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Au Mali, le référendum sur la nouvelle Constitution se tiendra le 18 juin

Le gouvernement malien a annoncé la date du référendum portant sur la révision de la loi fondamentale. Initialement prévu le 19 mars, ce scrutin sera le premier depuis le début de la transition et le coup d’État de 2020.

Mis à jour le 5 mai 2023 à 15:19

 

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Dans un bureau de vote lors du second tour de l’élection présidentielle à Bamako, le 12 août 2018. A woman casts her ballot at a polling station during a run-off presidential election in Bamako, Mali August 12, 2018. © Luc Gnago/REUTER

 

C’est le colonel Abdoulaye Maïga, ministre de l’Administration territoriale et porte-parole du gouvernement, qui a annoncé la nouvelle date du référendum constitutionnel en direct à la télévision nationale ce vendredi 5 mai.

Après une campagne électorale qui se déroulera du 2 au 16 juin, les citoyens maliens seront appelés à se prononcer sur la révision de la loi fondamentale le dimanche 18 juin. Les membres des forces de défenses et de sécurité voteront quant à eux par anticipation, le 11 juin.

Première élection de la transition

Réclamée de longue date, la révision de la Constitution, inchangée depuis 1992 et considérée comme un facteur de crise politique, aurait dû être soumise au vote des électeurs le 19 mars dernier. Mais ce qui devait être la première élection depuis le début de la transition, en août 2020, avait finalement été décalé sine die par les autorités maliennes, à cause du retard pris sur le chronogramme électoral.

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« L’équilibre doit toujours être trouvé entre l’objectif d’avoir un texte consensuel et la nécessité de respecter le délai de la transition », anticipait Abdoulaye Maïga dès janvier dernier, préparant l’opinion à un report du scrutin. « Un certain nombre de réformes ont été menées, des dispositions prioritaires ont été prises », s’est-il félicité ce vendredi 5 mai.

Controverses

Le 27 février, la mouture finale du texte avait été remise au chef de l’État, le colonel Assimi Goïta. Devançant les polémiques, ce dernier avait prévenu, par communiqué, que « toute Constitution sera objet de contestations, de critiques et de controverses », mais que le texte soumis au vote était le fruit de consultations avec « les forces vives de la Nation ».

Ce qui n’empêche pas le projet de susciter quelques remous. Parmi les points d’achoppement : la mention du caractère laïc de l’État malien, dont certains chefs religieux réclament le retrait. Mais surtout les pouvoirs qu’offre le nouveau texte au président de la République, en mettant notamment à mal le principe de séparation des pouvoirs civil, juridique et militaire.

À Dakar, la course à la plus haute tour est lancée

Avec la flambée du prix du foncier en toile de fond, des immeubles de grande hauteur sortent de terre dans le centre-ville de la capitale sénégalaise. Un boom vertical qui pose des défis aussi nombreux que vertigineux.

Par  - à Dakar
Mis à jour le 2 mai 2023 à 17:14

 

Dakar

 

Dakar, qui va voir les gratte-ciels se multiplier ces prochaines années, ambitionne de devenir le New York ouest-africain. © Sylvain Cherkaoui pour Jeune Afrique

 

De son spacieux bureau dakarois, Taslim Ngom, aux manettes de Sertem, aux côtés de son père et de sa sœur, a une vue dégagée sur le phare des Mamelles, l’océan Atlantique, une partie de la corniche, mais aussi sur la façade ouest d’un immense bâtiment en construction : la tour des Mamelles, trois niveaux de sous-sol, un rez-de-chaussée, seize étages, le tout sur une surface de 48 000 m².

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Cette tour – l’un des projets phares du groupe sénégalais actif notamment dans l’immobilier – constituera le premier IGH (immeuble de grande hauteur) du quartier des Almadies, dans le nord-ouest de Dakar – une zone dont la hauteur a été limitée, par le passé, par le trafic de l’ancien aéroport international de Yoff.

