Tilman Nagel. Mahomet. Histoire d’un Arabe. Invention d’un Prophète, Genève, Labor et Fides, 2012.

Le titre est provocateur ! La faute reviendrait-elle au traducteur qui a choisi la forme ancienne (mais correcte) de qualifier celui qui est de plus en plus désigné par le mot transcrit de “Muhammad” ? C’est un sujet polémique de plus qui entourera cet ouvrage.

L’auteur est allemand, professeur de langue et culture arabes, membre ordinaire de l’Académie des Sciences de Göttingen. De 1981 jusqu’à 2007, il a occupé la chaire d’arabe et d’islamologie de l’Université de Göttingen. Un des mérites de cet ouvrage est de nous faire découvrir, fut-il par traduction interposée, la recherche germanique sur l’islam.

La thèse de cet auteur n’est pas nouvelle, ni au regard de l’islam ni à celui des autres religions : entre le personnage historique et le personnage idéalisé par la foi, il y a un écart creusé par la Tradition et les premières générations de croyants. C’est le sens du sous-titre. Mais trop souvent, selon l’auteur, la piété musulmane n’a pas conscience de cette dualité. Tout le travail de l’historien consistera à démêler cet écheveau, à restituer le Mahomet historique dans son contexte social, culturel et religieux, et à montrer comment et dans quelles circonstances s’est formée la figure idéalisée de Mahomet, cette figure qui joue un rôle si central dans l’islam, aujourd’hui comme au VIIIe siècle.

L’auteur cherche à prouver sa thèse. Il utilise la chronologie classique de l’ordre de révélation des sourates, les sources musulmanes, et place les textes dans le contexte de leur révélation, tout en faisant abondamment recours aux généalogies, aux conséquences des alliances entre clans ou de celles issues des mariages contractés par Mahomet. Il souligne l’importance des règles coutumières préislamiques (une des originalités de cet ouvrage !), et aussi l’analyse littéraire et la méthode historico-critique (se référer aux annexes, p. 317-340, qui précédent les tableaux généalogiques, les cartes et la chronologie),

Que l’on soit, après lecture, acquis ou pas à la thèse du Pr. Nagel, force est de constater qu’il a eu le courage d’entreprendre une tâche fort délicate et qu’il s’y est attelé avec rigueur scientifique, sans animosité et loin des querelles passionnées qui entourent toute figure religieuse. Il faut au moins lire le livre (de préférence avec un cahier à côté, car le texte est très dense) avant de conclure que l’auteur n’a pas réussi son pari.

José M. Cantal Rivas