Comment Joseph Ratzinger est devenu Benoît XVI

Premier pape de l'ère contemporaine à renoncer volontairement au pontificat, Benoît XVI restera sans conteste le dernier pape intimement marqué par l'histoire tourmentée de l'Europe du XXe siècle.

Par Stéphanie Le Bars Publié le 11 février 2013 à 12h47 - Mis à jour le 11 février 2013 à 15h33

Temps de Lecture 8 min.

Le pape Benoît XVI lors de son élection le 19 avril 2005.
Le pape Benoît XVI lors de son élection le 19 avril 2005. AP/Domenico Stinellis

Premier pape élu au XXIe siècle, premier pape de l'ère contemporaine à renoncer volontairement au pontificat, Benoît XVI restera sans conteste le dernier pape intimement marqué par l'histoire tourmentée de l'Europe du XXe siècle. Témoin direct de la seconde guerre mondiale et de la montée du nazisme, acteur éminent de l'aggiornamento que constitua pour l'Eglise catholique le concile Vatican II (1962-1965), Joseph Ratzinger a vu le jour le 16 avril 1927, à Marktl-am-Inn, en Bavière (Allemagne).

  • Adolescent sous le IIIe Reich

C'est dans cette partie de l'Allemagne, davantage ancrée dans le catholicisme autrichien que dans le protestantisme prussien, que le futur pape a grandi. Cadet de trois enfants, Joseph Aloïs est élevé avec son frère Georg et sa sœur Maria dans une famille catholique traditionnelle et modeste, nourrie de culture autrichienne et française. Le jeune Joseph, passionné de musique et de Mozart, s'initie au piano, qu'il pratique tout au long de sa vie.

Imprégné de conservatisme bavarois, son père gendarme prend sa retraite à 60 ans tout juste pour ne pas servir sous le IIIe Reich, un régime qui "lui répugnait terriblement", racontera Joseph Ratzinger dans son autobiographie.

Dans cette famille pieuse, les deux frères rejoignent à quelques années d'intervalle le petit séminaire. Dès cette époque, le plus jeune, studieux et passionné par les livres, traduit des textes liturgiques. A 14 ans, Joseph, comme tous les adolescents allemands, est enrôlé dans les HitlerJugend, les Jeunesses hitlériennes. En 1943, il est affecté à la défense antiaérienne à Munich, puis un an plus tard rallie le service national du travail obligatoire. Arrêté par les Américains en 1945, il est rapidement libéré et retrouve le foyer familial.

Partie prenante de cette génération d'Allemands, irrémédiablement marqués par la culpabilité du régime nazi et de la Shoah, le cardinal Ratzinger qualifiera le nazisme de "domination du mensonge" et de "régime de la peur", en 2004, à Caen, lors des célébrations du débarquement allié. "L'enfer, c'est de vivre dans l'absence de Dieu", martèle-t-il alors. Une analyse plus théologique que politique qu'il accolera à l'ensemble des totalitarismes du XXe siècle et qu'il développera tout au long de son parcours spirituel.

  • Le théologien

Dans l'immédiat après-guerre, à 20 ans, il entre à la prestigieuse faculté de théologie de Munich, où il découvre les discussions sur l'interprétation des Ecritures. Loin d'être un exalté, il s'inscrit dans un classicisme alliant liberté intellectuelle et respect des dogmes fondamentaux de la foi chrétienne, prémices de son attachement à l'articulation entre la foi et la raison. Enthousiasmé par ses études théologiques et son travail de recherche, d'un tempérament plus intellectuel que mystique, il ne se décide pas naturellement pour la prêtrise. Il fait pourtant le choix de la carrière ecclésiastique et est ordonné en juin 1951, le même jour que son frère Georg.

Mais son peu de goût pour les activités pastorales se confirme, en même temps que s'impose son penchant pour les études. Pour son bonheur, après quelques mois seulement sur le terrain, il est nommé professeur au séminaire diocésain de Freising. Il y commence sa thèse de théologie sur "le concept de révélation chez Bonaventure", un disciple de Saint-Augustin, dont le futur pape est lui-même un grand admirateur. En 1959, il obtient la chaire de théologie fondamentale à l'université de Bonn, où il rejoint son frère et fait venir ses parents âgés.

