Vu au Sud - Vu du Sud

Procès en appel de Khalifa Sall:
un deuxième jour d’audience sous tension

Khalifa Sall salue ses partisans au premier jour de son procès en appel, le lundi 9 juillet.
© RFI

Deuxième jour d’audience dans le procès en appel de Khalifa Sall au Sénégal. Dans un palais de justice sécurisé comme un camp militaire, la tension est vive depuis l’ouverture lundi matin. En première instance, le maire de la capitale a été condamné à cinq ans de prison pour escroquerie. Et ce mardi, les débats ont à nouveau été perturbés.

A peine ouverte, l’audience a déjà été suspendue. Quinze minutes après l’ouverture, le juge Demba Kandji a quitté la salle pour tenter, explique-t-il, de ramener de la sérénité. Après avoir évacué la salle hier soir, le juge a menacé le public : « Sa présence est nécessaire, mais pas indispensable, je n’hésiterais pas à faire évacuer la salle. »

Dans la foulée, la défense demande à nouveau un renvoi en attendant l’arrêt définitif de la Cédéao. La cour de justice de l’instance sous-régionale a en effet condamné l’Etat du Sénégal et estime que Khalifa Sall n’a pas eu le droit à un procès équitable. « La cour a déjà tranché, le renvoi a été refusé », rappelle le juge.

« Toute cette mascarade était prévue, organisée pour empêcher ce procès », déclare Maître Yérim Thiam, avocat de l’Etat et bâtonnier qui laisse aussi entendre que l’un de ses confrères de la défense est un menteur. « Vous me traitez de menteur », crie Maître Jakubowicz. « C’est inacceptable, j’exige des excuses, Monsieur le juge. »

« Ce n’est pas mon rôle », réplique le juge Kandji qui ajoute « mais je suis étonné d’entendre ces propos dans la bouche du bâtonnier », avant de suspendre l’audience. Un juge qui a donc le plus grand mal à gérer ce procès, ses coups de poings sur la table n’ont d’ailleurs pas empêché les partisans de Khalifa Sall de chanter sa victoire.

Il est détenu arbitrairement. La Cour de la Cédéao a dit qu’il a été détenu arbitrairement jusqu’à la levée de l’immunité parlementaire et, depuis lors, aucun mandat de dépôt n’est venu justifier sa détention actuelle.
Les avocats de Khalifa Sall demandent la libération immédiate de leur client
10-07-2018 - Par RFI

Burkina Faso: des militaires putschistes
ont reçu de l'argent, selon un rapport

Le général Gilbert Diendéré, ici en 2011, qui est à l'origine du coup d'Etat au Burkina Faso du 17 septembre 2015.
© AFP PHOTO / AHMED OUOBA

Selon l’expertise des téléphones portables du major Eloi Badiel, la plupart des sous-officiers ayant participé à l'enlèvement et la séquestration des autorités de la transition ont reçu de l'argent. Les avocats de la défense contestent le rapport d’expertise et exigent la présentation de l'ordonnance de prestation de serment d'un des experts.

Selon le parquet militaire, le 18 septembre 2015, soit 48 heures après l'arrestation des autorités de la transition, le chef d'opération, le major Eloi Badiel, aurait reçu un transfert d'argent venant d'un numéro issu du réseau téléphonique ivoirien.

Citant un rapport d'expertise, le procureur précise que la plupart des sous-officiers ayant pris part à l'opération auraient reçu chacun la somme d'un 1 941 000 francs CFA. Les transferts ont été faits à travers des numéros d'un réseau de téléphonie mobile ivoirien par une personne du nom de Karidja Ouattara. Et chaque sous-officier avait en sa possession un numéro avec l'indicatif 225. Celui de la Côte d'Ivoire.

À la barre, l'adjudant-chef major Eloi Badiel déclare qu'il n'a aucun commentaire à faire suite à cette révélation. Son avocat maitre Bali Baziemo souligne que c'est la première fois que ce rapport d'expertise lui est présenté et exige sur-le-champ l'ordonnance de prestation de serment de l'expert commis à la charge.

