dans son intimité.

 

PENSEE D'UN SAGE

 

A l’ouvrier de la troisième heure qui se plaignait de

ce que ceux de la onzième heure reçoivent le même

salaire que lui : «  Mon ami, je ne te lèse en rien :

     n’est-ce pas d’un denier que nous nous sommes

convenus ?... N’ai-je pas le droit de disposer de mes

biens comme il me plaît ? Faut-il que ton œil soit

mauvais parce que moi je suis bon ?

Le maître de la vigne, d'après une parabole de Jésus

 

Ces quelques pages sont tirées du livre du Père Marcel Boivin, Père Banc canadien, "Sagesse des meurtris". Voir le scan de la courverture du livre ci-après :

boivin1boivin2

 
 

Les Ateliers de la pensée #2 : « L’humour africain est une poétique de la dissidence »

Hanane Essaydi, spécialiste de la littérature subsaharienne, raconte comment les écrivains ont fait de l’ironie une arme pour penser l’histoire du continent.

S'abonner dès 1 € Réagir Ajouter

image: http://img.lemde.fr/2017/11/06/0/0/5976/3984/768/0/60/0/e84272c_28888-1okhlwn.p9j5hlg14i.jpg

Hanane Essaydi lors de la deuxième édition des Ateliers de la pensée à Dakar, du 1er au 4 novembre 2017.

L’humour et l’ironie sont-ils les marqueurs emblématiques d’une capacité de résilience africaine ? C’est la thèse de Hanane Essaydi, chercheuse marocaine à la faculté des lettres et sciences humaines de l’université Cadi-Ayyad de Marrakech, qui présentait ses travaux, vendredi 3 novembre, lors de la deuxième édition des Ateliers de la pensée à Dakar, au Sénégal. Cet événement, qui regroupait jusqu’au samedi 4 novembre une cinquantaine d’intellectuels de tout le continent pour des débats et des conférences, accueillait pour la première fois des auteurs et professeurs du Maghreb dont les travaux portent sur la question de la décolonialité et des relations transsahariennes.

Lire aussi :   Les Ateliers de la pensée #2 : « L’émancipation de l’Afrique passe par des idées neuves »

Auteure d’une thèse sur l’ironie dans le roman africain subsaharien et de plusieurs articles sur la question du picaresque, Hanane Essaydi revient pour Le Monde Afrique sur les raisons qui font du rire une « poétique de la dissidence ».

Comment avez-vous approché cette littérature africaine subsaharienne ?

Hanane Essaydi Je suis originaire du Maghreb, mais je n’avais jamais lu de roman africain subsaharien car le savoir circule mal à l’intérieur du continent. Jusqu’au jour où un professeur m’a conseillé une liste d’ouvrages. Alors j’ai découvert une littérature riche, dynamique qui parle de sujets tragiques mais sur le mode de l’ironie, qui tempère la tension dramatique par l’humour. Je suis tout de suite tombée amoureuse !

Comment expliquer l’utilisation récurrente de l’ironie et de l’humour chez les écrivains africains ?

C’est la question fondamentale que je me pose. Est-ce que cet humour est une disposition naturelle, une manière d’être ? N’a pas le sens de l’humour qui veut. Il y a quelques jours, j’ai posé la question à Alain Mabanckou qui est un auteur adepte de l’ironie. Il m’a répondu que, pour lui, c’est une prédisposition. Il est important, quand on pose ces questions, de ne pas essentialiser ni racialiser le phénomène. Il y a une sensibilité particulière sur le continent depuis le « rire Banania » que Léopold Sédar Senghor voulait arracher de tous les murs, parce qu’il venait entériner le cliché déchirant que l’homme noir, l’Africain, était un enfant insouciant.

La conclusion à laquelle je suis arrivée est que l’usage de l’humour est une force. Toutes les civilisations ne réagissent pas aux grands traumatismes qu’elles traversent de la même manière. Le fait de ne pas sombrer dans la mélancolie ou dans des réactions radicales est assez rare. Certaines cultures trouvent le suicide comme réponse à la mélancolie ou au déshonneur. Le Japon ou la Suède, par exemple, ont des taux très élevés de suicides. En Afrique, on est capable de rire de ses malheurs, de prendre du recul.

L’humour est-il le fait d’une poignée d’écrivains ou est-il un phénomène social ?

Le rire, par définition, est un geste social. Pour rire, on a besoin d’un interlocuteur en face de soi. On rit de quelqu’un ou de quelque chose. On s’associe et, en même temps, on exclut, on met à distance. Ce mécanisme a été utilisé pour déconstruire un certain nombre de préjugés et de discours racistes qui se sont constitués sur l’homme africain.

