Témoignages

 

Kiye2019
L'hebdomadaire de l'aumônerie des jeunes de la Paroisse de Dyou, n°72 du 29 juin 2020 : A l'occasion de la solennité de Saint Pierre et Paul, apôtres
 « Et moi je te dis : Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Église, et les forces de mort ne l’emporteront pas sur elle. » (Mt 16,13-19)
 Bien-aimés dans le Seigneur,
Recevez nos salutations fraternelles depuis la paroisse de Dyou/Kadiolo au Mali, dans Diocèse de Sikasso.
Chers frères et sœurs en Christ, chaque fois que nous nous sommes confrontés à cette question, les réponses n’ont jamais manqué. Nous avons certes, utilisé notre imagination au plus haut degré pour donner des réponses souvent sentimentales comme Pierre, qui parfois ne reflètent pas réellement la qualité de notre relation intime avec la personne du Jésus-Christ, dont la réciprocité serait la confiance que Lui reposerait sur nous en faisant de nous ses lieutenants sur terre, mieux le berger de son troupeau : « Et moi je te dis : Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Église, et les forces de mort ne l’emporteront pas sur elle. » (Mt 16,18)
Comme vous le savez, aujourd’hui, l’Église honore deux colonnes que sont Pierre, apôtre des Juifs et Paul, apôtre des gentils. Les Actes des Apôtres nous donnent le récit des faits héroïques de ces deux grands personnages. Pierre est le héros de la première partie et Paul celui de la seconde. Nous nous attarderons sur la personne de Pierre pour de raison simple : Confronter sa réponse à celles que nous donnons souvent lorsque nous sommes confrontés tant directement qu’indirectement à cette question.
D’emblée, disons que Pierre est synonyme de « confiance ». C’est à cause de sa foi inébranlable en Jésus qu’il fut appelé « Pierre ». Aujourd’hui cette question nous est posée ; elle est posée à chacun de nous. J’ai souvent été émerveillé devant la pléthorique de réponses que plus d’un donnent à cette question : Qui est Jésus pour toi ; question souvent posée indirectement. Du fond de nos émotions, nous avons souvent répondu : « Jésus est mon libérateur et pourtant tu veux toujours rester l’homme ancien toujours dominé par les mêmes péchés d’autrefois ; Jésus est mon ami fidèle ; les exigences de l’amitié nous le savons. Les vrais amis ne se  permettent pas de distance. Ils veulent toujours vivre l’un dans l’autre. La présence de l’un et l’autre suffit pour réjouir le cœur. Jésus est mon défenseur, la joie de mon cœur et pourtant chaque fois tu te laisses attrister par des conneries existentielles des esprits faibles, tu te laisses ronger par les soucis des biens de ce monde qui, malheureusement aussi agréables et importants qu’ils soient ne garantissent jamais la vie éternelle. Tu dis que « Jésus est le Messie et Seigneur des seigneurs » et pourtant tu ne cesses de faire de ta vie un Wagon traîné par les caprices des hommes faux et malhonnêtes aux apparences angéliques et vraies. Oh, que c’est beau d’entendre tout cela ! Est-ce pour le plaisir de ceux et celles qui nous écoutent ou bien nos réponses sont-elles vraiment la conséquence de notre face à face avec Jésus ; la conséquence logique de notre relation intime avec la personne du Christ ?
Jésus est ton libérateur ? Il est ton ami fidèle ? Laisses-toi vivre en homme libre, créateur des valeurs peu importe le regard des hommes sur toi. Sois vrai (e) envers ton ami Jésus. Ne te laisses pas ronger par des soucis à cause d’une conscience malheureuse qui s’ignore mais qui se croît malin en voulant te pourrir la vie oubliant qu’en se comportant ainsi, il se paye par tranche son visa pour l’enfer. Qu’est-ce qui t’attriste ? Le mariage ? Les enfants ? Le travail ? Si tu as le Christ tous les restes sont des superflus.
Oui bien-aimés dans le Seigneur,
C’est lorsque nous donnons une réponse authentique à cette question de Jésus que les portes des prisons de notre vie s’ouvrent et tout le monde s’étonne comme ce fut le cas pour Pierre (Ac 12, 6-10).   C’est lorsque nous donnons une réponse authentique à cette question que notre secours nous vient du ciel même lorsque les hommes croient nous abandonner comme ce fut le cas pour l’Apôtre Paul lorsqu’il dit « la première fois que j’ai présenté ma défense, personne n’était avec moi, tous m’avaient abandonné…Mais le Seigneur était avec moi, et il m’a donné la force ... Et j’ai été sauvé de la gueule du lion.» (2Tim 4, 16-17)  Au terme, comblé des bienfaits du Seigneur dans notre vie, nous attesterons à la grande surprise de tout le monde comme l’apôtre Pierre en disant: « Cette fois-ci, c’est bien vrai, je vois que le Seigneur a envoyé son ange pour me tirer des mains d’Hérode et de tout ce que le peuple juif me tenait préparé. » (Ac 12,11). Pour ce faire, attachons-nous solidement au Christ peu importe les vicissitudes de ce monde. En retour, fier de notre authentique engagement chrétien, Dieu fera de nous des édifices solides que les forces du mal ne sauront fragiliser. Ainsi, peu importe les intrigues ou la rage meurtrière des hommes Dieu enverra son ange pour nous tirer des mains d’Hérode et de tous ces juifs qui nous entourent encore aujourd’hui. Alors, combattus, nous ne serons jamais abattus.
 Que par l’intercession des apôtres Pierre et Paul, les piliers de l’église, Dieu nous donne la grâce de nous attacher fermement à son Fils le seul et vrai ami, Messie et défenseur qui ne juge avec justice. Amen.
 Le Seigneur soit avec vous !
 ✍ Père KIYE M. Vincent, Mafr,
Aumônier des jeunes de la paroisse de Dyou/Mali
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L’hebdomadaire de la Paroisse de Dyou-Kadiolo, n°73 du 06 Juillet 2020.
Chers frères et sœurs, en cette quatorzième semaine du Temps Ordinaire, la Parole de Dieu nous a invités à méditer sur la révélation de Dieu en Jésus Christ et sur notre appartenance au Christ et à l’Eglise Famille de Dieu. Elle nous a invités également à méditer sur notre engagement pour une paix durable et pour la justice pour tous.
Bien aimés dans le Seigneur, Jésus Christ est le Révélateur du Père, par excellence. Pour nous révéler son Père et notre Père, le Christ déclare : « Personne ne connaît le Fils, sinon le Père, et personne ne connaît le Père, sinon le Fils, et celui à qui le Fils veut révéler le Père» (Mt 11 :27b). Le Père et le Fils, se connaissent mutuellement. Dans leur relation du Père et du Fils, ils se côtoient mutuellement. En fait, Dieu le Père et Son Fils ont une connaissance réciproque de l’Un et de l’Autre. C’est une connaissance d’amour. Le Fils qui existe depuis l’éternité avec le Père, a pris part à la création du monde. Il a pris part à la réalisation du dessein de son Père et à la création du monde visible et invisible. Le Livre du Proverbe (Prov. 8 : 27, 30), nous dit : « Quand il affermit les cieux, j’étais là ; j’étais à ses côtés comme le maitre d’œuvre, je faisais ces délices jours après jours.»
Oui, par sa naissance de la Vierge Marie, Le Christ est venu nous révéler le visage du Père. Le Père qui est tout miséricordieux, plein de tendresse et de pitié.
En effet, dans son admirable bonté, le Père a envoyé le Fils pour que toute personne qui croit en Lui ne vive pas sous l’emprise de la chair. Dans son Epitre aux Romains, Saint Paul réaffirme ceci en disant, toute personne à qui le Christ a révélé le visage du Père ne vit plus sous l’emprise de la chair, mais elle vit selon l’Esprit du Christ qui est mort et ressuscité. « Frères et sœurs, vous, vous n’êtes pas sous l’emprise de la chair, mais sous celle de l’Esprit, puisque l’Esprit de Dieu habite en vous » (Rm 8 :9a).
Nous sommes un corps et non pas nous avons un corps. Puisque ce corps que nous sommes n’est qu’un don de Dieu. Car dans son infinie bonté, Dieu nous a donné son propre Esprit en Jésus Christ pour que le corps que nous sommes soit élevé et tourné vers Lui. Dieu a voulu que par les abaissements et par l’obéissance de son Fils, nous ayons une vie nouvelle en Jésus Christ. Dieu a voulu que nous Lui appartenions entièrement. Et effectivement nous le sommes. Nous sommes la demeure de Dieu.
Dans sa Lettre aux Ephésiens, 2 :22 ; Saint Paul nous dit : « En Jésus Christ, vous aussi, vous êtes intégrés à la construction pour devenir une demeure de Dieu, dans l’Esprit ». Par conséquent, le corps que nous sommes, n’est pas un objet de la débauche ni de la prostitution. Car nous portons en nous l’Image de Dieu et nous sommes le Temple Saint dans lequel Dieu demeure. Et ce Dieu donne à chacun et à chacune de nous des grâces nécessaires pour lutter contre toute emprise de la chair.
Oui chers frères sœurs en Christ, nous ne sommes pas simplement un corps. Nous sommes plutôt le Temps Saint où demeure Dieu. Nous, crées à l’image de Dieu, Il a choisi de demeurer en nous. Dieu a choisi de demeurer en nous puisque nous sommes ses créatures les plus chéries et les plus préférées de toute autre créature. Voilà pourquoi, au Psaume huitième ; l’auteur sacré loue Dieu en chantant :
« O Seigneur, notre Dieu, qu’il est grand ton nom, part toute la terre ! »
Jusqu’aux cieux, ta splendeur est chantée, par la bouche des enfants des tout-petits : rempart que tu opposes à l’adversaire, où l’ennemi se brise en sa révolte.
A voir ton ciel, ouvrage de tes doigts, la lune et les étoiles que tu fixas, qu’est-ce que l’homme pour que tu penses à lui, le fils d’un homme, que tu en prennes souci ?
Tu l’as voulu un peu moindre qu’un dieu, le couronnant de gloire et d’honneur ; tu l’établis sur les œuvres de tes mains, tu mets toute chose à ses pieds.
Les troupeaux de bœufs et de brebis, et mêmes les bêtes sauvages, les oiseaux du ciel et les poissons de la mer, tout ce qui va son chemin dans les eaux.
« O Seigneur notre Dieu qu’il est grand ton nom, par toute la terre !»
En s’adressant à son Père, Jésus dit : « Père, Seigneur du ciel et de la terre, je proclame ta louange : ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits» (Mt 11 :25). Oui, chers frères et sœurs, Dieu se révèle à nous, ses créatures les plus chéries et les plus préférées de toutes. Il se révèle à ceux et celles qui Lui ouvrent simplement leurs cœurs. Dieu en Jésus Christ, se révèle à ceux et à celles qui écoutent sa Parole et qui la mettent en pratique. Dieu en Jésus Christ se révèle à ceux et à celles qui acceptent de travailler pour la justice et la paix. Il se révèle aux hommes et aux femmes qui le cherchent de tout leurs cœurs et de toutes leurs âmes dans la prière. Dieu se révèle aux hommes et femmes qui se soucient du bien-être de leurs frères et sœurs. Il se révèle aux hommes et femmes qui partent le chercher dans les saints sacrements de l’Eucharistie et de la réconciliation.
En effet, dans l’évangile selon saint Matthieu, le Christ dit à ces personnes qui cherchent la bonté de Dieu : « Devenez mes disciples, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos pour votre âme » (Mt 11 :29). Nos soucis, nos peines, nos déceptions, nos fatigues, nos blessures du passé ; et nos fragilités, le Christ veut les porter sur Lui. Le Christ veut porter sur lui tout ce qui nous n’aide pas à nous épanouir. Car Dieu veut notre épanouissement. Il veut notre bonheur. Alors, fais-tu lui confiance ?
Déjà préfiguré dans l’ancien testament, par le prophète Zacharie comme le Juste, le Victorieux, le Pauvre ; et le Roi, Jésus Christ n’a pas caché au monde son identité. Dans la première Lecture de ce 14e dimanche, le Prophète Zacharie nous dit : « Ce roi fera disparaitre d’Ephraïm les chars de guerres, et de Jérusalem les chevaux de combat ; il brisera l’arc de guerre, et il proclamera la paix aux nations. Sa domination s’étendra d’une mer à l’autre, et de l’Euphrate à l’autre bout du pays» (Za 9 :10).
En nous révélant le visage du Père, Le Christ a plutôt proclamé le message de la paix. Il a rendu justice aux opprimés. Il a redonné la dignité et la vie aux pauvres. Aux hommes et aux femmes qui portaient le poids de la souffrance, Il leur a redonné force et courage. En un mot, pendant tout son ministère dans les régions de la Galilée et de la Judée, c’est-à-dire, entre Nazareth et Jérusalem, en passant par la vallée de Jéricho, le Christ n’a fait que du bien. Il a lutté contre les injustices des dirigeants de son pays. Par ses enseignements et par ses actes, Il a combattu pour le règne de la paix et de la justice pour tous.
Oui chers frères et sœurs, par sa vocation, le chrétien est un artisan de paix et de justice. En s’adressant aux hommes et aux femmes qui Le suivaient, le Christ déclara : « Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils et filles de Dieu » (Mt 5 :9). Ceux et celles qui se réclament d’appartenir au Christ, ceux et celles qui portent le nom chrétien, sont par obligation les bâtisseurs de la paix et de l’amitié sociales, nous dit le Pape François (cf. Gaudete et exsultate, n°88). Tous les baptisés, nous devons mener un combat pour la paix et pour la justice dans nos milieux de vie. Nous avons l’obligation de prier pour la paix et pour la justice. Et une fois que cette paix est retrouvée, nous avons l’obligation de la maintenir. A ceux et celles qui s’efforcent à bâtir la paix dans leurs milieux de vie, dans leurs communautés, Jésus a fait cette merveilleuse promesse : « Ils seront appelés fils et filles de Dieu ».
Aujourd’hui, prions les uns pour les autres, afin que Dieu nous comble de sa grâce pour que réellement nous puissions Lui appartenir et redevenir davantage les artisans de sa paix et de sa justice dans aux seins de nos communautés de vie! Prions aussi pour que notre vie de chaque jour soit illuminée par l’Esprit de Dieu ! Le Seigneur soit avec vous !
✍🏽Père UFOYURU Bosco, Missionnaire d’Afrique (Pères Blancs). Vicaire à la Paroisse de Dyou-Kadiolo/Mali. WhatsApp : +972549194538.