Le professeur au concile Remarqué par son archevêque, le cardinal Joseph Frings, le jeune professeur va bientôt être associé aux travaux du concile Vatican II, qui près d'un siècle après Vatican I, entend faire entrer l'Eglise catholique dans la modernité. Le cardinal Frings, qui appartient au camp des réformateurs, fait de Joseph Ratzinger son conseiller théologique. Il se montre alors partisan de la "nouvelle théologie" développée en France et aux Pays-Bas.

Rapidement monté en grade, le professeur Ratzinger rejoint les dizaines d'experts, tels que Yves Congar, Henri de Lubac, Karl Rahner ou Hans Küng qui, durant les trois années du concile, dans l'ombre des cardinaux, préparent et amendent les textes conciliaires. Dans ce cadre, le jeune expert s'attèle au renouveau de la pensée théologique et travaille sur les textes consacrés aux sources de la Révélation de Dieu. Il participe aussi aux réflexions renouvelant les relations de l'Eglise catholique avec les juifs. Ces travaux déboucheront sur la déclaration Nostra Aetate, à l'issue du Concile en 1965. Joseph Ratzinger travaille également à une modernisation du Saint-Office, qui deviendra par la suite la Congrégation pour la doctrine de la foi. Vingt ans plus tard, Jean Paul II le nommera préfet de cette Congrégation, à la tête de laquelle Joseph Ratzinger passera 24 ans de sa vie, de 1981 à son élection en 2005.

Tout au long du concile, Joseph Ratzinger va aussi s'atteler à la réforme liturgique envisagée par les pères conciliaires pour moderniser des rites jugés par beaucoup surannés et archaïques. C'est sur ce point particulier que s'est fondée la réputation du professeur Ratzinger : entré "rénovateur" au Concile, il en serait sorti "conservateur", si l'on en croit ses critiques, émises dès 1966 lors du Katholikentag, sur les dérives observées dans la mise en place du "nouveau ritualisme". Dès cette époque, il déplore que la nouvelle liturgie se fasse au détriment d'une certaine " beauté", et parle de "malaise" et de "désenchantement" face aux effets de la réforme conciliaire.

Cette position, qu'il défendra par la suite tout au long de ses écrits et de ses propos le fera passer pour un nostalgique de l'ancienne liturgie, voire pour un proche des traditionalistes. Comme eux, il défendra d'ailleurs dans ses Mémoires l'idée selon laquelle "la crise de l'Eglise repose largement sur la désintégration de la liturgie". Il se dira effondré par la publication en 1970 du nouveau missel, issu des travaux du concile. Ces critiques n'en font pas pour autant un pourfendeur de Vatican II, comme l'en ont accusé certains de ses détracteurs ; cardinal, puis pape, il défendra toujours les progrès qu'a permis le concile en matière d'œcuménisme, de dialogue avec le judaïsme, puis plus récemment l'islam, ou dans le rapprochement de l'Eglise avec le monde moderne.

Durant le concile, sa carrière universitaire prend une nouvelle orientation : il accède à la chaire de dogmatique à l'université de Munster. En 1966, le théologien Hans Küng, qu'il connaît depuis 1957 et avec qui il a travaillé durant le concile, lui propose de venir enseigner à Tübingen. Les deux hommes, au départ tous deux "réformistes", ont divergé sur leur analyse des effets de Vatican II ; la proximité géographique va paradoxalement élargir le fossé intellectuel qui séparera les deux ex-amis jusqu'à la fin de leur vie.

Sur un tout autre plan, le dynamisme intellectuel de l'université de Tübingen, au cœur de la contestation du printemps 1968, ne convient pas au paisible professeur Ratzinger. Traumatisé par "la révolution marxiste" et "la ferveur athée" qu'il constate chez les étudiants, il renonce à enseigner à Tübingen. Il s'installe à Ratisbonne, où il rejoint une fois encore le cocon familial, auprès de son frère et de sa sœur. Il devient vice-président de son université. En 1977, à sa grande surprise, il est ordonné évêque de Munich, puis dans la foulée il est créé cardinal. Il a 50 ans.

