Missionnaires d'Afrique


Jean-Claude Ceillier,
M.Afr

Le thème Justice et Paix dans les Chapitres généraux

On peut penser que le Chapitre général de 2016 consacrera une part de son travail sur la mission au thème de Justice et Paix, dimension essentielle de la mission pour l’Église d’aujourd’hui. Quand cet aspect de la mission a-t-il commencé à apparaître dans nos Chapitres généraux ? Telle est la question à laquelle les lignes qui suivent voudraient répondre. Pour mémoire, rappelons les deux documents principaux qui ont introduit cette réflexion dans la pensée de l’Église, le texte conciliaire Gaudium et Spes d’une part, et l’encyclique de Paul VI Populorum Progressio (1967), d’autre part. La même année, le Saint-Siège crée la Commission pontificale Justice et Paix, transformée plus tard (1988) en Conseil pontifical par Jean-Paul II.

Le Chapitre de 1967 reste, à bien des points de vue, une référence dans l’histoire de la Société, mais l’expression Justice et Paix n’apparait nulle part dans les documents capitulaires. Cependant, la dimension de développement intégral y est largement développée, ainsi que le devoir d’engagement pour un monde plus juste et pour la paix. Nous n’avons plus le droit de séparer mission et développement, affirme le Chapitre (n°71*), et “l’Église se doit de promouvoir le développement intégral de l’homme et le développement solidaire de l’humanité (n°125). Les missionnaires sont invités à une participation effective au développement intégral et à tous les efforts du peuple qui cherche à améliorer ses conditions de vie et à affermir la paix du monde.” (n°156) On peut dire que, sous le terme de développement, apparaissent déjà les prémisses de cette dimension nouvelle de la missiologie que sera le service de la Justice et de la Paix.

Les Documents capitulaires du Chapitre de 1974 témoignent d’une sorte d’hésitation à intégrer pleinement cette dimension dans la perspective de la mission. On y voit davantage le domaine des laïcs. Le rôle des missionnaires serait davantage dans la ligne du soutien et de l’animation. En effet, dit le Chapitre, ces organisations laïques dénoncent les injustices dont les pays du Tiers-Monde sont victimes (n°58), et tout en reconnaissant les réticences de certains à s’engager sur ce terrain, le texte capitulaire affirme qu’il y a là un appel : “Les missionnaires doivent chercher à informer et animer les laïcs membres des organismes qui agissent au niveau politique et économique, en vue de promouvoir la justice dans les relations entre pays riches et pays pauvres”.

Une évidence s’imposait au Chapitre de 1980
Souvent, dans la réflexion de l’Église, et de même dans l’expérience de la Société, les avancées se font étape par étape, jusqu’au moment où une certaine évidence s’impose. C’est au Chapitre général de 1980 que la dimension Justice et Paix pour la Mission trouve explicitement sa place. Outre une mention de cette question dès le début des textes capitulaires dans la liste des défis majeurs (n°9), c’est une section entière des documents qui, plus loin, lui est consacrée. Le premier texte évoqué ci-dessus consiste en une assez longue citation tirée du document synodal de 1971 : “Le combat pour la justice et la participation à la transformation du monde nous apparaissent pleinement comme une dimension constitutive de la prédication de l’Évangile qui est la mission de l’Église, pour la rédemption de l’humanité et sa libération de toute situation oppressive.” (n° 9). Puis, c’est tout le troisième chapitre des documents capitulaires qui traite de ce sujet sous le titre suivant : Justice, Développement et Paix, une dimension constitutive de l’évangélisation.
Il faut noter la formule du titre : les trois mots justice, développement et paix y sont associés, comme pour montrer qu’il n’y a pas rupture entre tout le travail pour le développement, où de nombreux confrères se sont engagés depuis longtemps, et les perspectives nouvelles ouvertes par l’expression ‘Justice et Paix’. Ce chapitre III se développe ensuite en cinq sections qui représentent ensemble une dizaine de pages. La première section s’intitule ‘orientations’.