[Chronique] Mariam, la jeune Malienne qui fait la leçon au Conseil de sécurité

|

Par

Damien Glez est dessinateur-éditorialiste franco-burkinabè

Mariam, une Malienne de 15 ans, a fait une intervention très remarquée face au Conseil de sécurité.

Quelle portée auront les propos de l’adolescente malienne qui vient de tancer les grands de ce monde au Conseil de sécurité ? Sa prestation a le mérite de réveiller des institutions anesthésiées pendant la récente pandémie.

Pauvres bedonnants dégarnis des instances onusiennes ankylosées ! À peine commencent-ils à se débarrasser médiatiquement de l’activiste écologiste suédoise Greta Thunberg qu’il voient débarquer une nouvelle « teigne » adolescente.  C’est ce 23 juin que Mariam, Malienne âgée de 15 ans, s’est adressée en visioconférence au Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies, organe présidé en juin par la France, pays impliqué dans la gestion de la crise sahélienne.

Son cheval de bataille à elle, c’est le sort des enfants dans ces zones de conflit si peu évoquées pendant cet étrange printemps monomaniaque, période inédite où les instances et les médias n’avaient que le mot « Covid » à la bouche.

Tellement jeune qu’elle n’est qu’un prénom dans les compte-rendus, Mariam a brassé pêle-mêle l’exposition des mineurs à des exactions, leur recrutement par des milices, l’enseignement de la violence et du vol, la naissance d’une culture de justice sauvage, la confrontation à la drogue, à l’alcool ou au viol, filles comme garçons.

« Prenez des décisions »

Membre du Parlement des enfants au Mali, Mariam a joué la carte de l’incarnation en abîme, faisant revivre par sa présence le sort vécu par le dénommé Mohamed, natif de la région de Mopti devenu orphelin après le massacre de ses parents et recruté de force par un groupe armé alors qu’il n’avait que dix ans. Traumatisé, le garçon finira par fuir…

« Prenez des décisions » a adjuré Mariam d’une voix éclatante, afin que les enfants en zones de conflit cessent de subir des conséquences « énormes ».

Si l’intervention de la jeune Malienne est si remarquée, c’est que les témoignages d’adolescents sont rares au Conseil de sécurité et que la question soulevée est d’actualité dans les arcanes onusiennes : le secrétaire général de l’ONU vient de publier un rapport sur les enfants dans les conflits.

Un document qui fait l’objet de controverses soulevées par de nombreuses ONG, António Guterres ayant décidé de retirer deux entités de la liste noire des pays et groupes participant aux exactions sur des enfants : la Birmanie et la coalition dirigée par l’Arabie saoudite au Yémen.

Selon des chiffres de l’UNICEF de 2019, près d’un enfant sur dix dans le monde – soit plus de 230 millions d’enfants – vit dans des zones qui connaissent des conflits armés. 125 millions seraient directement affectés par ces combats. Plus de 170 000 violations graves ont été certifiées depuis 2010, ce qui représente plus de 45 violations par jour contre les mineurs en lien avec des conflits.

