Missionnaires d'Afrique

Geoffrey Riddle M.Afr.
Tanzanie

L’annonce de l’Évangile de personne à personne


Le Petit Écho n° 1049 a publié un article très utile de Gérard Chabanon, “Lien entre dialogue et annonce de l’Évangile”, comme nous avons à les pratiquer tous deux. Le document du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux, Dialogue et Proclamation (D&P), mai 1991, nous en avait déjà parlé de manière approfondie.

Au motif de donner “une explication... de la raison de votre espérance”, le document du Conseil pontifical en ajoute un autre, trouvé dans les quatres Évangiles :?faire des disciples de toutes les nations (#55). Je pense que tout chrétien accepte que l’on ne puisse pas être pleinement disciple de Jésus sans croire qu’il est Dieu. Plus loin, D&P traite des obstacles à la proclamation, #72ss, l’un d’eux étant l’effort d’entrer en action avec ou sans “rencontre” planifiée.

Dans Evangelii Gaudium du Pape François, j’ai trouvé, dans la section “l’annonce de l’Évangile” qu’il approuvait et encourageait quelque chose que j’ai essayé de réaliser récemment, à savoir l’approche de personne à personne. Je vous offre ici ses propos.

De personne à personne
#127. Maintenant que l’Église veut vivre un profond renouveau missionnaire, il y a une forme de prédication qui nous revient à tous comme tâche quotidienne. Il s’agit de porter l’Évangile aux personnes avec lesquelles chacun a à faire, tant les plus proches que celles qui sont inconnues. C’est la prédication informelle que l’on peut réaliser dans une conversation, et c’est aussi celle que fait un missionnaire quand il visite une maison. Être disciple, c’est avoir la disposition permanente de porter l’amour de Jésus aux autres, et cela se fait spontanément en tout lieu : dans la rue, sur la place, au travail, en chemin.

#128. Dans cette prédication, toujours respectueuse et aimable, le premier moment consiste en un dialogue personnel, où l’autre personne s’exprime et partage ses joies, ses espérances, ses préoccupations pour les personnes qui lui sont chères, et beaucoup de choses qu’elle porte dans son cœur. C’est seulement après cette conversation qu’il est possible de présenter la Parole, que ce soit par la lecture d’un passage de l’Écriture ou de manière narrative, mais toujours en rappelant l’annonce fondamentale : l’amour personnel de Dieu qui s’est fait homme, s’est livré pour nous et qui, vivant, offre son salut et son amitié. C’est l’annonce qui se partage dans une attitude humble, de témoignage, avec la conscience que le message est si riche et si profond qu’il nous dépasse toujours. Parfois, il s’exprime de manière plus directe, d’autres fois à travers un témoignage personnel, un récit, un geste, ou la forme que l’Esprit Saint peut susciter. Si cela semble prudent et si les conditions sont réunies, il est bon que cette rencontre fraternelle et missionnaire se conclue par une brève prière qui rejoigne les préoccupations que la personne a manifestées. Ainsi, elle percevra mieux qu’elle a été écoutée et comprise, que sa situation a été remise entre les mains de Dieu, et elle reconnaîtra que la Parole de Dieu parle réellement à sa propre existence.

#129. Il ne faut pas penser que l’annonce évangélique doive se transmettre toujours par des formules déterminées et figées, ou avec des paroles précises qui expriment un contenu absolument invariable. Elle se transmet sous des formes très diverses qu’il serait impossible de décrire et de cataloguer, dont le peuple de Dieu, avec ses innombrables gestes et signes, est le sujet collectif. Par conséquent, si l’Évangile s’est incarné dans une culture, il ne se communique pas seulement par l’annonce de personne à personne. Cela doit nous faire penser que, dans les pays où le christianisme est minoritaire, en plus d’encourager chaque baptisé à annoncer l’Évangile, les Églises particulières doivent développer activement des formes, au moins initiales, d’inculturation. En définitive, on doit tendre à une prédication de l’Évangile exprimée par des catégories propres à la culture où il est annoncé, ce qui provoque une nouvelle synthèse avec cette culture. Bien que ces processus soient toujours lents, parfois la crainte nous paralyse. Si nous laissons les doutes et les peurs étouffer toute audace, il est possible qu’au lieu d’être créatifs, nous restions simplement inactifs, sans provoquer aucune avancée. Dans ce cas, notre non-coopération, fera de nous de simples spectateurs d’une stagnation stérile de l’Église.

Mon expérience de rencontre missionnaire
De temps en temps, je sors pour une petite promenade. En ces jours, je me sens assez rapidement fatigué. Je cherche alors une place où m’asseoir. Il y en a beaucoup dans le centre-ville. J’essaie d’en trouver une près d’une autre personne qui se repose aussi, généralement un homme. Je le salue de manière plaisante et, ensuite, je me réfère à la température du moment ou, peut-être, au coût actuel élevé de la nourriture.

Après l’un ou l’autre commentaire de sa part, je décline mon identité de prêtre, et je parle de ma résidence. Il fera habituellement de même, déclinant au moins son nom. S’il est musulman, je dirai que j’ai beaucoup d’amis musulmans et que j’ai participé à quelques importantes réunions musulmanes. Je lui dis que j’ai une grande estime de l’islam : l’appel matinal quotidien, depuis les mosquées, à se tourner vers Dieu, la manière de s’agenouiller en soumission à Dieu (pause) puis, et c’est authentique, je dis avoir lu le Coran du début à la fin et qu’il affirme de belles choses au sujet de Jésus et de Marie, par exemple.

Je dis que je me les rappelle en lisant le petit livre que je sors de la poche de ma chemise, une copie de l’Évangile selon saint Marc. Je jette tranquillement un coup d’œil sur une ou deux pages, mais je ne le lui offre pas ! Je continue un petit moment et, s’il n’a pas demandé à le regarder, je le remets en poche. S’il demande à y jeter un coup d’œil, je le lui passe. S’il demande si je peux le lui laisser, je le lui donne. Après une pause, je commence à parler des matchs de football en ville.

Jusqu’à présent, j’ai vécu cela avec trois hommes, tous musulmans. Deux d’entre eux ont demandé la copie de l’Évangile selon saint Marc et je la leur ai donnée. Le troisième a dit qu’il voudrait parler davantage avec moi. Si quelques-uns de nous essayaient cela, avec respect, amour et attention, cela serait clairement dans la ligne du pape François. Mon objectif principal est d’aider le musulman à dire : “Maintenant, j’ai vu que Jésus de Narareth est Dieu”.

Geoffrey Riddle M.Afr.

Tiré du Petit Echo N° 1053 2014/7