Les priorités de Christian Yoka, nouveau patron Afrique de l’AFD

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Christian Yoka travaille à l’AFD depuis vingt ans, il en est le nouveau directeur Afrique.
Christian Yoka travaille à l'AFD depuis vingt ans, il en est le nouveau directeur Afrique. © African Guarantee Fund

Tout juste vingt ans après avoir intégré l’Agence française de développement, Christian Yoka a pris les rênes du département Afrique, qui représente a lui seul plus de 40 % des engagements de l’Agence. C’est le premier dirigeant d’origine subsaharienne nommé à ce poste. Portrait.

Christian Yoka est désormais à la tête d’un pôle composé de 500 personnes, depuis sa nomination le 6 juillet dernier aux commandes du département Afrique de l’Agence française de développement (AFD), dirigée par Rémy Rioux.

Le quinquagénaire d’origine congolaise (RDC) dit avoir accepté ce nouveau poste avec beaucoup « d’honneur et d’humilité. D’humilité parce que l’Afrique est une priorité de l’action de la France qui se traduit en un axe d’intervention central pour l’AFD. Je suis également honoré parce que c’est une tâche extrêmement motivante ». « Je l’ai pris comme une marque de reconnaissance de mon parcours », confie-t-il à Jeune Afrique.

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TRAVAILLER À L’AFD EST UNE CHANCE INOUÏE

Plusieurs milliards d’euros d’engagements en Afrique

Sous la supervision du directeur exécutif des opérations de l’AFD, Jean-Pierre Marcelli, le directeur Afrique doit s’assurer – en coopération avec les représentants sur le terrain – que les priorités fixées par l’Agence se réalisent. « Il s’agit également de nous assurer que les ressources sont bien mises à disposition des équipes », précise Christian Yoka.

« Nous avons un certain nombre de secteurs prioritaires sur le continent, du soutien à la politique du genre aux enjeux climatiques », détaille Christian Yoka. Il met notamment l’accent sur la jeunesse africaine et les questions d’éducation et d’emploi qui en découlent. En 2020, 261 millions d’euros de financement de l’AFD dans le secteur de l’éducation sont allés à des projets africains, c’est 90 % du total mondial annuel de l’agence. À titre de comparaison, la même année, 136 millions d’euros ont été engagés dans le secteur de l’eau et de l’assainissement, et 455 millions dans le secteur de l’agriculture.

« Travailler à l’AFD est une chance inouïe parce que les problématiques auxquelles nous nous attaquons sont des défis mondiaux. À mon modeste niveau, je suis très heureux de pouvoir participer, contribuer et essayer d’apporter des réponses à ces défis », souligne le directeur Afrique.

L’AFRIQUE, ZONE PRIORITAIRE D’ACTIVITÉS DANS LE PORTEFEUILLE DE L’AFD

Fondé en 2018 à la suite de la fusion du département Afrique du Nord et Afrique subsaharienne, le département Afrique est au cœur de l’action de l’AFD. Aujourd’hui, l’Agence mène des projets dans 44 des 54 pays africains. En 2020, l’institution française a engagé 4,4 milliards d’euros sur le continent (36 % du total de 12,1 milliards d’euros), auxquels s’ajoutent plusieurs centaines de millions d’euros d’engagements transversaux. Au total, 3,7 milliards d’euros de décaissements ont été autorisés l’an dernier en faveur de l’Afrique, en recul d’un quart (-26 %) sur un an, en raison notamment de la pandémie de Covid-19. Mais cela représente 1,2 milliard d’euros de plus que la deuxième zone d’intervention, l’Orient (2,4 milliards), et deux fois les financements approuvés en 2020 pour l’Amérique latine (1,7 milliard d’euros). Dans l’ensemble, près de 30 % des engagements de l’AFD vont au financement d’infrastructures et au développement urbain, contre 13 % pour le secteur productif (soutien aux entreprises privées), 12 % pour la santé, 9 % pour le climat et l’environnement, suivent la gouvernance (7 %), l’eau et l’assainissement (7 %), ainsi que l’éducation (3 %) et l’agriculture et la sécurité alimentaire (3 %), le reliquat allant à des initiatives multisectorielles. 

Du droit au management opérationnel

Juriste de formation, Christian Yoka obtient un diplôme de droit et de fiscalité de l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne en 1997. « J’ai d’abord travaillé comme juriste en France dans une filiale créée par la Banque française de commerce extérieur et la Banque Rothschild ».

Puis, il décide de franchir l’Atlantique pour se spécialiser en droit bancaire et financier à l’Université de Boston, dont il sort diplômé d’un LLM (Master of Laws) en 1999. « Lorsque je suis revenu des États-Unis, un chasseur de tête du cabinet Michael Page m’a approché et m’a fait cette proposition de rejoindre l’AFD, que j’ai acceptée avec enthousiasme », explique l’intéressé.