Des chiffres aussi éloquents que surréalistes. Des statistiques qui ont bien besoin, de temps à autre, de l’incarnation d’une Mariam ou d’un Mohamed.


 
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Kiye 2020
L'hebdomadaire de l'aumônerie des jeunes de la Paroisse de Dyou, n°70 du 19/06/2020: Rendez-vous avec les amis de Dieu
Bien-aimés dans le Seigneur,
Recevez nos Salutations depuis la paroisse de Dyou/Kadiolo au Mali, dans Diocèse de Sikasso.
« Là où  est ton trésor, là aussi sera ton cœur.» (Mt 6, 19-23) 
Il n’est pas rare dans notre vie de rencontrer des personnes qui évoquent cette phrase dans des situations multiples. Néanmoins, avec l’intention de mettre en relief l’exigence de notre attention sur l’essentiel de notre vie, sur ce sans lequel notre vie devient un calvaire. Bref, sur ce qui garantit notre existence. Cependant, disons-nous, l’employer sur les réalités terrestres nous paraît injuste et même une erreur monumentale, d’autant plus qu’aucune réalité terrestre ne garantit la Vie éternelle. Dieu seul et sa volonté ont, disons-le sans peur d’être contredits, le monopole de cette phrase puisque Dieu constitue le trésor sans conteste, le trésor des trésors de toute existence.
            En effet, le monde moderne dans lequel nous vivons aujourd'hui ne cesse de nous proposer des options non négligeables. La vitesse avec laquelle la modernité nous emballe ne laisse aucune conscience insensible. Ceci dit, nos préoccupations vont de pair. Le matériel devient de plus en plus, l'option la plus envisagée. Nous voulons posséder à tout prix. Les voitures, les maisons, les appareils etc. Trois verbes caractérisent notre époque de façon particulière: le pouvoir, le paraître et l'être. Malheureusement, dans la plupart de temps, nous voulons nous enrichir sans Dieu mieux encore, loin du regard de Dieu. C'est la grosse erreur de l'homme moderne. Notre Dieu devient notre travail, notre maison, etc. des jeunes qui étaient fréquents à l’église, une fois mariés, ils/elles deviennent rares pour ne pas dire invisibles. Jésus nous interpelle à ce sujet en disant : Que sert à l'homme de gagner l'univers s'il vient à perdre son âme ? 
Oui chers frères et sœurs,
Nous avons besoin du confort, de toutes ces choses-là pour vivre aisément. Mais quelle est la place que nous accordons à Dieu dans notre quête du pouvoir, du paraître et d'être plus? Sommes-nous vraiment conscients que si le Seigneur ne bâtit la maison, les bâtisseurs travaillent en vain ? S'enrichit loin de la face de l'Éternel, c’est devenir pire qu'un loup. 
Aujourd'hui, la grande préoccupation de l'homme moderne  est de posséder à tout prix et souvent, sans mesurer les conséquences. Sans diaboliser les biens matériels qui sont d'une importance non négligeable, nous en appelons ici à une action de grâce comme à une reconnaissance de la cause première qui a voué le monde tant matériel que spirituel à l'existence. Dieu doit toujours être notre trésor primordial de sorte que nous nous disions : Si j'ai ce qui est à ma disposition aujourd'hui, c'est parce que Dieu m'a appelé à l'existence et m'a accordé la grâce d'être et d'avoir ce que j'ai  aujourd'hui. Que son nom soit sanctifié. Lui rendre grâce pour ce bienfait afin qu'il continue à nous bénir davantage. Et la meilleure action de grâce c’est le respect de l’environnement comme œuvre manifeste de la gloire de Dieu. Malheureusement, la tendance de l'homme aujourd'hui est de vite oublier celui-là même qui l’a fait, celui-là même qui lui a donné l'être, l'avoir et le pouvoir : l’auteur même de la vie.
Une personne reconnaissante vis-à-vis de Dieu, qui reconnaît les effets des grâces de Dieu sur lui ne permet pas que la recherche des biens de ce monde l’emporte sur la quête de Dieu, sans qui, il ne saurait être appelé à l’existence. Pour ce faire, Dieu doit être son trésor par excellence. L’homme doit vivre cette conscience jour après jour et chercher l’harmonie avec les autres êtres sur la planète avec un grand respect de l'environnement.
Quelques questions peuvent nous aider à approfondir notre méditation ; savoir où se trouve mon trésor ? Qu’est-ce qui serait mon trésor le plus précieux sur lequel repose mon cœur ? Quelle garantie ce trésor offre-t-il pour ma vie éternelle ?
L’évangéliste précise en disant « N’amassez pas richesses et réserves sur cette terre, là où les mites et les vers font des ravages, là où les voleurs percent le mur et emportent tout. “Amassez-vous richesses et réserves dans le Ciel, là où il n’y a ni mites ni vers pour faire des ravages, et pas de voleurs pour percer le mur et tout emporter. »  (Mt 6,19-20) Quelle résonnance cette interpellation a-t-elle dans mon entendement ? Est-ce Dieu qui est le centre de ma vie ou bien le matériel ? Qu’est ce qui me préoccupe davantage dans ma vie? Est le mariage ? Les enfants ? Le travail ? ou bien m’abandonner à la volonté de Dieu ? Faire de Dieu notre trésor nous libère des soucis de ce monde dans ce sens que nous savons que c’est à lui que revient le dernier mot de notre vie. Et au terme, nous aurons la vie éternelle. Autrement, que sert à l’homme de gagner l’univers si cela ne peut lui garantir le salut de son âme ? Pourquoi avoir un bon travail, le luxe, les maisons si tout cela ne peut pas nous garantir la vie éternelle ?
Oh, que c’est beau d’avoir comme préoccupation majeure la recherche du visage ou de la volonté de Dieu ! Tout le reste n’est que passager.
Puisse Dieu nous donner la grâce de comprendre combien les biens de ce monde sont passagers et que seule la recherche de sa volonté garanti le bonheur sans fin.
Le Seigneur soit avec vous !
✍🏾 Père Ivor Mutamba, Stg  Mafr, assisté par le Père KIYE M. Vincent, aumônier paroissial des jeunes
Paroisse de Dyou/Diocèse de Sikasso-Mali
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Whatsapp : (+223) 72 65 74 82
 
 

L'hebdomadaire de l'aumônerie des jeunes de la Paroisse de Dyou, n°71 : Retour sur les lectures du XIIème dimanche des Temps ordinaires (Année liturgique A)

  Bien-aimés dans le Seigneur,

Recevez nos Salutations depuis la paroisse de Dyou/Kadiolo au Mali, dans Diocèse de Sikasso.

 « Mais Yahvé est avec moi comme un guerrier puissant, c’est pourquoi mes ennemis tomberont » (Jr 20,11) mieux encore : « Ne craignez pas ceux qui tuent le corps mais ne peuvent tuer l’âme. » (Mat 10 26–33)

ce sont ces deux phrases, l’une de la première lecture et l’autre de l’évangile qui ont retenu notre attention pour ce 71ème numéro de l’hebdomadaire de l’aumônerie des jeunes de la paroisse de Dyou/Kadiolo 

Deux paroles d’encouragement qui ne nous laissent pas indifférents face à l’incompréhensibilité de l’agir humain surtout en ce temps qui sont les derniers. Pendant que le monde accuse une avancée remarquable sur bien de plans, le cœur de l’homme moderne soit-il, reste toujours malade de complexe, de jalousie et de haine etc, caractéristique d’un archaïsme ridicule qui retarde tout effort d’auto-accomplissement en raison du regard haineux que nous portons sur l’autre différents de nous.

       Au demeurant, disons-le, notre vie ici-bas est un éternel combat entre l’auto-accomplissement dans les simples limites de la raison et de la volonté de Dieu et la peur du regard des hommes mieux, les contrariétés de ce monde. Depuis notre baptême, devenu fils de Dieu, nous avons reçu la mission d’annoncer la Bonne Nouvelle à toute chair, particulièrement par la qualité de notre humanité. Cette conscience d’être fils de Dieu et les exigences y afférentes sont souvent butées à des obstacles illimités : La peur du regard des hommes qui exerce souvent une pression sur nous. Cela étouffe souvent notre détermination à l’annonce de l'évangile. Les médisances, les jugements négativistes, des diffamations ont pour but de décourager de manière systématique, l'engagement des hérauts de l’évangile. Et pourtant, c’est par cet engagement authentique que le Christ s’invite dans l’histoire des hommes encore aujourd’hui. Qu’à cela ne tienne, lorsque nous savons que c’est pour la cause de l’évangile que cela nous arrive, la règle d’or ne peut être que de tenir bon jusqu'au bout afin de remporter une couronne qui ne se fane pas. Et Jésus dira à cet effet : « Ne craignez pas ceux qui tuent le corps mais ne peuvent tuer l’âme » (Mt 10,28) Ne nous engageons pas pour plaire aux hommes mais pour la cause de Dieu.

