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Mayotte : opération Wuambushu, les grands moyens

Reportage 

L’opération Wuambushu, « reprise » en mahorais, a officiellement débuté ce lundi 24 avril à Mayotte, avec pour but l’expulsion d’un grand nombre de Comoriens en situation irrégulière. La population est partagée entre l’espoir suscité par cette mobilisation et la crainte qu’elle ne génère encore plus de violences.

  • Cyril Castelliti et Louis Witter (correspondance particulière), 
Mayotte : opération Wuambushu, les grands moyens
 
Dans le quartier d’habitats informels de Majicavo à Mayotte, le 24 avril. Des gendarmes sont déployés pour « sécuriser le quartier »LOUIS WITTER / LE PICTORIUM POUR LA CROIX

Une voiture s’arrête, puis deux, entre les vastes étendues de végétation qui tapissent les hauteurs du 101e département français. Les automobilistes baissent leurs vitres et se questionnent, « Excusez-moi, la route est bloquée ? » Un habitant avance vers eux à pied pour leur déconseiller d’aller plus loin : tôt dans la matinée, sur la route de Vahibé qui traverse Mayotte d’est en ouest, des jeunes des environs ont dressé plusieurs barrages avec des cailloux et des troncs d’arbres. « Ils ne disent que “Wuambushu, Wuambushu, ils vont détruire nos maisons”… Je n’ai pas pu les raisonner », raconte l’habitant.

Une centaine de mètres plus loin, postés en surplomb des petites maisons de tôle, deux agents casqués et équipés de lanceurs de grenades lacrymogènes tiennent à distance un petit groupe qui s’agite en contrebas. Quand ils repartent après de longues minutes, une dizaine d’adolescents, tee-shirts noués autour du cou en guise de cagoules, sortent des ruelles. L’apparition furtive suffit à provoquer la crainte des adultes alentour, preuve du fort sentiment d’insécurité qui pèse dans les esprits des habitants de l’île.

Entre crainte et espoir

Autre secteur soumis à des violences ce lundi 24 avril : la commune de Tsoundzou, au sud de Mamoudzou. Ici, des groupes de jeunes affrontent les forces de l’ordre depuis trois jours. C’est ce lieu emblématique qu’a choisi le préfet de Mayotte, Thierry Suquet, pour la conférence de presse de lancement de l’opération d’expulsion massive d’étrangers en situation irrégulière, lundi en début d’après-midi. « Quand le gouvernement dit qu’on se bat contre la délinquance à Mayotte, ça se passe d’abord dans ces quartiers-là », martèle-t-il, avant d’être interrompu par une habitante du quartier qui saisit les micros : « On a détruit ma maison ! Vous n’avez pas été capables de nous protéger. Ça suffit maintenant. J’ai rien fait à personne », hurle-t-elle face aux caméras. « Cette dame a raison d’être en colère, car sa maison a été brûlée par des voyous et des délinquants. Ce qu’on a fait cette nuit, c’est protéger des gens comme elle », reprend le préfet.

 

Mayotte : opération Wuambushu, les grands moyens

Si la crainte d’une multiplication des affrontements est palpable, beaucoup de Mahorais gardent espoir quant au succès de l’opération Wuambushu. À commencer par les élus et les collectifs villageois mobilisés contre l’immigration clandestine« Mayotte avait besoin d’un effort supplémentaire de la part de l’État pour lutter contre ces guérillas urbaines », juge Safina Soula, présidente du Collectif des citoyens de Mayotte 2018. Elle se dit « favorable à 200 % » à cette intervention inédite, pensée par le ministre de l’intérieur Gérald Darmanin et ses services et validée en conseil de défense par le président de la République lui-même.