Virage vertical

La tour des Mamelles devrait, dès l’année prochaine, accueillir des groupes pétroliers, des entreprises de logistique, de tech, ou encore des services financiers. « Il y a une importante communauté d’expatriés dans la zone des Almadies et de Ngor, avec un déficit d’offres de bureaux de qualité », explique Taslim Ngom. « De plus en plus de multinationales s’installent à Dakar. »

LE PLATEAU A LE POTENTIEL D’UN VÉRITABLE CENTRE D’AFFAIRES

L’édifice, dont le maître d’ouvrage est la Caisse des dépôts et consignations (CDC) et dont la construction a démarré en 2019, illustre le nouveau virage amorcé par la capitale sénégalaise. Celui-ci se résume en un mot : verticalité. « Auparavant, il était risqué de construire de grands immeubles ailleurs qu’à Dakar-Plateau, et puis il y a eu une dynamique au niveau du Point E et de la voie de dégagement N (VDN), où des immeubles d’habitation et des bureaux ont émergé à une certaine hauteur », indique Hamidou Badji, ancien DG de Teyliom au Sénégal, qui travaille aujourd’hui sur des projets personnels.

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La tendance a gagné les quartiers résidentiels de Dakar intra-muros, comme Mermoz-Sacré-Cœur, Sicap Baobab ou Amitié, où, ces dernières années, nombre de maisons familiales se sont transformées en immeubles de plusieurs étages. Dans les quartiers prisés de la capitale, le prix du mètre carré dépasse bien souvent le million de francs CFA (environ 1 500 euros).

Futur Manhattan africain ?

« Aujourd’hui, à Dakar, presque rien ne sort en dessous de huit étages. Le prix du foncier explose, ça va être la course à qui fera la plus haute tour, comme on l’a vu à New York ou à Dubaï », avance un architecte de formation qui travaille dans les infrastructures de transport.

En témoigne la construction de la « DakTower », un gratte-ciel situé sur la corniche ouest de Dakar qui s’élèvera à 122 mètres ; ce qui devrait en faire le plus haut bâtiment du Sénégal, devant l’immeuble Kébé et le siège de la BCEAO, dont la hauteur est estimée à 80 mètres.

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L’épicentre de ce changement devrait se concentrer à Dakar-Plateau, où de nombreux IGH sortent de terre ; d’autant qu’à terme une partie de l’activité du Port autonome de Dakar sera transférée vers le futur port en eau profonde de Ndayane – synonyme de libération de foncier.

De nombreux spécialistes du secteur voient le centre-ville évoluer comme Manhattan, quartier phare de la ville de New York, connue pour ses gratte-ciels et son activité trépidante. « Le Plateau a le potentiel pour devenir un véritable centre d’affaires, avec des infrastructures, et des opportunités économiques, liées notamment au pétrole et au gaz », avance Hamidou Badji. « Le quartier va attirer des sociétés à la recherche de notoriété ou d’une certaine puissance », estime-t-il.

Envolée du prix du foncier

Emplacement géographique stratégique, stabilité politique, cadre de vie agréable, construction d’infrastructures d’envergure avec l’autoroute à péage Dakar-Diamniadio, le TER et bientôt le BRT, vigueur économique… Dakar n’a pas à rougir face à sa grande rivale, Abidjan. Des  groupes aussi réputés que Duval – un acteur familial français de l’immobilier – garderaient un œil attentif sur la capitale sénégalaise.

LA POLICE DE L’URBANISME EST ESSENTIELLE POUR METTRE DE L’ORDRE ET INSTAURER DES GARDE-FOUS

Sauf que, dans sa course à la verticalité, Dakar fait face à de nombreux défis. « Aller en hauteur peut permettre de corriger les erreurs du vieux Dakar mais, attention, un immeuble mal conçu sur dix étages peut engendrer des conséquences dramatiques », met en garde Amadou Dieng, DG de la filiale sénégalaise du groupe immobilier Réalités, qui pilote la construction d’une résidence haut de gamme de 45 appartements aux Almadies. « La police de l’urbanisme est essentielle », estime-t-il. « Elle doit mettre de l’ordre, et ne pas nous laisser, nous promoteurs, faire ce qu’on veut. Il faut des garde-fous. »

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Parmi les principaux dysfonctionnements pointés par les acteurs de l’immobilier : les matériaux bas de gamme utilisés par certains promoteurs ; le manque de transparence sur les marchés signés dans un secteur où transite beaucoup de capitaux étrangers ; l’envol du prix du foncier, faute d’être suffisamment encadré ; le manque d’espaces verts, d’aires de jeux et de places de parking pour accompagner la construction d’immeubles ; ou encore le sous-dimensionnement de réseaux d’assainissement conçus à l’origine pour des maisons familiales – en ce sens, le Point E a par exemple connu des difficultés lors de la dernière saison des pluies.

Embouteillages

Sans compter les problèmes de circulation, déjà complexes, qui risquent de s’amplifier dans certaines zones, à mesure que la capitale va se densifier. « Nous n’avons pas encore intégré cette culture de gestion intelligente de nos villes », regrette ainsi Taslim Ngom, du groupe Sertem.