Le rire dans le roman africain se moque de tout, des dictatures, des génocides, des guerres tribales. Quand on rit de quelque chose, cela ne signifie pas que l’on manque de lucidité, que l’auteur ne souffre pas des réalités dénoncées, bien au contraire. Le rire est facteur de résilience. Les populations africaines ont compris qu’il fallait rire pour ne pas succomber à cette menace d’extinction dont parle Edouard Glissant.

Lire aussi :   Ateliers de la pensée : le souffle de Dakar

Est-ce une réponse récente ou ancienne aux afflictions que subissent les Africains ?

Cela émane d’une pratique culturelle enracinée. On la retrouve dans le kotéba, cet art théâtral malien ou l’art ancestral de la palabre. Lors de veillées nocturnes, on constituait des lieux de parole qui permettaient à toute la société de se réunir et de confronter les fauteurs à leurs erreurs. Toute la communauté choisissait une sanction. La personne acceptait et s’excusait, désamorçant ainsi les tensions.

« Là où le rire n’existe pas, on voit la naissance de folies actuelles, comme le terrorisme »

Puis il y a la tradition du cousinage à plaisanteries qui permet à deux personnes de s’adresser des grossièretés sans agressivité. Les anciens, les griots, imposaient cette pratique pour empêcher les hommes de prendre les armes. Ce sont des soupapes qui permettent de résorber les conflits susceptibles de créer des guerres. Car le rire lucide désamorce la spirale de la haine pathologique. Là où le rire n’existe pas, on voit la naissance de folies actuelles, comme le terrorisme.

Lire aussi :   Les dix penseurs africains qui veulent achever l’émancipation du continent

Quel rôle politique joue l’ironie dans les romans africains que vous étudiez ?

La force de l’ironie est de permettre d’être critique tout en esquivant les représailles et la censure. Certains ne saisissent pas l’ironie, car celle-ci tend à confirmer le raisonnement absurde de la personne que l’on veut railler pour mieux la tourner en dérision. Ça permet de se désengager. De dire « non je ne critique pas le dictateur, je dis juste que c’est le père de la nation », alors que, sous cape, on attaque bien entendu le paternalisme qui infantilise le citoyen. L’ironie est une arme à double tranchant.

Cette ironie africaine serait-elle un moyen de dénonciation comme d’autodéfense contre les dominants ?

Oui, c’est un mécanisme d’autodéfense et une poétique de la résistance. C’est un dépassement de la colère, un apaisement qui permet de prendre de la distance vis-à-vis de son malheur. C’est une réaction tout à fait normale dans des groupes humains qui ont subi un grand traumatisme. On parle ainsi de l’humour juif. Le mécanisme est semblable. L’homme noir a vécu l’esclavage, la colonisation puis la décolonisation et son cortège de dictatures. Puis on a sombré dans les coups d’Etat, l’instabilité politique, la misère, les guerres tribales. Tous ces traumatismes ont conduit les populations africaines et leurs écrivains à développer une poétique de la dérision comme moyen de survie, facteur de résilience, garantie d’une hygiène mentale.

Il y a le rire ironique contre le puissant et le rire contre soi-même. Est-ce que l’autodérision est aussi une façon de désamorcer la domination de l’autre ?

Quand l’écrivain africain se moque des siens, de ses traditions culturelles ou de ses pratiques, c’est une manière de critiquer sa propre société car il est désireux de voir un changement s’installer. L’autodérision recouvre un certain idéalisme. La lucidité de l’écrivain africain est qu’il ne s’attaque pas uniquement à l’autre, au Blanc, mais critique aussi les siens. Une manière d’appeler son concitoyen à assumer sa part de responsabilité dans les malheurs qui frappent le continent.

Lire aussi :   « Bienvenue au Gondwana » : la farce électorale du comique nigérien Mamane

On l’a vu récemment avec le film « Bienvenue au Gondwana », qui raille le dictateur fantoche d’une République « très très démocratique », cette tradition humoristique est bien vivante…

Oui, ce n’est pas pour rien que les dictatures et les extrémismes religieux n’apprécient guère l’humour. Cela permet de remettre en question les certitudes données comme vérités absolues. C’est une manière de relativiser ses malheurs sans agressivité.

Est-ce que les crises récentes en Afrique – le terrorisme au Sahel, les famines à l’Est – sont des thèmes déjà désamorcés par l’humour dans la littérature contemporaine du continent ?