Après y avoir évoqué quelques grands problèmes du monde et les défis qu’ils lancent à l’Évangile et aux chrétiens, le texte rappelle comment la Société n’a jamais séparé l’annonce de l’Évangile de l’attention aux problèmes de vie des gens. Fidèle à cette tradition et ouvert aux nouveaux appels, “le Chapitre de 1980 pense que le moment est venu de faire de l’engagement pour la justice et le développement intégral une donnée capitale de notre mission.” (n°47) Les sections suivantes développent alors les points concrets qu’il faudra prendre en compte : les priorités à définir, la méthode, l’animation des communautés, l’action communautaire, la formation à recevoir pour les missionnaires, etc. La liste de ces exigences est longue et peut même paraître quelque peu décourageante, mais on sent dans ce texte le souci de prendre toute la mesure de ces nouveaux défis.

La voie est ouverte
La voie est ouverte et les Chapitres successifs reprendront l’un après l’autre ce thème. Au Chapitre général de 1986, tout le chapitre III des Documents capitulaires lui est consacré, avec, en ouverture, une référence explicite au travail déjà fait au Chapitre général précédent. Après avoir reconnu que l’engagement dans ce domaine est difficile (n°83), les documents demandent que les circonscriptions organisent des sessions d’analyse sociale, qu’il y ait un Assistant général responsable de ce domaine, qu’on collabore avec les commissions diocésaines, etc. Le Chapitre demande également qu’on étudie la possibilité d’une représentation des Instituts missionnaires auprès de l’Union Européenne (n°93), et que la Société coopère avec les autres Églises “pour nous opposer à l’exploitation de l’Afrique par le déséquilibre des relations commerciales, en général, et par le commerce des armes en particulier.” (n°96)

Le Chapitre général de 1992 a pleinement intégré cette dimension de la justice et de la paix dans l’ensemble de ses travaux, comme en témoigne, par exemple, un des premiers titres des textes capitulaires, situant le missionnaire comme “porteur d’espérance sur la route de la libération.” Témoins de la souffrance de nombreux Africains, et la vivant avec eux, nous devons poursuivre les efforts dans le domaine de l’analyse sociale (n°20) et nous exercer davantage au discernement communautaire (n°22). Africa Faith & Justice Network, et ANB/BIA doivent poursuivre leurs services et développer toutes les formes valables de collaboration (n°24-26). Cette assemblée capitulaire de 1992 a voulu ainsi clairement confirmer la Société dans son effort pour vivre la Mission comme engagement pour J.& P.

Les trois Chapitres généraux suivants, 1998, 2004 et 2010, s’appuyant sur les fondements ainsi établis, reprendront ce thème pour en redire la dimension proprement évangélique et en préciser les exigences, mais l’essentiel est dit. Le Chapitre de 1998 élargira la perspective en invoquant, dans son “Image Idéale”, l’engagement de la Mission pour “la justice, la paix et la sauvegarde de la création”. Reconnaissant cependant que ces questions restent difficiles à appréhender, il donne comme premier objectif d’ “aider tous les confrères et communautés à intégrer justice et paix et le respect de la création comme une dimension essentielle de notre vie missionnaire.” (Doc p.84).

Le Chapitre de 2004 insista sur les lignes de fracture, les régions et les situations de crise et de violence, trop nombreuses en Afrique, pour rappeler que la mission est aussi présence en ces lieux : “Renforcer nos engagements sur les lignes de fracture et d’injustice au niveau social, politique et économique (JPIC)”, voilà l’appel auquel il faut répondre. Le Chapitre est conscient que cela peut dérouter certains confrères : “La priorité donnée à JPIC et à Rencontre et Dialogue, déjà présente dans les Chapitres précédents mais particulièrement soulignée en 1998, a contribué à diversifier notre vision de la Mission…” et il reconnaît que cela n’a pas été facile à accueillir pour tous. Pourtant, ce sont des éléments porteurs de vie. Il faut donc continuer l’effort d’information et de réflexion.