Enfin, il y a les contraintes techniques. « Pour construire un IGH, la réglementation est très stricte », indique un acteur du secteur. « Les ouvriers vont devoir franchir un palier technologique pour assurer la stabilité de la tour. Charpente métallique, béton hautes performances… Il va falloir qu’ils prennent le train en marche. »

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Cette course au « toujours plus haut », la pression foncière et la gentrification de la capitale ne devraient pas profiter à tout le monde, notamment aux populations implantées historiquement dans la presqu’île.

Gentrification

Dans les quartiers de Ngor et de Ouakam, dans le nord de Dakar, de jeunes Lébous ont récemment affronté les forces de l’ordre après un litige foncier lié à la construction d’un poste de gendarmerie sur un parking. En 2021, ils avaient déjà réclamé au chef de l’État l’octroi d’une partie de l’assiette foncière de l’ancien aéroport de Yoff.

Ce qui laisse présager des tensions foncières dans les mois ou les années à venir dans ce qui est devenu la ville la plus chère de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa), selon le classement 2022 du cabinet Mercer relatif au coût de la vie pour les expatriés.

À LIRESénégal : l’ancien aéroport de Yoff passe en partie au vert

Pour Hamidou Badji, une dynamique est bien en marche : « Les gens ont moins de réticences à quitter le centre de Dakar pour aller en périphérie et même jusqu’à Mbour, sans parler des villes côtières comme Popenguine, Somone ou Ngaparou. Aujourd’hui, l’autoroute à péage permet d’habiter dans ces villes-là. Et, avec le TER qui arrive à Diass, le tour sera joué. Le Sénégalais moyen y aura une meilleure qualité de vie qu’à Dakar-intramuros. » Et Dakar ? « La ville va se transformer en grande métropole ouest-africaine, et Dakar-Plateau sera son Manhattan. »

Au Sénégal, le lac Rose vire au vert

Célèbre attraction touristique située à quelques kilomètres de Dakar, le lac Retba a perdu son emblématique couleur. Et c’est désormais tout son écosystème, confronté à la montée des eaux, qui se voit menacé. Reportage.

Par  - à Dakar
Mis à jour le 29 avril 2023 à 11:54
 
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Pendant le dernier hivernage, les eaux de pluies ont été redirigées vers le lac Rose, et cet excès d’eau a déséquilibré son écosystème. Depuis, il ne produit plus de sel et a perdu son aspect rose, privant le secteur du tourisme et l’industrie du sel, employant 1500 personnes, de leurs revenus. À Keur Massar, le 6 avril 2023. © Sylvain Cherkaoui pour JA

 

Les derniers sacs viennent d’être chargés dans le mototaxi. Une dizaine de sacs de sel de 23 kg, que Daouda K. espère vendre 2 500 F CFA dans les communes environnantes. Auparavant, ces sacs s’échangeaient à 600 F CFA, 800 F CFA maximum. Mais, rareté oblige, les prix ont flambé ces derniers mois. Et pour cause : cette cargaison de sel, que l’exploitant malien regarde partir avec un air anxieux, est sans doute l’une des dernières qu’il pourra vendre cette année.

À LIRESénégal : au Lac rose, les forçats du sel

« C’est tout ce qu’il nous reste, soupire-t-il en désignant les quelques sacs encore posés sur la berge. Dans le lac, il n’y a plus rien. » Comme beaucoup des quelque 1 500 saliculteurs, souvent originaires du Mali ou de la Guinée, qui vivaient jusqu’à présent de l’exploitation du sel du lac Rose, Daouda K. ira sans doute rapidement chercher du travail ailleurs. Dans les marais salants de Kaolack, peut-être ? Ici, le Malien ne peut plus travailler. À quelques mètres de là, deux travailleurs récoltent à la pioche des coquillages auxquels s’accrochent des résidus de sel. Ils seront ensuite vendus aux éleveurs de poules.

Crise du tourisme

L’exploitation de sel du lac, qui n’a plus de rose que le nom, est complètement à l’arrêt depuis que les inondations de l’hivernage dernier ont fait drastiquement augmenter son niveau, passé de 3 à 6 mètres. Cette montée a diminué la teneur des eaux en sel et rend désormais impossible la saliculture. Or c’est cette forte concentration – qui en faisait l’une des étendues d’eau les plus salées au monde, avec plus de 350 grammes par litre – et la présence d’algues et de micro-organismes qui donnaient au lac sa couleur. Situé en bordure de l’océan Atlantique et à une quarantaine de kilomètres de Dakar, le lac Rose était jusqu’il y a peu une destination prisée des voyageurs.

