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Présidentielle au Mali : IBK va devoir convaincre
sur son bilan

 

Après l’annonce de sa candidature à sa propre succession, lundi 28 mai, Ibrahim Boubacar Keïta doit désormais constituer une équipe de campagne qui aura une priorité : défendre le bilan du président sortant.

Dans les rues de Bamako, la nouvelle a alimenté les discussions toute la nuit. Dans un quartier populaire, au bord de la route, un groupe de jeunes discute autour d’un thé. « La candidature d’IBK n’est pas une surprise, car un mandat n’a jamais suffi à nos présidents africains », dit Moussa Koné, 34 ans, médecin à Bamako. « Je ne pense pas que son bilan soit si positif que ça. Il nous a promis de reprendre le nord, de nous donner des emplois et à lutter contre la corruption… », liste-t-il.

 « Sur son bilan, les gens jugent IBK avec passion ! », l’interrompt son ami Ibrahima Sissoko. « En réalité, c’est difficile de le jauger », estime ce jeune employé du secteur privé.
 
>>> A LIRE – Présidentielleau Mali : Soumeylou Boubèye Maïga, la dernière carte d’IBK
 
« Consolider les acquis »

Lundi 28 mai au soir, c’est par un discours diffusé lors du grand journal de la télévision nationale qu’Ibrahim Boubacar Keïta a annoncé sa candidature aux élections présidentielles du 29 juillet prochain, répondant ainsi à l’appel lancé début mai par une coalition de près de 70 organisations.

« Je ressens simplement et seulement le profond désir de poursuivre mon devoir qui est de servir au mieux le Mali en ces heures où les incertitudes ne sont pas encore totalement levées », a-t-il assuré.

Dans ce discours de 15 minutes, IBK est revenu sur son bilan et a affirmé se « réjouir des acquis de ces cinq dernières années », citant notamment la montée en puissance de l’armée malienne et l’application de l’accord de paix signé en 2015 entre le gouvernement malien et les groupes armés du Nord.
 
 
 
 
 
 
 
 
 

 

Qui pour diriger la campagne ?

Reste désormais à mettre la campagne en branle. La majorité présidentielle a prévu de se trouver un siège de campagne, dans les prochains jours, qui « pourra être situé dans le quartier ACI 2000 de Bamako », selon une source bien informée. IBK nommera également sous peu un directeur de campagne.

Une liste de noms lui a déjà été transmise, dans laquelle figure notamment Mahamadou Camara, son ancien ministre de la Communication, et Mahamane Baby, ancien ministre de l’Emploi, tous deux membres du RPM.

Cependant, « pour créer l’équilibre, IBK peut ne pas choisir quelqu’un de son parti », nous confie la même source. « Le RPM n’est pas le seul à soutenir sa candidature, il s’agit plutôt d’une plateforme d’associations et de partis politiques. »

Plus d’une dizaine de candidats

Face au président sortant, plus d’une dizaine de candidats se sont déjà déclarés. Parmi eux figurent notamment Soumaïla Cissé, chef de file de l’opposition et principal challenger de IBK, et Moussa Mara, l’ex-Premier ministre de Ibrahim Boubacar Keïta.

Ce dernier se trouve également face à trois autres de ses anciens ministres : Mohamed Ali Bathily (ancien ministre de la Justice), Housseini Amion Guindo (ancien ministre des Sports) et Dramane Dembélé (ancien ministre de l’Habitat).

Sont également en lice : Kalifa Sanogo, maire de Sikasso, dans le sud du pays ; Aliou Boubacar Diallo, homme d’affaires considéré comme l’une des personnalités les plus riches du Mali et deux hauts fonctionnaires internationaux, Modibo Koné et Hamadoun Touré.