Je ne connais pas d’auteur contemporain africain qui se penche déjà sur la question du terrorisme avec humour. J’imagine qu’il faut encore du recul. Mais je peux confirmer que cette question sera traitée par les jeunes générations d’écrivains africains comme leurs prédécesseurs l’ont fait avec les problèmes de leur temps. Déjà les humoristes dans des festivals commencent à titiller les islamistes. Les écrivains suivront.

Recommandations de lecture Mongo Beti, Le Pauvre Christ de Bomba (1956) ; Ferdinand Oyono, Le Vieux Nègre et la médaille (1956) ; Bernard Dadié, Un Nègre à Paris (1959) ; Ahmadou Kourouma, Le Soleil des indépendances (1968) ; Sony Labou Tansi, L’Etat honteux (1981) ; Henri Lopes, Le Pleurer-Rire (1982).


En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/afrique/article/2017/11/07/les-ateliers-de-la-pensee-2-l-humour-africain-est-une-poetique-de-la-dissidence_5211474_3212.html#pHC95zg31geoJbft.99

Le mercredi 9 mai 2012, les missionnaires d’Afrique sont arrivés à Atakpamé, au Togo, pour y commencer la première insertion des missionnaires d’Afrique dans ce pays de l’Afrique de l’Ouest. L’objectif principal de cette fondation au Togo était de pouvoir mieux connaître et donc aussi de mieux accompagner les aspirants missionnaires d’Afrique, qui se présentaient car, jusque là, ils étaient visités d’une manière plus ou moins régulière par des animateurs venant de Ouagadougou, voire même de Bobo-Dioulasso, au Burkina Faso voisin. C’était un gros investissement en temps et en fatigue pour l’animateur concerné, et un sérieux investissement financier de la part de la Province. Mais l’investissement et les fatigues en ont valu la peine, car nous comptons aujourd’hui six Togolais comme missionnaires d’Afrique, et deux seront ordonnés au mois de septembre de cette année 2017, ce qui fera au total alors huit missionnaires d’Afrique togolais. Comme la plupart des aspirants venaient du diocèse d’Atakpamé, c’est ce diocèse qui a été choisi comme lieu d’implantation.

Mais, nous ne voulions pas nous occuper uniquement de nos jeunes aspirants et de leur accompagnement. Nous voulions aussi mieux comprendre leur mentalité, connaître le milieu d’où ils provenaient, comprendre l’Eglise qui était la leur et, si possible, rendre service à cette Eglise. Nous ne voulions pas seulement recevoir de l’Eglise locale, mais nous voulions aussi lui donner quelque chose, et spécialement notre charisme missionnaire. C’est pourquoi, en négociant notre arrivée avec l’évêque du lieu, Mgr Nicodème Barrigah, nous lui avons demandé de nous confier une paroisse. Car, selon nous, la paroisse est le meilleur moyen de s’insérer dans un milieu, d’en connaître et d’en comprendre la mentalité, d’apprendre la langue et les us et coutumes de la population locale, de collaborer avec les prêtres diocésains et d’exercer notre charisme missionnaire. Ainsi, Mgr Barrigah nous a confié une localité du nom de Talo-Novissi, dans les faubourgs de la ville d’Atakpamé qui n’avait pas encore le statut de paroisse, mais qui était une communauté chrétienne qui avait vu le jour onze (11) ans avant notre arrivée. Depuis le 30 août 2013, Talo-Novissi a été érigé en paroisse sous le vocable de Notre-Dame d’Afrique.

Ecole maternelle

Comme il s’agissait d’une nouvelle fondation, beaucoup de choses étaient à faire. Nous n’avions pas de maison. Pendant quatre ans, nous avons logé dans une maison louée à quelques kilomètres en dehors de la paroisse. Il a donc fallu construire une maison. Le seul bâtiment qui se trouvait sur le terrain de la paroisse était une petite chapelle, sans portes ni fenêtres et qui, au cours de la semaine, faisait aussi office d’école primaire. Répondant à ce besoin important que nous n’avions pas prévu, nous avons construit une école primaire complète de six classes et une école maternelle de deux classes. Actuellement, nous sommes en train de construire l’église paroissiale.

Tous ces soucis matériels importants ne nous ont cependant pas déviés de l’objectif de notre mission : construire une communauté chrétienne missionnaire. Nous ne sommes pas venus au Togo pour construire des bâtiments, aussi nécessaires que ces bâtiments puissent être, mais pour construire des communautés chrétiennes qui soient du levain dans la pâte de ce milieu, encore fortement sous l’influence de la religion traditionnelle, surtout le Vaudou, et harcelé par de nouveaux mouvements religieux.