L'ex-sergent-chef Roger Koussoubé, présumé messager du général Gilbert Dienderé soutien à son tour que le major Eloi Badiel lui aurait également remis une carte SIM d'un réseau téléphonique ivoirien. Et que c'est à travers ce numéro qu'il devait communiquer durant la tentative de coup d'État.

Côte d'Ivoire: un nouveau gouvernement
ouvert aux personnalités pro-parti unifié

Patrick Achi, le secrétaire général de la présidence, s'exprime lors de l'annonce du nouveau gouvernement en Côte d'Ivoire, le 10 juillet.
© REUTERS/Luc Gnago

La Côte d'Ivoire se dote d'un nouveau gouvernement après la dissolution du précédent le 4 juillet dernier. Une équipe gouvernementale élargie, passant de 35 postes de ministre et de secrétaires d'Etat à 41. Cependant, pas de grand changement par rapport au gouvernement précédent, il s'est simplement ouvert à des personnalités favorables au parti unifié, cher au président Ouattara. Ce projet est source de tensions entre le RDR du président Ouattara et son allié au sein de la coalition au pouvoir, le PDCI d'Henri Konan Bédié. Malgré les tensions, tous les ministres du PDCI ont été reconduits. Dix nouvelles personnalités favorables au parti unifié font leur entrée.

Comme attendu, ce nouveau gouvernement fait entrer des personnalités issues des petites formations politiques de la coalition au pouvoir qui ont accepté le projet de parti unifié en vue de la présidentielle. Elles sont au nombre de 4, parmi lesquelles Albert Toikeusse Mabri, le président de l'UDPCI, qui est nommé ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche.

Mais le véritable enjeu était de savoir quelle place serait réservée aux membres du PDCI, le parti d'Henri Konan Bédié. Malgré les tensions, la totalité des 10 ministres du PDCI a été reconduite, même s'ils ont parfois changé de portefeuille.

Cela n'est pas tellement surprenant : le 3 juillet, à la veille de la dissolution du gouvernement la quasi-totalité d'entre eux s'était désolidarisée de la ligne de leur parti et avaient appelé à une mise en place rapide du PU comme le souhaite le chef de l'Etat ivoirien. Trois nouvelles personnalités du parti d'HKB, réputées pro-parti unifié font aussi leur entrée.

À noter qu'un proche de Guillaume Soro, le président de l'Assemblée nationale, qui entretient des relations compliquées avec le chef de l'Etat ivoirien, fait son entrée dans le nouveau gouvernement. Il s'agit de Sidiki Konate nommé ministre de l'Artisanat.

2020 dans l'objectif

Avec ce nouveau gouvernement très politique et dont le nombre de portefeuilles passe de 35 à 41, le président Ouattara tente d'élargir ses soutiens à deux ans de la présidentielle.

Pour le politologue ivoirien Sylvain N'Guessan, Alassane Ouattara opère un « passage en force » dans le but de faire plier son allié sur la question du parti unifié.

Dans cette « guerre des nerfs », « il ne semble pas qu'un coup fatal ait été porté dans un sens comme dans un autre », nuance l'analyste politique Jean Alabro. « Reste à voir dans les jours ou semaines à venir quelle sera la réaction du PDCI ».

Réforme de l’Union africaine : les propositions
choc de Paul Kagame et Moussa Faki Mahamat

| Par - Envoyé spécial à Nouakchott

La réforme de l'UA, portée par le président en exercice, Paul Kagame, et le président de la Commission, Moussa Faki Mahamat, est l'un des principaux enjeux du sommet de Nouakchott, qui s'ouvrira dimanche 1er juillet. Un rapport sur la question a été remis aux délégations et il dresse un état des lieux sans concession de l'avancement de ces réformes. JA a pu le consulter.

  • Des sanctions immédiates en cas de retard de paiement

Au Sommet de Kigali, en 2016, l’Union africaine (UA) a pris la décision de s’autofinancer afin de préserver son indépendance vis-à-vis des bailleurs de fonds extérieurs.