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LE DROIT MÈNE À TOUT À CONDITION DE SAVOIR EN SORTIR

Ce passionné d’opéra et de sport dit aujourd’hui devoir sa carrière à des concours de circonstances. « J’ai intégré l’AFD en 2001 en tant que juriste opérationnel, donc je couvrais un portefeuille de pays. Cela m’a amené à travailler sur la zone Afrique mais également sur d’autres régions du monde telles que l’Asie ou les territoires d’outre-mer. Je me suis ensuite intéressé à la genèse de projets et aux problématiques de développement. Puis, je suis passé de l’autre côté de la barrière », explique le quinquagénaire.

La décision de passer du droit à l’opérationnel a été motivée par la volonté d’avoir une vision plus transversale du métier. « Comme le disait un de mes profs de droit, le droit mène à tout à condition de savoir en sortir », confie Christian Yoka à Jeune Afrique.

Vingt ans d’expérience sur le terrain

La récente promotion de Christian Yoka intervient après une quinzaine d’années d’activités opérationnelles consacrées aux pays africains, à rebours de sa prédécesseuse à ce poste Rima Le Coguic, spécialiste des infrastructures (énergie, transport, digital), désormais directrice exécutive adjointe d’Expertise France.

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J’AI LE SENTIMENT D’AVOIR EU PLUSIEURS VIES PROFESSIONNELLES

Durant sa carrière, il se trouve successivement au poste de directeur pays pour la RDC de 2009 à 2013 – période durant laquelle l’agence approuve pas moins de 19 millions d’euros de subvention pour des projets dans ce pays – puis de directeur régional pour l’Éthiopie, le Soudan, le Sud-Soudan, l’Érythrée et la Somalie de 2013 à 2016. Sous sa direction, il approuve notamment un projet d’interconnexion électrique entre le Kenya et l’Ethiopie d’un montant de 91 millions d’euros (2013), ou encore un projet de développement géothermique dans la région d’Afar en Éthiopie de 90 millions d’euros en 2015.

Il fut également directeur régional pour la zone Cameroun, République centrafricaine et Guinée équatoriale de 2016 à 2018. « J’ai le sentiment d’avoir eu plusieurs vies professionnelles », confie Christian Yoka, qui se dit épanoui par son parcours à l’AFD. Parmi les projets approuvés sous sa direction, l’un des plus notables est celui contribuant à la création d’emplois pour les jeunes au Cameroun (2017).

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IL FAUT TOUJOURS VEILLER À CE QU’IL Y AIT UNE BONNE ARTICULATION ENTRE LE SIÈGE ET LE TERRAIN

Enfin, entre 2018 et 2021, il est directeur régional pour l’Afrique de l’Est, qui couvre onze pays [le Burundi, Djibouti, l’Érythrée, l’Éthiopie, le Kenya, l’Ouganda, le Rwanda, la Somalie, le Soudan, le Soudan du Sud et la Tanzanie]. Le financement le plus important accordé sous sa direction est celui du système de traitement des eaux de Mwache à Mombasa au Kenya de 120 millions d’euros en 2018.

Mission au Sahel

Désormais basé à Paris – « j’ai pris ma carte Navigo il y a deux jours » –,  le directeur du département Afrique ne compte pas abandonner le terrain pour autant. « L’idée, c’est de toujours veiller à ce qu’il y ait une bonne articulation entre le siège et le terrain, et tout cela passe par des visites ».

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SI JE N’ÉTAIS PAS OPTIMISTE JE DEVRAIS CHANGER DE MÉTIER

Bien qu’encore en discussion, le prochain voyage devrait se faire au Sahel – l’une des priorités d’action du groupe. Pour rappel, l’AFD fait partie de « l’Alliance Sahel », une plateforme réunissant les principaux bailleurs de fonds de la zone créée en 2017. L’AFD a également engagé 511 millions d’euros pour le G5 Sahel en 2020 [cadre de coopération pour la sécurité et le développement entre la Mauritanie, le Mali, le Niger, le Burkina Faso et le Tchad].

Grand optimiste – « si je n’étais pas optimiste je devrais changer de métier » –, Christian Yoka puise ses inspirations auprès de ses rencontres. « Les personnes qui m’inspirent au quotidien ne sont pas forcément des personnes connues ou des leaders. On peut être inspiré à chaque fois qu’on a le sentiment d’avoir rencontré une personne qui vous paraît équilibrée, ou qui pose des actes qui donnent à réfléchir sur le sens de notre présence en ce monde. Et de ce point de vue-là, on peut être inspiré par monsieur Tout-le-monde ».