Le coton est considéré comme “l’or blanc” de l’économie africaine : à elle seule, l’Afrique de l’Ouest est le 5° exportateur mondial avec 15 % du total mondial des ex-portations. Le coton est source de devises et d’emploi incontournable, sans compter les retombées sociales. Les revenus cotonniers font vivre 16 millions d’Africains. Au cours des 45 dernières années, les superficies de terres cultivables consacrées au coton sont passées de 1,5 % à 3,5 %. Les rendements ont, eux aussi, augmenté évoluant de 400 kg/ha au début des années 1960 à 1 tonne/ha aujourd’hui. Cela pourrait laisser prévoir un épuisement des sols à long terme, ainsi qu’une pollution causée par la sur-utilisation d’engrais chimiques. Certains pays ont cru pouvoir trouver la solution miracle en adoptant le coton OGM. Mais les résultats sont bien loin des promesses. Le coton africain doit, en outre, faire face à un défi majeur : près de 70% de la récolte mondiale de coton a bénéficié de subventions directes à la production, ce qui fausse la loi du marché et permet au coton d’avoir un cours anormalement bas.


Le cotonnier

Le coton est une fibre végétale qui entoure les graines des cotonniers. Haut de 80 centimètres à 2 mètres, le cotonnier a la faculté de fleurir tout en grandissant. Sur un même plant, on peut trouver à la fois des boutons, des fleurs et des fruits, les
« capsules », qui contiennent les graines. Les capsules s’ouvrent et laissent apparaître les fibres, qui forment une petite boule blanche.

La culture du cotonnier nécessite une saison végétative de six mois, beaucoup de soleil et un total de 120 jours arrosés pour assurer la croissance puis un temps sec pour permettre l’ouverture des capsules et éviter le pourrissement de la fibre. Ces conditions climatiques se rencontrent généralement sous les latitudes tropicales et subtropicales.

Faite par de grandes machines aux États-Unis ou au Brésil, la récolte du coton est principalement effectuée à la main en Afrique. Cette cueillette est plus minutieuse et plus respectueuse de l’environnement. Les cueilleurs ne prélèvent que les fibres qui sont parvenues à complète maturité. En outre, le coton récolté à la main est plus propre car les machines prennent également de grandes quantités de terre, de feuilles, de branches. Un cueilleur récolte 50 à 80 kilos de coton graine par jour.
Après la récolte, les graines sont séparées des fibres de coton et la fine couche de cire qui recouvre les fibres et les protège de l’humidité est retirée; ces opérations se font dans une usine d’égrenage. Pour terminer, le coton brut est pressé en balles de 225 kilos et vendu aux filatures.


Les capsules du coton

Très peu de plantes attirent autant les parasites et les agents pathogènes que le coton. Aussi la culture du coton s’accompagne malheureusement de l’utilisation d’une quantité importante d’insecticides. Seul un petit nombre de cultivateurs écologistes renonce complètement aux pesticides et vend sa matière première comme coton bio. Les maladies provoquées par les virus, les bactéries ou les champignons perturbent la croissance du cotonnier ou détruisent les capsules. Quant aux insectes, ils dévorent les feuilles et les capsules, certains s’attaquent aussi aux racines.

Dans le coton, tout est utile : les fibres pour le fil, les graines dont on extrait une huile de bonne qualité qui est très consommée dans certains pays (Mali, Tchad, Burkina Faso, Togo…). Les coques de la graine brûlées fournissent l’énergie dans les huileries. La pâte qui reste après l’extraction de l’huile est transformée en tourteaux destinés à l’alimentation des ruminants.

Problèmes
du coton africain

Le coton africain n’arrive pas à se faire une place réelle sur le marché mondial bien qu’il soit d’une grande richesse et représente une vraie réussite pour les Africains. Presque partout, le coton est produit avec relativement peu de moyens et une main-d’œuvre familiale faiblement rémunérée par rapport aux pays développés. Cependant, cette culture est génératrice de revenus pour ces familles. De plus, elle est souvent jumelée à des cultures de céréales, comme le mil et le sorgho. Cela permet, grâce aux engrais du coton, d’atteindre une production plus efficace de ces céréales qui constituent la base de l’alimentation dans la plupart des villages d’Afrique.

Depuis les vingt dernières années, les ménages qui le cultivent ont dû augmenter la surface allouée au coton pour maintenir les niveaux de production face à la libéralisation du marché, mais aussi pour stabiliser ou même accroître leurs revenus à des moments où les prix internationaux devenaient inférieurs aux coûts de production.

