Les premiers pas de Wamkele Mene à la tête de la Zlecaf

| Par - à Johannesburg
Mis à jour le 30 novembre 2020 à 10h44
Wamkele Mene, secrétaire généra de la Zlecaf

Wamkele Mene, secrétaire généra de la Zlecaf © un.org

 

Selon le secrétaire de la Zone de libre-échange continentale africaine, le continent est toujours prisonnier d’un modèle économique colonial qu’il faut absolument restructurer.

La pandémie de Covid-19 a beaucoup ralenti les débuts du Sud-Africain Wamkele Mene, le premier secrétaire de la Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf).

« Jusqu’au mois d’août, 42 des 55 États africains étaient en confinement total ou partiel. Nous avons dû en tenir compte. Il n’était pas possible de faire avancer les choses dans ces circonstances », faisait-il valoir lors d’une visioconférence destinée à l’université du Witwatersrand, à Johannesburg, le 11 novembre. Ce qui explique que la première mise en œuvre de la Zlecaf ait été décalée de juillet 2020 à janvier 2021.

Le responsable se réjouit toutefois que son dossier continue de faire son chemin parmi les 54 pays signataires (seule l’Érythrée rechigne encore à ce jour).

« L’Angola vient de déposer son instrument de ratification de l’accord de libre-échange africain, ce qui l’engage juridiquement. C’est le vingt-neuvième à le faire », indique-t-il lors du même évènement virtuel. Le 12 novembre, le Nigeria, longtemps réticent, a emboîté le pas à Luanda en ratifiant également l’accord.

Négociateur chevronné

Après avoir été élu secrétaire général à la majorité des deux tiers – un mode de décision inhabituel pour l’Union africaine, qui privilégie le consensus –, Wamkele Mene a officiellement prêté serment le 19 mars à Addis-Abeba. Mais, Covid-19 oblige, le Sud-Africain ne s’est finalement installé dans ses bureaux de l’African Trade House à Accra qu’en août.

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NOUS AVONS BEAUCOUP D’OBSTACLES À FRANCHIR. MAIS LA VOLONTÉ POLITIQUE EST LÀ

« Je ne veux pas donner l’impression que mon travail va être facile. Il va être difficile, nous avons beaucoup d’obstacles à franchir. Mais la volonté politique est là, et davantage encore avec le Covid-19. Nos chefs d’État sont plus déterminés que jamais à mettre en œuvre cet accord de manière à accroître le commerce intra-africain et à réduire les obstacles au commerce », se réjouit-il.

Avec son expertise en droit commercial et son expérience de négociateur chevronné, le quarantenaire semble être le bon pilote pour la Zlecaf. Né et élevé dans la province du Cap-Oriental, près de Port-Elizabeth, Wamkele Mene, dont la langue maternelle est l’isiXhosa, a grandi à KwaNobuhle, un township à majorité noire de Uitenhage, foyer d’activisme antiapartheid, à l’ombre d’une gigantesque usine automobile de Volkswagen.

Il a obtenu une licence en droit à l’université de Rhodes, à Grahamstown, également au Cap-Oriental, avant de s’expatrier au Royaume-Uni pour y poursuivre ses études. À la prestigieuse London School of Economics (LSE), il a décroché un master en droit bancaire et réglementation financière tout en achevant un master spécialisé en économie internationale à la School of Oriental and African Studies (SOAS) à l’université de Londres.

Fin connaisseur de l’OMC

Il a ensuite fait carrière au sein du ministère sud-africain du Commerce et de l’Industrie, où il a notamment été directeur du commerce international et des investissements, ainsi que directeur général des relations économiques avec l’Afrique.

Wamkele Mene a également parcouru les travées de l’OMC, à Genève, en tant qu’ambassadeur adjoint à la mission permanente de l’Afrique du Sud. Durant cette période, il a présidé le comité du commerce international des services financiers de l’organisation, après avoir été élu à ce poste par plus de 130 gouvernements. Il a également été le négociateur en chef de l’accord de la Zlecaf pour son pays en 2016.

Ce parcours dans les arcanes du commerce international devrait être fructueux. Le mandat de secrétaire de la Zlecaf est en effet modelé sur celui de l’OMC. « Il s’agit d’aider les États membres à mettre en œuvre l’accord et à respecter les obligations qui en découlent. »

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UN PILIER TRÈS IMPORTANT DE NOTRE TRAVAIL EST LE DÉVELOPPEMENT INDUSTRIEL DE L’AFRIQUE

Les services de Wamkele Mene ont un rôle crucial à jouer dans le renforcement des capacités des administrations nationales. « Nous devons aider les signataires à remplir leurs obligations sanitaires et phytosanitaires. Nous comptons mettre en place les mécanismes nécessaires pour éliminer les barrières non tarifaires. Il nous incombe également de rendre opérationnelles des institutions telles que l’organe de règlement des différends », indique-t-il.

Développer un commerce intra-africain

Bien qu’il compare souvent la mission du secrétariat de la Zlecaf à celle du secrétariat de l’OMC, Wamkele Mene reconnaît qu’il y a des défis particuliers au continent. Pour le Sud-Africain, « le secrétariat doit en particulier trouver des moyens d’empêcher les usines du continent d’importer des biens – par exemple des chemises –, de réaliser des opérations à faible valeur ajoutée – comme coudre des boutons sur ces mêmes chemises – et de labelliser le produit mis en vente “Made in Africa” ». Et d’affirmer : « Un pilier très important de notre travail est le développement industriel de l’Afrique. »

Les 29 pays ayant ratifié l'accord Zlecaf.
Les 29 pays ayant ratifié l'accord Zlecaf. © Jeune Afrique

« Nous déplorons tous la faiblesse du commerce intra-africain – entre 15 % et 18 % des échanges entre États –, liée au fait que nous sommes trop dépendants de l’exportation de produits de base vers l’Europe principalement, et de quelques autres nouveaux marchés, essentiellement asiatiques, depuis peu », note encore le secrétaire de la Zlecaf, pour qui le continent est toujours prisonnier d’un modèle économique colonial.

Le Covid-19 a selon lui montré que cette dépendance aux exportations était excessive. Les couvre-feux et confinements sur le continent et dans ses marchés clés ont fait baisser la demande de produits de base africains. La dépendance à une seule chaîne logistique d’approvisionnement ou d’exportation, faute d’infrastructures alternatives de transport, a également été désastreuse.

Finalement, la Banque mondiale prévoit que 40 millions de personnes plongeront dans la pauvreté sur le continent en raison des difficultés économiques dues au coronavirus. « Nous devons restructurer fondamentalement l’économie africaine et la diversifier. Nous devons reconfigurer et revoir la façon dont nous établissons les chaînes de valeur de manière à ce que le continent soit plus autosuffisant », conclut le responsable, qui a donc beaucoup de pain sur la planche.