Mais la mise en œuvre de cette décision se heurte notamment au retard de paiement de leur contribution par nombre de pays membres. « La plupart des États membres ne paient pas à temps », note le rapport, qui déplore « un impact négatif sur la mise en œuvre des programmes et l’exécution des budgets ».

Pour l’instant, les États disposent d’une certaine flexibilité : ils peuvent éviter les sanctions tant que les retards de paiement n’atteignent pas un arriéré cumulé de deux ans. Le rapport propose de réduire sensiblement cette tolérance et d’appliquer des sanctions pour « tout retard de paiement depuis plus d’un an ». Celles-ci incluraient la suspension de leur participation aux sommets et au bureau de tout organe de l’Union. Les États sanctionnés se verraient aussi privés du soutien de l’UA en vue de l’obtention de postes internationaux et ne pourraient plus non plus accueillir les organes, institutions ou bureaux de l’Union.

  • Une révision du barème des contributions

« 48% du budget de l’UA dépendent des contributions de seulement cinq États membres, ce qui présente des risques évidents pour la stabilité du budget. » Les rapporteurs proposent plusieurs options de réforme pour augmenter les contributions de tous les États membres. L’une d’elle prévoit notamment qu’un « taux plancher » soit appliqué afin « qu’aucun État membre ne contribue à moins de 200 000 dollars (170 000 euros, ndlr) ».

  • Pas d’excuse pour la mise en œuvre de la taxe de 0,2 %

Lors du sommet de Kigali, en 2016, les États membres ont convenu de lever chacun une taxe de 0,2 % sur les importations de certains produits dits « éligibles » pour lever les fonds nécessaires à leur contribution aux différents budgets de l’organisation. À ce jour, 23 États membres (sur 55) ont commencé à mettre en place cette taxe et « 13 ont effectivement commencé à collecter des fonds », notent les rapporteurs.

Pour justifier leur retard, certains États membres ont invoqué des incompatibilités avec leur Constitution et avec leurs engagements internationaux, tels que leur adhésion à l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Ces arguments ne convainquent toutefois pas les rapporteurs, qui notent que les États peuvent déterminer « la forme et les moyens à utiliser pour leur mise en œuvre » et que les États membres de l’OMC « ont mis en œuvre la décision de prélèvement de 0,2 % sans enfreindre leurs obligations commerciales internationales ».

  • Comment désigner les commissaires  ?

Aujourd’hui, les États membres de l’UA élisent non seulement le président de la Commission mais aussi, directement, son vice-président et chacun de ses huit commissaires. Cela a pour conséquence de saper l’autorité du président de la Commission, situation identifiée comme problématique dès 2007 dans un rapport signé par le Nigérian Adebayo Adedeji, mais dont les conclusions étaient restées lettre morte.

Pour remédier à cette situation, les chefs d’État s’étaient mis d’accord à Addis-Abeba, en juillet 2017, pour que le vice-président et les commissaires soient désormais nommés par le président de la Commission. Mais cette option semble encore susciter des réticences de la part d’États attachés à leur pouvoir de décision, notamment ceux d’Afrique australe et d’Afrique du Nord. Un compromis est donc proposé par les rapporteurs : le vice-président et les commissaires resteraient élus par les États mais le président de la Commission décidera de l’attribution des portefeuilles et « aura les pouvoirs de les redéployer (et de résilier leurs contrats) ».

Mali: la sécurité, premier défi
de la présidentielle du 29 juillet

Des militaires maliens patrouillent à Ménaka pendant la visite du Premier ministre, le 9 mai 2018.
© Sebastien RIEUSSEC / AFP

Dans un mois, les Maliens sont appelés à élire leur nouveau président. Le scrutin se déroulera le 29 juillet dans un contexte sécuritaire qui s’est dégradé ces derniers mois. La sécurisation de la campagne électorale, des candidats et des bureaux de vote le jour J est une des préoccupations majeures de tous ceux qui préparent et participent au processus électoral.

