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Communales en Guinée: le scrutin du 4 février
continue de diviser

Jour de vote en Guinée, le 4 février 2018.
© RFI / Carol Valade

Le contentieux électoral sur le scrutin communal du 4 février dernier n'en finit pas de diviser les Guinéens. Et les protestations de l'opposition contre la Commission électorale et les magistrats chargés de valider les résultats dans les bureaux de vote ne faiblissent pas. Et pourtant, ils ne sont pas nombreux à avoir déposé des recours jusqu'à maintenant.

L’UFDG, le principal parti d’opposition, seule formation politique à avoir à ce jour déposé des recours contre le scrutin du 4 février dernier, est attendu mardi 6 mars à la Céni pour une étude comparative entre ce qu’elle a fourni comme preuves et les procès-verbaux détenus par la Commission électorale.

En pareilles circonstances, un compromis est toujours possible entre acteurs politiques, explique une source à la Céni, qui ajoute que l’institution électorale n’a aucun pouvoir de modifier ou de changer les résultats déjà proclamés.

En attendant, l’opposition, elle, accuse les magistrats déployés sur le terrain d’avoir subi des pressions et modifié des chiffres, ce à quoi le ministre de la Justice s'inscrit en faux et défend ces magistrats.

Maître Cheik Sako : « La justice en général, et les magistrats en particulier, font actuellement depuis quelques semaines, l’objet d’attaques injustes, incompréhensibles et irresponsables. Il peut y avoir des dérapages individuels. S’il y a des dérapages individuels, il y a un organe pour ça. On ne peut pas jeter comme ça des magistrats en pâture, le magistrat ne prend pas des décisions seul. Pour l’instant, les recours - une fois tranchés par les magistrats -, sont définitifs, insusceptibles d’appel. »

Dans son réquisitoire, le ministre de la Justice a dit que le président du bloc libéral, Faya Millimono, répondra devant la justice pour outrage à magistrat dans l’exercice de ses fonctions.

Grève au Tchad: sixième semaine de mobilisation
pour les fonctionnaires

Le paiement des salaires des fonctionnaires est un problème récurrent au Tchad. Ici, des enseignants manifestent en 2007.
© AFP PHOTO/SONIA ROLLEY
 

Au Tchad, les travailleurs entament ce lundi 5 mars la sixième semaine de grève sèche et illimitée pour protester contre les mesures d'austérité décidées par le gouvernement pour faire face à crise financière. Jeudi, le chef de l'Etat a reçu les représentants des syndicats pour les persuader de reprendre le travail. Sans convaincre. Samedi dernier après une assemblée générale de restitution, les travailleurs ont dit non à l'appel à la reprise du travail par le chef de l'Etat.

La cour de la Bourse du Travail de Ndjamena était pleine samedi 3 mars, à l’occasion de l’assemblée générale extraordinaire convoquée par la plateforme revendicative, qui regroupe la plupart des enseignants, le personnel de la santé et les fonctionnaires des autres secteurs de l’administration publique mobilisés dans le mouvement de protestation et de défense des services publics tchadiens.

Les travailleurs, informés de la rencontre jeudi dernier, entre le chef de l’Etat, Idriss Deby, et les représentants des syndicats, sont venus nombreux pour entendre le compte-rendu du porte-parole de la plateforme syndicale revendicative. « Il a tout fait pour que les travailleurs aient au moins deux repas par jour, pour éviter que tous les jeunes chôment et n’aillent pas intégrer massivement… Et nous sommes passés de 30 000 fonctionnaires à 92 000. Il nous demande d’accepter les mesures pour redresser la situation », explique Barka Michel, président de l'Union des syndicats tchadiens.

Après la bronca de protestation, ils répondent : « C’est maintenant que la guerre commence ! ». Finalement, les travailleurs du secteur public décident de poursuivre à partir de ce lundi 5 mars la grève sèche et illimitée pour la sixième semaine de suite. Et pour la plupart des syndicalistes, il faut passer de la grève passive, qui consiste à refuser simplement de travailler, à une grève active.

Francophonie en « guerre culturelle » : la liberté de choisir

Face à l’ébullition de la scène intellectuelle francophone ces dernières semaines, notamment après les prises de position d'Alain Mabanckou, Abdourahman Waberi et Achille Mbembe, le philosophe sénégalais Souleymane Bachir Diagne plaide au nom d'une francophonie qui permet de choisir, et de faire communauté.

Tribune. La francophonie est dans une grande agitation. Motif ? Les déclarations, à la veille de la Conférence internationale pour la langue française et le pluralisme dans le monde, d’Alain Mabanckou, d’Abdourahman Waberi et d’Achille Mbembe, qui ont mis en garde le président Emmanuel Macron contre le concept de « francophonie », qui serait à l’origine un « appareil idéologique » à part entière de l’impérialisme français.

