Décoloniser la mode : les textiles africains, une ode à une fierté retrouvée

Un temps écrasés par la prédominance du wax, désormais massivement importé de Chine, les tissus traditionnels africains ont le vent en poupe. Une nouvelle génération de créatrices et créateurs réinvente les formes traditionnelles créées aux quatre coins du continent par une multitude de peuples tisserands.

Par Jeune Afrique
Mis à jour le 1 septembre 2023 à 07:56
 
 

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© Photomontage : Jeune Afrique

 

À la question : « Quel est le tissu emblématique africain ? » Trop de personnes vous répondront : « Le wax. » Car si le tissu ciré inonde bien les marchés du continent, il n’a, au départ comme à l’arrivée, rien de très local. Importé à l’époque coloniale par les Néerlandais via leurs comptoirs indonésiens, d’où il est originaire, le batik est désormais produit en Chine, à bas prix et souvent sans cire. L’Afrique a pourtant la fibre textile dans la peau.

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Le continent a connu une multitude de peuples tisserands qui ont inventé des étoffes aux couleurs et aux motifs inimitables. Ces artisans virtuoses ont, au fil des siècles, fait des arts textiles un vecteur d’identité et de prestige pour chaque royaume et nation.

Assurer la relève

Raphia, écorce, teintures à l’indigo, à la boue ou au henné, métiers à tisser complexes… Depuis la colonisation, ces extraordinaires savoir-faire se sont tristement érodés. La majorité des filatures ouest-africaines, construites au moment des indépendances pour reprendre la production textile en main, n’a pas résisté à la dévaluation du franc CFA dans les années 1990. Pourtant réputé pour sa qualité, le coton local est aujourd’hui souvent tissé à l’étranger ou remplacé par de la rayonne (de la viscose), plus économique. À Kano, au Nigeria, les dernières teintureries à l’indigo des Haoussas qui faisaient encore de la résistance ne parviennent plus, aujourd’hui, à faire front face au déferlement de teintures chimiques.

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Face à ce déclin, une génération de créateurs et créatrices engagés s’est lancé le défi de rendre à la mode africaine ses lettres de noblesse. Le styliste camerounais Imane Ayissi, qui habille ses modèles de raphia et de kente, est le premier créateur noir à être entré, en 2020, dans les défilés haute-couture. En janvier 2021, Virgil Abloh avait puisé dans ses origines ghanéennes pour, lui aussi, faire monter le kente sur le podium de Louis Vuitton.

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I.AM.ISIGO à Lagos, Accra et Nairobi, LaurenceAirline à Grand-Bassam, L’Artisane ou NuNu Design by DK à Dakar sont autant de jeunes marques qui, à travers leurs collections, célèbrent les traditions en faisant appel à cet artisanat local oublié et en utilisant des méthodes plus humaines et durables. Après avoir fait porter de l’aso oke, un tissu yoruba, à Naomi Campbell ou Timothée Chalamet, le styliste nigérian Kenneth Izedonmwen a proposé pour sa collection automne 2023 un audacieux mélange entre patrimoine local et vêtements recyclés. La relève est assurée.

 

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