 S’y référant, les textes que la liturgie nous propose pour notre méditation en ce XIIème dimanche de temps ordinaire nous invitent à ne pas avoir peur, à ne pas nous laisser distraire par des jugements négativistes, des diffamations, des critiques acerbes, etc mais à vivre librement l’aujourd’hui de l’annonce de l'Evangile en rejetant toute œuvre occulte et tout jugement destructeur dans les oubliettes de l'histoire. Car Dieu est pour nous sagesse et force, secours toujours offert. Il ne manquera pas de confondre à son temps, les intrigues  de ceux qui, habités par la haine et par la jalousie, cherchent à étouffer les effets de la grâce de Dieu en nous.

       Oui chers frères et sœurs, tenir bon lorsque la haine et la rancœur du monde sont orchestrées pour étouffer notre élan de témoin du Christ  n’est pas chose facile. Peu sont ceux qui peuvent y tenir bon. Elles constituent sans cessent, des obstacles à l’engagement et au dynamisme du chrétien. La première lecture de ce 12ème dimanche des Temps Ordinaires en est une illustration sans conteste. Au regarde des choses, ne nous retrouvons-nous pas parfois dans ce complot cynique, chaque fois que nous préméditions la chute de nos frères et sœurs, ignorant parfois toute vérité des faits, simplement parce que notre cœur est rempli de haine et de convoitise, de jalousie et de rivalité? Je les entendais tout autour de moi, nous dit le prophète : “Dénoncez-le, oui, dénonçons-le !” Même mes proches guettaient ma chute : “Au premier faux pas nous aurons le dessus, alors nous nous vengerons de lui !” (Jr 20,10) C’est ce qui caractérise souvent notre vie aujourd'hui: Monter des coup-bas contre nos frères et sœurs, mobiliser nos énergies pour faire du mal ou nuire à l’autre (mentir et salir sa réputation). Oui, dans la Bible, le diable est appelé le père du mensonge  et  quiconque se distingue dans le mensonge est le fils de son père."Vous appartenez à votre père, le diable, et vous cherchez à satisfaire les désirs de votre père. (Jn 8,44), nous dira le Christ. Néanmoins, Dieu est toujours prêt à prendre la défense des siens, de ceux qui se réfugient auprès de lui, précise le prophète Jérémie lorsqu’il dit : « Mais Yahvé est avec moi comme un guerrier puissant, c'est pourquoi mes ennemis tomberont: pour eux ce ne sera pas le triomphe,   mais l’échec et la honte. Leur humiliation sera définitive, personne jamais ne l’oubliera.» (Jr 20,11). 

Oui, bien-aimés dans le Seigneur,

 N’ayons pas peur ! Engageons-nous toujours pour la cause de Dieu. La recherche de l’accomplissement de la volonté de Dieu qui  nous motive Lui qui est notre trésor à tout jamais, touche sans cesse le cœur de Dieu et nous obtient les grâces nécessaires dont nous avons besoin pour pouvoir poursuivre notre combat pour l’annonce de l’évangile peu importe les découragements des hommes. Car  celui qui nous a appelés à être témoins de sa miséricorde aux yeux du monde est toujours à notre côté dans le combat que nous menons pour l'annonce de l’Evangile. C'est ici la pointe de ce sermon qui trouve tout son sens dans cette assurance que Jésus donne à tous ceux et celles qui se dévouent pour la cause de l'évangile et qui souffrent la médisance et les attaques de toutes sortes, en disant : “Ne craignez pas ceux qui tuent le corps mais ne peuvent tuer l’âme. Craignez plutôt celui qui peut faire périr l’âme et le corps dans l’enfer…Donc ne craignez pas : vous valez tout de même plus qu’une volée de moineaux. » (Mt 10, 26-32) 

 Notre persévérance devant les jugements destructifs et les critiques acerbes des hommes contre nous, a un prix aux yeux du Seigneur lorsque cela nous arrive pour la cause de l’évangile. Ainsi, quelle que soit la haine meurtrière des hommes contre nous à cause de notre engagement pour la cause de l’évangile, y tenir bon devient source de grâce et pour nous et une preuve que nous reconnaissons Jésus à l’œuvre en nous à travers notre engagement. Et Jésus dira à cet effet que : « celui qui me reconnaîtra devant les hommes, je le reconnaîtrai devant mon Père du Ciel. Mais si quelqu’un me renie devant les hommes, moi aussi je le renierai devant mon Père du Ciel ». (Mt 10, 32-33)

 Puisse Dieu nous donner la force de tenir bon devant les forces négativistes et destructrices de ce monde. Amen.

 Le Seigneur soit avec vous !

 ✍ Père KIYE M. Vincent, Mafr,

aumônier des jeunes de la paroisse de Dyou/Mali

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Le Christ était-il noir  ?

Le théologien assomptionniste Bruno Chenu (1942-2003) était fasciné par le peuple noir américain. Au cours de plusieurs séjours aux États-Unis, il étudia la « théologie noire », inconnue en Europe. Le P. Jean-Paul Sagadou, religieux assomptionniste burkinabé, retrace son parcours intellectuel et spirituel.

Statue symbolisant la lutte contre l’esclavage.

Dans son numéro de novembre 2000, Brèves, le journal interne de Bayard, posait à Bruno Chenu la question suivante : Pourquoi êtes-vous fasciné par les Negro Spirituals ? Et le théologien-journaliste répondait : «Je ne suis pas fasciné par les Negro Spirituals, je suis fasciné par le peuple noir américain, par son histoire. C'est une histoire invraisemblable, étonnante : tellement de souffrance qui débouche sur tellement de foi et de lutte pour la liberté ! Cette tension entre la situation dramatique que vit ce peuple et sa façon de s'exprimer si positive. Qu'il n'y ait aucun mot d'injure et de violence à l'égard des maîtres blancs dans les Negro Spirituals, c'est tout de même surprenant» (1).

Bruno Chenu à la «rencontre» des Noirs américains.

Dans son testament spirituel du 3 juin 2001, Bruno Chenu écrivait : «Tant mieux si les livres que je laisse dans ma bibliothèque peuvent servir à d'autres, notamment pour ce qui concerne les Noirs américains et les théologies du Sud». On connaît les autres chantiers sur lesquels Bruno Chenu s'est investi : l'œcuménisme, l'ecclésiologie etc. Mais on peut vraiment dire que sa grande passion fut la passion des Noirs américains. Dans le mot «passion» il y a «passio» qui veut dire «souffrance», mais en même temps, les philosophes nous ont appris que rien de grand dans le monde ne s'est fait sans passion. Dans un certain sens, Bruno Chenu a éprouvé lui-même la souffrance dans la rencontre de la souffrance des Noirs américains, et on peut prendre ici le mot «passion», dans un sens philosophique, comme un état intellectuel puissant, qui par l'intensité de ses effets, touche la vie de l'esprit et l'affection de la personne ou, l'inverse est aussi possible, un état d'affection ou d'émotion tellement fort qu'il imprime la vie de l'esprit. Les deux s'articulent chez Bruno Chenu, au moins pour ce qui concerne son rapport avec les Noirs américains.

Passion pour les Noirs. On peut noter que dans l'ensemble, Bruno Chenu aura écrit tout seul 13 livres (Dieu et l'homme souffrant y compris), cinq livres en collaboration et quatre livres de Présentation de choix de textes. Parmi les 13 livres qu'il a écrit tout seul, 3 sont essentiellement consacrés aux Noirs américains, et dans presque tous les autres, y compris ceux écrits en collaboration, on trouve toujours les traces de cette passion de Bruno pour les Noirs. Son tout premier livre, après la publication de sa thèse (1972), est consacré à L'Histoire, à la religion et à la théologie des Noirs Américains (1977). Ensuite vont suivre Le Christ noir américain (1984) et Le Grand livre des Negro Spirituals (2000). D'où lui vient cette passion pour les Noirs américains ?

Le point de départ d'une «passion noire»

Dans les années 1970, alors qu'il préparait sa thèse de doctorat sur «La signification ecclésiologique du Conseil œcuménique des Églises (COE)» (1945-1963), Bruno Chenu a cherché à ouvrir son esprit en allant à l'étranger. Il voulait aussi améliorer son anglais et l'Angleterre ne l'attirait pas trop. Avec l'accord de ses supérieurs, il trouve une bourse par le biais du COE, et il s'embarque pour les États-Unis. Il passera l'année académique 1970-1971 au pays de Martin Luther King. Là, il s'inscrit dans un séminaire protestant américain où il suit un cours sur la religion noire et la théologie noire. Dans ce séminaire, chaque étudiant devait présenter une dissertation théologique. Or, le livre de James Cone, l'un des plus grands représentants de la théologie noire, venait de paraître et s’intitulait La noirceur de Dieu. Bruno décide alors de rédiger sa dissertation à partir de ce livre et à son travail, il donne avec humour (noir ?) le titre suivant : «Lecture blanche d'une théologie noire».

