[Édito] Affrontons les vraies difficultés !

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Frédéric Maury est directeur éditorial à Jeune Afrique Media Group. Auparavant rédacteur en chef du pôle économie de Jeune Afrique, il pilote les programmes et contenus éditoriaux du pôle conférences, notamment ceux du Africa CEO Forum.

Il est curieux que, à l’heure où la Chine et les États-Unis s’affrontent, où l’économie mondiale se désintègre et où les traités commerciaux se défont, le continent le moins intégré de la planète ait choisi de bâtir ce qui sera peut-être un jour la plus grande zone de libre-échange mondiale.

Pourtant, c’est bien le chemin que semble avoir emprunté l’Afrique le 21 mars 2018 lorsque 49 pays ont signé l’accord de création de la Zone de libre-échange continentale (Zlec).

Un an plus tard, d’autres les ont rejoints, dont l’Afrique du Sud, ne laissant à ce jour qu’une grande économie en dehors du processus : le Nigeria. Et, d’ici quelques semaines, le seuil des 22 ratifications nécessaires à la création effective de la Zlec sera vraisemblablement atteint. Ce sera une nouvelle étape plutôt qu’un aboutissement : le processus sera loin d’être déterminé, et il faudra sans doute encore une dizaine d’années avant que l’ensemble des négociations tarifaires ne soit achevé.

Mais qu’importe… La Zlec a replacé le sujet de l’intégration économique au cœur des débats, politiques comme économiques. Ce que l’Africa CEO Forum ne pouvait éluder, il a donc décidé d’en faire le sujet principal des deux jours de conférences qui s’ouvriront à Kigali le 25 mars. Selon le « Baromètre des CEO africains » qui y sera publié, 81 % des dirigeants d’entreprise interrogés sont convaincus que la création de ce marché unique aura un impact déterminant sur leur stratégie. Mais ils sont aussi presque autant à se dire insuffisamment informés sur ce sujet et sur ses conséquences.

Améliorer les compétences pour gagner en compétitivité

Qui seront les perdants et les gagnants ? Quels seront les secteurs qui bénéficieront le plus de la Zlec ? Alors que la fenêtre d’industrialisation du monde ouverte par la libéralisation des échanges se referme petit à petit, le secteur manufacturier africain trouvera-t-il réellement dans ce nouveau marché l’élément nécessaire à sa renaissance ? Les entreprises du continent y trouveront-elles leur compte ? Pourquoi certains leaders du secteur privé demeurent-ils hostiles à la Zlec ?


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S’il est fort probable que, comme souvent, beaucoup de prédictions se révèlent fausses, quelques éléments réels et concrets ne peuvent, eux, être ignorés : il reste deux fois plus coûteux d’acheminer un conteneur d’Abidjan à Ouagadougou que de Shanghai au port ivoirien, malgré un parcours seize fois plus court ; les paiements intra-africains restent plus chers et complexes que les règlements effectués dans le reste du monde ; l’aéroport de Lagos est mieux relié à celui de Londres qu’à celui de Johannesburg…

La baisse des tarifs douaniers ne suffira pas à changer la donne

Sans multiplier les exemples, une chose est certaine : si la baisse, voire la suppression, des tarifs douaniers est un élément nécessaire à la poursuite de l’intégration économique, elle ne suffira pas à elle seule à changer la donne. Les pays africains ont, aujourd’hui, trop peu d’intérêt à échanger entre eux. Trop de barrières les séparent.

C’est cette réalité qu’il faut s’employer à faire évoluer sans attendre qu’un vaste marché commun se mette réellement en place. Les recettes sont connues : moderniser la logistique intra-africaine, faciliter les investissements et les mouvements de personnes, multiplier les rapprochements éducatifs et culturels, faire naître davantage de groupes régionaux et panafricains. Mais tout cela reste largement à faire.

Les 25 et 26 mars, l’Africa CEO Forum tentera – modestement – de faire avancer les choses. Pour qu’enfin les vraies difficultés commencent à être prises en compte.

Plus d’informations sur le site : https://www.theafricaceoforum.com/fr/.