Burkina Faso: sit-in au ministère de l'Economie,
le bras de fer se poursuit

Vue générale de la capitale du Burkina Faso, Ouagadougou.
© REUTERS/Joe Penney/Files

Après avoir observé une grève la semaine dernière (du 21 au 25 mai), les fonctionnaires du ministère de l'Economie et des Finances sont de nouveau en sit-in depuis hier et vont poursuivre toute cette semaine. Des sit-in pourtant interdits par le gouvernement, qui affirme suivre un avis du Conseil d'Etat. Au-delà de la satisfaction de leurs revendications qui concernent notamment des primes, des avantages acquis et la retenue à la source des cotisations syndicales, les syndicats exigent la levée « des sanctions abusives et autocratiques », prises à leur encontre.

Mercredi dernier, lors du Conseil des ministres, deux directeurs du ministère de l’Economie et des Finances ont été relevés de leurs fonctions. Ils s'étaient mis en grève au début de la semaine. « Des sanctions arbitraires », selon Mohamed Savadogo, un des responsables syndicaux au ministère. Les syndicalistes s'appuient sur un avis du Bureau international du travail (BIT) qui stipule que « tant que la grève reste pacifique, les piquets de grève et l’occupation des locaux devraient être permis ».

A l'avis du BIT, le gouvernement oppose celui du Conseil d'Etat qui a déclaré le sit-in illégal dans la fonction publique parce qu'il n'est pas expressément autorisé dans la loi. Le porte-parole du gouvernement Remis Fulgance Dandjinou met d'ailleurs en garde les contrevenants : « ils doivent savoir qu'ils risquent des sanctions administratives qui peuvent aller jusqu'à la révocation. » Et le ministre d'expliquer : « L'an dernier, il y a eu pas moins de 45 jours de grève dans ce ministère, ce qui paralyse notre économie. Nous ne pouvons l'accepter alors qu'un processus de dialogue est en cours. »

« Les sanctions ne font qu'envenimer les choses, rétorque Mohamed Savadogo. Nos sit-in vont se poursuivre toute la semaine et la semaine prochaine encore, si nos revendications ne sont pas prises en compte. »

Tchad: la présidence propose de compenser
les salaires amputés par des avantages en nature

Rue de Ndjamena (illustration).
© BRAHIM ADJI / AFP

Au Tchad, la fonction publique a observé une grève générale à l’appel de la plateforme syndicale revendicative, un regroupement des syndicats les plus représentatifs. Les travailleurs protestent contre le non-respect du moratoire conclut à la mi-mars avec le gouvernement pour payer aux employés intégralement leurs salaires après plusieurs mois de coupes pour faire face à l’austérité. Une promesse qui n’a pas été tenue et comme il y a deux mois, le service public a été paralysé en ce début de semaine.

Les établissements d’enseignement public déjà pas très opérationnels depuis le début de l’année, étaient fermés ce lundi matin, au désarroi des élèves qui craignent pour les examens de fin d’année. « Nous sommes à quelques pas de l’examen et on ne vient pas à l’école. C’est arrêté, comme ça… C’est un peu inquiétant », s'inquiète une jeune étudiante. « On ne trouve pas normal, mais ici on n’a pas le choix ».

« On demande simplement à notre gouvernement de penser à nous, à noter avenir qui est en jeu », demande un jeune homme. « On n’a pas fini le programme..., » se désole une autre étudiante.

La semaine dernière, l’exécutif a indiqué aux travailleurs qu’il ne pourra pas rétablir les salaires comme promis à la fin de ce mois de mai. Mais ce week-end, la porte-parole du gouvernement a indiqué que les salaires versés respectent les engagements du gouvernement. Une déclaration qui agace quelque peu le porte-parole de la plateforme syndicale revendicative, [qui regroupe l’Union des Syndicats du Tchad (UST), la Confédération Indépendante des Syndicats du Tchad (CIST) et le Syndicat National des Enseignants et Chercheurs du Supérieur (SYNECS), NDLR] Barka Michel, qui promet une grève illimitée :

« Nous voulons aussi dire à la population de nous comprendre. Nous sommes excédés. Vous avez compris que le gouvernement nous a toujours poussés vers la grève. Voilà… Nous sommes à cette nouvelle grève qui malheureusement ne va pas arranger nos enfants, ne va pas arranger la population. Mais nous sommes contraints. Vous savez, c'est une question de survie aussi pour nous militants ».

