Côte d’Ivoire : dix choses à savoir sur Mamadou Sangafowa Coulibaly, le nouveau « monsieur Pétrole » de Ouattara

Après deux ans de traversée du désert, il a fait son retour au sein du gouvernement de Patrick Achi en tant que ministre des Mines, du Pétrole et de l’Énergie. Et, au lendemain de la découverte d’importants gisements d’hydrocarbures, le poste est éminemment stratégique.

Par  - à Abidjan
Mis à jour le 29 juin 2022 à 16:53

 

Mamadou Sangafowa Coulibaly, ministre ivoirien des Mines, du Pétrole et de l’Énergie, s’exprime le 14 juin 2022 lors de l’Africa CEO Forum à Abidjan. © ISSOUF SANOGO/AFP

1. Coup de pression sur ENI

Quelques semaines après avoir rejoint l’équipe gouvernementale de Patrick Achi, fin mai, Mamadou Sangafowa Coulibaly a pris en main le très stratégique dossier de la future exploitation des gisements pétroliers et gaziers récemment découvert en Côte d’Ivoire. En marge de l’Africa CEO Forum, qui s’est tenu les 13 et 14 juin à Abidjan, il a mis le groupe italien ENI sous pression pour qu’il accélère la mise en production du gisement offshore Baleine, considéré comme un potentiel « game changer » pour l’économie du pays. À ENI, qui se fixe un horizon de mise en production à 2026, il a réclamé d’accélérer le calendrier.

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2. Du Poro…

Né en 1964 dans la région du Poro, dans le nord du pays, il a participé aux rites initiatiques de la culture sénoufo, qui inculque à ceux qui les suivent une vision de la vie et des valeurs propres à ce peuple également présent au Burkina Faso et au Mali. Rite ancestral, marque de reconnaissance chez les Sénoufos, le poro – considéré comme une société secrète – est un passage obligé, et l’initiation peut durer toute une vie.

3. …À Harvard

Il a effectué tout son cursus scolaire en Côte d’Ivoire. Après l’obtention de son bac C au lycée mixte de Yamoussoukro, la capitale économique, en 1990, il entre à l’université Félix-Houphouët-Boigny de Cocody où il décroche une maîtrise en sciences économiques, avant de se spécialiser en expertise comptable à l’Institut national supérieur de l’enseignement technique. Il a toutefois terminé un programme « Executive Education » aux États-Unis à Harvard Business School, ce qui a retardé son entrée au gouvernement au mois d’avril dernier.

4. Du privé aux affaires publiques

L’actuel ministre, né en 1964, a d’abord préféré le secteur privé à l’administration publique. Après un passage au sein de la Société générale en Côte d’Ivoire, il décide de se lancer dans l’entrepreneuriat. Il a multiplié les initiatives dans le secteur privé. À partir de 1992, Mamadou Sangafowa crée une entreprise de négoce international spécialisée dans le transport des marchandises et l’exportation de produits tropicaux comme la mangue.

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C’est en 2003 que Mamadou Sangafowa Coulibaly fait son entrée dans l’administration. Il est nommé directeur de cabinet adjoint d’Amadou Gon Coulibaly qui est alors ministre de l’Agriculture au sein du gouvernement de réconciliation nationale. Dans cette fonction, il jouera un rôle important dans le monde agricole ivoirien. Il a notamment été président du comité de gestion de l’Institut national formation agricole ou encore, administrateur au sein du Fonds de régulation et de contrôle du café-cacao (FRC).

5. Ministre de crise

C’est en mars 2010, en pleine crise politique, que Mamadou Sangafowa fait entrée au gouvernement. Cette année-là, Laurent Gbagbo a dissous le gouvernement après des soupçons de fraude sur le fichier électoral. L’ancien chef de l’État ne souhaitait plus qu’Amadou Gon Coulibaly et d’autres ministres du Rassemblement des républicains (RDR), le parti d’Alassane Ouattara, entrent au gouvernement. Une aubaine pour Sangafowa, qui est alors désigné ministre. Une fonction qu’il gardera lors de l’accession d’Alassane Ouattara au pouvoir en 2011.

6. Amadou Gon Coulibaly, le mentor

Le nouveau ministre du Pétrole doit sa carrière politique à Amadou Gon Coulibaly. Cependant, malgré le patronyme, il n’a aucun lien direct de parenté avec l’ex-Premier ministre d’Alassane Ouattara. Il est désigné adjoint au maire de Korhogo, dans le nord du pays, quand Gon Coulibaly est élu maire de la ville. Ce dernier prend alors l’actuel ministre du Pétrole sous son aile et devient son mentor. Sangafowa gravira les échelons du parti où il lui sera confié le secrétariat à l’identification. Il deviendra ensuite membre du comité de direction, puis directeur central de la campagne d’Alassane Ouattara chargé de la logistique et de la sécurité.

7. Korhogo

Amadou Gon Coulibaly, qui entrevoit des qualités de « leader » chez son protégé, l’incite à s’inscrire sur la liste des candidats aux élections législatives de 2011. Ce père de quatre enfants est alors pressenti pour jouer les premiers rôles à Korhogo auprès de feu l’ancien Premier ministre.

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Mais ses qualités sont également observées quand, au ministère de l’Agriculture, Sangafowa Coulibaly gère l’épineux dossier du transfert du siège de l’Organisation internationale du cacao (ICCO) à Abidjan. Sous l’impulsion d’Alassane Ouattara et des premiers ministres Daniel Kablan Duncan et Amadou Gon Coulibaly, il a par ailleurs contribué à la relance des investissements dans les milieux agricoles.

8. Disgrâce

À partir de 2018, son ralliement aux positions de Guillaume Soro, qu’il a connu durant la rébellion de 2002, fait grincer des dents dans l’entourage d’Alassane Ouattara. Son mentor Amadou Gon Coulibaly le rappelle à l’ordre, en vain. En pleine montée des tensions entre Soro et le clan Ouattara, il n’hésitera pas à déclarer que le Rassemblement des républicains a « un devoir de reconnaissance envers Guillaume Soro ». Le 4 septembre 2019, Amadou Gon Coulibaly obtient l’accord du chef de l’État Alassane Ouattara pour le limoger du gouvernement. Il retournera à ses activités entrepreneuriales et à ses exploitations agricoles.

9. Téné Birahima Ouattara, le protecteur

Malgré sa période de disgrâce, il reçoit le soutien et la protection de Téné Birahima Ouattara, le ministre de la Défense et frère cadet du président Alassane Ouattara. Téné Birahima Ouattara le considère comme un jeune frère. Le décès d’Amadou Gon Coulibaly ayant laissé un grand vide à Korhogo en termes de leadership politique, il est remis en orbite et fait son retour au gouvernement en avril dernier dans les fonctions de ministre des Mines, du Pétrole et de l’Énergie, alors qu’il n’avait pas soldé ses frictions avec le clan Gon Coulibaly.

10. Patrice Talon

Mamadou Sangafowa Coulibaly est un proche du président béninois Patrice Talon, qu’il a connu lors de son passage au ministère de l’Agriculture. Sofaco, la société de Patrice Talon, avait alors remporté les appels d’offre pour la fourniture d’engrais au secteur agricole ivoirien. Lors de la prestation de serment Patrice Talon pour son premier mandat, il a d’ailleurs été le représentant d’Alassane Ouattara. Leur proximité a même alimenté les rumeurs, dans les coulisses de la présidence ivoirien, certains prétendant que Patrice Talon avait tenté d’intercédé auprès d’Alassane Ouattara pour son maintien dans le gouvernement de Gon Coulibaly.