À côté de cet intérêt intellectuel pour les choses noires, Bruno se rend présent dans les lieux de culte des Noirs. Voici comment il décrit l'une de ses participations à un culte le dimanche dans une communauté noire :
«C'était un dimanche du printemps de 1971. Désirant vivre un culte dans la communauté noire américaine, je m'étais invité dans une des églises du ghetto d'Hartford (Connecticut). Excellent accueil, comme d'habitude. Je suis le seul Blanc de l'assistance, comme d'habitude. Ce qui me saisit ce jour-là, en dehors du sermon prononcé par une femme noire, c'est le temps de la méditation à la suite d'une lecture biblique. L'organiste joue discrètement sur son clavier quelques notes pour soutenir la prière. Et puis soudain, sans aucun signal, comme sous la poussée d'un besoin intérieur, des hommes et des femmes se mettent à accompagner la mélodie à bouches fermées. Au début, ce n'est qu'un murmure et puis, progressivement, le murmure se fait cantique. Le chant à plusieurs voix s'enfle jusqu'à éclater comme le cri d'un peuple tout entier aux pieds de son Dieu. La meilleure façon d'accueillir la Parole de Dieu est ce saisissement par l'expression musicale jusqu'à ce que la séduction devienne exultation. La communauté noire se découvre croyante quand l'Esprit ébranle son cœur au rythme d'un Spiritual. La confession de foi ne se démontre pas, elle ne s'explique pas, elle se vit comme la communion de tout un peuple chantant sa peine et sa joie, ses épreuves et son espérance» (2).

Bruno Chenu fut touché par le cri de la condition humaine et religieuse qu'il découvre pendant ses séjours aux États-Unis. La justesse de son intuition est qu'il s'agit bien des Noirs et qu'il n'est pas possible de ne pas rendre compte de ce qu'ils ont vécu. Revenu en France à la fin en 1971, il s'aperçoit que personne n'avait entendu parler de «théologie noire». À la faculté de Lyon où il enseigne, Bruno programme un cours pour l'année 75-76 sur les Noirs américains. Ses recherches aboutissent à la publication en 1977 du livre Dieu est noir. Que signifie le qualificatif «noire» que Bruno Chenu applique à la théologie ? À l'évidence, le fait d'être noir est d'abord un trait physiologique. La couleur de la peau renvoie immédiatement à une histoire, à une culture, à une condition. Pour ce qui est des Noirs américains, cette histoire va être marquée par la souffrance et par l'humiliation. Quand Bruno parle donc de théologie noire, il parle de cette théologie formulée par les Noirs au creux de leur expérience, de leur souffrance, de leur espérance, de leur libération.

A la page 290-291 de son livre Dieu est noir, il écrit, comme pour expliquer le choix du titre :  «Pour toute la culture occidentale, le blanc évoque la pureté et la grâce, le noir est immédiatement synonyme de souillure et de péché. (…) La perspective biblique n'a pas peu contribué à cette symbolique (…) : le blanc et le noir s'opposeNT comme le Christ s'oppose à Satan, comme le spirituel s'oppose au charnel, comme le bien s'oppose au mal. Le salut pascal n'est-il pas de passer des ténèbres à la lumière ? Tout combat spirituel doit illuminer et 'blanchir' le croyant. (…) Cette symbolique dominante a eu des conséquences psychologiques catastrophiques pour le Noir. Elle l'ancrait dans un complexe d'infériorité et dans un sentiment de culpabilité. Aussi, la théologie noire renverse les termes et fait du 'noir' le symbole du bien et du 'blanc' le symbole du mal. Cette opération ne traduit pas simplement un désir de revanche mais veut exprimer les méfaits historiques de l'homme blanc que tout honnête homme peut aisément constater. Si la 'blancheur' symbolise quelque chose au niveau de l'histoire réelle, c'est bien l'exploitation et le racisme. Il reste donc aux Blancs à se convertir à la négritude, c'est-à-dire à la souffrance de Dieu dans la vie du monde» (3).

Cette passion intellectuelle est jalonnée ou accompagnée de voyages aux États-Unis.
- Du 6 au 23 avril 1981, il anime avec le Pasteur Luc Bovon, un voyage œcuménique de 18 français sur les traces de Martin Luther King aux États-Unis (4).
- En 1998-1999 , il passe une année sabbatique aux Etats-Unis où prend forme Le Grand livre des Negro-Spirituals.

Bruno Chenu et les «lieux» de la souffrance des Noirs : l'esclavage et le racisme

«À l'origine de la présence noire aux États-unis, écrit Bruno Chenu, il y a bien sûr l'épreuve terrible de la traite des esclaves qui demeure un traumatisme profond dans la conscience des gens de couleurs» (5). Dans ce commerce humain si profitable, «Portugais et Français, Anglais et Hollandais allaient énergiquement se concurrencer, durant près de trois siècles, sans distinction de religions ou de régimes politiques, les pieux catholiques comme les austères protestants, les citoyens de l'Angleterre et de la Hollande si épris de libertés civiques comme les sujets soumis des monarchies absolues» (Marguerite Yourcenar).

Je ne vais pas refaire l'histoire de l'esclavage. Je veux souligner seulement que pour Bruno Chenu, au point de départ de cette souffrance noire, il y a le racisme exprimé d'abord sous la forme de l'esclavage. Tout le monde a entendu parler de cette fameuse traite des esclaves à partir du XVIe siècle. Des millions de Noirs ont été arrachés à leur terre natale, transportés aux Amériques dans les pires conditions et vendus comme du bétail pour l'essor des colonies du Nouveau Monde. «Le racisme à d'abord été l'idéologie nécessaire à justifier l'esclavage et le pouvoir des maîtres blancs sur tout être humain» (6). Au XIXe siècle l'infériorisation des autres « races » (indienne, noire) sera étayée par la biologie et la théologie. Dans L'Église au cœur, Bruno Chenu parlera, à cet effet, de la prostitution de l'Église et de la théologie (p. 93), puisque les hommes ont cherché à justifier le racisme et l'esclavage par des références bibliques : Gn 9, 18-27, la malédiction de Canaan, Lv 25,44-46, Ex 20, 3-17, Lc 7,2-10 (guérison de l'esclave du centurion).

Le racisme se fraye un chemin. La discrimination dans le temple du Seigneur devient insupportable à beaucoup. L'instrumentalisation de la religion sert aux « maîtres » pour renforcer les liens de subordination des Noirs. Par exemple, certains maîtres autorisaient leurs esclaves à aller le dimanche à l'Église du village. Les Noirs étaient au fond, les Blancs devant. Les Noirs vivaient la même célébration, ils écoutaient la même Parole, mais il y avait quand même une prédication spéciale pour les Noirs, où l'on répétait à tout bout de champ la parole de saint Paul : «Esclaves, soyez soumis à vos maîtres.»

C'est à partir de là que va s'élaborer la conception noire de la souffrance. Celle-ci va surtout s'exprimer dans les chants des Noirs que nous appelons communément les Negro Spirituals.

La souffrance dans la tradition religieuse noire/ Dans les Negro Spirituals

La conception religieuse noire de la souffrance s'est élaborée dans un contexte de lutte contre l'esclavage et l'oppression. Que l'on parle des Spirituals ou du Blues, des prières et des sermons des prédicateurs noirs, ou des contes traditionnels, les Noirs n'ont pas réfléchi sur la souffrance indépendamment de la vie, mais à partir de leur engagement, c'est-à-dire de leur lutte pour affirmer leur dignité humaine malgré les conditions déshumanisantes de l'esclavage et de l'oppression. C'est pourquoi, pour comprendre le mouvement dynamique de la pensée noire sur la souffrance noire à mesure que le peuple noir essayait de trouver un sens à sa vie, il est nécessaire d'avoir présent à l'esprit la vie sociale et politique d'où est née la pensée noire. Celle-ci représente la réponse d'une population africaine à sa situation d'esclavage en Amérique du Nord.