Le Chapitre général de 2010 ne pouvait que confirmer cet engagement, et le signe en est donné dès la lettre de présentation des Documents par le Supérieur général, dans laquelle on peut lire : “Pour s’assurer que nous avons à vivre pleinement la Justice et Paix et la Rencontre et Dialogue comme étant constitutifs de notre identité missionnaire, nous avons décidé de créer un poste de coordinateur pour JPIC et Rencontre et Dialogue….” Le Chapitre développe par la suite sa réflexion en redisant combien JPIC et Dialogue et Rencontre sont deux axes majeurs de l’engagement missionnaire dans le monde d’aujourd’hui. Ce sont des exigences à vivre d’abord dans nos communautés, et qui doivent inspirer tous nos engagements pastoraux, et le coordinateur nommé au niveau de la Société nous y aidera, afin que cette dimension de la Mission prenne pleinement sa place dans notre vie communautaire et apostolique.

Jean-Claude Ceillier

Tiré du Petit Echo N° 1063 2015/07

 

Missionaries of Africa
Brazil

Moussa Serge Traore, M.Afr

L’esprit et l’importance du Chapitre général de 2016

Le 28e Chapitre de 2016 sera celui de l’espérance et de la joie. En 2010, les capitulants sont arrivés avec beaucoup d’inquiétudes et de questionnement sur l’avenir de la Société. La Société était plongée dans une sorte de dépression depuis qu’un des Chapitres nous avait injecté une “crise d’identité”. On se cherchait alors une identité et une mission quelconque. On était préoccupé de maintenir, protéger, défendre l’héritage missionnaire particulier que nous avions, en pensant que cela était notre seule force, notre identité.

Six ans plus tard, les capitulants débarqueront à Rome avec le sourire aux lèvres, des valises et des têtes pleines de projets missionnaires. La Société a conquis des certitudes. Nous sommes projetés dans l’avenir. Le Chapitre aura la tâche de coordonner le grand élan missionnaire qui se fait sentir, et de consolider nos acquis.


Serge et Terry Maden, secrétaires au Chapitre de 2010.
Serge sera encore là pour celui de 2016.

Notre identité
Nous avons finalement découvert que nous avons une identité clairement définie dans nos Constitutions. On a surtout compris que nous n’avions pas une mission mais que nous collaborons à la Missio Dei Ad et Inter Gentes (Mission de Dieu pour et avec les peuples). On intègre mieux nos priorités pastorales de JPIC et Rencontre et Dialogue dans nos choix d’activités missionnaires. Nos communautés sont de plus en plus réelles et fortes. Le succès des vocations en Afrique et en Asie nous plonge dans l’avenir. Les finances sont organisées dans un système de solidarité bénéficiant à tout le monde. Bien que nous jouissions d’une sécurité financière, nous nous nous sommes lancés dans des projets générateurs de revenus. Il faut y lire plutôt une dynamique de l’espérance, l’audace de se projeter dans l’avenir.

La transition est en marche
On fait de plus en plus confiance aux nouveaux leaders de la Société, malgré leur connaissance limitée des rouages de gouvernement. La transition est tout de même en marche. La collaboration entre les Supérieurs majeurs n’a jamais été aussi fréquente, ouverte et fraternelle, grâce aux moyens modernes de communication. On peut suivre “en direct” les rencontres de notre G14 (Conseil général avec les Provinciaux). On peut accompagner le Supérieur général dans ses safaris missionnaires. C’est l’image de notre Société en marche, une marche unifiée et unifiant qu’un pneu (un confrère) crevé ne pourrait entraver.

Il y a un sens de plus en plus fort de former “Une Société”. Nous ne sommes pas une fédération de Provinces. Nous sommes “Une” Société, avec une mission unique. Ce Chapitre de 2016 devient extrêmement important car sa mission sera de maintenir, promouvoir, et fortifier ce sens de plus en plus grandissant d’unité et de solidarité. On retrouve avec joie notre spiritualité lavigerienne d’inspiration paulinienne de “l’esprit de corps”. Cette conscience, nous la devons aussi aux moyens modernes de communication qui nous rapprochent et nous font partager nos expériences missionnaires bien que nous soyons à des milliers de kilomètres les uns des autres. Qui ne s’est pas exclamé avec un sourire en voyant les photos des confrères âgés sur le net : “Tiens, ça, c’est le Père Umwana wa Mungu !”, confrère qui a laissé des marques indélébiles dans les cœurs des gens.


