Côte d’Ivoire : Toikeusse Mabri contesté au sein de son propre parti

| Par - à Abidjan
Albert Mabri Toikeusse, à Paris, en juillet 2015.

L’Union pour la démocratie et la paix en Côte d’Ivoire (UDPCI) d’Albert Toikeusse Mabri est en crise. Alors que ce dernier laisse planer le doute sur ses intentions à l’approche de la présidentielle d’octobre, certains cadres du parti ont déjà apporté leur soutien à la candidature d’Amadou Gon Coulibaly.

Depuis Zouan-Hounien, son fief de l’Ouest montagneux, Albert Toikeusse Mabri suit de près, ce samedi 5 juillet 2020, le conclave qui se tient à plusieurs centaines de kilomètres de là, à Yamoussoukro. Emmenés par Laurent Tchagba, son ex-bras droit par ailleurs ministre de l’Hydraulique, près de 150 cadres et responsables de l’Union pour la démocratie et la paix en Côte d’Ivoire (UDPCI) y sont réunis. À l’issue de la journée, le président de l’UDPCI n’a pas été destitué, comme cela a un temps été envisagé, mais les participants ont affiché un clair soutien au Rassemblement des Houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP) et à son candidat à la prochaine élection présidentielle, le Premier ministre Amadou Gon Coulibaly. Alors quand on lui demande ce qu’il en pense, Toikeusse Mabri n’a qu’une réponse, énigmatique : « Dieu est au contrôle. »

De fait, depuis le 12 mars dernier, l’UDPCI est dans une position délicate. Ce jour-là, alors que le RHDP (auquel appartient l’UDPCI) faisait de Gon Coulibaly son candidat, Toikeusse Mabri avait clairement manifesté son désaccord. Un mois plus tard, il était limogé de son poste de ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique – portefeuille qui lui avait été confié en juillet 2018.

Depuis, le parti est divisé entre les partisans de la candidature de Gon Coulibaly et ceux qui soutiennent une probable candidature de Toikeusse Mabri. Ce dernier a depuis longtemps affirmé qu’il souhaitait briguer la magistrature suprême en octobre prochain. « Oui, je serai candidat, nous avait-il confié dès le mois de juillet 2017. L’UDPCI m’a demandé dès 2013 de me préparer pour l’élection présidentielle de 2020, et j’ai donné mon accord. » Il n’a depuis pas officialisé son ambition, mais il n’a pas non plus fait marche arrière.

Échec des négociations

Les négociations tentées tout début mai pour le ramener au sein de la famille RHDP ont par ailleurs échoué, en dépit de l’implication personnelle de l’imam Cheick Boikary Fofana, l’influent président du Conseil supérieur des imams, des mosquées et des affaires islamiques en Côte d’Ivoire (Cosim), décédé le 18 mai dernier. Malgré des tractations et des pressions, Albert Toikeusse Mabri a refusé de rentrer dans le rang, autrement dit d’apporter un franc soutien au candidat du RHDP et de mettre les activités de l’UDPCI en sommeil.

« Nous continuerons à tout mettre en œuvre pour le convaincre de prendre sa place de deuxième vice-président au sein du RHDP, auprès de son frère Amadou Gon Coulibaly pour qu’ils travaillent en équipe, comme le souhaite le président de la République, Alassane Ouattara », a malgré tout assuré Laurent Tchagba, le 5 juillet à Yamoussoukro.

Comme Laurent Tchagba, plusieurs cadres influents de l’UDPCI ont rallié la candidature du Premier ministre. C’est le cas de Clarisse Mahi, directrice générale adjointe de la Caisse nationale de prévoyance sociale (CNPS), ou du député Kouadio Séraphin Yao, vice-président de l’Assemblée nationale.

Une poignée de fidèles

Mais Toikeusse Mabri peut toujours compter sur une poignée de fidèles. Parmi eux, la députée Évelyne Kpon Tally ou Jean Blé Guirao, l’ancien responsable de la jeunesse de l’UDPCI, formé à la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire (Fesci) et rompu aux combats politiques. Ce dernier a été de tous les combats menés par le président du parti.

Car ce n’est pas la première fois que l’UDPCI, fondée en 2001 par le général Robert Gueï – tué en 2002, lors du coup d’État avorté – est menacé d’implosion. Sous Laurent Gbagbo déjà, plusieurs cadres avaient vainement tenté d’arracher le parti à Toikeusse Mabri après s’être rapprochés du Front populaire ivoirien (FPI, alors parti présidentiel).

Mais il ne faut pas s’y méprendre : l’UDPCI n’est pas le seul parti dont les divisions internes sont ainsi exposées. Plusieurs formations appartenant au RHDP font face à des dissidences. L’Union pour la Côte d’Ivoire (UPCI) est aujourd’hui scindé en deux. Les partisans de son président, Brahima Soro, s’opposent aux frondeurs emmenés par Yacou Sidibé.

Multiples dissidences

Le Mouvement des forces d’avenir (MFA) est, quant à lui, divisé en trois : Innocent Anaky Kobena, son fondateur, Anzoumana Moutayé et le secrétaire d’État Siaka Ouattara en revendiquent chacun la présidence.

Au sein de l’UDPCI, qui est bien implanté dans l’ouest de la Côte d’Ivoire, Toikeusse Mabri semble pouvoir compter sur le soutien de sa base. Mais cela lui permettra-t-il de conserver encore longtemps la présidence du parti, et ce dernier peut-il éviter l’implosion ? Cela reste à prouver.