Selon nos informations, le cabinet de la présidence a rencontré les syndicats, hier lundi, pour proposer de rembourser aux fonctionnaires les montants amputés de leurs salaires par des compensations en nature.

Au Tchad encore, le syndicat des magistrats a aussi appelé à la grève pour protester contre les tirs contre le véhicule d'un avocat qui venait de récupérer ses clients libérés par la justice. Les magistrats pointent la responsabilité du gouverneur de la région du Logone occidental et les responsables de la gendarmerie appellent à des sanctions.

à (re)lire: Tchad: grogne dans les tribunaux après l'agression d'un avocat par des policiers

Côte d'Ivoire: au Discop,
les séries francophones ont la cote

Sur le tournage de la série «Taxi tigui», réalisée et produite par le Malien Toumani Sangaré, le 25 février 2016.
© Mohamed Camara/AFP/Banko

Par Léa-Lisa Westerhoff Publié le 29-05-2018 Modifié le 29-05-2018 à 10:44

Le Discop, le marché africain de l'audiovisuel, ouvrait ses portes ce lundi 28 mai à Abidjan. Lors de ce grand rendez-vous des professionnels du petit écran, l'objectif est de mettre en contact des acheteurs et des producteurs de contenu. Sur le continent, le potentiel est immense. Finie la domination des telenovelas d'Amérique du Sud ; ces dix dernières années, les pays francophones se sont mis à produire leur propre contenu télévisé.

Taxi tigui, Ma famille, Les bobodioufs, ces dernières années la liste des séries made in Afrique francophone n'a cessé de s'allonger. Avec plus de 2 200 chaînes de télévision qui diffusent par satellite sur le continent, l'appétit pour l'Afrique grandit. Pas étonnant quand on sait que 150 millions de personnes sur le continent parlent français et sont en attente de contenus qui leur ressemblent.

Petit à petit, le marché se structure. Le Discop en est la preuve : ce quatrième rendez-vous depuis 2015 réunit plus de 700 participants de 70 pays. Alexandre Rideau, à la tête de Keewu production depuis 2012 au Sénégal, parle de boom du secteur. « Il y a beaucoup de gens qui s'y mettent et de très bons projets qui se montent à Abidjan, Bamako et Dakar », explique celui qui a déjà produit six séries. « Cette nouvelle génération de séries qui sont en train d'arriver sur les écrans devrait encourager les diffuseurs et les annonceurs à investir plus et amorcer une pompe qui permette d'avoir plus d'argent dans le secteur », avance-t-il.

Le financement, un enjeu majeur

Car la difficulté de trouver des solutions pour financer une production de qualité en Afrique francophone reste un enjeu majeur. « Une chaîne africaine pré-achètera une série de 20 mn à 1 000 euros, estime Alexandre Rideau. Une télévision panafricaine basée à l'étranger 3 000 euros. Des tarifs inenvisageables en Europe. Dans ce contexte financier difficile, les producteurs sont des héros au quotidien ».

Résultat, sans procédures simplifiées et avec des Etats africains dont les budgets sont souvent trop restreints pour investir dans des émissions de qualités, les sources de financement se trouvent encore trop souvent à l'étranger. TV5 Monde, par exemple, investit 1 million d'euros par an dans la production de séries africaines.

Pour le réalisateur et producteur malien Toumani Sangaré, cette dépendance de la production africaine aux financements étrangers est compliquée à gérer. « Il y a la distance, mais aussi souvent une coproduction Nord-Sud qui s'installe et donc un déséquilibre, une dépendance financière des productions africaines qui est compliquée à gérer », indique-t-il. Toumani Sangaré est parvenu à sortir de cette dépendance en finançant sa série Taxi tigui exclusivement avec des entreprises privées maliennes via la publicité ou du référencement de produit.

