Voix d'Afrique N°103.

Alpha Blondy


Avec Youssou N’Dour, Alpha Blondy est sans doute la star internationale la plus populaire de la musique afro/reggae depuis la mort de Bob Marley, notamment pour son charisme et son engagement. L’homme est médiatique. Ses frasques sont largement reprises dans les journaux. Mais sa musique a véritablement secoué l’Afrique de l’Ouest dans les années 80. Alpha Blondy s’est imposé avec un reggae très imprégné de rythmes africains. C’est un artiste de scène qui se produit dans le monde entier.


Premier fils d’une famille de neuf enfants, Alpha Blondy, de son vrai nom Seydou Koné, nait à Dimbokro (Côte d’Ivoire) le 1er janvier 1953. Élevé par sa grand-mère, le petit garçon connaît des années heureuses. Il grandit parmi des femmes âgées, et il retient, de leur sagesse, cette leçon : « parler droit », ne pas mentir, quelles que puissent en être les conséquences.

En 1962, il retrouve sa mère à Korhogo qui l’emmène à Odienné où travaille son mari. Seydou Koné y passe dix ans, et en 1972 préside la section locale du Mouvement des élèves et étudiants de Côte d’Ivoire (MEECI). On l’appelle Elvis Blondy. La même année, il part suivre sa seconde au lycée de Korhogo. Inscrit à l’internat, l’adolescent forme un groupe avec ses copains : les Atomic Vibrations qui jouent en matinée les week-ends, pour les beaux yeux des jeunes filles du Couvent Sainte-Elisabeth voisin.

Désirant apprendre l’anglais, il convainc sa mère de le laisser partir, en auto-stop, pour le Libéria voisin. En 1973, Seydou Koné est à Monrovia. Il y reste treize mois, prenant des cours pour maîtriser la langue des Beatles et donnant des leçons de français. Mais le jeune homme veut aller plus loin. Il rentre en Côte d’Ivoire avec l’idée de partir aux États-Unis perfectionner son anglais, aller à l’université, faire de la musique et créer un groupe. À l’époque, il a en effet déjà écrit maintes chansons

En 1976 son rêve devient réalité : Blondy arrive à New York et perfectionne son anglais pour rentrer à l’université. Accepté à Columbia, il suit le cours de langue destiné aux étudiants étrangers et enchaîne les petits boulots pour se faire de l’argent. Il évolue aussi, comme la plupart des Africains, dans le milieu jamaïcain où il découvre le reggae. A Central Park, il approche la philosophie rasta au concert de Burning Spear. Mais le travail de nuit, le rythme effréné, le rend malade. Alors qu’un médecin lui prescrit le repos, un ami ivoirien l’invite chez lui, au Texas. Seydou arrête les cours et quitte New York.


À Waco, le compatriote l’aide à trouver du travail, d’abord dans une usine de dindons, puis de poulets. Mais les abattoirs, cela ne correspond pas si bien que ça au jeune homme. Il abandonne les volailles et trouve un job chez le plus grand distributeur de musiques chrétiennes du monde. De son côté, il continue d’écrire ses titres.

Une rencontre lui donne beaucoup d’espoir : celle du Jamaïcain Clive Hunt, qui lui présente The Sylvesters, un groupe qui joue régulièrement dans les petites salles de l’État de New-York. Espérant enfin réussir, Blondy quitte le Texas et commence à se produire en première partie des Sylvesters. Grâce à Clive Hunt, il enregistre huit chansons. Mais le disque, à cause d’un problème de trésorerie, ne sort pas.

Devant si peu de résultats, en 1980, Blondy décide de rentrer en Côte d’Ivoire. Peu glorieux, le retour est douloureux. Le rêve américain a tourné au cauchemar.

De retour à Abidjan, il se met à répéter avec des musiciens ghanéens au ghetto d’Adjamé. Désormais, il se fait appeler Alpha, qu’il a ajouté à Blondy en signe d’espoir d’une nouvelle vie, d’un commencement.

En 1981, Roger Fulgence Kassy lui propose de passer dans l’émission qu’il présente à la télévision ivoirienne, «Première chance». Les deux hommes se connaissent de longue date. Adolescents, ils se retrouvaient à Abidjan pendant les grandes vacances, au quartier Ebrié, chacun chez son oncle. Fulgence fait partie de l’équipe du studio 302, dirigée par George Benson (producteur et animateur ivoirien). Cette proposition de Fulgence est plutôt, pour le chanteur qui a bientôt trente ans, la dernière chance...

Il interprète quatre chansons : « Christopher Colombus » de Burning Spear, et trois de ses compositions, « Bintou were were», « Dounougnan » et « The end ». « Tu verras, demain, ta vie va changer », avait prévenu Fulgence. Effectivement : Devant l’engouement suscité par le passage à la télévision, Georges Benson propose au chanteur de produire son premier album. Ce sera « Jah Glory », qui sort début 1983.


Sur l’album, Benson hésite à mettre un titre : « Brigadier sabari » (« Brigadier, pitié »). La chanson dénonce les violences dont la police est coutumière. Le titre fait un tabac en Côte d’Ivoire et dans toute la région. Il reste jusqu’aujourd’hui dans la riche carrière d’Alpha Blondy. Le reggae, jusqu’alors synonyme de Jamaïque, fait désormais partie du paysage musical de la Côte d’Ivoire. Son chant en dioula, en français ou en anglais, atteint l’Europe en 1983 avec « Rasta poué ». Son succès lui permet de signer avec Pathé-Marconi. Alpha Blondy enregistre son deuxième album à Paris et mixe « Cocody Rock !!! » à Londres.

Véritable bête de scène, le ‘Marley’ ivoirien remplit les salles et les stades où se rassemble la jeunesse survoltée. De retour au pays, il sort, en 1985, « Apartheid is Nazism », hymne à la paix et à la liberté. Avec « Come back Jesus », le chanteur militant dévoile son côté mystique. En 86, « Jerusalem » paraît. Au Maroc, celui qui prône la réconciliation chante, face au public arabe, les paroles de « Jerusalem » en hébreu. En 87, il connaît à nouveau le succès avec « Sweet Fanta Diallo ». Après « The Prophets », album confidentiel paru en 1989, Alpha Blondy sort « Masada », en 1992, et renoue avec la scène parisienne.

Son « Rendez-vous » est un carton qui finit au Zénith. Parti en tournée européenne, ses nerfs fragiles sont épuisés. Celui qui a tenté de se suicider revient, en 1993, rasé, et avec un album plus mystique que jamais :
« Dieu ». Avec le titre de ses débuts, et avec son groupe, Solar System, Alpha Blondy parcourt le monde et continue une carrière riche de plus de quinze albums et de nombreux messages politiques. En 2005, celui qui a de quoi faire un best of fait encore dans l’originalité. « Akwaba the very best of » aurait pu être une compilation comme les autres si elle n’avait pas été signée Alpha Blondy. Durant les années de crise, il est ambassadeur de l’ONU pour la paix en Côte d’Ivoire.

De sources diverses
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