De la belle surface rosée qui en faisait l’une des principales attractions touristiques de la région, le lac Retba est passé à une teinte verdâtre peu engageante. Sur ses rives, des pirogues en bois, qui servaient auparavant à récolter le sel ou à promener les touristes, restent échouées sur la rive, inutilisées.

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En cette matinée d’avril, les promeneurs sont rares aux abords de l’eau et dans les échoppes du marché artisanal. Au-delà de l’exploitation du sel, l’attractivité du lac Rose faisait vivre tout une commune : guides touristiques, artisans, hôteliers… Dont l’activité a aujourd’hui ralenti. « La beauté du lieu attirait les touristes, qui s’intéressaient aussi à la façon dont les exploitants travaillaient et à la tradition de récolte », explique Amadou Bocoum Diouf, le gérant d’un campement de la zone.

Si son hôtel a été préservé, d’autres établissements, construits près du lac, ont été engloutis par les eaux. Certains ont été obligés de fermer. Les gérants de ceux qui sont encore debout décrivent une situation difficile, dans un contexte de crise nationale du tourisme, liée notamment au Covid-19. « C’est catastrophique. La clientèle, étrangère notamment, a fortement diminué, déplore Daba Gaillard, propriétaire d’un hôtel situé non loin des rives du lac. On se rend compte que les tours-opérateurs ont retiré le site de leurs circuits depuis la disparition du rose. »

Eaux toxiques ?

À quelques dizaines de mètres du rivage, Ibrahima Ndiaye tend le bras. « C’est ici que la brèche s’est étendue, explique le président de l’association Aarr lac Rose (« protéger le lac Rose »). Les eaux qui se déversent là sont pompées par le plan Orsec » – un plan national lancé par Dakar pour aider les populations à faire face aux inondations de 2022. Les habitants reprochent aux autorités de réorienter vers le lac, sous la pression de l’urbanisation galopante dans la région, les eaux des communes environnantes inondées, telles Keur Massar, Bambilor ou Sangalkam.

ILS CHERCHENT À UTILISER LE LAC COMME UNE SOLUTION À LEURS PROBLÈMES ET À EN FAIRE UN BASSIN DE RÉTENTION

« Depuis l’hivernage dernier, elles font en sorte que les eaux pluviales soient redirigées ici. Elles cherchent à utiliser le lac comme une solution à leurs problèmes et à en faire un bassin de rétention », dénonce Ibrahima Ndiaye. Pourtant, les autorités ont bien pris en compte les difficultés auxquelles la zone se retrouve confrontée. En octobre dernier, le président Macky Sall instruisait ses ministres de présenter un « rapport circonstancié sur la situation actuelle du lac Retba en vue de la préservation des écosystèmes et des activités économiques autour de ce site naturel classé ».

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Quelques semaines plus tard, le ministre de l’Eau, Serigne Mbaye Thiam, et le ministre de l’Environnement, Alioune Ndoye, se rendaient sur place et mettaient sur pied un comité régional de développement consacré à la sauvegarde de l’écosystème du lac Rose. Des prélèvements ont été réalisés par des experts, mais leurs conclusions n’ont pas encore été rendues publiques. Contactés par Jeune Afrique, les deux ministres n’ont pas donné suite à nos sollicitations.

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Faute de sel, les collecteurs ramassent les coquillages afin d'en faire un supplément alimentaire pour volaille. Cela fragilise le sol et affecte la pérennité du lac Rose. © Sylvain Cherkaoui pour JA



De quoi inquiéter Ibrahima Ndiaye, en dépit des efforts réalisés par les habitants de la zone, qui pompent l’eau du lac et la déversent dans la forêt. À proximité du site, la société Socabeg bâtit une cité pour les habitants dont le logement se trouve sur le trajet du TER en construction. Sur le chantier que Jeune Afrique a pu visiter, des tranchées de canalisation se dirigent clairement vers la brèche qui donne directement sur le lac. Le déversement de ces eaux usées constituerait un désastre écologique. Sollicité par JA, le maire de la commune de Tivavouane Peulh, à laquelle le lac Rose est rattaché, n’a pas répondu.