Rappelant néanmoins qu’Emmanuel Macron a confié à une écrivaine franco-marocaine, Leïla Slimani, la mission de traduire une vision ouverte et pluraliste de ce que doit devenir le français, l’hebdomadaire britannique The Economist n’hésite pas à parler de « guerres culturelles ».


>>> À LIRE – Leïla Slimani : la voix du président Macron à la Francophonie


Diantre ! Personne, cependant, à ma connaissance, n’a adopté la posture radicale de rupture de Ngugi Wa Tiong’o : on reste entre interlocuteurs qui parlent la même langue à défaut de parler le même langage.

Faut-il avoir honte de son amour de la langue ?

Lorsqu’on est l’un des maîtres de la langue, lui déclarer sa flamme, quoi de plus normal ?

Je voudrais évoquer ma rencontre avec Ngugi Wa Thiong’o, en 1984, lorsqu’il était professeur en visite à l’université de Bayreuth, en Allemagne, où je fus moi-même invité pour quelques semaines.

J’eus ainsi le privilège d’entretenir avec le célèbre auteur kényan des échanges qu’il a évoqués dans l’introduction du livre qu’il écrivait alors et qui fut publié deux ans plus tard sous le titre Decolonizing the Mind : the Politics of Language in African Literature.

Nous parlions de Marx et d’Althusser, mais, surtout, beaucoup de Léopold Sédar Senghor, de son amour pour la langue française et du rôle que le poète sénégalais avait joué dans la création de la francophonie institutionnelle.


>>> À LIRE – Ngugi wa Thiong’o : « La culture est une arène de combat »


Ngugi, à qui je traduisais en anglais les différents passages des écrits de Senghor dans lesquels il déclarait avec effusion son amour du français, se demandait comment on pouvait dire tant de douceurs de la langue qui vous a colonisé.

Je m’amusais beaucoup des indignations de l’écrivain kényan devant un Senghor qui, parlant d’une langue qu’il avait, selon son expression, « mâchée et enseignée », disait que ses premiers contacts avec elle avaient un goût de « confiture » et de « chocolat ».

Mais, surtout, tout en comprenant et en partageant l’engagement de Ngugi à défendre et (aussi, dirais-je quant à moi) à illustrer les langues nées en Afrique, je trouvais pour ma part tout à fait naturel également que Senghor parlât du français sur le ton du dithyrambe.

Lorsqu’on est l’un des maîtres de la langue que l’on sait si bien faire chanter, lui déclarer sa flamme comme on le fait à chaque vers que l’on compose, quoi de plus normal ? De ce qu’il aimât la langue française et qu’elle le lui rendît bien en ayant fait de lui l’un des plus grands poètes d’expression française de son siècle, fallait-il donc « avoir honte », pour reprendre une question que Senghor lui-même a posée, comme s’il répondait à Ngugi ?

Justement, voilà un des motifs de la querelle que font Mabanckou, Waberi et d’autres écrivains au mot « francophone » : dire, pour parler d’un auteur, « poète de la langue française » n’est pas la même chose que l’appeler « poète francophone », une expression qui enferme et réduit, quelque majeur que soit le poète en question.

La responsabilité des penseurs

Mais, par ailleurs, il est vrai qu’aujourd’hui, dans les universités américaines, « francophonie » se définit aussi comme la manière de nommer ce monde qui imagine et crée en français, dont l’Hexagone n’est pas le centre mais une province, et ce sont les études dites « francophones » où, en plus des auteurs classiques comme Senghor ou Césaire, l’on lit Tanella Boni ou Boubacar Boris Diop (en wolof même dans certains cas !), Léonora Miano et Véronique Tadjo, où l’on discute Paulin Hountondji ou Achille Mbembe, qui attirent au moins autant sinon davantage les étudiants que ce qui s’enseigne traditionnellement en France sous le nom de « lettres françaises ».

Cela dit, il faut préciser que, en des lieux importants comme la Sorbonne, l’École normale supérieure ou Créteil, l’ouverture pluraliste de ces lettres s’affirme aujourd’hui et se développe. Ngugi Wa Thiong’o a raison : il est de la responsabilité des penseurs, créateurs et artistes africains de développer les langues du continent comme langues de science et de création.

Et Senghor, il faut le rappeler, tout chantre de la francophonie qu’il était, a lui aussi exalté, et depuis ses toutes premières interventions, le bilinguisme, la capacité de vivre, penser et créer dans plus d’une langue.