Le but affiché de ce déploiement massif de forces de l’ordre : raser plusieurs zones touchées par l’habitat insalubre, reloger les Français et étrangers en situation régulière, mais arrêter et expulser les étrangers en situation irrégulière. Pour y parvenir, un renfort de quelque 500 policiers et gendarmes est sur le qui-vive jour et nuit. Ce dimanche, des effectifs de la CRS 8 et du Raid ont même été déployés pour faire revenir provisoirement le calme à Tsoundzou. Dans la soirée, des maisons ont été prises pour cibles dans la commune, visées par de nombreux jets de pierres.

Des Français dans les bidonvilles

Plus au nord, à Majicavo, des gendarmes sont également déployés aux pieds du quartier de Talus 2. Mais ici, ni boucliers ni casques ne sont visibles. « Nous ne faisons que sécuriser la zone », affirme un jeune officier. Dans ce quartier de cases en tôle où vivent de nombreux Français et étrangers en situation régulière, des voix s’élèvent pour dénoncer le manque de solutions de relogement. « Ils proposent des contrats de trois mois. Mais après, les gens, ils vont faire quoi ? », s’interrogeait samedi « Stick », un jeune habitant du quartier. Au cœur des inquiétudes : la crainte de se retrouver à la rue et exposé à la violence, qui augmente inexorablement dans le département.

 

Mayotte : opération Wuambushu, les grands moyens

Chez les plus jeunes, dont les parents ne sont pas toujours en situation régulière, l’angoisse de voir leur famille expulsée est également présente. « Je suis née et scolarisée à Mayotte. Si on expulse ma mère aux Comores, qui va s’occuper de moi et de ma sœur ? », s’inquiétait Talila, une jeune fille du même quartier. Une peur partagée par de nombreux foyers de l’île, qui angoissent à l’idée d’assister à l’augmentation du nombre des mineurs isolés, lesquels sont régulièrement pointés du doigt comme les principaux acteurs de la délinquance sur le territoire.

Quelques kilomètres plus loin dans la commune de Koungou, un arrêté municipal a été placardé dimanche par les services de la mairie. Daté du 20 avril et signé par le maire, il vise à empêcher les véhicules de stationner durant quatre jours à partir du mardi 25 avril, « dans le cadre d’une opération coordonnée ». Dans ce quartier appelé Barakani, ils sont nombreux à avoir vu ces dernières semaines leurs logements marqués à la bombe de peinture. Des numéros et deux mots : « Oui » pour les maisons à détruire et « Non » pour celles qui tiennent encore debout. Certains habitants sont partis d’eux-mêmes et ont détruit leurs cases avant l’arrivée des bulldozers. De leurs maisons, il ne reste plus rien d’autre que des tôles froissées et de l’électroménager hors d’usage. Mais dans d’autres secteurs, ce sont bien les machines de gros œuvre de Wuambushu qui se chargeront de détruire les habitations.

Le refus du président comorien

Selon Gérald Darmanin, 817 places sont d’ores et déjà disponibles pour le relogement des familles françaises ou en situation régulière, ce qui semble faible comparé aux ambitions initialement affichées pour l’opération de « décasage ». Pour les étrangers en situation irrégulière, le centre de rétention étant déjà saturé, un nouveau local de rétention administrative a été créé par arrêté préfectoral le 20 avril. La maison de la jeunesse de la commune de Mtsapéré a été réquisitionnée et devrait bientôt accueillir les premières personnes susceptibles d’être renvoyées aux Comores.

Une question persiste : comment atteindre les objectifs d’expulsions prévus face au refus du gouvernement de l’Union des Comores d’accueillir ses ressortissants ? Le président comorien Azali Assoumani, qui considère historiquement Mayotte comme « une île comorienne occupée par la France », s’est engagé depuis quelques jours dans un bras de fer avec la diplomatie française pour suspendre l’opération. « Je regrette que ce matin un bateau transportant 60 personnes qui partaient voir leur famille ou faire des affaires ait été refoulé d’Anjouan », indique à ce sujet le préfet (voir ci-contre). Si, de ce côté de l’archipel, Wuambushu est bien maintenue, son avenir et ses conséquences sont encore incertains.