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« Nous avons des solutions pour alimenter le lac naturellement. Arrêter le drainage, trouver une source d’alimentation : la mer ou des bassins versants naturels », éclaire toutefois Mansour Gaye, un militant écologiste qui se mobilise aux côtés des habitants. « Pourquoi ne pas en faire une aire marine protégée, comme c’est le cas de la lagune de la Somone ? Il faut prendre la question au sérieux et mettre en place une gestion durable de notre patrimoine commun. » Amadou Bocoum Diouf renchérit : « Le lac Rose, c’est un site qui vend bien le Sénégal. Mais à force de négligence, on risque fort de le perdre. »

Au Sénégal, le retour émouvant de neuf tirailleurs dans leur pays natal

Après une longue bataille avec l’administration française visant à leur permettre de conserver leur allocation minimum vieillesse, neuf tirailleurs ont pu rentrer dans leur pays d’origine et retrouver leurs familles.

Par Jeune Afrique
Mis à jour le 29 avril 2023 à 13:05
 

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Les neuf tirailleurs sénégalais accueillis par le président Macky Sall, le 28 avril 2023. © GUY PETERSON / AFP

 

 

ls ont combattu pour la France, notamment en Indochine et en Algérie. Âgés d’environ 90 ans, neuf tirailleurs sont arrivés vendredi au Sénégal pour finir sereinement leur vie. Lorsque le premier d’entre eux a franchi les portes de l’avion à l’aéroport Blaise Diagne, installé dans son fauteuil roulant, la barbe toute blanche, vêtu d’un boubou traditionnel marron, les familles et anciens combattants ont lancé les premiers applaudissements.

Certains souriaient, d’autres pleuraient, tous marqués par l’émotion de rentrer au crépuscule de leur vie dans leur pays d’origine. Des retrouvailles rendues possible grâce à une mesure dérogatoire décidée par le gouvernement français, qui leur permet de vivre en permanence au Sénégal sans perdre leur allocation minimum vieillesse de 950 euros par mois.

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« Très heureux de retrouver ma famille, mes frères, mes enfants », a déclaré en arrivant Oumar Diémé, 91 ans. Quelques minutes avant, son frère Sidi le présentait comme « le patriarche », « le baobab de la famille », qui leur manquait énormément. Ses proches lui ont préparé pour son retour un mafé, son plat préféré.

« La mesure est peut-être arrivée un peu tard, mais aujourd’hui le sentiment qui domine c’est la joie », a-t-il confié, disant que son seul regret est que son aîné « ne pourra pas bénéficier du même plateau médical qu’en France ». Les neuf tirailleurs ont ensuite été reçus au palais présidentiel par le président Macky Sall, qui les a décorés.

« Nous célébrons aujourd’hui une injustice réparée. Vous pouvez enfin vivre chez vous, en famille et en percevant l’intégralité de vos pensions », a déclaré le président Sall. « Cette cérémonie est un exercice de mémoire en reconnaissance des sacrifices. C’est aussi un rappel de la longue série des injustices contre les tirailleurs qui ont été de tous les combats », a-t-il ajouté.

Studios de 15 mètres carrés à Bondy

« Tous les tirailleurs sénégalais ont donné entière satisfaction à la France. C’est une dette que la France nous a payée », a réagi Yoro Diao, leur porte-parole. Tous élégants en impeccables costumes ou en tuniques traditionnelles, portant avec prestance leurs médailles militaires, ces tirailleurs sénégalais avaient quitté à l’aube leurs studios de 15 mètres carrés dans un foyer à Bondy, en région parisienne, où ils vivaient depuis des années.

« Vive nos pères ! », « Vive la France et le Sénégal ! », a-t-on entendu fuser lors des moments émouvants de photos de groupe ou d’échanges avec la secrétaire d’Etat française aux Anciens combattants et à la Mémoire, Patricia Mirallès, avant leur départ. « Vous allez nous manquer! mais la famille vous attend là-bas… », leur a lancé la secrétaire d’Etat, émue.

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« Je suis très content de rentrer au Sénégal et de continuer à bénéficier des droits que j’avais en France; depuis 25 ou 20 ans, c’était dur pour nos proches de faire la navette, et pour notre âge aussi… », a dit N’Dongo Dieng, 87 ans, portant ses médailles militaires sur une tunique moutarde. Cela arrive « tardivement », car « beaucoup de camarades sont morts avant de bénéficier de cette mesure… », a déploré l’ancien combattant.