 La francophonie institutionnelle a fait le choix radical de ne plus se définir défensivement comme le village gaulois assiégé

Justement, la francophonie institutionnelle a fait le choix radical de ne plus se définir défensivement comme le village gaulois assiégé mais comme une ouverture pluraliste, à l’extérieur, contre un monde où l’on n’aurait guère le choix d’une autre langue de la recherche et de la science, de la diplomatie et des sports que l’anglais, mais aussi à l’intérieur, en se sachant une langue parmi d’autres qui habitent également l’espace francophone et doivent aussi se développer.

Faire communauté

Simple intention ? Vœu pieux ? Je crois qu’il faut y voir au contraire un chantier et une tâche à accomplir. Et, plutôt que de soupçonner quelque ruse impériale, s’aviser qu’il est de la responsabilité des intellectuels et créateurs eux-mêmes, vis-à-vis de ces langues qu’ils habitent également, de faire en sorte que la francophonie signifie aussi le développement du créole, du wolof, du lingala : le cahier de doléances sur cette question n’est à présenter à personne d’autre que nous-mêmes. Ainsi ferons-nous de la francophonie la liberté de choisir.

Achille Mbembe et Alain Mabanckou ont raison. S’il faut accomplir l’acte de foi de croire qu’avoir une langue en partage, cela doit faire communauté, il faut le rappeler à ceux qui décident du sens des mots.

Communauté, cela s’oppose aux ethnonationalismes, aux tribalismes et aux murs. Une communauté qui donne sens à la recherche en français, au partenariat en français, à la science et à l’imaginaire en français, c’est une communauté continuellement créée par la mobilité sans entrave dans l’espace qu’elle se donne. Le francophone est migrant.

Niger : Issoufou, les principes et la réalité

« Entre les principes et la réalité, il faut choisir la réalité, à condition de ne pas s’agenouiller devant elle. » La phrase est de Lénine, et le socialiste Mahamadou Issoufou aime à la répéter.

Édito. Mahamadou Issoufou aime les symboles. Fin 2020-début 2021, juste avant la fin de son second mandat, il veut inaugurer le pont Général-Seyni-Kountché, le troisième sur le fleuve Niger, à Niamey. Et comme il a annoncé en avril 2017 qu’il ne modifierait pas la Constitution pour briguer un troisième mandat, ce pont peut lui permettre de passer la main de façon pacifique – un fait rarissime dans ce pays qui a connu quatre coups d’État depuis l’indépendance. Le pari est-il gagnable ?

Le Niger est pris en étau entre les jihadistes de Boko Haram au sud-est et ceux de Daesh et d’Al-Qaïda au nord-ouest. Le 4 octobre 2017, quatre soldats américains ont été tués dans une embuscade, non loin de la frontière malienne.

Mais le Niger n’est pas le Mali. « Au Niger, la construction étatique post­indépendance ne s’est pas appuyée sur un socle ethnique exclusif comme au Mali, où un fort nationalisme bambara continue d’imprégner la vie politique. Aujourd’hui, les identités ethniques apparaissent nettement moins polarisées au Niger qu’au Mali », écrivent les chercheurs Yvan Guichaoua et Mathieu Pellerin dans leur tribune « Pourquoi le Niger s’en sort mieux que le Mali », publiée en août dans le quotidien français Le Monde.

Autre défi, le contrecoup de la catastrophe de Fukushima, qui a eu lieu le 11 mars 2011 – la veille du jour de la première élection de Mahamadou Issoufou ! Depuis ce tsunami japonais, tous les pays ou presque gèlent leurs programmes nucléaires, et les cours de l’uranium, premier produit d’exportation du pays, sont en chute libre. Dépenses publiques en baisse, impôts en hausse… La rue s’agite. Certes, le chef de l’opposition, Hama Amadou, est en exil en France et commence à peine à sortir de deux ans de silence. Mais la société civile prend le relais. Signe de la nervosité du pouvoir : le renvoi sine die des élections municipales et régionales, qui auraient dû se tenir en mai 2016.

Côte à l’international

Le socialiste Mahamadou Issoufou aime citer cette phrase de Lénine : « Entre les principes et la réalité, il faut choisir la réalité, à condition de ne pas s’agenouiller devant elle. »

Au nom de cette efficacité, le régime essaie de relever le plus grand défi qu’affronte le pays en ce début de siècle : sa démographie incontrôlée, que le président français, Emmanuel Macron, a stigmatisée en juillet 2017, lors du sommet du G20, en Allemagne.

« Au rythme actuel, notre population va doubler tous les dix-huit ans. Ce n’est pas gérable. Notre objectif est de réduire son taux de croissance de 3,9 % à 3 % par an », affirme le chef de l’État nigérien, qui veut mettre fin aux mariages précoces des jeunes filles en rendant l’école obligatoire pour tous jusqu’à 16 ans.