Finances au Burkina : « Le taux de bancarisation élargi est de 35,75% en baisse par rapport à 39% en 2019 », Lin Hien secrétaire technique pour la promotion de l’inclusion financière

Accueil > Actualités > Economie • Lefaso.net • lundi 24 avril 2023 à 23h00min 
 
Finances au Burkina : « Le taux de bancarisation élargi est de 35,75% en baisse par rapport à 39% en 2019 », Lin Hien secrétaire technique pour la promotion de l’inclusion financière

 

Du 3 au 8 avril 2023, le Burkina Faso, à l’instar d’autres pays dans le monde a célébré la Global Money Week ou semaine mondiale de l’inclusion financière. Au Burkina Faso, cette célébration est portée par le ministère de l’Economie, des finances et de la prospective à travers le Secrétariat technique pour la promotion de l’inclusion financière (ST/PIF). Dans cette interview qu’il a accordé à votre journal Lefaso.net, Lin Hien, secrétaire technique pour la promotion de l’inclusion financière, aborde les questions d’éducation financière, d’inclusion financière, mais également des défis à relever pour atteindre un taux de bancarisation acceptable. Lisez plutôt !

Lefaso.net : Le Burkina Faso a célébré récemment la semaine mondiale de l’éducation financière. Quand on parle d’éducation financière, qu’est-ce que c’est ?

Lin Hien : L’éducation financière comme son nom l’indique, c’est l’ensemble des connaissances que nous inculquons à nos publics cibles pour que ceux-ci puissent avoir tout le savoir nécessaire, les informations sur les produits financiers pour pouvoir faire des choix raisonnables, des choix responsables dans la gestion de l’argent.

 

A l’occasion de la semaine mondiale de l’inclusion financière, le secrétariat technique pour l’inclusion financière a formé des élèves et étudiants en éducation financière. Pourquoi cette cible ?

C’est une pratique mondiale. La Global Money est célébrée chaque année par 176 pays au niveau mondial plus le Burkina Faso. L’objectif c’est de sensibiliser les plus jeunes dans la gestion financière. Tous les pays ont la même cible, les jeunes de 15 à 24 ans. Nous avons choisi la jeunesse parce que le comportement de l’adulte dépend de ce qu’il a appris dès son jeune âge. On a remarqué que les mauvais comportements financiers de l’adulte dépendent du manque d’éducation financière dès leur bas-âge, leur adolescence. C’est pour cela que la tactique actuelle, c’est de commencer à former les jeunes pour qu’ils puissent grandir avec.

Il y a aussi eu un panel sur l’inclusion financière des jeunes. Qu’est-ce que c’est que l’inclusion financière ?

Le panel a eu un grand engouement au niveau des jeunes. Il y a eu plus de 200 élèves qui ont participé et nous leur avons donné des notions sur l’inclusion financière, sur l’entreprenariat, etc. pour revenir à la question, l’inclusion financière, c’est l’ensemble des mécanismes que nous devons mettre en place pour que tout le monde ait accès et utilise les services financiers de base.

Il y a une étude qui a montré que plus de 60% des jeunes de 15 ans en montant n’ont pas accès et n’utilisent pas les services financiers de base tel que l’épargne, le crédit, les transferts, ainsi de suite. Du coup, ils sont exclus financièrement. Alors l’inclusion financière va consister à mettre tout en œuvre pour les amener à utiliser les services financiers de base.

Quelle appréciation faites-vous de l’inclusion financière au Burkina Faso ?

Actuellement, nous sommes à un taux qui est assez faible parce qu’il y a encore beaucoup de gens qui sont toujours hors des circuits formels. Dans le milieu rural, c’est encore plus accentué. Il y a un manque d’infrastructures, d’énergie et les gens ont très peu d’informations sur les services et produits financiers de base.

Avez-vous une idée du taux de bancarisation dans notre pays ?

