Guinée-Mines : bras de fer acharné dans le Simandou

Mis à jour le 23 mars 2022 à 18:12
 

 

Crucial pour l’économie guinéenne, le site du Simandou, dans le sud-est du pays, est l’un des plus importants gisements de minerai de fer du monde : ses réserves sont estimées à 2,4 milliards de t. © Rio Tinto

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La suspension des travaux liés à l’exploitation du mégagisement de fer dans le sud-est du pays a pris de court les opérateurs privés, SMB-Winning et Rio Tinto.

La tension est montée d’un cran entre opérateurs et autorités dans le dossier du Simandou. Alors que les deux acteurs privés impliqués sur le site, le consortium SMB-Winning et le groupe Rio Tinto, affirmaient s’activer sur le projet, le colonel Mamadi Doumbouya, à la tête du pays depuis le coup d’État de septembre 2021, a annoncé la suspension surprise de toutes les activités.

La mesure, annoncée lors du Conseil des ministres du 10 mars, intervient « en attendant les réponses aux questions posées aux divers acteurs et la clarification du mode opératoire dans lequel les intérêts de la Guinée seront préservés ». Aucun des deux acteurs privés n’a souhaité commenter la décision des autorités.

Selon les informations de notre publication sœur, Africa Business+, la suspension vient notamment répondre aux doléances du Conseil national du patronat de Guinée (CNPG) en matière de contenu local contre SMB-Winning, consortium sino-singapouro-guinéen et opérateur le plus avancé dans le développement de ses permis.

L’ENTRÉE EN PRODUCTION DE LA MINE DE FER EST PRÉVUE POUR 2025


>>> À lire sur Africa Business+ : Les doléances du patronat guinéen, les discussions escargot de mutualisation du rail… pourquoi Mamadi Doumbouya suspend Simandou <<<


Désaccord sur la mutualisation des infrastructures

Détenteur des blocs 1 et 2, SMB-Winning met les bouchées doubles pour construire la ligne de chemin de fer de 670 km qui doit relier la mine au port de Matakong (sud-ouest). Un travail confié à douze sociétés, précise Fadi Wazni, directeur général d’United Mining Supply (UMS, l’une des sociétés du consortium) et président du conseil d’administration de SMB. « Chacune a un calendrier très précis. Les équipes techniques suivent l’exécution et transmettent des rapports hebdomadaires », assure-t-il alors que le consortium vient, en parallèle, de finaliser l’étude de faisabilité de la mine de fer dont l’entrée en production est prévue pour 2025.

Le géant minier Rio Tinto, qui détient les blocs 3 et 4, a lui indiqué en début d’année par la voix de son directeur général, Jakob Stausholm, avoir lancé un nouveau programme de forage et la soumission d’offres pour des travaux d’accompagnement à réaliser cette année tout en poursuivant les négociations avec SMB-Winning et les autorités sur la mutualisation des infrastructures, notamment l’utilisation du chemin de fer.

Lors du Conseil des ministres du 3 mars, Mamadi Doumbouya avait déjà manifesté son mécontentement, déplorant l’absence d’entente et demandant au Premier ministre Mohamed Béavogui de « réunir les ministres sectoriels et les partenaires pour trouver un accord qui préserve les intérêts de la Guinée et des autres parties ».

CHAQUE SOCIÉTÉ ACTIVE SES RÉSEAUX POUR TENTER DE CONTRER L’AUTRE ET SATISFAIRE SES INTENTIONS

Mais sur quoi les discussions achoppent-elles ? « C’est un très grand projet avec de multiples acteurs, institutions financières, actionnaires… Chaque étape demande beaucoup de précaution », répond, évasif, Fadi Wazni, se disant toutefois « certain d’arriver à un accord ».

Partage de l’enveloppe financière

« L’État doit dessiner la structure de la collaboration entre les deux entreprises, définir les termes de l’accord, y compris sur le partage de l’enveloppe financière entre elles, décrypte Amadou Bah, le président de l’ONG Actions Mines Guinée, à la pointe sur le secteur. Chaque société active ses réseaux pour tenter de contrer l’autre et satisfaire ses intentions. »

Sans compter que les deux camps n’ont pas le même niveau d’implication. Si SMB-Winning veut aller vite, Rio Tinto, engagé au Simandou depuis 1995 mais qui a souhaité se retirer en 2016 sans y parvenir avant de suspendre ses travaux de développement en 2018, demeure plus hésitant. Or, le géant anglo-australien, qui invoque des difficultés de mobilisation de fonds pour la réalisation des infrastructures, mais assure une certaine qualité technique en matière de contenu local, doit construire près de 100 km de voie ferrée entre sa mine de Beyla et le point d’intersection avec le tracé de WCS.

In fine, pointe Amadou Bah, les deux groupes doivent encore s’accorder sur « les normes de construction, le mode d’exploitation mutuelle du chemin de fer et du port d’évacuation ainsi que sur les implications financières d’une telle opération »…