Prenons l’exemple du Burkina Faso : en 2012-2013, la production a été estimée à 630 mille ton-nes de coton graine, faisant du Burkina Faso le 1er producteur du coton en Afrique. La recette brute de cette récolte est de 160 milliards de FCFA dont 100 mil-liards ont été reversés aux producteurs après décompte de tous les crédits de campagne.

Pour la campagne 2013-2014, le kilogramme de coton premier choix s’achètera à 235 FCFA (0,36   ) et le 2ème choix à 210 FCFA (0,32   ). L’objectif fixé est d’atteindre 700 mille tonnes de coton graine pour cette prochaine campagne.
Un responsable burkinabè explique : «La fibre de coton est exporté. Nous essayons de voir (…) comment la transformer sur place pour apporter une plus grande valeur ajoutée, créer des emplois et se protéger de la volatilité des cours ». Pour un patron de la filière en Afrique de l’Ouest, il est « dommage, mais normal dans le contexte actuel, que les sociétés et les pays n’aient pu garder une filière intégrée ». La faible compétitivité des filatures (coûts élevés de l’énergie et manque de moyens pour une industrie très capitalistique) est le principal obstacle.

Les divers pays cotonniers recourent à un pool bancaire pour financer l’achat des intrants (engrais, graines…) et la campagne de commercialisation. Environ un tiers de la production est vendue à l’avance si les cours sont intéressants. Chaque année, les producteurs ouest-africains sèment en sachant combien ils seront payés du kilo de coton graine, à la récolte. Ce n’est pas le cas de leurs collègues d’Afrique de l’Est, qui sèment à l’aveugle, ils ne connaissent le prix de leur coton qu’au moment de la commercialisation, après la récolte, ce qui leur réserve souvent de fortes déconvenues lors de la récolte.

Les revenus du coton ont permis une modernisation du monde paysan, une diversification de l’agriculture et la transformation de produits au sein des villages. Suite à la privatisation des sociétés cotonnières publiques, les paysans ont dû prendre en main la gestion du crédit pour l’achat des intrants (engrais, animaux de trait, produits divers, …) et la commercialisation du coton.

Le coton est souvent en crise, une crise due à une trop grande fluctuation des cours, qui affecte bon nombre de producteurs, de populations et de gouvernements du Sud. Comme pour d’autres matières premières (minerais, céréales, café, cacao…), le prix mondial de la fibre de coton est lié au jeu de l’offre et de la demande et le coton est coté en bourse (New York, São Paulo…). Les propositions de prix sont influencées par les prévisions de récolte, les anticipations de la demande, la situation des stocks de fibre et de fils, le cours du pétrole et également par le jeu des opérateurs et spéculateurs intervenant sur les marchés à terme. Cette crise a conduit certains pays à dénoncer sur la scène internationale les politiques de soutien dont bénéficient les producteurs des pays qui pratiquent les subventions.

La ’guerre’ des cotons

Le coton GM (génétiquement modifié) : il représentait en 2006 le quart des surfaces cultivées dans le monde et vraisemblablement le tiers de la production mondiale. En Afrique, l’Afrique du Sud, le Burkina Faso et l’Égypte cultivent du coton GM en 2012. Le Burkina Faso a commencé en 2008. Le coton GM veut aider la lutte contre les parasites du coton. Ceux-ci s’avèrent de plus en plus résistants aux pesticides utilisés. En Afrique de l’Ouest, c’est Monsanto, une société américaine de pesticide, qui promeut une variété de coton transgénique, le coton Bt, qui, selon leurs propos, réduira l’utilisation d’insecticides, augmentera les rendements, et accroîtra les revenus des paysans.


En attente de la vente

Mais du laboratoire au champ, les promesses ont pris l’allure de mirages. Nombre de cultivateurs ont cru pouvoir se passer totalement d’insecticides : travail moins pénible, intoxications réduites, plus de temps pour les cultures vivrières. En fait, il faut conserver deux aspersions de pesticides sur les six nécessaires en conventionnel — la variété Bt est inefficace contre les
« piqueurs-suceurs » (pucerons, cochenilles…). Le coton Bt est aussi exigeant en engrais et il n’est pas génétiquement modifié pour augmenter le rendement. Les transgènes Bt ont été choisis uniquement pour la résistance aux ravageurs. Si l’utilisation du coton Bt augmente les rendements, c’est à cause de sa capacité à réduire les pertes causées par les ravageurs. Enfin, la qualité « burkinabé », habituellement appréciée par les marchés, a été déclassé il y a plusieurs mois car la fibre de la variété Bt est nettement raccourcie.