Le taux de bancarisation élargi, c’est ce que nous utilisons comme indicateur de mesure de l’inclusion financière. Il est actuellement de 35,75% en baisse par rapport à 39% en 2019. Cette baisse est due aux problèmes de sécurité, à certains problèmes techniques. Ce taux est la proportion de la population qui utilise les services des banques, de la Poste, du Trésor et des structures de microfinance. Pour avoir le taux global, on ajoute ceux qui utilisent les services des émetteurs de monnaie électronique.

 

Là il est intéressant parce qu’au Burkina, beaucoup de gens utilisent la monnaie électronique. Si on ajoute ça, on a un taux global d’utilisation des services financiers de 89%. Seulement de façon structurelle, ça ne peut pas conduire à un développement réel. C’est le taux de bancarisation élargi qui donne la proportion de ceux qui peuvent avoir des crédits consistants pour mener leurs activités génératrices de revenus. Les études sont en cours, mais les gens ne sont pas encore arrivés au niveau du crédit digital, mais c’est en expérimentation. Quand on va arriver à ça, le taux global d’utilisation des services financiers sera plus intéressant.

Y- a-t-il une disparité de ce taux en fonction des zones ?

Oui tous les taux. La bancarisation stricte, la bancarisation élargie et le taux global, il y a une disparité nette entre le milieu urbain et rural. Les services sont concentrés dans les villes et pratiquement absents dans le milieu rural.

Qu’est-ce qui explique que les Burkinabè soient réticents à aller vers les institutions financières ?

Il y a des réticences qui sont dues à l’ignorance. Les gens ne connaissent pas les services financiers. Ils ne savent même pas quelles sont les banques qui existent, les SFD (Systèmes financiers décentralisés) qui existent, qu’est-ce qu’ils peuvent allés faire là-bas, quels sont les produits qu’ils offrent, les types d’épargne, etc. C’est ça qui explique qu’il y a une méfiance, plus bien-sûr ceux qui sont rentrés et qui ont perdu confiance. Il y a des gens qui ont perdu confiance parce que les services n’ont pas été à la hauteur de leurs besoins.

 

Est-ce qu’il y a des alternatives à la bancarisation ?

Comme alternative à la bancarisation, nous avons mis l’accent sur la digitalisation. Mais dans tous les cas cela doit passer par les infrastructures bancaires. Sinon, il est difficile de sortir hors des principes de base de la bancarisation. Si nous voulons aller loin, ce sont ces infrastructures qu’il faut utiliser. A travers notre démarche, il s’agira de digitaliser certaines procédures pour faciliter certaines choses et donner plus confiance aux clients ou aux usagers des services financiers.

Quelles sont les actions que vous menez au niveau du SP/PIF pour inciter les Burkinabè à aller vers la bancarisation ?

Au niveau du ministère des Finances, la première des choses, nous sommes en train d’intensifier l’éducation financière des populations. Nous pensons fermement que si quelqu’un est financièrement éduquée, et nous avons eu des preuves, il comprend mieux les choses. Il est donc outillé pour savoir qu’est-ce qu’il doit faire s’il veut aller loin, quels sont les produits et services financiers qui existent. Et en ce moment, il fait des choix responsables par rapport à la gestion de son argent.

Donc, l’éducation financière, c’est la première des choses. Nous menons cette éducation financière dans tout le pays depuis 2017. Chaque année, nous tentons de former un peu plus de personnes et avec les moyens qui sont à notre disposition. Également, nous sommes en train de travailler avec les prestataires de services financiers pour que les produits et services qu’ils offrent soient le plus possible adaptés aux besoins des populations.

En ce moment, il y a des études que nous menons au niveau du SP/PIF pour voir quels sont les besoins réels en fonction de la segmentation des publics cibles. Nous travaillons étroitement avec l’association professionnelle des banques et établissements financiers, l’association professionnelle des SFD, et l’association professionnelle des assurances, et l’association professionnelle des fintechs, afin que les services financiers soient adaptés aux besoins des populations.

Qu’est-ce qui est fait pour que les populations aient envie d’aller vers les banques ?

