Monnaie numérique : et si le Ghana inspirait le reste de l’Afrique de l’Ouest ?

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Un billet de 50 cedis.
Un  billet de 50 cedis

Le pays doit lancer en septembre un projet pilote de monnaie numérique. Cette innovation, sur laquelle travaillent aussi le Maroc, l’Egypte, le Kenya et l’Afrique du Sud, présente de nombreux avantages mais comporte aussi des risques.

Dès septembre, le Ghana lancera un projet pilote de monnaie numérique, entièrement soutenue par le Cedi, la monnaie nationale.

La preuve, selon le premier gouverneur adjoint de la Banque centrale Maxwell Opoku-Afari, que la pandémie de Covid-19 a accéléré le passage à une économie digitale. Le responsable espère que le projet stimulera la croissance des services financiers numériques dans le pays, même si aucune date de mise en service effective de l’e-monnaie n’a encore été fixée.

En avril 2020, la Chine est devenue le premier pays au monde à introduire une monnaie numérique souveraine. Le Ghana rejoint donc la liste des pays africains, sur laquelle figurent le Maroc, l’Egypte, le Kenya et l’Afrique du Sud, qui explorent sa faisabilité.

Augmenter l’inclusion financière

Pour l’économiste de l’International Growth Centre d’Accra James Dzansi, le projet du Ghana fait sens, l’accès aux services bancaires dans le pays demeurant limité alors même que l’accès à l’argent mobile est très répandu. « Le e-Cedi a le potentiel d’augmenter l’inclusion financière, notamment dans les zones rurales », souligne également Derrydean Dadzie, expert en fintech à Accra.

Selon James Dzasi, la monnaie numérique est « un autre levier à utiliser » puisqu’elle permettra au gouvernement ghanéen de suivre plus facilement les flux financiers. Il sera également possible de lier la monnaie numérique au système d’identité nationale afin de verser les prestations gouvernementales telles que les allocations familiales et les pensions de retraite.

Dissuasion

En outre, l’utilisation d’une monnaie numérique telle que le e-Cedi pourrait dissuader la population d’utiliser des crypto-monnaies « hautement instables », notamment le Bitcoin, précise l’économiste de l’International Growth Centre d’Accra.

Aussi, la base d’utilisateurs potentiels de la monnaie numérique au Ghana est beaucoup plus large que pour le bitcoin, pour lequel des ordinateurs sont nécessaires, affirme Derrydean Dadzie. Pour utiliser l’e-Cedi, seul un téléphone sera nécessaire. Les personnes sans appareil pourront tout de même effectuer des transactions par l’intermédiaire d’un agent.

Pourtant, la création de monnaies numériques par les Banques centrales n’est pas sans risque. En donnant au public un accès direct à une Banque centrale, cela peut entrainer une perte de confiance dans les banques commerciales et, de fait, le retrait d’actifs en période de crise financière, souligne Tim Masela dans le livre The (Near) Future of central Bank Digital Currencies publié cette année.

Risque de cybercriminalité

À cela s’ajoute le risque de cybercriminalité. Pour James Dzansi, « reste à voir si l’architecture du Ghana est suffisante pour empêcher le développement de la cybercriminalité dans l’espace des devises numériques ».

Enfin, la volonté de la population d’adopter une telle monnaie reste la grande inconnue de l’équation, ajoute l’économiste. Les différences, avantages ou inconvévients, entre le mobile money et la monnaie numérique ne sont pas encore clairement établies dans l’esprit de la majorité des personnes. « La Banque centrale encore doit expliquer les avantages de la monnaie numérique, indiquer comment elle peut faciliter la vie des gens lambda », note James Dzansi.

« Il reste encore beaucoup à faire en matière de sensibilisation. Les gens doivent comprendre la dynamique », résume Derrydean Dadzie. La communication de la Banque centrale sera essentielle pour convaincre les Ghanéens d’utiliser cette nouvelle monnaie unique.