Une des principales inquiétudes avec le coton Bt est que les ravageurs peuvent développer rapidement la résistance aux to-xines Bt que produisent ces plantes. Ce qui pourrait ouvrir la porte à des épidémies qui entraîneront une augmentation d’usage de pesticides de plus en plus toxiques.

Autre difficulté pour les paysans : en général, les semences de coton sont distribuées gratuitement dans beaucoup des pays d’Afrique de l’Ouest. En plus, les paysans ont l’habitude d’échanger leurs semences avec leurs voisins, les membres de leur famille. L’introduction du coton Bt bouscule ces pratiques. Le coton Bt est vendu sous un accord conjoint entre Monsanto et les compagnies locales de coton. Selon cet accord, la conservation et même l’échange de semences entre voisins sont des infractions, des crimes passibles de peine de prison.

Mais surtout, il y a le prix de la semence Bt... Il choque les paysans. Avec lui, la dette initiale des cultivateurs s’alourdit au début de chaque campagne, augmentant leur risque financier si la récolte n’est pas bonne. Ce type de culture rend les paysans africains complètement tributaires des semenciers et de la Bourse, alors qu’ils endossent eux-mêmes les risques liés à la pluviométrie.

Le commerce équitable et le coton bio équitable : En avril 2005, des producteurs de coton d’Afrique de l’Ouest (Mali, Sénégal, Cameroun, Burkina Faso) entrent dans une démarche de commerce équitable et sont certifiés par Max Havelaar. La même année son homologue, l’association bio équitable, devenu bio partenaire en 2011, lance le coton biologique et équitable tout d’abord au Benin en 2005.

Il existait déjà des vêtements de coton produits selon les règles du commerce équitable, et distribués en France (notamment dans le réseau Artisans du Monde). Dans ce cas, c’est la transformation du coton et son importation qui répondent aux critères du commerce équitable.
La certification de Max Havelaar concerne, lui, la production du coton, pas des vêtements.

Un champ de cotonnier à la saison des pluies

D’autres initiatives s’occupent de la culture et de la vente de coton bio. Mais comme sa culture est encore assez chère, souvent ce coton n’est pas en mesure de répondre aux exigences de prix du marché de masse et reste pour le moment un produit de niche. Les grandes entreprises commerciales veulent acheter le coton, leur matière première, au meilleur prix possible car les consommateurs ne sont généralement pas disposés à assumer des prix d’achat plus élevés.

Pourtant, si le coton bio se vend plus cher que le coton classique, le jeu n’en vaut peut-être pas la chandelle, à en croire le directeur de l’association des producteurs de coton du Burkina Faso. Même si les fermiers gagnent jusqu’à 30 % de plus par kilo, ils produisent, en moyenne, moins de la moitié de coton. Mais le coton bio, produit sans substances chimiques, a un avantage : les femmes, exclues du secteur agricole qui requiert l’utilisation de puissants pesticides, peuvent désormais y travailler.

Le coton de Cotton made in Africa n’est pas un coton bio. Cependant, cette matière première est cultivée de manière durable: lors de formations assurées en coopération avec ses partenaires, l’initiative transmet aux exploitants agricoles des méthodes de culture modernes et efficaces, utilisant le moins de pesticides possible. L’initiative collabore étroitement avec des organisations qui encouragent le coton bio, afin d’obtenir ensemble une augmentation des ventes de coton issu d’une production durable.

En conclusion

On ne peut pas dire que l’« or blanc » a apporté la richesse aux paysans de la sous-région. Si les premières années leur ont apporté des revenus importants, les bénéfices se sont rapidement écroulés, du fait de l’augmentation des coûts de production du coton. Le tableau est assez sombre : dégradation des sols et déforestation, effondrement du tissu social, intoxication par les pesticides, instabilité du prix du coton sur le marché mondial, concurrence du coton aux cultures vivrières quant à l’occupation de l’espace et de l’exigence en main d’œuvre. Ce qui, enfin, entraîne l’insuffisance alimentaire. Face à une telle situation, les paysans ont réagi en s’organisant en syndicats autonomes. Ils ont sévèrement critiqué la gestion des filières et ont réussi à réclamer de meilleures conditions. Une grande partie de leur énergie est présentement dirigée vers le niveau international, où ils luttent contre les subventions occidentales du coton qui font baisser le cours mondial. Certains commencent même à revoir le modèle de production de coton qui a été imposé, en cherchant des moyens de contourner leur dépendance de la filière et en se questionnant sur l’utilité des pesticides et des engrais chimiques. »

Chemin difficile, face aux stratégies internationales des firmes agro-industrielles qui achètent les matières premières, dont le coton. Chemin difficile aussi, face à un manque de politique publique forte en matière de développement rural.

D’après des sources diverses
Voix d’Afrique