En 1978, dans la revue Lumière et Vie, Bruno note : «Si nous voulons comprendre comment un peuple peut exprimer la totalité de sa démarche humaine dans une expression musicale religieuse, il faut nous mettre à l'école de la communauté noire américaine. Parce qu'il porte trace de toutes les blessures et de tous les rêves de la collectivité, le Spiritual atteste les trois grands chemins d'humanisation qui ont mobilisé les esclaves de la chrétienté occidentale. Mieux encore, quand on s'est laissé prendre par lui, le chant réalise ces chemins, il opère le déplacement de la communauté du côté de la liberté, de la rencontre et de la foi. Quand Dieu est à vos côtés, la vie n'est plus tout à fait ce qu'elle était» (7).

Les Negro-spirituals ne sont pas des chants de désespoir. «Ces chants expriment une foi vécue dans un contexte terrible d'exploitation et de négation humaine. Mais ils révèlent aussi la découverte d'une espérance donnée par un Dieu qui promet la libération à son peuple» (8). Les personnages bibliques les plus cités dans les Negro Spirituals sont Moïse, Daniel, Ezéchiel, David et Goliath, Samson. Ceux qui, dans la Bible, dénoncent des situations d'injustice ou d'oppression et préconisent une délivrance prochaine du peuple.

Bruno Chenu voit dans les chants des Noirs «une lave brûlante sortie des entrailles de femmes et d'hommes opprimés». Ces chants sont, à ses yeux, des «joyaux de la piété noire». «Ils constituent d'extraordinaires affirmations du salut et de l'humanité noire au sein des frustrations d'un monde implacable. Ils sont la réponse, tantôt inquiète, tantôt confiante, d'une communauté croyante écrasée à sa situation d'oppression».

Pendant plus d'un siècle l'espoir d'émancipation des esclaves noirs américains va résonner dans les Negro Spirituals, chants de libération inspirés de l'Ancien Testament, où se mêlent détresse, révolte et courage.

Dans un livre paru en 1966, Marguerite Yourcenar avait déjà attiré l'attention du lecteur francophone sur le contenu des Negro Spirituals. Elle relevait que dans ces chants, «pour la première fois, le poète afro-américain avait réussi à exprimer, avec une intensité et une simplicité admirables, ses rêves et ceux de sa race, sa résignation, et plus secrètement sa révolte, ses profondes douleurs et ses simples joies, son obsession de la mort et son sens de Dieu» (9).

D'un point de vue proprement théologique, Bruno Chenu est le seul théologien occidental a avoir accordé autant d'attention aux Noirs américains, mêlant recherche historique et réflexion théologique. Je pense qu'il a été vraiment touché par leur souffrance et qu'il a voulu, par sa démarche, montrer l'égalité entre les hommes. Dans ce sens, il est aussi un grand chantre des droits de l'homme, puisqu'il a travaillé à la reconnaissance des Noirs. D'ailleurs, il situe le statut des Negro Spirituals du côté des droits de l'homme en affirmant que «cette musique est l'honneur de l'humanité parce qu'elle est le cri de sa conscience».

Disons-le : Bruno Chenu «ose et accomplit une visite lucide et sereine des zones sombres de la conscience humaine et chrétienne au fil de l'histoire de l'asservissement de l'homme par l'homme» (10). C'est une parole décisive qu'il livre et qui «appartient en propre à l'humanité comme telle parce que ce dont il est question n'est rien moins que la dignité de la personne, seule ou en groupe, qui s'affirme envers et contre tous les dénis de reconnaissance, fût-ce les plus inattendus : ceux qui par leurs exemples ont pu se loger dans une conscience pourtant dite chrétienne, mais aveuglée par les conditionnements mondains» (11).

Bruno Chenu se situe donc à «un haut-lieu d'humanité et d'anthropologie pour laisser retentir une parole multiple sur la condition humaine» (12). Dans L'Église au cœur, il souhaitait que l'Église soit «la sentinelle de Dieu pour les nations» (p.18). Il me semble que c'est ce que lui-même a essayé d'incarner en se faisant la voix des sans voix.

Bruno Chenu : la voix des sans voix (voie)

Ce n'est pas par goût d'exotisme que Bruno Chenu s'est consacré pendant de longues années à l'étude des Noirs américains. Il a voulu être la voix des sans voix, parce que pour lui, reprenant des mots de Dom Helder Camara, «la voix des opprimés est la voix de Dieu» (L'Église au cœur, p. 132). Dans l'introduction au Grand livre des Negro Spirituals, il écrit : «J'ai voulu donner la priorité à la parole des esclaves, ou des anciens esclaves. Certes, cette parole s'est souvent perdue dans les ténèbres de l'histoire et n'a pas laissé de trace repérable (…) C'est la parole de l'esclave d'abord qui retentira dans ce livre», la parole de «ceux qui ont été considérés comme les moindres d'entre les humains» (13).

Il a voulu sortir le peuple noir de sa «solitude». «Au long de l'exploitation esclavagiste, écrit Bruno, le Noir a ressenti douloureusement sa solitude. Le terme 'seul' revient constamment dans les chants» (14). Il cite les paroles d'un chant :
"Dans la vallée,
Sur mes genoux
Sous mon fardeau
Si seul, si Seul."
«Ne me laissez jamais seul.»
«Perdu là-bas dans ma solitude.»

L'esclave s'éprouve «comme un enfant sans mère, tout seul, tout seul, avec sa peine amère».

Quand on considère tout le travail que Bruno Chenu a réalisé sur les Noirs américains, on peut dire qu'il les a fait sortir de leur «solitude». Il a été la voix des Noirs dans le monde francophone pour faire connaître leur souffrance et la force spirituelle qui en a résulté. Peut-être que pour parler comme les théologiens, il y a quelque chose de l'ordre d'une théologie de la Croix qui s'exprime, en creux, dans la pensée de Bruno Chenu. Une théologie du point de vue des opprimés.

Une théologie de la Croix

En effet, tous les lieux qui ont façonné la réflexion théologique de Bruno Chenu sont des lieux marginaux, les théologies du Sud, les peuples noirs etc. Son expérience de l'Église, c'est l'expérience des multiples visages de l'Église, et l'Église pour lui, c'est avant tout les plus simples, les plus pauvres. Par l'Église, les plus humbles se sentent reconnus. Par l'Église, la Parole de Dieu retentit comme la justification de toutes les religions.

Pour les esclaves noirs américains, on peut dire que la véritable raison de leur conversion est liée au fait que la religion africaine ne rendait pas compte de leur souffrance alors que le christianisme l'intégrait. Des siècles après, leur souffrance trouvait sens dans la Passion du Christ. Elle n'est pas simplement doloriste mais traduction d'une espérance : Dieu n'a pas laissé au tombeau son fils Jésus.

«Écoutons cette histoire qui avait retenu l'attention de Bruno Chenu : c'est le récit d'une grand-mère, ancienne esclave, à ses petits-enfants, au début du XXe siècle, au moment où la migration vers les villes américaines procurait plus de désillusions que de promotion sociale (formation des ghettos) :
«Une ou deux fois par an, le maître de la plantation permettait à un esclave prédicateur d'une plantation voisine de venir prêcher à ses esclaves. Selon une vieille tradition, le prédicateur faisait toujours culminer son sermon dans l'évocation dramatisée de la crucifixion et de la résurrection de Jésus. Il insistait sur l'agonie dans le Jardin de Gethsémani et décrivait Jésus suspendu à la Croix ; il recréait les sept dernières paroles du Christ et l'image de sa mère Marie se tenant au pied de la Croix, il visualisait le soleil s'obscurcissant et les soldats paralysés de peur au tombeau vide. Alors, le prédicateur était épuisé mais son assemblée se sentait grandie et ragaillardie pour affronter la semaine suivante. À la fin de son sermon, le prédicateur marquait un temps d'arrêt et fixait son regard sur chaque visage. Alors il leur disait avec toute la force dont il était capable : 'Souvenez-vous, vous n'êtes pas des nègres ! Vous n'êtes pas des esclaves ! Vous êtes les enfants de Dieu !'»

Ce Dieu-Père veut la liberté de ses enfants. Dans une situation inextricable, Il est celui qui ouvre un chemin. Aussi, à sa suite, l'Église doit s'engager pour la libération de toute servitude. Voici la réflexion de Bruno Chenu en 1977 :
«L'Église doit sortir de ses murs et aller habiter là où des mères sont en pleurs, où des enfants ont faim et où des pères sont sans travail. L'enjeu est la survie dans une société qui a défini la noirceur comme corruption et dégradation. Jésus n'est pas mort dans un sanctuaire, pas plus que Martin Luther King. C'est là où la souffrance était la plus profonde et la douleur la plus vive que Jésus a vécu et souffert, qu'il est mort et ressuscité. Tant que des enfants innocents continueront à mourir dans des incendies de taudis, tant que des familles devront passer l'hiver sans chauffage, sans eau chaude et sans nourriture, tant que des êtres humains seront contraints de vivre avec les rats et les cafards, l'Évangile jugera et condamnera le désordre de la société. L'Église a une responsabilité, non pour tourner le regard des hommes vers la vie future quand les souffrances cesseront, mais pour les aider à surmonter leur impuissance, à se relever et à prendre leurs vies en mains.»

