Bola Tinubu prend les rênes du Nigeria

Le « faiseur de rois » a prêté serment ce lundi 29 mai à Abuja pour devenir officiellement le nouveau président du Nigeria. De la dette à l’insécurité, le pays est confronté à de nombreux défis, auxquels le dirigeant va devoir faire face.

Par Jeune Afrique
Mis à jour le 29 mai 2023 à 17:27
 
 
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Bola Tinugu salue les invités lors de sa cérémonie d’investiture comme nouveau président du Nigeria, place de l’Aigle à Abuja, le 29 mai 2023. © KOLA SULAIMON / AFP

 

« En tant que président de la République fédérale du Nigeria, je m’acquitterai de mes devoirs et de mes fonctions honnêtement, au mieux de mes capacités, fidèlement et conformément à la Constitution », a déclaré le nouveau président, Bola Ahmed Tinubu, lors de sa cérémonie d’investiture à Abuja, la capitale fédérale. Il a également appelé à l’unité du Nigeria et a promis de faire de la sécurité « sa priorité ». De nombreux chefs d’État africains ont fait le déplacement pour la cérémonie, comme les présidents Nana Akufo-Addo(Ghana), Cyril Ramaphosa (Afrique du Sud) ou Paul Biya (Cameroun). Un important dispositif sécuritaire était déployé dans la capitale.

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L’investiture s’est tenue trois mois après la présidentielle du 25 février, dont le résultat est contesté par les deux principaux candidats de l’opposition, Atiku Abubakar et Peter Obi, qui dénoncent des fraudes massives du parti au pouvoir. Leurs recours en justice sont en cours d’examen. Le nouveau président est aussi visé par des accusations de corruption, qu’il a toujours niées, mais n’a jamais été condamné. Sa santé est également un sujet de préoccupation.

Différence de style

Surnommé « le faiseur de rois » ou « le parrain », du fait de son immense influence politique, Bola Tinubu avait fait campagne en soulignant que c’était « son tour » de diriger la première économie du continent. Il avait mis en avant son expérience à la tête de Lagos, locomotive du Nigeria, qu’il a gouvernée de 1999 à 2007. Nombreux sont ceux qui affirment que cet habile homme politique et d’affaires a contribué à moderniser et sécuriser la capitale économique de 20 millions d’habitants. Ils espèrent qu’il aura un impact similaire sur le reste du pays.

Âgé de 71 ans, le dirigeant d’ethnie yorouba, originaire du sud-ouest du pays, succède ainsi à Muhammadu Buhari, du même parti que lui. Cet ancien général de 80 ans, un peul du Nord, se retire après deux mandats, comme le prévoit la Constitution, et un bilan jugé très décevant. La première élection de Muhammadu Buhari, en 2015, avait suscité un grand espoir, en termes de lutte contre la corruption et l’insécurité rampante. Mais il a a largement déçu. Après huit années au pouvoir, il laisse le Nigeria face à d’immenses difficultés économiques (inflation à deux chiffres, explosion de la dette et de la pauvreté) et aux violences massives de groupes jihadistes et criminels.

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Sa présidence a montré « qu’il était possible pour un individu perçu par beaucoup comme incorruptible de diriger une administration qui est néanmoins définie par la corruption et l’incompétence », selon le chercheur Ebenezer Obadare, du groupe de réflexion Council on Foreign Relations, basé à Washington. « Avec le nouveau gouvernement de Bola Tinubu, les Nigérians verront bientôt si un dirigeant largement considéré comme corrompu peut présider une administration relativement exempte de malversations et raisonnablement compétente ».

Les deux hommes diffèrent en termes de style et de réputation, mais tous deux sont musulmans dans un pays divisé à parts presque égales entre chrétiens et musulmans, et tous deux ont un âge avancé. Durant ses deux mandats, Muhammadu Buhari s’est rendu à plusieurs reprises au Royaume-Uni pour raisons médicales, et Bola Tinubu a passé du temps à l’étranger pendant la campagne électorale et avant son investiture. Avec les spéculations sur sa santé, les regards se sont tournés vers son vice-président, Kashim Shettima, ancien gouverneur de l’État de Borno (nord-est) âgé de 56 ans.

Redresser l’économie

Bola Tinubu devra s’atteler à redresser l’économie du pays. L’un des principaux défis du Nigeria, riche en pétrole, est qu’il échange du brut valant des milliards de dollars contre du carburant importé (en raison des défaillances de ses raffineries) qu’il subventionne ensuite pour son marché. Cette situation a entraîné une énorme perte de revenus et de devises, contribuant à l’explosion de la dette.

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Selon la Banque mondiale, plus de 80 millions des 215 millions de Nigérians vivent en dessous du seuil de pauvreté. Les Nations unies ont prévenu que plus d’un quart d’entre eux seraient confrontés à un risque élevé d’insécurité alimentaire cette année. Le géant anglophone a beau être l’un des pays les plus dynamiques du continent, notamment grâce à sa florissante industrie culturelle (entre le Nollywood et l’Afrobeats), il fait aussi face à une grave fuite des cerveaux.

Une autre priorité du nouveau gouvernement sera de lutter contre l’insécurité. Le pays fait face à une insurrection jihadiste vieille de 14 ans dans le nord-est, à des bandes criminelles qui ravagent le nord-ouest et le centre, qui pratiquent tueries de masse et enlèvements contre rançon, et à une agitation séparatiste dans le sud-est.

(avec AFP)