  • Un cardinal à Rome

Dès son élection, en 1978, le pape Jean Paul II qui a côtoyé Joseph Ratzinger durant le concile, lui propose un poste à Rome. Le futur pape décline. Mais, toujours aussi peu à l'aise dans son rôle d'évêque-pasteur, il accepte en 1981 de prendre la tête de la congrégation pour la doctrine de la foi, un organisme central à Rome dont l'un des buts premiers est de défendre l'Eglise contre les hérésies et de "promouvoir et protéger la doctrine et les mœurs conformes à la foi dans tout le monde catholique". C'est à ce titre qu'il publiera une "Instruction sur certains aspects de la théologie de la libération" et qu'il condamnera certains de ses théologiens, jugés trop marxistes.

A ce poste, il devient l'un des hommes les plus influents de la curie et un des plus proches conseillers du pape, qu'il rencontre au moins une fois par semaine. Au fil des années, il va incarner le conservatisme doctrinal du pontificat de Jean Paul II. Le pape lui confiera la présidence de la commission pour la préparation d'un nouveau catéchisme de l'Eglise catholique. Ce travail, qui s'étalera sur cinq ans, résume les positions doctrinales et disciplinaires du catholicisme, dans la plus pure orthodoxie romaine. Il s'inscrit pour le cardinal Ratzinger dans son obsession de conserver l'unité de l'Eglise catholique.

A partir de 1988 et jusqu'au bout de ses forces, un autre dossier lié à ce souci d'unité ne cessera de l'occuper : le schisme intégriste provoqué par Mgr Lefebvre, en désaccord avec Rome sur les effets du concile Vatican II en termes d'œcuménisme, de liberté religieuse et de rites. Sur ce dernier point, le cardinal Ratzinger n'est pas loin de partager l'analyse des intégristes, et, dès la rupture lefebvriste, il est chargé par le pape de rallier les schismatiques. Ses efforts seront vains mais une fois élu pape, il relance avec force le chantier : dès 2007, un décret libéralise de nouveau la célébration de la messe en latin ; en 2009, il lève l'excommunication des quatre évêques ordonnés illégalement par Mgr Lefebvre en 1988. Pressé par le temps, il a alors 82 ans, il souhaitait régler ce schisme pour laisser derrière lui une Eglise catholique qui aurait retrouvé son intégrité.

La longue fin du pontificat de Jean Paul II l'impose peu à peu comme le vice-pape. A la mort du pape, son statut de doyen des cardinaux lui confère un rôle éminent dans l'organisation de la transition. Il préside la messe d'obsèques, suivie par un milliard de personnes. Et délivre dans son homélie précédant l'élection un résumé de sa pensée qui va faire date : "La petite barque de la pensée chrétienne a été souvent ballottée, jetée d'un extrême à l'autre : du marxisme au libéralisme, jusqu'au libertinisme ; du collectivisme à l'individualisme, de l'agnosticisme au syncrétisme. Posséder une foi claire, suivre le credo de l'Eglise est souvent défini comme du fondamentalisme. L'on est en train d'instaurer une dictature du relativisme qui ne reconnaît rien comme définitif."

Cette conception du monde et de l'Eglise semble agréer les électeurs. Après quatre tours de scrutin, le cardinal Ratzinger l'emporte face à l'évêque argentin Jorge-Maria Bergoglio. Le 19 avril 2005, à 78 ans, il devient le 265e pape de l'histoire.

Stéphanie Le Bars

Selon un sondage du Celebrity Post, une large majorité (74%) jugeaient mercredi 27 février 2019 au soir que  les rumeurs du décès du pape Benoît XVI étaient de très mauvais goût.

L'entourage aurait « démenti formellement » la mort du pape

La fausse information est ensuite reprise par quelques radios puis par des médias du monde entier. Ce n'est que tard dans la soirée de mercredi que le porte-parole du pape se serait fendu d'un communiqué laconique qui « dément formellement le décès du pape Benoît XVI ».

Les fans sont rassurés. Twitter est un outil d'information rapide, mais il faut être de plus en plus vigilant.