Bruno invite donc l'Église, c'est-à-dire chacun de nous, à fixer le regard sur le Christ, le Serviteur souffrant.

Pister la présence du serviteur souffrant.

J'ai retrouvé un texte de Bruno Chenu dans ses archives où il écrit : «L'urgence est de pister la présence du Christ serviteur souffrant et de le rejoindre au lieu où il nous parle : dans la communauté des déshérités» (Br. Chenu, «Naissance d'une théologie politique», texte inédit, Archives Chenu, Juvisy).

Ces mots sont très importants quand on réalise combien Bruno Chenu a été marqué par la notion de «trace» puisée dans la philosophie de Levinas, tout comme la notion de visage. Je vous renvoie à son livre La trace d'un visage. On peut se permettre d'écrire que Bruno Chenu a approfondi sa foi au Christ en pistant sa présence dans les chants des Noirs américains. Il n'a pas beaucoup écrit sur les effets qu'a produit sa recherche théologique sur sa foi. En fait, il n'avait pas besoin de l'écrire. Nous percevons assez aisément les traces de cette influence. On ne peut pas s'attacher à une théologie modelée par une longue histoire d'esclavage et d'humiliation sans être touché soi-même dans son être le plus profond, dans son être théologal. On ne peut pas travailler une théologie plus proche du Vendredi saint que du dimanche de Pâques, sans approfondir soi-même et pour soi-même une théologie de la Croix. Je crois que cette «option préférentielle» pour les Noirs a renforcé en lui la conviction que Dieu a définitivement pris le parti pour les écrasés et les opprimés.

En se rendant pour la première fois aux États-Unis en 1970, Bruno Chenu a été plongé «dans l'univers religieux des Africains américains». Le choc a été si puissant qu'il avait décidé cette même année qu'il devait consacrer ses énergies à une recherche plus profonde.

Dans la préface qu'il écrit pour le roman de Ralph Ellison Homme invisible, pour qui chantes-tu, Robert Merle affirme que la liberté des Noirs, enchaînés à leur travail, n'est pas détruite : «L'esclave noir dans le champ de coton, ou le forçat noir cloué à la route qu'il construit, n'ont de libre que la voix. Enchaînés, surveillés nuit et jour par (…) les chiens, la seule évasion possible est vocale. Ils chantent, blues nostalgiques ou spirituals gémissants, et s'évadent de leur condition en se la racontant à eux-mêmes» (15). 

Celui qui chante s'exprime à la première personne, il est le sujet de sa prière et de son cri. Et il s'exprime dans la mémoire collective de la Parole biblique. Sa souffrance est bien la sienne, elle est aussi celle de son peuple et se reconnaît dans celle du peuple de Dieu. La figure du serviteur souffrant qu'il incarne à nouveau lui donne une portée universelle. Celui qui chante raconte la Bible comme sa propre vie.

Bruno Chenu peut lui-même écrire : «Car le Nazaréen a souffert dans sa chair, comme eux, la condition de banni et d'exclu, jusqu'à être exécuté sur une croix. Une identification mutuelle extraordinaire s'est dès lors créée entre le Christ et l'esclave : par sa Passion, le Christ est proche de l'esclave qui souffre des mauvais traitements de ses maîtres. L'esclave, lui, cherche à vivre intimement la présence de Jésus dans les champs de coton du sud des États-Unis où il trime sous le fouet. La Passion du Christ est aussi celle de l'esclave» (16).

La prière qui appelle au secours, la plainte de tant de souffrances comme l'émerveillement d'être dans la main de Dieu se disent par une identification spontanée, toute naturelle, aux personnages et aux situations bibliques.

B. Chenu commente : «Christ est mort pour chacun, personnellement. Dès lors, le christianisme offre une explication à la souffrance à travers la figure du Christ qui ne se trouve pas dans les religions africaines. Il permet d'intégrer le négatif de l'histoire dans une dynamique de libération, celle de l'Exode» (17).

Une prise de conscience s'est effectuée chez un certain nombre de chrétiens que l'on peut baliser ainsi : la souffrance assumée par le Christ ouvre pour l'esclave un chemin d'espérance. Même si la résurrection n'occupe pas l'essentiel des thèmes des Negro Spirituals, elle est le point culminant de la solidarité de Dieu avec l'innocent injustement condamné. Elle est aussi le symbole de la libération ultime : «L'ange a roulé la pierre!» ("The Angel Roll The Stone Away"). Et le peuple noir acquiert ainsi la certitude qu'il ne demeurera pas éternellement dans le tombeau de l'esclavage...

Conclusion : au cœur de l'Église pour s'occuper de ceux qui sont à la marge !

À la page 91 de son livre sur les Negro Spirituals, Bruno Chenu cite un dialogue émouvant d'un ancien esclave avec son maître :

«Charlie, vous rappelez-vous quand je vous lacérais le dos ? - Oui, Maître. - M'avez-vous pardonné  ? - Oui, je vous ai pardonné… Je vous aime comme si vous ne m'aviez jamais donné un coup, car le Dieu que je sers est un Dieu d'amour et je ne peux aller à son Royaume avec la haine au cœur».

«Désormais, écrit Bruno Chenu, pour connaître le peuple noir américain, il faut connaître ses chants religieux. Ils sont les psaumes d'un peuple en exil qui se lamente, qui implore, qui loue, qui remercie son Dieu au milieu de son dur combat. Ils sont l'espace libéré d'un peuple opprimé qui refuse à tout jamais d'enchaîner son cœur. Une fois de plus, ils prouvent que l'on peut lacérer le corps mais qu'on ne peut détruire l'âme. Ils sont une Bible mise en musique par des gens illettrés, mais burinés et purifiés par l'épreuve. Ils sont la revanche de l'humanité quand on croit l'avoir ravalée plus bas que terre. Ils sont l'armure spirituelle d'un peuple meurtri mais jamais désespéré. Et ils ne prêchent pas une doctrine mais racontent une histoire simple, édifiante, exemplaire. À travers eux, c'est toute une communauté qui affirme son existence devant Dieu et devant les hommes» (p. 167).

«On peut croire que les situations d'oppression avilissent l'homme, le réduisent à l'état de bête – ce qui était le projet du système. Mais alors même que l'on pense que l'homme n'est plus rien, l'Histoire prouve qu'il y a toujours cette conscience humaine qui fait que, rabaissé plus bas que terre, l'être humain se redresse, affirme qu'il est enfant de Dieu, qu'il a la même dignité que le propriétaire blanc, et donc qu'il a droit à la liberté. Les chants des Negro Spirituals sont des chants religieux, mais ils sont d'abord le cri de la conscience dans une situation d'oppression» (18). 

Il me semble que cela correspond à la trajectoire même de la vie de Bruno Chenu. En 2001, Bayard publiait un livre intitulé Les défis de l'Église au XXIe siècle. Il s'agit d'un collectif où la question suivante est posée à des grands témoins, théologiens et hommes spirituels ayant marqué le XXe siècle : "Quelle est la question la plus importante pour le XXIe siècle ?« Voici comment l'un d'eux, le théologien dominicain Belge Edward Schillebeeckx, répondait : »Pour moi, le problème crucial qui continue de se poser à l'aube de ce XXIe siècle est la réalité des gens qui sont menacés et qui souffrent dans leur personne. Les hommes souffrent à cause de la maladie, de l'injustice sociale, du mal qu'ils se font réciproquement et comme on l'a vu par le passé, ils ont connu l'holocauste massif incroyable et de nombreuses formes de génocides se perpétuent. Cette réalité est grave et me place devant le problème de la nature du rapport qu'il peut y avoir entre l'humanité qui souffre et l'Église" (19).

En y pensant, il me semble que d'un point de vue théologique, cette question du rapport entre l'humanité qui souffre et l'Église est vraiment au cœur de la vie et de la pensée de Bruno Chenu. Beaucoup d'hommes et de femmes se sentent exclus de notre l'humanité, refoulés aux marges de la société, de l'Église. De l'expérience profondément humaine de ces personnes émergent des questions. Questions auxquelles Bruno Chenu s'est rendu sensible.
Dans L'Eglise au coeur. Disciples et prophètes, après avoir posé les repères institutionnels de sa réflexion, «les lieux d'où il part» comme disent les théologiens, il écrit : «Ma géographie personnelle est à jamais traversée par les ghettos noirs américains et les bidonvilles africains. Ma vie n'aurait pas de sens en dehors de ces liens d'amitié et de solidarité». (20)

Notes :

1. Cf. «Bruno Chenu nous ouvre Le grand livre des Negro Spirituals», in
Brèves. Le journal interne de Bayard, n° 277, novembre 2000, p. 12. (Propos recueillis par Claude Raison).