Les confrères travaillant à Atakpamé : Callistus Baalaboore, Théo Caerts, Ghislain Mbilizi.

Aussi, quelques mois après notre arrivée, et malgré des constructions déjà lancées, nous nous sommes mis à l’apprentissage de la langue locale, le éwé, outil pastoral indispensable. Puis, nous nous sommes engagés activement dans les Communautés Chrétiennes Catholiques de Base (CCCB) qui nous permettent chaque semaine de donner un éclairage sur les évangiles et la vie chrétienne. Malheureusement, beaucoup de chrétiens considèrent les CCCB comme une activité en plus, alors que tant d’autres mouvements et associations existent déjà. Dernièrement cependant, grâce à une meilleure sensibilisation, le nombre des participants aux réunions hebdomadaires a augmenté.

Le presbytère

Dans nos prédications dominicales, nous n’oublions pas la dimension missionnaire de l’évangile et sa nécessité pour une authentique Eglise du Christ. Nous avons réorganisé la catéchèse de manière à pouvoir plus facilement suivre la progression de chacun et de chacune, et nous nous efforçons d’imprégner les catéchumènes, jeunes, enfants et adultes, d’un esprit vraiment chrétien et d’une conviction chrétienne et missionnaire.

Une caractéristique de notre paroisse, de notre diocèse, et de l’Eglise du Togo toute entière, c’est l’existence de toutes sortes d’associations laïques, connues ici sous le nom de « congrégations » (Ste.Rita, Notre-Dame du Perpétuel Secours, St Antoine de Padoue, et autres) avec chacune sa spécificité, et dont les principales activités consistent dans des prières, spécialement des triduums et des neuvaines. C’est une activité pastorale tout à fait nouvelle pour nous, et nous n’avons pas encore réussi à nous y intégrer vraiment, étant donné que leurs réunions ne sont pas des réunions comme les autres, mais des réunions de prière, avec des prières spécifiques, qui se tiennent en plus très tôt le matin, à 4h ou à 5h.

La Chapelle Paula

Nous accordons une attention particulière aux jeunes, garçons et filles, pour leur donner une formation chrétienne de base solide. Mais, comme ils bougent beaucoup pour poursuivre leurs études en dehors de notre paroisse, il n’est pas facile de les avoir sous la main pour longtemps. Grâce à notre insertion paroissiale, nous avons aussi la chance de pouvoir participer aux réunions pastorales diocésaines et décanales, ce qui nous permet d’avoir de bonnes relations avec le clergé local et de pouvoir également partager avec eux nos différentes expériences missionnaires et nos points de vue sur certaines questions pastorales. Nous avons l’impression qu’ils apprécient notre présence et notre apport pastoral.

Nous rêvons, dès que nos soucis matériels de construction auront diminué, de manifester encore plus clairement notre spécificité missionnaire en créant des succursales, des « stations secondaires » comme on les appelle ici. Nous avons grande envie à ce que nos activités pastorales et nos différents engagements débordent largement le cadre de notre paroisse actuelle. En attendant, nous ne regrettons nullement d’avoir choisi la paroisse comme terrain d’atterrissage dans ce nouveau milieu !

Au nom de la communauté M.Afr. de Talo
Theo Caerts, M.Afr.

Alphonse BORRAS,
Quand LES PRETRES viennent à manquer,
Repères théologiques et canoniques en temps de précarité,
Médiaspaul 2017 – 203 pages – 17 €

Avec ce livre, Alphonse Borras, prêtre belge du diocèse de Liège, nous invite à un regard lucide sur le manque de prêtres au service des communautés chrétiennes. Pour lui, il ne faudrait pas stigmatiser ce manque. Car cela a été et est toujours encore une caractéristique permanente de notre Eglise. Face à la grandeur sans limite de l’amour de Dieu, nous serons toujours « en manque ». Et c’est « du cœur de ce manque qu’il nous faut communiquer l’Evangile. » (p.12) Il nous faut donc habiter ce manque qui est une interpellation pour notre foi, un chemin vers une spiritualité pascale pour traverser et assumer la situation.