Serge s’amusant avec une enfant au Brésil.

Le Chapitre de 2016 s’ouvrira dans une nouvelle maison généralice certainement agréable et qui inspirera l’espérance. Les Provinces d’Europe et des Amériques sont redevenues missionnaires et fertiles avec des projets missionnaires viables auxquels participent des jeunes confrères et des stagiaires. Le cri des Provinces mères a été prophétique. Il ne s’agissait pas d’un cri pour la survie. C’est un cri qui a lancé courageusement toute la Société dans une dynamique missionnaire.

Lancer la Société dans le futur
Le 28e Chapitre aura la lourde tâche de lancer toute la Société dans le futur. Nous sommes sortis d’une logique de la maintenance, protection et conservation. Nous sommes pleins de projets missionnaires ! L’importance de ce Chapitre est de canaliser ce grand élan missionnaire que nous ressentons. Le projet missionnaire du pape François, une Église en sortie qui ne se préoccupe plus de la maintenance de ses structures organisationnelles, sera certainement notre inspiration. On se plaisait bien dans la vocation de “bon pasteur”, nous retrouvons notre vocation missionnaire lavigerienne de “semeurs” à la rencontre de l’Homme de toutes cultures et de toutes religions, en particulier des musulmans avec lesquelles nous avons une solidarité infaillible.


Serge dans les rues de Salvador de Bahia au Brésil.

Nous restons tous missionnaires
Toutes nos maisons, toutes nos communautés, même celles qui s’appelaient “résidence”, “maison de repos”, “maison de retraite”, s’ouvrent pour être missionnaires. Des projets, nous en avons ! Maintenant. il faut les réaliser dans une marche unifiée. L’importance de ce Chapitre sera d’intégrer tous les projets missionnaires fragmentés et contextuels dans un rêve commun global. Ce Chapitre donnera le coup d’envoi de la préparation à la célébration des 150 ans de la Société. Nous ne chercherons pas, par des colloques et conférences, des remerciements ou quelconque honneur et gloire. Le jubilé de 150 ans au service de la Missio Dei Ad et Inter Gentes se célèbre par une grande animation missionnaire, un grand élan missionnaire. Il s’agira pour nous d’animer toutes les communautés chrétiennes, groupes de chrétiens, dans tous les continents sur la Missio Dei Ad et Inter Gentes. Le but de cette animation sera “d’animer”, c’est-á-dire de donner de l’âme, du mouvement, de la vie, rendre plus vivantes et missionnaires toutes les communautés chrétiennes !

L’Esprit nous surprendra peut-être en nous envoyant au large : “Avance au large, jetez vos filets pour la pêche” (Luc 5, 4). Nos ancêtres l’ont fait au prix de leur sang et de leur vie. Nous continuons de faire tout en chantant?: “Partir au grand large, quelqu’un nous attend, briser les amarres, aller droit devant, malgré les orages, la pluie et les vents, partir au grand large, quelqu’un nous attend” (Jean Claude Gianadda). Rome va vibrer aux pas de Missionnaires d’Afrique pleins de vie, d’espérance et d’audace.

Moussa Serge Traore

Tiré du Petit Echo N° 1063 2015/07

 

Missionnaires d'Afrique
Grande Bretagne

Frank Nolan,
M.Afr

Le Chapitre de 2016
et l’avenir des paroisses

Les premières missions de la Société en Afrique subsaharienne ont été fondées pour la première évangélisation de vastes régions de l’Afrique de l’Ouest et du Centre. La responsabilité de la Société a duré jusqu’à l’installation des hiérarchies locales, et la fin du “jus commissionis”. Malgré cela, l’expression de “première évangélisation” a encore été mentionnée comme une priorité par le Chapitre de 1980. Depuis lors, le terme “première” est tombé en disgrâce dans les documents du Chapitre.

