Vu au Sud - Vu du Sud

L’œil de Glez : peine de mort,
abolition burkinabè sur mesure ?

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Damien Glez est dessinateur-éditorialiste franco-burkinabè

Rires jaunes du côté de la défense de François Compaoré. Pour les avocats du frère de l’ex-président burkinabè, leur client ne devait pas être extradé de la France, car la peine de mort existait toujours dans le code pénal du Burkina Faso. Mais cette sanction vient d’être abolie…

Il y a des nouvelles symboliques qui ne sont pas que symboliques. Certes, le Burkina Faso, signataire du moratoire de non-application de la peine de mort, était qualifié d’« abolitionniste de fait ». Mais il continuait de condamner épisodiquement à la fusillade. Et que dire des capitaine Henri Zongo et commandant Jean Baptiste Lingani, compagnons de route révolutionnaire de Thomas Sankara et Blaise Compaoré, passés par les armes le 19 septembre 1989, alors que les statistiques officielles retiennent 1988 comme année de la dernière exécution connue ?

Le 31 mai dernier, le Parlement du pays des Hommes intègres a éclairci la situation en adoptant un nouveau code pénal qui prévoit l’abolition de la peine de mort. Si l’événement n’est pas que symbolique, c’est également parce que beaucoup mettent ce 31 mai en perspective du 13 juin prochain, date à laquelle la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris doit se prononcer sur la demande d’extradition d’un François Compaoré naturalisé Ivoirien récemment.

Pour les avocats du « petit président », la présence de la peine de mort dans le code pénal burkinabè était un argument pour démotiver l’extradition

Mis en cause dans l’enquête sur l’assassinat du journaliste Norbert Zongo, en 1998 – meurtre consécutif à celui de David Ouedraogo, chauffeur dudit François – le frère du président déchu Blaise Compaoré a été arrêté à l’aéroport parisien de Roissy, fin octobre 2017, puis placé sous contrôle judiciaire, en raison d’un mandat d’arrêt émis le 5 mai de la même année, pour faits présumés « d’incitation à assassinats ». Or, pour les avocats du « petit président », la présence de la peine de mort dans le code pénal burkinabè était un argument pour démotiver l’extradition.

Un motif de réhabilitation ?

Si l’abolition est censément un motif d’inquiétude pour Maître Pierre-Olivier Sur, le défenseur de François Compaoré la présente quasiment comme un motif de réhabilitation. Il souligne que « les libertés publiques progressent grâce à la famille Compaoré puisqu’à l’évidence, cette mesure on la doit à François Compaoré ». Il lui faudra tout de même affûter ses autres arguments comme la vétusté des cellules burkinabè, la présumée irrégularité d’un mandat d’arrêt sans mise en examen au Faso ou – plus difficile à démontrer – la vocation politicienne de la procédure contre son client, voire celle de l’abolition de la peine de mort à quelques jours du délibéré sur l’extradition.

Réponse du berger à la bergère : les partisans de l’extradition rappellent qu’Emmanuel Macron, en visite à Ouagadougou, avait justement indiqué qu’aucun prisme politique ne serait appliqué au traitement de l’affaire François Compaoré. Que celui qui se sent politicien se mouche.

Mort d’un étudiant à Abidjan: le gouvernement
tente de désamorcer la colère

La cité rouge, à Abidjan, cité universitaire pour étudiants
© J-M Munier/RFI

Après la grosse colère et les manifestations hier et avant-hier des élèves de l'Institut national de la jeunesse et des sports (INJS) d'Abidjan, le gouvernement reprend la main. Le ministre des Sports répond aux camarades d'un élève de licence de sport qui s'est tué accidentellement faute de moyens médicaux adéquats sur place. Un accident qui a révélé d'autres travers de gestion de l'INJS, comme les problèmes de logement sur le campus sportif.

Après un début de marche avorté à Treichville dans les gaz lacrymogène de la police hier matin, les cris de colère des étudiants de l'INJS sont apparemment parvenus jusqu'au bureau du ministre des Sports ivoirien François Amichia.

Dans l'après-midi, le ministre s'est fendu d'un communiqué lu devant la presse dans lequel il indique tout d'abord que le gouvernement présente ses condoléances à la famille du jeune sportif décédé accidentellement. Puis il annonce la suspension du directeur du centre de la médecine du sport, un dispensaire visiblement défaillant au moment de l'accident mortel.

Le ministre indique par ailleurs qu'une enquête a été diligentée pour élucider les causes et les circonstances de ce décès. Enfin le communiqué mentionne que dans le cadre des opérations de réhabilitation du site sportif, dix-sept bâtiments d'une capacité de 2000 places devraient être mis en place pour la prochaine rentrée. De quoi peut-être calmer l'impatience et les revendications des jeunes sportifs ivoiriens qui attendent depuis plusieurs mois d'y être logés...

Selon nos informations, un rendez-vous entre une délégation d'étudiants et le ministre devrait avoir lieu.

Niger : le procès des deux jeunes pro-Issoufou
s'est tenu à Zinder

Deux fervents supporters de Mahamadou Issoufou avait appelé à ce qu'il se représente. Ils sont jugés pour cela.
© today.ng/news/africa

Le jugement de deux membres de la société civile qui ont appelé à un troisième mandat du président Mahamadou Issoufou a été mis en délibéré au 14 juin. Le procès de Salissou Ibrahim et Issoufou Brah s'est tenu hier à Zinder, dans l'Est du pays. Arrêtés il y a une dizaine de jours, ils avaient demandé, sur une radio locale, au président Issoufou de se représenter en 2021. Selon la Constitution du Niger, un président n'a droit qu'à deux mandats. Salissou Ibrahim et Issoufou Brah sont donc accusés de « propos non agréés en vue de former un complot pour détruire le régime constitutionnel ».

