Voix d'Afrique N°105.

L’Afrique et l’école primaire


Des écoles primaires publiques surpeuplées...


À l’approche de 2015, date à laquelle tous les enfants du monde doivent être scolarisés, on se doit de mettre en lumière les différentes lacunes et besoins toujours en suspens. Ces derniers favorisent la continuité des inégalités dans le secteur de l’éducation en Afrique subsaharienne. En effet, malgré quelques progrès, 57 millions d’enfants à travers le monde demeurent non scolarisés et plus d’un sur deux de ces enfants vivent en Afrique subsaharienne. Dans les pays industrialisés, les revendications des enseignants sont nombreuses : rythmes scolaires, classes surchargées quand on dépasse 25 élèves, programmes mal ficelés… Que dire alors des écoles d’Afrique ?


L’éducation est un droit fondamental inscrit dans la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme comme dans la Convention relative aux Droits de l’Enfant. Elle doit être un moyen de donner aux enfants comme aux adultes la possibilité de devenir des participants actifs de la transformation des sociétés dans lesquelles ils vivent.

L’éducation joue également un rôle important dans la réduction de la pauvreté et des inégalités. Elle rend les populations moins vulnérables et favorise leur participation au développement, l’exercice de la citoyenneté et la bonne gouvernance.
Dans les pays, ce sont les gouvernements qui ont la responsabilité de définir les politiques d’éducation. Mais les États du Sud peinent à mettre en place des mesures globales favorisant l’accès à l’éducation pour tous. Bon nombre d’entre eux ne disposent pas de ressources suffisantes pour offrir un accès universel à l’éducation à leurs citoyens et les priorités des gouvernements, en termes budgétaires, ne convergent pas toujours avec celles édictées par la communauté internationale.

Les élèves, eux non plus,
n’ont pas la joie !

Un élève d’Afrique subsaharienne a tous les risques de se trouver dans une classe surchargée. En effet, la taille des classes dans les écoles primaires publiques peut atteindre jusqu’à 67, voire 80 élèves dans nombre de pays. Sans compter que de nombreuses classes du primaire sont des classes multigrades, c’est-à-dire qui rassemblent deux, voire trois niveaux. Parallèlement, les écoles continuent d’être confrontées à une forte pénurie d’enseignants, liée à l’augmentation régulière du nombre d’élèves et au départ des professeurs des écoles qui, chaque année, sont nombreux à quitter leur profession. Au Burkina Faso, au Niger et au Tchad, le personnel enseignant devrait plus que doubler d’ici 2015 pour réaliser l’enseignement primaire universel.

Autre constat : le nombre de manuels est insuffisant, ce qui contraint les élèves à partager leurs ouvrages, une situation particulièrement préoccupante en République centrafricaine où il existe en moyenne un manuel de lecture et de mathématiques pour 8 élèves. Quant au Cameroun, on y compte en moyenne un manuel de lecture pour 11 élèves et un livre de mathématiques pour 13 enfants. Plus grave : le manque de matériel didactique, les programmes toujours trop calqués sur les modèles occidentaux. Dans l’enseignement technique, on déplore l’insuffisance de l’équipement technique pour la pratique et la place trop importante accordée aux matières littéraires au détriment des disciplines scientifiques et techniques.

De nombreuses écoles sont de plus, partiellement ou entièrement, privées d’accès à l’eau potable, à des toilettes ou à l‘électricité. L’absence de toilettes propres, sûres et séparées pour les filles et les garçons, tend à décourager les enfants, notamment les filles, d’aller à l’école régulièrement. Il est à noter que dans la plupart des pays, les écoles sont plus fréquemment équipées de toilettes que de dispositifs d’accès à l’eau potable. Il existe cependant des exceptions comme Maurice et le Rwanda, où toutes les écoles disposent à la fois de toilettes et d’accès à l’eau potable.