2. B. Chenu, «Le spiritual, un peuple en mouvement vers son Dieu» in
Lumière et vie, n°140, novembre-décembre 1978, pp. 65-71.

3. B. Chenu, Dieu est noir, p. 290-291.

4. Au cours de ce voyage le groupe qu'il accompagne rencontre la communauté noire de New York, Bruno rencontre personnellement James Cone, le chantre de la théologie noire.

5. B. Chenu, «L'Église noire, une libération ?», in Notre Histoire, n° 182-183, novembre-décembre 2000.

6. B. Chenu, L'Église au cœur, p. 89.

7. B. Chenu, «Le spiritual, un peuple en mouvement vers son Dieu», op.cit, p.71

8. Ibidem.

9. Cité par G. H. Masson, «Le grand livre des Negro Spirituals. L'aventure d'une libération et d'une foi», in La Vie Spirituelle, décembre 2000, p. 602

10. G. H. Masson, «Le grand livre des Negro Spirituals. L'aventure d'une libération et d'une foi », in La Vie Spirituelle, décembre 2000, pp. 601-604.

11. G. H. Masson, «Le grand livre des Negro Spirituals. L'aventure d'une libération et d'une foi», in La Vie Spirituelle, décembre 2000, p. 602.

12. G. H. Masson, «Le grand livre des Negro Spirituals. L'aventure d'une libération et d'une foi», in La Vie Spirituelle, décembre 2000, p. 602.

13. Cf. Le Grand livre des Negro-Spirituals, p. 11-12.

14. B. Chenu, «Le spiritual, un peuple en mouvement vers son Dieu», op.cit, p. 69.

15. Traduit de l'américain par Magali et Robert Merle, Paris, Grasset, 1969.

16. «Noir c'est noir, il y a toujours l'espoir», Michel Cool interroge Bruno CHENU, in Témoignage Chrétien, n° 2938, Jeudi 26 octobre 2000.

17. B. Chenu, «L'Eglise noire, une libération ?», in Notre Histoire, n° 182-183, novembre-décembre 2000.

18. «Bruno Chenu nous ouvre Le grand livre des Negro Spirituals », in Brèves. Le journal interne de Bayard, n° 277, novembre 2000, p. 12. (Propos recueillis par Claude Raison).

19. Les défis de l'Eglise au XXIe siècle (dir. Francesco STRAZZARI), Trad. de l'italien par Simone Rouers, Ed. Bayard, 2001, 194p.

20. B. Chenu, L'Eglise au cœur, p. 8-9.

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On peut consulter la bibliothèque laissée par Bruno Chenu à la bibliothèque de Valpré. Nous signalons également que les archives personnelles de Bruno Chenu (plus de 1600 dossiers) sont en voie de classification à la communauté assomptionniste de Juvisy-sur-Orge (91).

 
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Au Burkina Faso, les attaques contre les églises suscitent un regain de foi

messe

Une messe dominicale dans une église de Ouagadougou

 

Alors que les églises sont régulièrement la cible d’attaques terroristes au Burkina Faso, les fidèles des diocèses de Kaya, et du nord du pays, n’en reviennent pas. Si la crainte de nouvelles attaques demeure, elle s’accompagne d’un surprenant regain de foi.

Dablo, à 183 kilomètres au nord de Ouagadougou, les rues de la ville sont vides et le marché, presque désert. La ville semble vivre au ralenti, dans un demi-sommeil. Dans le cimetière de granite situé non loin, Siméon Yampa, jeune vicaire de 34 ans abattu le 12 mai dernier en pleine messe, a trouvé sa dernière demeure. Dans la cour de l’église du village tout proche des traces et débris de fumées témoignent de l’attaque perpétrée par une vingtaine de terroristes. Une grande partie de la population a dû quitter les lieux pour rejoindre l’un des nombreux camps d’accueil sous contrôle gouvernemental. C’est à Barsalgo, ville voisine située à 45 kilomètres de là que le père Olivier Lompo, curé de Dablo, s’est réfugié avec d’autres prêtres.

Catherine a également trouvé refuge dans un camp de déplacés. À 35 ans, cette fidèle de l’église attaquée n’a depuis ce jour-là jamais manqué la messe : « Oui, j’ai peur, mais ma foi est plus forte que celle des terroristes », confie-t-elle à Aleteia les larmes aux yeux. Tout comme elle, les fidèles ne fuient pas les églises, bien au contraire. Sur place, l’Abbé Ouédraogo nous assure que « des gens qui n’allaient plus à la messe dominicale reviennent ». Un retour qui s’apparente en réalité à un défi lancé aux terroristes. 

Des églises qui ne désemplissent pas

À la cathédrale Christ-Roi-de-l’Univers de Ouahigouya, siège du diocèse éponyme, les fidèles aussi affluent. Le sanctuaire à la couleur ocre coiffée d’une toiture métallique portant une modeste croix est comble en ce dernier dimanche d’octobre, « comme d’habitude » se plaisent à rappeler les habitués. Pourtant, tout comme Dori, Kaya et Fada, le diocèse de Ouahigouya est l’un des plus visés par le terrorisme. À l’intérieur, l’office se déroule normalement. Aucune présence de force de l’ordre n’est visible. « Nous n’en avons pas besoin, le Christ est le meilleur protecteur » rassure Philippe, un catéchiste. « La sécurité n’est pas du ressort de l’Église », ajoute le père Paul Dah. Plus au sud du pays, le cardinal Philippe Ouédraogo préside pour sa part de plus en plus de célébrations dans la cathédrale de l’Immaculée-Conception de Ouagadougou.

Et pourtant, depuis le début de l’année, les attaques contre les églises s’enchaînent. Un temple protestant à Silgadji (nord) le 29 avril où six fidèles dont le pasteur y ont péri. Deux semaines plus tard, le 12 mai 2019, c’est au tour de l’église catholique de Dablo de subir le même sort. Suivront, le lendemain lors d’une procession mariale, une autre attaque qui fera quatre morts à Zimtenga. Puis dans le diocèse de Ouahigouya, quatre fidèles sont morts dans un attentat perpétré le 29 mai contre la paroisse Notre-Dame-de-Toute-Joie de Titao. Quatre attentats contre des chrétiens en l’espace d’un mois. 

Si les victimes sont considérées comme des martyrs, de fait, le père Paul Dah insiste néanmoins sur le fait que « le martyre est une grâce » et qu’aucun chrétien ne « cherche à mourir obstinément » pour être martyr. Dans la plupart des paroisses, les fidèles résistent à la peur. À chaque fois qu’il y a attentats, les évêques accélèrent les rites de réparation, « prévus par le droit canonique, au cas par cas, à l’appréciation de l’évêque des lieux », précise le père Dah. Ces rites précèdent, dans les églises profanées le retour normal des activités. « Le martyre, ce n’est pas d’abord le sang versé physiquement, c’est la qualité du témoignage au jour le jour » appelant tout de même les fidèles à rester vigilants, poursuit le père Paul.

La solidarité des musulmans

Dans le pays, la solidarité dont témoignent les musulmans, rassure les chrétiens. « Elle a toujours existé, depuis de nombreuses années », affirme le porte-parole de la Conférence des évêques du Burkina-Niger. Il est d’ailleurs fréquent de voir le cardinal Ouédraogo se déplacer dans des mosquées, lors des fêtes religieuses, en signe de communion avec les musulmans. Depuis les attaques contre les églises, El Hadj Abdoul Rasmané Sana, président de la Communauté musulmane du Burkina Faso (CMBF), appelle ses frères « à soutenir les chrétiens par tous les moyens ».

Son appel a été entendu. Ces dernières semaines, des musulmans se sont mobilisés pour offrir des vêtements, des médicaments et des vivres dans le camp de Barsolgo où une partie des chrétiens de Dablo se sont réfugiés. Grâce à la Ligue islamique pour la paix au Faso (Lipf) qu’il préside également, ce dignitaire musulman travaille à maintenir la solidarité à toute épreuve. « Musulmans, animistes et chrétiens, si nous nous lâchons, les terroristes vaincront » met-il en garde en recevant Aleteia dans ses bureaux près du grand marché de Ouagadougou.

À quelques heures de notre départ du Burkina Faso, le 28 octobre, la nouvelle d’un attentat perpétré la veille, sur l’axe Pobé-Mengao – Pételbongo (Nord) et ayant fait « au moins quinze morts » nous est parvenue. Les attaques sont loin d’être terminées. Les catholiques l’ont compris et s’adaptent. À la fin de chaque messe, « prier pour la paix au Burkina Faso » est devenu un rituel dans toutes les paroisses, à la demande des évêques.

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