L'audience a duré près de deux heures. Salissou Ibrahim et Issoufou Brah ont comparu sans avocats, ayant préféré assurer eux-mêmes leur défense.

Dès le début de l'audience, l'enregistrement de leurs propos tenus à la radio a été diffusé. Des propos reconnus par les deux militants de la société civile : satisfaits de l'action de Mahamadou Issoufou, ils souhaitent que le président brigue un nouveau mandat pour poursuivre ses actions, notamment en terme de sécurité.

Salissou Ibrahim et Issoufou Brah ont en revanche nié avoir pris part à un complot contre l'ordre constitutionnel. Les deux jeunes s'expliquent : dans leur discours ils appellent les parlementaires à voter à l'Assemblée nationale une modification de la Constitution.

« Le schéma est clair », a commenté au téléphone Moussa Chaidou, procureur au tribunal Zinder. « De tels propos sont inacceptables dans le contexte actuel. Souvenez-vous de 2010. Nous sommes un pays démocratique, nous entendons le rester, ce discours nous expose à des critiques inutiles » a-t-il conclu.

Salissou Ibrahim et Issoufou Brah risquent une peine allant d'une à neuf années de prison, et une amende de 50 000 à 20 millions de francs CFA.

Tentative de décrispation politique au Mali

L'Assemblée nationale du Mali à Bamako (illustration).
© HABIBOU KOUYATE / AFP

Comment faire baisser la tension au Mali alors que s'ouvre une séquence électorale importante ? Le ton est sérieusement monté le weekend dernier avec la répression d'une marche de l'opposition interdite par le pouvoir. Ce jeudi, le Premier ministre malien Soumeylou Boubeye Maïga a rencontré des représentants de la majorité et de l'opposition, à l'initiative notamment du chef de la Minusma, Mahamat Saleh Annadif.

Le représentant spécial du secrétaire général des Nations unies au Mali, Mahamat Saleh Annadif l’un des initiateurs de la rencontre, décrit l’ambiance qui régnait au début : « Les uns et les autres ont décrit un peu le pourquoi de cette ambiance de crispation depuis le 2 juin. Le gouvernement a dit que c’est vrai qu’il a interdit, les autres disent : vous n’avez pas le droit. C’est normal, on s’est dit un certain nombre de choses ».

Mais très rapidement ensuite, selon les témoins, toutes les parties ont pris en compte les enjeux. On va vers des élections sensibles, la paix est encore fragile et personne n’a intérêt à ce que la crispation perdure. C’est pourquoi le sentiment général à la fin de la rencontre pousse plutôt à être optimiste pour la suite.

« Nous nous sentons vraiment rassurés parce que la confiance est revenue. On parle d’une marche le vendredi, le gouvernement n’a pas d’opposition particulière. Le plus important c’est qu’on aille vers des élections apaisées », estime Mahamat Saleh Annadif.

Pouvoir et opposition se retrouveront rapidement pour relancer leur cadre de concertation. Et le Premier ministre malien de son côté, s’est engagé à garder sa porte largement ouverte à toute la classe politique.

Au PDCI, réaction prudente à l’idée
d’un 3è mandat du président Ouattara

Alassane Ouattara n'exclut pas de se représenter en 2020, une hypothèse qui fait réagir.
© John MACDOUGALL / AFP

L'éventualité que le président Ouattara se présente peut-être pour un troisième mandat n'a pas fait broncher ou presque chez son principal allié du PDCI, présidé par Henri Konan Bedié, qui n'est plus frappé par la limite d'âge pour un éventuel nouveau mandat présidentiel en 2020.

Ses prises de paroles politiques sont suffisamment rares pour noter celle-ci : Daniel Kablan Duncan, actuel vice-président de Côte d’Ivoire et possible candidat dans le cadre d'un ticket RHDP à la présidentielle de 2020 a réagi. Face au brouhaha suscité par l'interview d'Alassane Ouattara dans Jeune Afrique, l'élu de Grand Bassam a demandé à des militants inquiets de son parti d’être patients, de ne pas courir plus vite que leurs pieds. « Il n'a pas dit qu'il allait être candidat » a souligné Kablan Duncan à propos du président ivoirien.

Plus catégorique, Maurice Guikahue, le secrétaire exécutif du PDCI, a assuré, lui aussi devant des militants, que Ouattara ne pouvait pas être candidat pour un troisième mandat au regard de la nouvelle Constitution.

Au-delà des déclarations de circonstances au gré des meetings du week-end, lorsqu’on approche le siège PDCI à Saint-Jean Cocody, on ne trouve guère d'interlocuteur pour expliquer la position du parti dans l'hypothèse d'une candidature Ouattara.

Ceux qui décrochent leur téléphone laissent entendre, en substance, que la position du grand frère Bédié – et donc du parti – n'a pas varié depuis sa dernière conférence de presse le 19 avril dernier: à savoir, le PDCI aura un candidat à la présidentielle pour 2020, soit dans le cadre du RHDP, soit en dehors si le sort en décidait.

Tout cela pourrait être confirmé lors du prochain bureau politique du parti d'Houphouët-Boigny, le 17 juin prochain.