Le gouvernement vient de créer ce qu’on appelle l’observatoire de la qualité des services financiers. Nous sommes en train d’opérationnaliser cela. Dans le dispositif de l’observatoire, nous aurons des médiateurs financiers. Celui qui n’est pas content d’un service d’une banque, d’un SFN (système financier numérique), d’une assurance, ou d’un promoteur de monnaie électronique, peut passer au niveau de l’observatoire porter sa plainte. Le médiateur financier va se charger de faire une médiation non juridictionnelle. Ce qui va améliorer la confiance de la population envers les prestataires des services financiers.

En décembre 2020, un plan d’action pour l’éducation financière 2021-2023 avait été adopté par le gouvernement. A ce jour, où est-ce que vous en êtes de la mise en œuvre de ce plan ?

C’est un plan d’action que nous actualisons chaque année par tranche. A ce jour, nous avons pu former plus de 15 000 personnes à travers les 13 régions. Chaque année, nous faisons un programme de formation à exécuter.

La stratégie nationale de la finance inclusive veut accroître à 75% la proportion de la population adulte burkinabè ayant accès et utilisant des produits et services financiers abordables et adaptés, d’ici fin 2023. Quels sont les défis qui restent à relever pour atteindre cet objectif ?

 

Avant d’élaborer la stratégie nationale de la finance inclusive, une étude Fine Scoop a été réalisée en 2016, pour connaître le taux d’inclusion financière à son temps qui était de 39%. Les projections ont été faites pour que la stratégie qui a été prise en 2019 sur les cinq ans puisse atteindre 75%. Malheureusement avec les chocs sécuritaires et sanitaires, au lieu d’accroître, on est revenu à 35%. Mais, si on ajoute le taux de l’utilisation de la monnaie électronique, on peut dire qu’on a dépassé le taux de 75%. Seulement, nous tenons compte du taux de bancarisation élargi qui est beaucoup plus structurant que le taux global d’utilisation des services financiers. Nous allons évaluer la stratégie cette année et rédiger une autre pour les cinq années à venir.

Vous l’avez dit, l’une des alternatives à la bancarisation, c’est la digitalisation. Comment comptez-vous vous y prendre quand on sait qu’au Burkina Faso, il y a un sérieux problème de connectivité ?

Nous sommes en synergie avec le ministère en charge de la digitalisation qui doit disponibiliser l’infrastructure. Nous suivons cela en même temps que nous développons les produits en la matière. Ils ont une stratégie pour couvrir l’ensemble du pays avec une infrastructure solide.

Nous sommes au terme de cet entretien, avez-vous un dernier mot ?

Je voudrais lancer un appel à toute la population pour qu’elle utilise les services financiers formels. En terme simple, ne déposez pas l’argent à la maison, n’utilisez pas les prestataires des services financiers qui ne sont pas agréés. La liste des structures agréées existe. Elle est disponible un peu partout. L’utilisation des services financiers formels permet de développer vos activités génératrices de revenus.

Interview réalisée par Justine Bonkoungou et Aïssata Sidibé
Photo et vidéo : Auguste Paré
Lefaso.net

Mali: la Minusma visée par une campagne de désinformation après les attaques à Sévaré

 

Le camp de l'armée malienne de Sévaré, dans le centre du Mali, a été visée samedi par une attaque terroriste qui a fait dix morts civils et 61 blessés, selon un bilan officiel. Pas de revendication à ce stade mais les regards se portent vers le Groupe de soutien à l'Islam et aux musulmans, lié à Al Qaeda. La Mission onusienne au Mali est désormais visée par une campagne de désinformation lui attribuant la responsabilité de ces attaques, deux salariés ont été agressés physiquement

Les deux employés de la Mission de l’ONU au Mali (Minusma) s'étaient rendus dimanche 23 avril sur un site de déplacés internes. Ils devaient y évaluer les dégâts causés par l'attaque terroriste qui avait visé la veille le camp militaire et l'aéroport de Sévaré. Mais une fois sur place, les deux employés civils de la Minusma sont pris à partie.