Le Chapitre de 1998 a préféré les mots “rencontre et dialogue” au terme “évangélisation”, terme qui n’est pas apparu dans les documents qui en résultaient. Le Chapitre suivant de 2004 a noté que cela a constitué une source de tensions et de consternation au niveau du personnel et des communautés; des confrères ont insisté sur la priorité de la première évangélisation, tandis que d’autres ont mis l’accent sur d’autres tâches missionnaires. En redéfinissant le problème, on a parlé de notre rôle dans l’Église au service du Royaume de Dieu, qui s’étend au-delà des frontières visibles de l’Église.

Quels que soient les mots utilisés par les théologiens, très peu d’entre nous – si même il y en a – refuseraient d’admettre que la vocation d’un missionnaire et d’une société missionnaire est de prêcher l’Évangile, de faire connaître le Christ là où il n’a pas été annoncé. Tous les Chapitres récents ont insisté que cela se fait à l’intérieur de l’Église locale, ce qui veut dire dans les structures des diocèses et des paroisses. Le Chapitre de 2010 a affirmé que JPIC et le dialogue avec d’autres religions et sectes nécessitent la coopération de nos confrères travaillant dans les paroisses. Certains aimeraient dire que cet idéal ne peut être mis en pratique que dans le contexte paroissial. Quelles que soient les priorités et la manière de les exprimer, le rôle des paroisses est important.


Célébration de l’Eucharistie dans une paroisse de Dar es Salam.

Selon le livre du personnel 2015, 62 d’entre nous sont des curés de paroisse. Si on suppose que la plupart d’entre eux vivent en communautés de trois, le nombre de ministères paroissiaux dans lesquels vivent ces personnes, atteint 180. Cela correspond à 40% des Pères et Frères travaillant en Afrique subsaharienne. Il y a aussi des prêtres principalement engagés dans d’autres tâches, mais qui aident les dimanches dans des paroisses. Dans l’ensemble, l’engagement auprès des paroisses représente une partie majeure de l’apostolat de la Société. En conséquence, toute décision du Chapitre de l’année prochaine, concernant les paroisses, aura de l’influence sur un nombre considérable d’entre nous.
Généralement, les Chapitres n’émettent pas de directives concrètes pour l’apostolat. Celles-ci sont de la compétence des évêques.

Il y a plusieurs références à “paroisses” dans le Chapitre de 1967, mais depuis lors, elles n’ont été mentionnées que rarement. Cependant, dans les Chapitres récents, apparaît quelque chose d’ambivalent concernant les paroisses. Le Chapitre de 1980 a statué que, dans beaucoup d’endroits, nos confrères sentaient qu’ils étaient tellement pris pas le travail pastoral auprès des baptisés qu’ils n’étaient plus capables de donner suffisamment de temps aux non-chrétiens. Plutôt que sur le travail pastoral dans des paroisses, l’attention a été dirigée vers des formes spécialisées d’apostolat : justice et paix, œcuménisme, dialogue avec la religion traditionnelle, relations avec des musulmans, intégrité de la création, etc.

La Société a organisé des séminaires fructueux pour toutes les catégories d’engagements de la Société, mais pas un seul concernant les différents aspects du travail paroissial. Lors de l’établissement des nominations, les paroisses n’y jouissent d’aucune priorité. Le maintien du personnel en Europe et aux Amériques, une formation plus poussée, l’administration de la Société, la nomination de formateurs pour les maisons de formation, et des formes spécialisées d’apostolat mentionnées ci-dessus, tout cela a préséance sur le travail paroissial, lorsque les nominations sont faites. Après que ce personnel ait été choisi pour toutes ces tâches, les “laissés-pour-compte” sont nommés aux paroisses. L’ironie veut que ce sont eux sont les plus heureux : pour beaucoup de missionnaires, l’apostolat paroissial est bien plus intéressant et consolant que d’autres tâches.