Le tremplin Internet

Pour contourner ce problème d'argent, de plus en plus de réalisateurs se servent d'Internet comme un tremplin pour être repérés. C'est le cas de la Marocaine Sonia Terrab, réalisatrice d'une web-série destinée à libérer la parole des femmes. « Avec Internet, le buzz a été énorme, explique-t-elle. On a parlé de nous un peu partout dans le monde. Ça donne des arguments et des outils pour aller chercher des coproducteurs à l'étranger pour financer le film et une saison 2 ». La jeune Marocaine prévoit donc de tourner un documentaire sur cette question de parole des femmes. Le Discop à Abidjan est un outil supplémentaire pour aider les réalisateurs à trouver des financements.

Reste une autre limite de ce jeune secteur économique : la difficulté de trouver les compétences sur le continent africain. « Dès qu'on commence à multiplier les tournages, on s'aperçoit qu'il y a un manque de compétences en termes de techniciens, d'auteurs, de réalisateurs, de chefs costumiers, de machinistes, toutes les compétences manquent !, analyse le producteur Alexandre Rideau. Il y a un énorme besoin de formation et ça, c'est central pour que cette industrie se mette en place. »

Ces dix dernières années, des écoles de cinéma se sont créées à Marrakech, Dakar, mais aussi Abidjan. De quatre, elles sont passées à une dizaine en Afrique. De quoi à terme créer une véritable industrie, espèrent les producteurs africains .

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Mali: 21 communes se lèvent
contre la pollution de l’eau due à l’orpaillage

La région de Kayes est confrontée à la pollution de la rivière Falémé, l'un des principaux affluents du fleuve Sénégal. Ici, les bords du fleuve Sénégal, dans la région de Kayes, à l'ouest du Mali. (Image d'illustration)
© David Else / Getty Images

Au Mali, les habitants de la commune rurale de Faléa, dans le cercle de Kéniéba, dans la région de Kayes, tirent la sonnette d'alarme. La rivière Falémé, l'un des principaux affluents du fleuve Sénégal, présente des niveaux de pollution record. Organisés en association, 21 villages de la commune ont commandé une étude scientifique du fleuve, qui démontre que les nouvelles techniques d'orpaillage ont considérablement augmenté la pollution de l'eau. Ce qui menace l'existence même de la Faléa.

Le cercle de Kéniéba se trouve à la frontière avec le Sénégal et la Guinée. Grâce à la rivière Faléa, on y pratique le maraîchage et la culture céréalière. Ou y pratiquait, car à cause de la pollution, les choses ont bien changé.

« Ça a créé des problèmes de santé extrêmement graves. Par exemple, les maladies pulmonaires, ça provoque des enfilements du pied, le ventre… On ne trouve plus de poissons », s’inquiète Nouhoum Keita, le directeur de l'association ASFA 21 regroupant les 21 villages de la commune qui ont demandé l’étude.

« Il y a quelques rares hippopotames, ajoute-t-il, les populations ne peuvent plus faire le maraîchage. Les gens délaissent complètement le maraîchage et vont donc à l’orpaillage. » Autrement dit, c'est la ruée vers l'or.

Les orpailleurs utilisent des techniques de plus en plus polluantes et des machines comme les dragues. Guimba Diallo est ingénieur des eaux et forêts. Il a réalisé l'étude de qualité de la rivière et certains de ses prélèvements montrent des taux de pollution 3 000 fois supérieurs à la norme malienne.

« Les dragues sont des outils pour extraire le minerai dans le lit des fleuves. Elles nettoient carrément le fond du lit du fleuve et rejettent tous les graviers et tous les gravats. Ça dévie le cours du fleuve. Et on utilise le mercure pour nettoyer, pour récupérer tout l’or », constate Guimba Diallo.

« Autrefois, ajoute-t-il, on n’utilisait pas de produits chimiques : on se servait seulement de l’eau pour récupérer les paillettes et les grains d’or. Mais pour récupérer l’or en poudre, il faut utiliser le mercure, le cyanure et d’autres produits chimiques ».

Aujourd'hui, les dragues et leurs déchets menacent l'existence même de la rivière Falémé. Affluente du fleuve Sénégal, les conséquences de son assèchement se ressentiraient jusqu'en Mauritanie.