Bienheureuse Marie-Clémentine Anuarite Nengapeta

Religieuse Zaïroise et martyre

 

Anuarite naquit à Wamba (Rép. Dém. du Congo) le 29 décembre 1939. Anuarite rentra très jeune au couvent de Bafwabaka. Le 5 août 1959, elle fit ses premiers vœux. On lui donna le nom de Sœur Marie-Clémentine. Ses parents étaient présents à la cérémonie et offrirent deux chèvres comme cadeaux aux Sœurs pour témoigner de leur fierté de voir leur fille se consacrer au Seigneur.

En 1964, la rébellion muléliste éclata dans le pays. En l'espace de quelques semaines seulement, elle occupa une bonne partie du pays. Les rebelles (les Simba) étaient con-tre les Occidentaux et aussi contre les religieux autochtones parce qu'ils les soupçonnaient d'être complices avec les Occidentaux. Le 29 novembre 1964, ils arrivèrent au couvent de Bafwabaka et embarquèrent toutes les Sœurs, elles étaient 46, pour les amener à Wamba. L'explication donnée aux Sœurs pour ce déplacement forcé était qu'il fallait les amener dans un lieu de sûreté. Mais en cours de route, le camion changea de direction et amena les Sœurs à Isiro.

Cette nuit-là, toutes les Sœurs sauf Anuarite furent emmenées dans une maison, la "maison bleue." Un des chefs des Simba, le colonel Ngalo aidé par un soldat du nom de Sigbande, essaya de convaincre Anuarite de devenir sa femme. Saisie de peur mais courageuse, elle refusa catégoriquement, même après que les soldats, furieux devant ses refus répétés, l'isolèrent et la menacèrent de mort.

Pendant ce temps, les autres Sœurs qui étaient dans la "maison bleue" refusèrent de manger à moins que leur supérieure ne soit présente. Le colonel Pierre Olombe, prenant avec lui les Sœurs Banakweni et Marie Lucie, vint présenter la situation au colonel Ngalo qui, à son tour, sollicita son aide pour séduire Anuarite. Le colonel Olombe, très sûr de lui-même, accepta d'aider Ngalo.

Avec peine Anuarite prit un repas avec Mère Xavéria. Celle-ci mit du riz et des sardines dans l'assiette et elles y mangèrent à deux, à la demande d'Anuarite. Mais quand on leur apporta de la bière, Anuarite dit aux autres Sœurs de ne pas la boire car elles couraient toutes un danger mortel. Elle se déclara prête à mourir pour défendre sa virginité.

Le calvaire d’Anuarite
Le colonel Olombe s'approcha alors avec un groupe de Simba et ordonna aux Sœurs d'aller dormir. Il accepta qu'elles dorment dans la même chambre à condition qu'Anuarite reste. Très troublée et inquiète, Anuarite demanda alors à la mère supérieure de prier pour elle. Olombe essaya encore de convaincre Anuarite d'être la femme du colonel Ngalo. Puis il changea d'avis et voulut lui-même avoir Anuarite. Suite à ses refus catégoriques, il se mit à l'insulter mais Anuarite répliqua avec un air de défi.

Puis Olombe fit entrer Anuarite et Sœur Bokuma Jean-Baptiste -il voulait cette dernière pour lui-même- de force dans une voiture. Anuarite tenta de fuir, suivie de la Sœur Jean-Baptiste, quand le colonel alla chercher la clef de contact dans la maison. Mais il les attrapa et une lutte féroce s'ensuivit. Les mères Léontine et Mélanie, qui regardaient la scène, demandèrent au colonel Olombe d'avoir pitié des deux Sœurs. Mais le colonel, furieux, leur dit de se taire.

Le colonel Olombe se mit alors à frapper les deux Sœurs sans pitié. La Sœur Jean-Baptiste tomba évanouie, le bras droit cassé en trois endroits, mais Anuarite continuait à résister courageusement, répétant qu'elle préférait mourir plutôt que de commettre ce péché. Ses mots rendirent le colonel encore plus furieux.

À travers les coups, Sœur Anuarite eut la force de lui dire : "Je vous pardonne car vous ne savez pas ce que vous faites." Pris d'une nouvelle fureur, Olombe appela des Simba à son aide et donna l'ordre à deux d'entre eux de percer Anuarite de leurs baïonnettes à plusieurs reprises. Enfin Olombe prit son revolver et lui tira une balle dans la poitrine.

Le colonel Olombe sembla se calmer un peu et il dit aux Sœurs de venir prendre le corps d'Anuarite qui respirait encore faiblement. Celle-ci survécut encore quelques minutes avant de rendre l'âme à environ une heure du matin le 1er décembre 1964.