La paroisse ne devrait pas être considérée d’une manière aussi simpliste en en faisant une structure canonique faite de main d’homme. C’est une communauté eucharistique permanente, au service du peuple de Dieu. Elle maintient la vie sacramentelle des chrétiens ; par la parole et l’exemple, elle rend l’Évangile accessible tant aux chrétiens qu’aux non-chrétiens. Une paroisse vraiment missionnaire a certainement des caractéristiques spécifiques. Les missionnaires en charge d’une paroisse ne se tiennent pas enfermés dans leur presbytère, attendant que les gens viennent les contacter. Ils sont constamment prêts à aller dans des “succursales” et dans des communautés chrétiennes. Les prêtres donnent la priorité à la formation et à la situation des catéchistes. Se préoccuper d’enseigner valablement les catéchumènes est une priorité, comme l’expérience montre qu’une formation solide et vivante est appréciée et attirante.

Il n’y a pas d’incompatibilité entre proclamer l’Évangile et s’occuper des baptisés, car s’occuper des croyants inclut l’encouragement à avoir un esprit apostolique. C’est souvent par des contacts avec des parents ou des voisins que les non-chrétiens reçoivent la Parole, que ce soit par des contacts personnels ou au sein de communautés. D’autres formes d’apostolat s’intègrent facilement dans l’administration régulière des paroisses : relations avec des chrétiens d’autres dénominations, dialogue avec des musulmans, justice et paix, etc. L’espace manque pour se référer aussi aux nombreux projets paroissiaux pour la santé, l’éducation et des progrès économiques, qui font partie du développement intégrale de la personne tout entière.

Pourquoi le Chapitre de 2016 devrait-il
être concerné par les paroisses ?

Les missionnaires qui oeuvrent dans des paroisses sont la ligne de front de la Société. Sans eux, la Société serait comme une armée de généraux sans infanterie.

Le travail pastoral constitue notre raison d’être. Sur la première page des Instructions du Cardinal, nous lisons : “À la tête des ministères de la Société les missions, parce que c’est d’abord pour elles que la Société a été créée.” Des missions signifient des paroisses. Et la vie et le maintien de nos paroisses dépendent, pour assurer leurs services, des nominations.

Dans quelques années, étant donné le nombre croissant d’ordinations, du personnel sera disponible pour de nouvelles fondations. Mais, en même temps, notre nombre diminue. Si nous ne pouvons pas maintenir le nombre actuel de paroisses, alors le choix des paroisses (à maintenir) devrait faire partie des orientations données par le Chapitre. Dans les premières années après l’indépendance, il y a eu une grande migration inattendue vers la capitale et les cités industrielles. En réponse à des appels d’évêques, notre Société a abandonné des paroisses rurales en faveur de paroisses urbaines. D’autres congrégations ont fait de même.

Dans certains pays, ces appels ont été entendus. Car il n’y a pas l’ombre d’un doute que l’Afrique s’urbanise, et, par conséquence, la culture et la manière de vivre de l’avenir seront façonnées dans les cités. Mais la vie des campagnards est rude, avec du travail pendant plusieurs heures pour un bas salaire, sept jours par semaine. Ils ont peu de possibilités de se convertir au christianisme ou de suivre le catéchuménat. On peut soutenir que certaines paroisses urbaines sont maintenant moins missionnaires que certaines vieilles paroisses rurales avec des centaines ou même des milliers de catéchumènes. Il est peut-être plus réaliste d’évangéliser la population avant qu’elle n’émigre vers les villes ? De nouveaux champs se sont ouverts dans le Sud-Soudan. Certains croient que les pasteurs-éleveurs ont été négligés en faveur des cultivateurs. Devraient-ils recevoir davantage d’attention et comment faire pour leur assurer un service pastoral ? Il doit y avoir aussi d’autres problèmes de pastorale ; ils devraient être traités par un Chapitre plutôt que par des Conseils provinciaux.

En conclusion, est-ce que les paroisses nécessitent plus de considération de la part du Chapitre si on considère que le travail paroissial est l’activité première de la Société ?

Frank Nolan

NDLR: Cet article s’applique uniquement à l’Afrique subsaharienne. L’apostolat en Afrique du Nord, où nos confrères témoignent de la présence du Christ parmi des populations musulmanes, est bien différent. Également, cet article ne se réfère pas au travail valable de nos Frères.

Tiré du Petit Echo N° 1063 2015/07