Selon Fati Kaba, porte-parole de la Mission onusienne au Mali, « il y a eu de la violence, des jeunes ont jeté des cailloux, des morceaux de bois, nos collègues s’en sont sortis, mais malheureusement on a un véhicule qui est endommagé ».

Autre source de préoccupation, cette campagne de désinformation menée sur les réseaux sociaux, où les messages se multiplient depuis samedi pour faire croire que c'est la Minusma qui organiserait les attaques terroristes. Argument le plus souvent invoqué : les Nations unies chercheraient ainsi à légitimer leur présence au Mali.

Des messages complotistes souvent agrémentés d'appels à la violence : « Ces messages sont dangereux, poursuit Fati Kaba. Qui pourrait croire ces accusations absurdes contre la Minusma ? Il n’y a absolument rien qui justifie ni qui excuse ce type d’actions. Nous sommes déployés ici avec l’assentiment et l’accord du gouvernement malien, et nous avons pour mandat d’appuyer les efforts des autorités maliennes. Si les appels à la violence continuent, cela pourrait être dangereux pour nos collègues, qui font un travail pour la paix et la sécurité. »

Le mandat de la Minusma dans le pays doit être rediscuté en juin prochain, entre le Conseil de sécurité des Nations unies et les autorités maliennes de transition.

Togo: des quartiers de Lomé inondés et de nombreuses familles sans logement

Au Togo, les premières pluies sont tombées, cette semaine et, avec elles, les dégâts. Certains quartiers de la capitale sont déjà inondés alors que la saison des pluies ne fait que commencer. Cela a occasionné la recherche de solutions de relogement pour de nombreuses familles. RFI est allé à leur rencontre.

Avec notre correspondant à Lomé, Peter Sasssou Dogbé

Tout le quartier de Sagbado Zanvi a les pieds dans l’eau. Les maisons ne se sont pas écroulées mais elles sont toutes envahies par les eaux de pluie. Thomas et sa famille, installés là depuis cinq ans, sont obligés de chercher un refuge.

« Depuis deux heures du matin que la pluie a commencé, mes enfants et moi nous avons de l’eau jusqu’aux genoux. Moi, je fais 1,60 m. Le temps d’arriver dans la cour, puis dehors, nous avons de l’eau jusqu’à la hanche. En ce moment, tous mes biens sont dans l’eau. Ce sont de généreuses personnes qui nous accordent le gîte. »

Son fils, étudiant à l’université, ne comprend pas ce qui leur arrive. Tous ses documents et ceux de ses frères sont dans l’eau.

Après ces premières pluies et les dégâts causés, les autorités ont réagi. Les bassins construits pour retenir les eaux pluviales n’ont pas résisté, selon un communiqué du ministère de la Sécurité et de la protection civile. Plusieurs bassins de rétention n’ont pas tenu le choc, débordant et entraînant des inondations dans plusieurs quartiers, précise le document.

Les opérations de pompage sont en cours depuis 72 heures et beaucoup d'habitants ont dû quitter leur domicile. La météo annonce encore plus d’orages dans les jours qui viennent.

À lire aussi: Hausse des températures, inondations au Togo, les doutes planent sur l’enveloppe anti-climat de la Banque mondiale

Au Sénégal, Karim Wade et Khalifa Sall resteront-ils inéligibles en 2024 ?

Alors que Karim Wade vient de déposer une demande d’inscription sur les listes électorales, le casse-tête se pose à nouveau, pour lui comme pour Khalifa Sall : pourront-ils concourir à la prochaine présidentielle ?

Par  - à Dakar
Mis à jour le 19 avril 2023 à 08:18
 
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À Dakar, le 19 mai 2017, lors d’un meeting de l’opposition. © SEYLLOU/AFP

 

Même un « agent conversationnel » finit par en perdre son latin. Si vous demandez à ChatGPT si Karim Wade et Khalifa Sall seront éligibles lors de la présidentielle de février 2024 au Sénégal, l’application botte piteusement en touche.

