Missionnaires d'Afrique


Richard Baawobr M.Afr

Origines et le pourquoi des communautés ecclésiales de base


J’aimerais faire écho de la voix de l’Église africaine dans le domaine de la vie de nos Communautés Ecclésiales de Base (CEB) en Afrique. Je m’intéresse à cette pastorale depuis le début de mes années de formation initiale au Ghana, mes années de pastorale à Kinshasa et les services de formation en Tanzanie. J’ai continué, suite à ma formation biblique (à l’Institut Biblique ici à Rome), à produire des documents (en anglais et en kiswahili) pour aider les animateurs de ces communautés de base.
Une CEB, c’est l’Église dans sa forme la plus locale. C’est “un groupe restreint, homogène et intégré dans le milieu”. C’est cette expérience d’Église que j’aimerais partager avec vous.

Origines des communautés de base
Les communautés de base ne sont pas une nouveauté comme telle. Leurs origines remontent au petit groupe de douze hommes et quelques femmes qui suivaient Jésus (Lc 8,1-3 ; Ac 1,14). En réponse à la prédication des premiers apôtres, nous trouvons des petites communautés ; des hommes et des femmes qui se retrouvent dans des familles (les Églises domestiques) pour écouter la parole de Dieu, célébrer la dernière cène et chercher ensemble comment répondre aux questions de leur temps à la lumière de leur foi en Jésus mort et ressuscité. Paul, par exemple, est hébergé chez Acquillas et Prisca, et c’est chez eux que les autres se réunissent (cf. Ac 18,1-3 ; Rm 16,3-5 ; 1 Cor 16,19).

Avec le temps, les communautés sont devenues plus importantes et il y avait forcément besoin d’une certaine organisation hiérarchique. Les lettres dites pastorales du Nouveau Testament témoignent déjà de cette tendance. Malheureusement, plus on organise une communauté d’une manière hiérarchique, plus on arrive à une structure pyramidale. C’est ce qui est arrivé dans nos communautés chrétiennes paroissiales un peu partout dans le monde.

J’ai vu des caricatures de l’Église comme une charrette dans laquelle est tranquillement assis tout le monde pendant qu’un évêque ou un prêtre la tire. C’est une Église pyramidale, cléricale, où il faut distinguer entre les dirigeants et les dirigés. Cette image a été véhiculée pendant longtemps, et nous avons parfois des difficultés à revoir les ministères dans l’Église sous la lumière du Concile Vatican II.

L’Église comme Peuple de Dieu et Corps du Christ
Le Concile Vatican a revalorisé l’image de l’Église comme Communion (Lumen Gentium, no 32) en lien avec la Trinité ; comme Peuple [de Dieu] qui tire son unité de l’unité du Père et du Fils et de l’Esprit Saint (Lumen Gentium, no 4). Cette image, comme vous le savez peut-être, vient de saint Cyprien (un évêque d’Afrique du Nord, martyr en 258). Les images de communion, de peuple, soulignent qu’il y a une certaine égalité au départ. Ce qui nous unit, c’est notre baptême par lequel nous participons à la vocation prophétique, sacerdotale et royale du Christ. Communion ne veut pas dire confusion, mais unité dans la diversité.

L’autre image de l’Église comme Corps du Christ fait ressortir la diversité et la complémentarité nécessaires pour le corps humain et le corps ecclésial (1 Cor 12, 12-27). Nous sommes tous coresponsables pour la vitalité du corps entier. Il n’y a pas (ou il ne devrait pas y avoir) de gens assis et d’autres qui tirent ou qui poussent la charrette. La responsabilité vient du baptême commun à tous.

L’Église Famille-de-Dieu
Dans la continuité avec l’image de l’Église comme Peuple de Dieu, lors du premier Synode africain en 1994, les évêques africains ont opté pour l’expression “Église Famille-de-Dieu”. Les théologiens africains sont encore en train de faire ressortir la richesse de ce terme ecclésiologique ancien et en même temps nouveau. La famille (élargie) met en évidence l’unité dans la diversité. Comme dans une famille, nous avons tous un Ancêtre commun (Dieu - le Père), un Frère aîné d’une multitude de frères et sœurs (Jésus [Rm 8,29]). Nous avons de l’affection les uns pour les autres, et nous nous appelons frères et sœurs (Mt 23,8-10) à cause de notre entrée dans une nouvelle famille chrétienne où les liens se tissent par notre foi en Jésus (Mt 10,37 ; Lc 14,26). Comme dans une famille, nous n’avons pas tous la même responsabilité, mais chacun a sa place et la part qu’il (elle) contribue est importante pour le bon fonctionnement de l’ensemble (1 Cor 12,8-11.28-30 ; Rm 12,6-8 ; Ep 4,11-13). Ceci est nécessaire pour le développement de toute la famille.

L’option pastorale pour les CEB a été prise dans les années soixante-dix par beaucoup de conférences épiscopales. Ces communautés sur le territoire géographique de la paroisse ne sont pas indépendantes les unes des autres. Il y a une communion entre elles, étant donné que souvent elles connaissent la même réalité du quartier. Au niveau de la paroisse, il y a des commissions qui assurent la formation et le suivi des animateurs et les différents services qu’assument les CEB. Ces commissions sont à leur tour aidées par des commissions diocésaines. C’est ici que les équipes pastorales jouent un rôle important à travers les programmes de formation permanente et méthodologique des personnes concernées.

Une nouvelle manière d’être Église
Les CEB entraînent l’émergence d’une nouvelle manière d’être Église, plus laïcale et centrée sur la Parole [de Dieu] et sur la vie à la suite du Christ plutôt que sur les rites liturgiques. Même quand la communauté est petite, comme dans les milieux à minorité chrétienne, il est possible et même souhaitable de se servir de la dynamique des CEB pour assurer une certaine vitalité à l’Église. J’en connais des confrères qui voyagent plus de 600 km pour aller à la rencontre d’une petite communauté chrétienne en milieu musulman. Les membres de cette petite communauté rayonnent autour d’eux à cause de, ou malgré, leur petit nombre parce qu’elle est la Famille-de-Dieu dans le milieu.

Tout cela implique une conversion pastorale et de la part des agents pastoraux et de la part des laïcs. Ces derniers ne sont plus des consommateurs des “biens/services spirituels” offerts par les prêtres, mais tous (laïcs, religieux/ses, prêtres, évêques) sont appelés à vivre leur vocation de baptisés en communion avec les autres dans une communauté.

Richard K. Baawobr