L’un des atouts du régime Issoufou, c’est sa cote à l’international. En octobre 2013, c’est par Niamey que sont passés les services secrets français pour négocier la libération des quatre otages qui étaient détenus dans le Nord-Mali depuis septembre 2010.

Aujourd’hui, c’est à Niamey que Français et Américains installent leurs drones antijihadistes. En décembre 2017, lors de la « conférence de la Renaissance », à Paris, le Niger a recueilli les dividendes de cette politique en récoltant 23 milliards de dollars de promesses de financements.

Seront-elles tenues ? L’État nigérien est fragile, mais c’est un pôle de stabilité qui n’a pas de prix.

Lire les autres articles du dossier

* Niger, comment l'opposition fait face à l'absene de son chef Hama Amadou   http://www.jeuneafrique.com/mag/531880/politique/niger-comment-lopposition-fait-face-a-labsence-du-chef-hama-amadou/ 

* Niger : Amadou Ali Djibo (FRDDR) : "On ne brûle pas des pneus mais on fait le travail"   http://www.jeuneafrique.com/mag/531893/politique/niger-amadou-ali-djibo-frddr-on-ne-brule-pas-de-pneus-mais-on-fait-le-travail/

* Niger : Aichatou Boulama Kané : au Niger, il nous faut changer nos mentalités !   http://www.jeuneafrique.com/mag/531811/economie/aichatou-boulama-kane-au-niger-il-nous-faut-changer-nos-mentalites/

* Le Niger est engagé dans une course contre la montre   http://www.jeuneafrique.com/mag/531911/economie/le-niger-est-engage-dans-une-course-contre-la-montre/

* Niger, le troisième pont de Niamey prévu pour début 2021   http://www.jeuneafrique.com/mag/531913/economie/niger-le-troisieme-pont-de-pont-de-niamey-prevu-pour-debut-2021/

* Niger : Bioplast, la PME qui traque les déchets.   http://www.jeuneafrique.com/mag/531871/societe/niger-bioplast-la-pme-qui-traque-les-dechets/

* Niger : Tech-Innov, la télé-irrigation pour limiter le gaspillage   http://www.jeuneafrique.com/mag/531885/societe/niger-tech-innov-la-tele-irrigation-pour-limiter-le-gaspillage/

* Niger : Agadez prend son temps   http://www.jeuneafrique.com/mag/531827/societe/niger-agadez-prend-son-temps/

* Niger : Mawli Dayak au nom du père et de l'Aïr   http://www.jeuneafrique.com/mag/531842/economie/niger-mawli-dayak-au-nom-du-pere-et-de-lair/

 

Loi de finances au Niger: le gouvernement ne veut pas faire de compromis

Des manifestants défilent à Niamey contre la loi des finances 2018, fin décembre 2017.
© BOUREIMA HAMA / AFP
 

C'est une véritable fin de non-recevoir que vient d'opposer le gouvernement nigérien aux acteurs de la société civile. Devant les partenaires au développement du pays, le ministre des Finances Hassoumi Massaoudou n'est pas allé avec le dos de la cuillère pour fustiger le comportement de la société civile et l'opposition qui continuent de combattre la nouvelle loi de finances 2018. Le gouvernement ne reculera pas, a-t-il déclaré.

D’entrée de jeu, le ministre Hassoumi Massaoudou a balayé d’un revers de la main l’idée selon laquelle la loi de finances 2018 touche surtout le monde rural : « Toutes ces mesures concernent les villes. Donc ça, ça concerne un secteur qui n’était pratiquement pas fiscalisé et qui fait 59 % du PIB, et qui concerne des marchés, tous ces marchés que vous voyez, Katako, etc. Toute cette activité-là n’était pas du tout fiscalisée. Est-ce que cela est normal ? »

Chiffres à l’appui, le ministre a démontré que les Nigériens doivent d’abord se prendre en charge : « Nous ne pouvons pas continuer à ne compter que sur l’appui budgétaire, sur l’aide budgétaire. Ce n’est pas possible. »

Sans impôts, l’Etat risque de disparaître, a déclaré Hassoumi Massaoudou. Selon lui, la société civile et l’opposition ne gagneront pas ce combat : « Nous ne pouvons quémander sans prendre nos responsabilités. Je pense qu’ils ne vaincront pas. C’est un moment essentiel pour qu’il y ait un changement de culture par rapport à l’impôt parce qu’en réalité, ceux qui aujourd’hui sont dans la rue considèrent que payer l’impôt est illégitime. »

C’est sans détour que les partenaires au développement ont félicité le Niger pour, disent-ils, ses « réformes courageuses ». Selon Mateus Raul Paula, le chef de délégation de l'Union européenne au Niger : « Le choc des matières premières, le choc de l’aide sécuritaire imposent des réformes courageuses. »