En 2019, répond-il dans le cas du premier, « le Conseil constitutionnel sénégalais a confirmé que Karim Wade reste inéligible pour les élections présidentielles de 2019, malgré sa grâce présidentielle. Il est possible que sa situation ait changé depuis lors mais je n’ai pas accès aux informations les plus récentes à ce sujet ». Et concernant Khalifa Sall ? « Il est possible qu’il soit toujours inéligible [en 2024] en raison de sa condamnation antérieure pour détournement de fonds publics. Mais je n’ai pas accès aux informations les plus récentes à ce sujet », s’excuse-t-il.

Inscrit en Turquie

Lancinante, cette double interrogation vient de ressurgir inopinément depuis la Turquie. Le 17 avril, des photos de Karim Wade ont en effet agité les réseaux sociaux. On y voit le fils de l’ancien président déposer sa demande d’inscription sur les listes électorales devant la Commission administrative ouverte en Turquie. Soucieux d’authentifier sa démarche, l’intéressé a diffusé le récépissé fourni par l’administration sénégalaise.

Bis repetita

En déduire que son inscription a été mécaniquement validée serait toutefois prématuré. Car en avril 2018, à quelques mois de la présidentielle de février 2019, Karim Wade s’était déjà livré au même exercice à l’ambassade du Sénégal au Koweït, obtenant un document du même ordre. Une fois transmise à la Direction de l’autonomisation des fichiers, qui dépend du ministère de l’Intérieur, sa demande d’inscription avait été rejetée.

Cette décision découlait de sa condamnation, en mars 2015, à six années de prison par la Cour de répression de l’enrichissement illicite (CREI), condamnation qui n’était toutefois pas assortie d’une privation de ses droits civiques.

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Depuis une réforme opportunément adoptée en avril 2018, tout candidat à la magistrature suprême doit en effet être à la fois électeur et ne pas être frappé d’une peine d’inéligibilité – que celle-ci ait été prononcée dans le jugement ou qu’elle se déduise d’une lecture savante de plusieurs articles du code électoral.

Pour Karim Wade comme pour Khalifa Sall, l’ancien maire de Dakar, cette disposition, bien plus que l’obtention des parrainages citoyens, s’annonce comme un obstacle sérieux à leur candidature en février 2024.

Irrecevables

Le 13 janvier 2019, le Conseil constitutionnel avait provisoirement clos le débat en déclarant irrecevables les candidatures des deux hommes. Considérant que ni Khalifa Ababacar Sall ni Karim Meissa Wade ne pouvaient alors se prévaloir « de la qualité d’électeur au sens des articles L.27 et L.31 du code électoral », les sept sages avaient rejeté leur dossier. Depuis, l’eau a coulé sous les ponts. Mais ces cinq années ont-elles réellement modifié la donne ?

Au Parti démocratique sénégalais (PDS), la porte-parole Nafissatou Diallo veut le croire. « Si l’on tient compte de [l’article L.30] du code électoral, Karim Wade a recouvré ses droits civiques et politiques depuis octobre 2020. Dans aucun pays au monde un citoyen ne perd ses droits ad vitam æternam. Il pourra donc être candidat », assurait-elle à JA en mars dernier.

Du côté de Taxawu Sénégal, on se montre tout aussi confiant. Selon Moussa Taye, conseiller politique et porte-parole de Khalifa Sall, « la décision du Conseil constitutionnel était illégale puisque la défense de Khalifa Sall s’apprêtait alors à déposer plusieurs rabats d’arrêt à la suite de la décision rendue le 3 janvier précédent par la Cour suprême, qui confirmait sa condamnation. Or ces derniers étaient suspensifs. »

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L’ancien maire de Dakar espère-t-il avoir plus de chance cette fois-ci ? « J’ai vérifié personnellement ce qu’il en est sur le fichier électoral actualisé à la veille des élections locales du 23 janvier 2022 puis des législatives du 31 juillet 2022, et le nom de Khalifa Sall y figurait bien », assure Saliou Sarr, coordinateur national de Taxawu Sénégal, chargé des questions électorales.

