Côte d’Ivoire, Burkina, Mali… Sombre année pour le coton ouest-africain

La production d’or blanc est en recul dans la plupart des pays de l’Afrique de l’Ouest en raison de l’invasion d’un nouveau parasite. Des mesures de soutien aux cotonculteurs ont été annoncées.

Mis à jour le 14 février 2023 à 16:43
 

coton

 

 

Fibres de coton après la première filature à l’usine de la Compagnie malienne des textiles (COMATEX) à Ségou, le 12 décembre 2018. © MICHELE CATTANI/AFP

 

C’est un coup dur pour la filière cotonnière ouest-africaine. Solide contributrice au produit intérieur brut (PIB) à hauteur de 3 à 15 % selon les pays, la production d’or blanc marque le pas en cette campagne 2022-2023. Elle est en recul de 20 % en moyenne dans les sept principaux pays producteurs de la zone, selon les derniers chiffres publiés en février par le département américain de l’Agriculture (USDA).

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La Côte d’Ivoire est la plus touchée avec une production en recul de 47 % à 269 000 tonnes pour 2022-2023 contre 522 000 tonnes lors de la campagne précédente (2021-2022). Viennent ensuite le Mali et le Sénégal, qui accusent chacun une baisse de 30 % de la production, puis le Tchad, dont la récolte est en repli de 18 % (à environ 130 000 tonnes).

Les autres pays limitent la casse avec des diminutions de 8 % au Bénin, de 6 % au Burkina Faso et de 5 % au Togo. Alors que le Nigeria doit maintenir un niveau de récolte identique à celui de la campagne passée, seul le Cameroun, autre producteur africain important, enregistre une hausse de sa récolte bien que modeste (+ 1 %), toujours selon les données de l’USDA.

Le Bénin toujours numéro un

Dans cette configuration, le Bénin confirme sa place de premier producteur de coton du continent, avec quelque 700 000 tonnes de coton graines, suivi du Burkina Faso, avec environ 482 000 tonnes, puis du Cameroun (350 000 tonnes). Le Mali, en compétition ces dernières années avec le Bénin et le Burkina Faso pour la place de numéro un, voit ses ambitions douchées sur fond de bataille de chiffres, qui laisse planer une incertitude sur sa position dans le classement.

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Si la Compagnie malienne pour le développement du textile (CMDT), acteur public clé du secteur dirigé depuis fin 2020 par l’ancien ministre de l’Agriculture Nango Dembélé, a annoncé une prévision de production à 526 000 tonnes – ce qui placerait le pays en deuxième position continentale, les cotonculteurs locaux et d’autres connaisseurs de la filière tablent plutôt sur une récolte autour de 350 000 à 400 000 tonnes, une prévision synonyme de troisième, voire quatrième, place africaine, au coude-à-coude avec le Cameroun.

Invasion

Cette mauvaise année au niveau régional, qui contrarie la tendance à la hausse de la production ouest-africaine depuis les années 2000, s’explique par l’invasion d’une nouvelle espèce de jasside – insecte piqueur suceur qui s’attaque à la plante une fois développée – à savoir la Amrasca biguttula, surnommée la « jasside du coton indien ».

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Cette espèce est plus mobile que celles rencontrées par le passé, ce qui explique l’importance des dégâts actuels. Arrivée d’Inde et identifiée sur le continent il y a quelques années, notamment à Madagascar en 2019, elle était latente en Afrique de l’Ouest jusqu’à l’invasion massive constatée durant cette campagne.

Si les filières ont été prises de court, elles ont aussi pâti du fait que les traitements habituellement appliqués sont peu ou pas efficaces sur cette nouvelle espèce. Une difficulté conjoncturelle qui s’ajoute aux défis plus structurels auxquels est confrontée la filière en raison notamment de l’impact du changement climatique qui réduit la fréquence des pluies ou modifie leur saisonnalité.

Mesures de soutien

Face à cette crise, les autorités des différents pays ont réagi. Au Burkina Faso, un décret a été adopté le 8 février en conseil des ministres, dirigé par le président de la transition, le capitaine Ibrahim Traoré, déclarant l’espèce de jasside « fléau agricole » et autorisant « l’importation et l’utilisation de pesticides non homologués pour lutter contre ce ravageur ». Selon nos informations, d’autres pays, dont la Côte d’Ivoire et le Bénin, réfléchissent aussi à mettre en place des dérogations pour la prochaine campagne afin de permettre l’usage de produits phytosanitaires non autorisés pour l’heure en Afrique mais actifs contre la « jasside du coton indien ».

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En Côte d’Ivoire, l’exécutif a annoncé début février le déblocage d’une subvention de 34 milliards de francs CFA aux cultivateurs pour compenser les pertes de revenus attendues au terme de la campagne actuelle.

Au Sénégal, où la production est estimée entre 15 000 et 17 000 tonnes contre un objectif de 30 000, le ministre de l’Agriculture, du Développement rural et de la Sécurité alimentaire, Aly Ngouille Ndiaye, a promis fin janvier un appui de l’État pour aider les paysans à rembourser leurs crédits. Dans la majorité des pays, les cotonculteurs bénéficient de prêts en début de saison pour acheter semences et intrants, ce qui leur permet de lancer la culture. Ils remboursent ces prêts en fin de campagne après avoir vendu leur récolte.

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Au Mali, où le secteur du coton représente 15 % du PIB, les difficultés liées à la chute de la production viennent s’ajouter à des tensions au sein de la filière entre la CMDT et les cotonculteurs après l’interruption en fin d’année dernière du processus d’élection des représentants de l’organisation de producteurs du secteur, la Confédération des sociétés coopératives des producteurs de coton (C-SCPC). Les cultivateurs accusent la direction de la CMDT, et en particulier son patron Baba Berthé, de vouloir politiser la confédération, ce que nie la direction de la CMDT.