Anuarite fut enterrée dans une fosse commune avec d'autres condamnés exécutés par les Simba. Cependant, huit mois plus tard, on déterra son cadavre pour l'enterrer avec tous les honneurs dans le cimetière près de la cathédrale d'Isiro. En 1999, elle devint la première femme congolaise à être élevée au rang des saints par l'Église Catholique.

 

Révérend Yossa Way
Professeur de Théologie

 

 

Bienheureux Isidore Bakanja

Apôtre jusqu’à la mort

 

Isidore Bakanja, qui a donné sa vie pour la foi chrétienne, a vécu une vie simple comme catholique laïc au temps des atrocités qui ont été perpétrées par le régime du roi Léopold II dans l'État Libre du Congo. Il est né à Bokendela sur le Congo, au nord de la ville de Mbandaka (l'ancien Coquihatville). Son père et sa mère s'appelaient Iyonzwa et Inyuka.

Peu après sa majorité, il descendit la rivière jusqu'à Mbandaka pour chercher du travail : il devient maçon. Il reçoit, comme beaucoup d’autres, humiliations et brimades qu’il supporte avec beaucoup de patience. Bien vite, il gagne la confiance de ses maîtres et de ses camarades.

Pendant qu'il était à Mbandaka il rencontre des missionnaires catholiques trappistes de l'ordre de Cîteaux. Il a été instruit par ces derniers, et baptisé dans la paroisse de St Eugène, à Bolokwa-Nsimba, le 6 mai 1906. Plus tard, dans la même année, il fit sa première communion et a été confirmé. Bakanja vivait sa foi de manière très simple, et il portait toujours les deux symboles du chapelet et du scapulaire, qui lui étaient chers. Par la parole et les actions il attirait ses amis et ses connaissances à la foi chrétienne.

Bakanja a ensuite eu l'idée de rentrer dans son village pour travailler dans une plantation européenne. En dépit des avertissements de ses amis, il a trouvé du travail, à Busira, comme serviteur dans la maison d'un surveillant de la plantation qui s'appelait Reynders. M. Reynders, travaillait pour une société belge qui exploitait l’ivoire et le caoutchouc. Il l’apprécie beaucoup à cause de son travail, de sa courtoisie et de son honnêteté. Frappés par sa sagesse, beaucoup le choisissent comme catéchiste.

Deux cents coups de fouet
Quand Reynders a été transféré à Ikili, Bakanja l'y a accompagné. Là, le directeur de la plantation était un certain Van Cauter, qui était connu pour son opposition fanatique au christianisme et aux missionnaires chrétiens. Bakanja était très consciencieux dans son travail et il avait un rapport cordial avec Reynders. Reynders recommande à Isidore de dissimuler sa foi afin de ne pas s’attirer d’ennui. Il n’en tient aucun compte et, seul chrétien parmi les ouvriers, Bakanja partage le feu qui brûle en lui.
Van Cauter, par contre, était furieux quand Bakanja refusa d'enlever son scapulaire, et ordonna qu'on lui donne une fustigation sévère. Bakanja a accepté la punition injuste dans l'esprit de Jésus lors de sa passion.

Par la suite, Van Cauter vit Bakanja en prière lors d'une pause de travail et il devint furieux. Il ordonna de flageller Bakanja de plus de 200 coups avec un fouet en peau d’hippopotame garni de clous. On l'a ensuite enchaîné et enfermé. Le corps d’Isidore n’est plus qu’une plaie. Au bout d'un certain temps, on l'a relâché et on lui a ordonné d'accompagner Reynders à Isoko. Bakanja ne pouvait à peine marcher, et il s'est caché dans la forêt. Après trois jours, il a été découvert par un autre responsable, Dorpinghaus, qui venait inspecter les plantations. On a amené Bakanja jusqu'à un bateau sur la rivière, où il a reçu des soins pour ses plaies, qui commençaient déjà à se putréfier. Ses os à nu le faisaient souffrir atrocement.

À Ngomb'Isongo, à l'embarquement du bateau, on a trouvé qu'il était impossible d'arrêter l'infection. Mourant de septicémie, on a amené Bakanja à Busira pour qu'il reçoive les soins du catéchiste local. Il a aussi reçu la visite de deux missionnaires trappistes le 24 et le 25 juillet 1909, et a reçu les derniers sacrements de leur part. Il est mort le 15 août, en pardonnant et en priant pour son persécuteur.

Van Cauter, par la suite, a été poursuivi en justice par ses employeurs, et a reçu une peine de prison.

Le 25 avril 1994, Isidore Bakanja a été béatifié par le pape Jean-Paul II en présence de centaines d'évêques, de prêtres et de religieux qui étaient venus à Rome pour l'Assemblée Spéciale pour l'Afrique du synode des évêques.

 

Aylward Shorter M.Afr.

 Pris dans "Voix d'Afrique" n° 111