À l’en croire, ce serait d’ailleurs la principale différence entre le cas de Karim Wade (qui ne figurait plus sur le fichier et vient donc de tenter pour la deuxième fois de s’y réinscrire) et celui de Khalifa Sall (dont le nom, assure-t-il, n’a jamais été supprimé de ce fichier).

L’heure tourne

Il n’en reste pas moins que pour Karim Wade, candidat autoproclamé sous réserve d’être considéré comme éligible, l’heure tourne. Ouverte le 6 avril, la période de révision exceptionnelle des listes électorales court en effet jusqu’au 2 mai. Passé ce délai, outre d’éventuels recours couronnés de succès, plus aucun électeur ne sera en mesure de s’inscrire sur les listes.

Fin septembre, on avait pu croire qu’une mesure d’apaisement, souhaitée par Macky Sall, viendrait marquer l’épilogue de ce feuilleton. Lors d’un conseil des ministres, le chef de l’État avait demandé à son ministre de la Justice, Ismaïla Madior Fall, « d’examiner dans les meilleurs délais les possibilités et le schéma adéquat d’amnistie pour des personnes ayant perdu leur droit de vote ».

À LIRESénégal – Affaire Karim Wade : vers une amnistie non désirée ?

Derrière cette directive d’apparence générale, chacun était en droit de deviner que deux responsables politiques briguant la magistrature suprême pourraient en être les principaux bénéficiaires : Khalifa Sall et Karim Wade. L’accueil réservé par ces derniers ou par leur entourage à cette annonce fut toutefois plus que réservé, Karim Wade faisant savoir qu’il refusait toute amnistie et ne se satisferait que d’une révision de son procès, et des proches de Khalifa Sall indiquant que celui-ci n’avait pas été demandeur d’une telle mesure.

Peu réaliste

« Au niveau du ministère de la Justice, nous avons terminé le travail sur le projet de loi d’amnistie mais là, il appartient au président de la République de prendre langue avec ceux qui sont intéressés », avait déclaré Ismaïla Madior Fall en mars dernier, lors d’un entretien sur les ondes de la radio sénégalaise Sud FM. Pourtant, aucun projet de loi sur cette question sensible n’a jusqu’ici été présenté à l’Assemblée nationale. Or, pour bénéficier à Karim Wade comme à Khalifa Sall, il faudrait qu’une réinitialisation des compteurs intervienne avant le 2 mai prochain.

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L’échéance semble désormais peu réaliste. « Les délais me paraissent trop courts pour qu’une loi d’amnistie puisse être présentée avant la fin de la révision exceptionnelle », commente un proche collaborateur du chef de l’État.

Selon Ndiaga Sylla, expert au cabinet d’expertise électorale (Ceelect), la route vers une candidature de Khalifa Sall et Karim Wade reste donc semée d’embuches. « Étant déchus de leur droit de vote en vertu de l’article L.29 du code électoral, tous deux sont privés de celui de s’inscrire sur une liste à moins qu’ils ne bénéficient d’une réhabilitation ou fassent l’objet d’une mesure d’amnistie, deux scénarios prévus par l’article L.28. Dans ce cas de figure, ils verraient leur demande de réinscription validée », indique-t-il à JA.

« La déchéance électorale automatique [autrement dit, non inscrite explicitement dans un jugement] et indifférenciée viole les droits de l’homme, ce qui a été confirmé par les instruments juridiques internationaux ainsi que par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme ou celle du Conseil constitutionnel français », ajoute-t-il. Et de conclure que la meilleure solution, à ses yeux, « consisterait à réformer le code électoral en vue de prévoir la réhabilitation automatique après que le citoyen concerné a purgé sa peine ». Un scénario qui, à moins d’un miracle de dernière minute, risque fort de demeurer un vœu pieu.