Une aide exceptionnelle finance aussi leur déménagement, leur vol retour et leur réinstallation. « Je suis extrêmement émue », a confié avant de prendre l’avion Aïssata Seck, présidente de l’Association pour la mémoire et l’histoire des tirailleurs sénégalais. Petite-fille d’un tirailleur, elle a été la cheville ouvrière qui depuis 10 ans a travaillé à leur reconnaissance, jusqu’à la décision du président français Emmanuel Macron début 2023 d’annoncer cette mesure dérogatoire pour leur allocation.

« Une reconnaissance tardive de leurs sacrifices »

« Le fait qu’ils puissent enfin rentrer chez eux, c’est un vrai soulagement et c’est l’aboutissement d’un très long combat » pour qu’ils aient « une fin de vie digne », selon Mme Seck, qui estime que l’Etat français « a fait ce qu’il fallait ».

Pour Claire Miot, maîtresse de conférence en histoire à l’Institut d’études politiques d’Aix-en-Provence (France), « c’est une reconnaissance de leurs sacrifices au service de la France qui est extrêmement tardive car ce sont des hommes qui ont 90 ans ». Le corps français des « Tirailleurs sénégalais », créé sous le Second Empire (1852-1870) et dissous dans les années 1960, rassemblait des militaires des anciennes colonies d’Afrique. Le terme a fini par désigner l’ensemble des soldats d’Afrique qui se battaient sous le drapeau français.

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Après les départs de vendredi, il reste encore en France 28 tirailleurs – tous d’origine sénégalaise –, dont plusieurs sont susceptibles de bientôt rentrer définitivement. Engagé volontaire dans l’armée française par tradition familiale, Yoro Diao, 95 ans, Légion d’honneur à la boutonnière, veut « se reposer » à Kaolack, dans le centre du Sénégal.

« C’est un jour très important pour nous, et mémorable! », a-t-il confié à l’AFP avant de monter dans l’avion. « Nos enfants et nos petits-enfants s’en rappelleront toujours… que papy est, ce jour-là, revenu de France très content ».

(Avec AFP)

Attaque terroriste à Karma : "Plus d’une centaine de morts et plusieurs blessés", selon des ressortissants du village

Accueil > Actualités > DOSSIERS > Attaques terroristes • • mardi 25 avril 2023 à 22h30min 
 
Attaque terroriste à Karma :


Des ressortissants du village de Karma ont, dans un communiqué, décidé d’apporter des éclaircissements à l’opinion nationale et internationale sur ce qu’il convient d’appeler le "drame de Karma".

Dans ledit communiqué qui nous est parvenu ce mardi 25 avril, ils expliquent que "dans la matinée du jeudi 20 Avril 2023, précisément autour de 7h30mns, le village a été encerclé par des hommes armés venus en grand nombre et habillés en tenues militaires burkinabè. Ils étaient sur des motos, dans des véhicules (pick up et blindés) et on pouvait également apercevoir un char de combat".

" Certains villageois, heureux de voir nos soldats, sont sortis de leurs concessions pour les accueillir. Malheureusement, cette joie sera écourtée lorsque les premiers coups de feu retentirent, occasionnant également les premières victimes. La débandade et le sauve-qui-peut ont immédiatement remplacé la joie de voir ces soldats .

 

A ce jour, nous ne sommes pas à mesure de dresser un bilan exact, mais selon les survivants on dénombre plus d’une centaine de morts et plusieurs blessés par balles dont des femmes et des enfants, " relate le communiqué.

Selon ces ressortissants du village de Karma, au regard de l’urgence de la situation, ils sont rentrés en contact avec les autorités administratives et judiciaires dans l’espoir d’avoir un accompagnement. Cependant, à part le communiqué du Procureur du Faso près le TGI de Ouahigouya annonçant l’ouverture d’une enquête sur ces évènements, aucune autre réaction de la part de l’autorité notamment en termes d’accompagnement n’a été enregistrée.

"En outre, dans la matinée du 24 avril 2023, nous avons tenté, bravant tous les risques, d’aller enterrer nos parents mais l’armée avait bloqué la route au niveau de l’axe Quahigouya -Youba, interdisant aux usagers de rejoindre le village de Karma. Il faut souligner que les portables étaient retirés et certaines photos supprimées avant d’être restituées.
De ce qui précède, nous ressortissants du village de Karma, tenons à éclairer l’opinion nationale et internationale sur les horreurs subies par notre village, " ont-ils confié.

Lire l’intégralité du communiqué ci-dessous.

Carine Daramkoum
Lefaso.net