[Tribune] Comment l’Algérie peut aller de l’avant

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Président du cercle d'action et de réflexion autour de l'entreprise (Care)

L'Assemblé nationale algérienne

Victime de violents chocs coup sur coup, l’Algérie doit prendre un tournant radical si elle veut se relever économiquement.

Le gouvernement algérien est dans la position la plus inconfortable que l’on puisse imaginer dans l’histoire d’une nation. Il doit réformer un pays qui a vécu trois crises successives : un choc économique dû à la chute des cours du pétrole à la mi-2014 et à une mauvaise gouvernance qui se poursuit et dont on ressent encore les effets avec le creusement des déficits publics et des crispations dans la gestion des affaires du pays ; une crise de gouvernance, en 2019, qui a entraîné le départ du président Bouteflika et porté un coup d’arrêt aux grands acteurs économiques nationaux ; un dernier choc, le plus récent, provoqué par les conséquences de la pandémie de coronavirus.

Face à cette superposition de crises d’une complexité inouïe, le pouvoir et l’administration algériens affichent la volonté, certes tardive, de prendre un nouveau virage. Plusieurs bons mais timides signaux sont envoyés avec le projet de loi de finances complémentaire, qui doit être prochainement examiné par les députés.

Mesures clés

Le premier est la reconnaissance, même si l’on sent la tentation de s’en dédouaner, de la gabegie des années Bouteflika. Le deuxième est la levée de plusieurs points bloquants pour les entreprises nationales et internationales, dont l’assouplissement de la règle 51/49 et la suppression du droit de préemption de l’État. Ce sont des mesures clés pour assurer le retour des investissements directs étrangers (IDE).

Troisième signal fort, la prise de conscience du retard colossal de l’Algérie en matière de digitalisation, dans le secteur public comme dans le privé, et la nécessité d’un plan pour redresser la barre.

Si c’est l’esquisse d’un premier pas vers d’ambitieuses réformes, on est en droit de se demander si l’administration dispose de l’intelligence et des compétences pour y parvenir. Elle pourra certes s’appuyer sur des forces vives et des expertises, et il n’en manque pas, venant du monde universitaire et de la diaspora, mais aussi du secteur privé. Pour ce faire, les entrepreneurs doivent s’émanciper complètement du pouvoir, c’est-à-dire perdre cette habitude de se contorsionner pour voir leurs droits respectés et obtenir des réformes. In fine, un tel processus suppose de nouer un véritable dialogue national. Nous n’y sommes malheureusement pas encore.

Les réformes manquent d’une cohérence globale

Cet échange sera d’autant plus nécessaire que les réformes, en l’état actuel, ne suffiront pas. Engagées dans une situation d’urgence et dans un certain affolement, elles manquent d’une cohérence globale. S’il faut évidemment redémarrer la machine économique sans tarder, il est impossible, pour réussir, de se passer de l’élaboration d’une vision pour le pays. La Malaisie a axé son développement sur l’essor de l’industrie électronique, le Costa Rica a choisi de devenir un « pays vert », la France se positionne sur l’excellence dans le luxe, la gastronomie, le terroir. Quid de l’Algérie ? Elle ne peut rester un simple comptoir où l’on vient acheter et vendre des produits.

Travail de marketing

Sans un travail de marketing sur le pays, impossible de répondre à la question, impossible de changer l’image de l’Algérie à l’étranger, impossible d’ériger en priorité les secteurs où concentrer les investissements et les savoir-faire locaux à développer pour diversifier l’économie.

Un exemple simple – il y en a beaucoup d’autres – mais parlant : avec le caroubier, plante très recherchée par l’industrie pharmaceutique et agroalimentaire, l’Algérie dispose d’un atout, certes modeste au regard du volume d’activité, mais lui permettant de s’inscrire dans certaines chaînes de production mondiales et d’y apporter sa valeur ajoutée. C’est un savoir-faire à soutenir mais pas forcément via des aides fiscales.

En parallèle de ce travail, et avant de solliciter la moindre aide extérieure, l’Algérie doit remettre de l’ordre dans ses comptes publics, en commençant par identifier les domaines dans lesquels faire des économies. Les entreprises publiques coûtent trop cher. Les systèmes de sécurité sociale et de retraite sont plombés par les déficits. Aussi, il convient de mesurer l’impact des réformes menées pour s’assurer de leur efficacité, une pratique qui devra se généraliser pour les réformes futures.

Un plan de développement adossé à une vision

Une fois ce processus engagé, et une fois seulement, nous pourrons nous tourner vers l’endettement international, si nécessaire. J’insiste : il ne sert à rien de solliciter de l’argent auprès du FMI ou d’autres institutions si nous n’avons pas, auparavant, rationalisé le budget et défini un plan de développement adossé à une vision.

En outre, plus que d’un soutien financier, c’est d’un appui technique dont devrait davantage bénéficier l’Algérie. Une expertise pour, entre autres, mettre fin aux subventions publiques de façon progressive, pour protéger la population et le tissu industriel, pour accompagner les projets clés sur le moyen terme et le long terme. Pour enfin se débarrasser de ce qui a si longtemps entravé toute marche en avant du pays.

 
 
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