La crise laitière européenne menace l'Afrique de l'Ouest

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La région UEMOA plus la Mauritanie, le Tchad et le Nigeria, produisent plus de 6 millions de litres de lait par an. (Image d'illustration)
La région UEMOA plus la Mauritanie, le Tchad et le Nigeria, produisent plus de 6 millions de litres de lait par an. (Image d'illustration) ©care.dk

Plusieurs ONG européennes et africaines craignent une aggravation de la concurrence du lait en poudre européen à la production locale en Afrique de l’Ouest. Une menace qui plane sur la filière dans les prochains mois, à cause de la crise du secteur en ce moment en Europe. La filière laitière en Afrique de l’Ouest pourrait donc être doublement pénalisée.

La crise laitière en Europe ne date pas d’hier. Les surproductions se sont aggravées depuis 2015 avec la fin des quotas qui limitait la production. La pandémie du nouveau coronavirus a amplifié une crise structurelle. Pascal Erard, responsable du plaidoyer du Comité français pour la solidarité internationale.

« Cette nouvelle crise vient prolonger celle du passé. Elle est liée au fait que la fermeture d’un certain nombre de marchés, comme la restauration collective, a limité l’utilisation de produits laitiers et qu'il faut trouver une solution pour les éleveurs laitiers européens et français. Il y a différentes propositions qui sont faites, comme par exemple limiter la production ; mais il y a aussi une proposition qui a été adoptée finalement par la Commission européenne, qui est de stocker le lait, le beurre et le fromage. »

Cette solution du stockage inquiète particulièrement les organisations européennes et africaines signataires du plaidoyer. Hindatou Amadou, coordinatrice de la campagne, « Mon lait est local » en Afrique de l’Ouest, une région qui absorbe aujourd’hui 20% des exportations européennes de lait en poudre.

« Cette situation va influencer la production laitière en Afrique de l’Ouest, en ce sens que, qui parle de stockage parlera de déstockage de ces quantités-là, pour lesquelles il faut chercher des débouchés et (la destination convoitée) c’est vers l’Afrique de l’Ouest. Donc, nous voyons se pointer à l’horizon des problèmes pour la filière lait local, qui peine déjà à survivre. »

Le lait en poudre exporté d’Europe arrive en Afrique de l’Ouest à des prix très bas pour diverses raisons, notamment parce qu’il est vendu en dessous de ses coûts de production grâce aux subventions de la politique agricole commune. La crainte donc d’une exacerbation de la concurrence, qui est déjà très forte contre la production laitière locale en Afrique de l’Ouest. Comme ailleurs, la filière laitière subit les conséquences de la crise sanitaire actuelle, témoigne Sidibé Moumouni, propriétaire de la laiterie Kossam de l’Ouest près de Bobo Dioulasso au Burkina Faso

« Le couvre-feu déjà a beaucoup joué sur nous, parce qu’il se trouve que nos clients sont des boutiquiers ouverts jusqu’à minuit et une heure, qui n’arrivent plus à atteindre ces heures parce qu’il y avait le couvre-feu à partir de 19 heures, alors que c’est le moment où les fonctionnaires qui rentrent de leur travail font les achats. Il y a eu encore la mise en quarantaine de certaines villes du Burkina Faso. Bobo Dioulasso était concernée et nous on est dans cette région. Donc, ça nous a causé énormément de difficultés ; on est toujours dedans mais ça commence à aller. »

Sur treize commerciaux qui déposent habituellement les produits de la laiterie Kossam de l’Ouest dans les boutiques clientes, seuls les trois qui fournissent la région de Bobo Dioulasso ont continué leurs tournées au mois de mars et une partie du mois d’avril. Pour le mois de mars, la laiterie Kossam de l’Ouest a enregistré une perte de six millions de francs CFA, soit plus de 9 000 euros.

 
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