Comment habiter ce manque ? Nous le savons, il nous faut des prêtres. Mais pour quelle mission ? demande l’auteur avec insistance (p. 47 et 194) S’agira-t-il d’attribuer des compétences qui permettront à d’autres de conférer les sacrements ? (p.43) L’auteur répond à cette question dans son chapitre 2, sur les repères théologiques. Il nous invite à ne pas considérer la prêtrise comme une fonction au service de la communauté mais comme un « être, une existence ». Nous sommes face à un sacerdoce d’existence plus radical qu’un sacerdoce de fonction (p.61). Le prêtre et tout ministre ordonné « représentent l’apostolicité du ministère ». Et c’est le curé qui peut inscrire ministères et services (des laïcs) dans l’apostolicité de l’Eglise (p. 81 & 92). Nous devons éviter une « dérive fonctionnaliste de communautés obnubilés par leur survie (p.88). Toute communauté doit vivre le mystère pascal, par « de nouvelles naissance ou renaissance dans la foi » (p. 90)

L’Eglise étant là où sont les baptisés, la paroisse est là où sont les paroissiens ! (p.64) mais nous devons le reconnaître, il y a une crise de la paroisse (p.104). Cependant, si la paroisse de type rural est en déclin, il y a d’autres réalités ecclésiales qui émergent, de nouvelles communautés qui se forment et qui peuvent devenir d’authentiques lieux d’Eglise (p.100 & 108). Il nous faut donc articuler une véritable communion entre ces différentes réalités, non pas en vue d’une administration plus efficace mais pour un meilleur rayonnement et vitalité de chacune de ces communautés. (p.110)

Le chapitre 4 veut envisager les cas de « précarité absolue en prêtres ». L’auteur nous lance alors un avertissement solennel : « Attention au risque de désacramentalisation de la direction ou de la conduite de l’Eglise » ou encore « l’érosion de la compréhension sacramentelle du ministère de présidence » (p.159). Pour pallier à ces éventualités, il envisage alors des solutions possibles :

Appel à des prêtres venus d’ailleurs. En une dizaine de pages, il souligne les problèmes éventuels que pourraient rencontrer les communautés locales, comme les prêtres allochtones. Parmi ceux-ci, il note : l’attention à la mémoire de l’Eglise locale, l’esprit démocratique, l’unité du presbyterium. L’auteur touche un peu trop brièvement un point important qui aurait besoin d’approfondissement. On pourra déjà consulter avec profit le « Document Episcopat n.1/2 – 2017 », intitulé ‘Les prêtres venus d’autres pays – typologies et enjeux’.

Une autre solution serait l’ordination des « viri probati » parmi lesquels les diacres permanents ont déjà une place de choix. Ceux-ci ont une triple fonction : Parole – Liturgie – Charité. En tant que tel, ils ne sont pas ordonnés comme Berger. Si donc on leur demande de prendre en charge la pastorale, il serait mieux de les ordonner prêtres. Il nous faut prendre garde de ce que l’auteur nomme « l’attraction de l’autel » qui nous ferait regarder les diacres comme des prêtres incomplets (p.175).

Concernant les « viri probati » non déjà diacre, on pourrait abolir le célibat ; mais souligne l’auteur « faudrait-il voir si tout le recommande ». Cela pourrait créer un préjudice à l’unité de l’Eglise, ce serait brader ou rejeter un acquis précieux. On peut alors admettre qu’il ne serait ni heureux ni opportun de remettre en cause la discipline commune (p.184). Malgré tout, en réponse aux besoins de l’Eglise (et non aux requêtes personnelles) on pourrait admettre des exceptions s’il y a urgente nécessité et évidente utilité (p. 185).

Alphonse Borras n’apporte pas de solutions précises. Mais il nous présente des éléments de réflexions en vue d’une solution. En cela, la lecture de son livre est très éclairante et fructueuse. Il nous interpelle dans notre foi. Il interpelle aussi plus spécialement les congrégations missionnaires qui peuvent contribuer à un meilleur accueil de ces « prêtres venus d’ailleurs » (ou d’autres pays) qui ne devront jamais être des « bouche-trous » ou des supplétifs mais de véritables partenaires dans un témoignage sacerdotal commun.

La conclusion du livre (p. 201 à 205) nous oriente vers l’avenir :

  • « Avec peu ou pas de prêtres, qui soutiendra l’élan missionnaire des catholiques ? – Il est difficile, éprouvant d’habiter le présent – Le futur est de soi à venir – Il nous sera donné en son temps. »
  • « La foi est un acte de confiance sans cesse à reprendre – Avoir le courage de l’avenir. »

Gilles Mathorel, M.Afr.  (article paru dans Petit Echo n° 1084)

Sous-catégories

Les informations sur nos maisons de formation datent de quelques années, et nous avons demandé aux responsables de ces maisons de nous donner des nouvelles plus récentes.
La première réponse reçue vient de Samagan, le noviciat près de Bobo-Dioulasso (lire la suite)

 

La deuxième réponse nous a été donnée par la "Maison Lavigerie", notre maison de formation à la périphérie de Ouagadougou, où les candidats ont leurs trois premières années de formation (lire la suite)