Ces derniers mois, la sécurité est devenue un défi quotidien dans plusieurs régions du Mali. A Tombouctou, les habitants vivent dans la peur d’une nouvelle attaque après celle du 14 avril dernier qui a visé le camp militaire abritant la force de l’ONU et la force française Barkhane. En ville, la criminalité a fait des bonds avec une multiplication des vols de véhicules et des assassinats sommaires. A Gao, même sentiment d’inquiétude face à la multiplication des braquages. Dans la région centre, autour de Mopti, des dizaines d’écoles ont fermé sous la menace des terroristes, et de nombreux habitants craignent désormais de circuler sur certains axes routiers.

Aux attaques des groupes armés se sont aussi superposés des conflits communautaires et soupçons d’exactions menées par les forces armées maliennes elles-mêmes. « Lors de l’élection de 2013, nous n’avons eu aucune inquiétude pendant la campagne, mais aujourd’hui, une réelle incertitude pèse sur nos déplacements », confie Soumaïla Cissé, candidat à l’élection. Le chef de file de l’opposition se demande s’il pourra se rendre à Niafunké, à 200 kilomètres de Tombouctou, village où il est élu et où il doit voter. Il s’interroge aussi sur la faisabilité de déplacements dans les régions du centre de Ténenkou et Youwarou.

Face à l’insécurité, les autorités se veulent rassurantes. Jeudi 21 juin, lors d’un débat sur la sécurisation du scrutin à l'Assemblée nationale, le ministre de la Sécurité a promis de prendre en compte les inquiétudes des candidats. « Dès que la liste définitive sera validée par la Cour constitutionnelle, chaque candidat aura droit à une garde rapprochée. Ils pourront aussi bénéficier d’une escorte au cours des déplacements qui leur paraissent risqués », a précisé le général Salif Traoré.

L’autre inquiétude en amont du scrutin concerne la distribution des cartes d’électeurs. Certains craignent qu’elle ne puisse pas avoir lieu partout, à temps, notamment dans les zones où l’administration n’a pas fait son retour à cause de l’insécurité.

Quid du jour J ?

Le ministre de l’Administration territoriale assure que l’élection pourra se tenir partout et qu’il n’est pas question d’organiser des élections partielles. Certains élus locaux, préférant garder l’anonymat à cause des menaces qui planent sur leur population, restent sceptiques. « Qui voudra tenir un bureau de vote dans un village du cercle de Ténenkou ou de Djenné ? Chaque centre de vote sera-t-il sécurisé ? », s’interroge le maire adjoint d’une commune de la région de Mopti.

Le plan mis en place par les autorités s’appuie sur 11 000 hommes, policiers gendarmes militaires. Les anciens combattants des groupes armés signataires de l'accord de paix qui ont accepté de se regrouper à Gao, Tombouctou et Kidal dans ce qu'on appelle les MOC - Mécanisme opérationnel de coordination - seront aussi mis à contribution.

La Mission des Nations unies au Mali, Minusma, appuie également le processus électoral et participe au dispositif sécuritaire. La composante policière de la mission onusienne – UNPOL - a participé à la formation de plus de 1 000 policiers essentiellement à Tombouctou, Gao et Mopti, les régions les plus instables ces derniers mois. Les casques bleus seront aussi mobilisés le jour J, mais ne seront pas en première ligne. « Dans les bureaux et juste à proximité, la sécurité sera assurée par la police et la gendarmerie malienne, explique Martin Nadon, directeur de la division des affaires électorales de la Minusma. Les militaires maliens seront positionnés dans les quartiers, en périphérie des centres de vote. Nous interviendrons dans ce qu’on peut appeler le troisième cercle, en fonction des besoins ».

La Minusma appuiera aussi la sécurisation des convois transportant le matériel électoral. Elle participera aussi à la sécurité des officiels, des agents électoraux, et des observateurs en fonction de ses capacités aériennes et dans la limite géographique de son déploiement. « Des priorités devront être établies, car nous aurons à transporter beaucoup de monde », précise Martin Nadon qui confirme que la Minusma a aussi prévu d’appuyer les candidats dans leur déplacement de campagne, « dans la limite de ses possibilités ».