Enfin, c’est en Afrique où l’on trouve le plus grand nombre d’enfants qui ne maîtrisent pas les apprentissages fondamentaux à la fin de la scolarité primaire (50%) avec le risque fort probable de tomber dans l’illettrisme.

Au terme des études, les difficultés ne sont pas finies. À défaut de se trouver un emploi en ville, les jeunes déscolarisés ou sans emploi, préfèrent rester chômer en ville au lieu d’aller mettre en valeur champs et plantations aux villages, où d’ailleurs beaucoup de personnes ne tolèrent pas encore le “ retour à la terre “ des jeunes scolarisés. Même si elle a permis l’insertion de quelques-uns dans la vie active, l’école ar-rache à la production, surtout agricole, poumon de l’économie des pays africains, beaucoup de jeunes ; elle ne les rend pas non plus assez productifs et abandonne la plupart d’entre eux au chômage.

Les multiples entraves
à l’école

Il y a d’abord la pauvreté : les frais de scolarité et les coûts associés (uniformes, fournitures) peuvent être des barrières à l’éducation. Les familles sont souvent confrontées au dur choix de payer les coûts de scolarité ou de déscolariser leurs enfants, le 2e s’imposant à elles lorsqu’elles n’ont pas l’argent suffisant.


Le nombre de manuels est insuffisant !

Pour certains, c’est le manque de sécurité : les enfants peuvent avoir de grandes distances à faire pour aller à l’école, sur des chemins parfois dangereux. Leurs parents préfèrent bien souvent les garder en sécurité à la maison. On ne parle pas de ramassage scolaire !

D’autres encore sont retenus par le travail à la maison : certains enfants travaillent aux champs ou doivent aller chercher de l’eau pour aider leurs parents, réduisant leur temps de présence à l’école. D’autres sont obligés de quitter l’école pour travailler dans des conditions extrêmement dangereuses (dans des mines ou pour fabriquer des briques par exemple).

Beaucoup de pays connaissent toujours des conflits. Alors la scolarité est bien souvent interrompue. Ces situations sont particulièrement traumatisantes pour les enfants. Leur avenir s’en trouve compromis et les risques pour leur survie et leur développement augmentent. Là où il y a la guerre, les enfants peuvent aussi être recrutés pour combattre en devenant enfants soldats et se voient ainsi empêchés d’aller à l’école. De 2002 à 2014, 21 pays en Afrique subsaharienne ont été affectés par des conflits. Les jeunes filles qui représentent 55% de ces enfants sont les plus grandes victimes des conflits armés. En effet, elles subissent très souvent diverses agressions sexuelles.

Enfin, il existe toujours des discriminations : les groupes marginalisés (minorités ethniques, réfugiés, en situation de handicap, etc.) rencontrent des difficultés pour scolariser leurs enfants. Trop souvent, les enfants perçus comme différents, du fait de leur pauvreté, de leur langue, de leur sexe ou de leur culture subissent des discriminations les excluant des bancs de l’école.

Quelques espoirs

Malgré toutes ces difficultés, il faut reconnaître qu’au cours des dix dernières années, l’Afrique subsaharienne a réalisé d’importants progrès en direction de l’« Éducation Pour Tous ». Les taux de scolarisation dans le primaire ont augmenté de 18% en-tre 1999 et 2009, soit 46 millions d’enfants supplémentaires scolarisés, et ce en dépit d’une forte augmentation de la population en âge d’être scolarisée. Les écarts entre les sexes ont été réduits dans l’enseignement primaire, l’indice de parité entre les sexes étant passé de 0,85 à 0,91 entre 1999 et 2008.

Afin de répondre plus efficacement à la forte demande scolaire, l’État, conscient de ses limites, autorise l’ouverture d’établissements privés laïques et confessionnels. Ces écoles sont généralement prisées par les parents d’élèves qui n’hésitent pas à y inscrire leurs enfants, malgré le caractère confessionnel.

De sources diverses
Voix d’Afrique