Père Adrien SawadogoNommé en 2010 pour des études d’islamologie s’étendant sur trois ans dont une année au Caire pour l’apprentissage de la langue arabe, mon départ pour l’Egypte avait semé la peur dans les cœurs de mes parents et amis. Aussi pouvais-je lire cette préoccupation dans un des mails que m’avait envoyé ma famille: “Les Pères blancs ne pensent toujours tout de même pas t’envoyer en Egypte avec tout ce qui s’y passe!” C’est là une phrase qui résume bien leur crainte. Quant à moi, je m’envolais le 14 août 2011 pour le Caire, comme toujours, vers l’inconnu, dans la confiance en Celui qui tient ma vie dans sa main. Et Lui, toujours fidèle, m’avait réservé un accueil chaleureux en Egypte. Et le Caire fut pour moi une expérience enrichissante que je vous partage volontiers.

Mon expérience au Caire est celle d’un converti et d’un Missionnaire d’Afrique. Au milieu des manifestations qui sévissaient dans la Capitale, j’étais surtout attentif au vécu d’une population complexe en ébullition et en quête de lendemains meilleurs. Le temps de Noël m’a offert un moment de recul pour accueillir avec plus d’attention l’expérience que je vivais.

Nous avons pu célébrer la fête de la Nativité dans la Paix. Pour moi le Caire était une expérience tout à fait nouvelle. Pendant mes six dernières années, j'avais vécu dans une Eglise plus riche en communautés de foi et plus active; même si mes trois dernières années dans la Vallée en Zambie étaient un peu différentes. En Egypte j'ai bien compris la différence entre un "pays à majorité musulmane", comme le mien le Burkina-Faso, et un "pays musulman". Il y a un vrai contraste même au niveau du rythme de vie. Par exemple le week-end en fait c'est le jeudi-vendredi, et le samedi et le dimanche sont des jours ouvrables comme le lundi. Et la conséquence pour l'Eglise est que les fidèles doivent demander la permission aux employeurs pour venir à la messe dominicale. Et tout d'un coup cet état de fait met à nu la fragilité de cette petite Eglise facile à étreindre. Noël nous apporte l’enfant Jésus tout fragile, C'est bien l'image qu'il a eu pour moi en Egypte. Cependant nous allions célébrer sa venue en Egypte, un événement très connu des Egyptiens: “La fuite en Egypte”; et ils en sont fiers, chrétiens comme Musulmans se retrouvent autour de cette “histoire” commune.

Ceci m’a fait formuler ce vœu cher pour la nouvelle année 2012: qu’elle nous apporte la "connaissance mutuelle" (Puissent les peuples et les religions de ce monde apprendre à se connaître.) En apprenant la langue arabe il y a un mot très riche qui m'a touché: « Mu'miin » qui veut dire (une personne dont le Cœur et l'Esprit sont tous tournés vers Dieu). Et l'Islam ne saurait rejeter un « Mu'miin ». Prions pour cette "connaissance mutuelle". Le Pape Jean-Paul II et le Pape Benoit XVI nous rappellent sans cesse que ce dont ce monde et l'Eglise ont besoin ce sont des "TEMOINS".

Au pied de cette Eglise d’Egypte, j’ai bien senti l’urgence de la prière pour une Eglise plus forte dans sa Foi et son Espérance et une Eglise plus Témoin que sur la défensive. Dès mon arrivée au Caire mon nom MamadAdrien en Egypteou a tout de suite attiré l'attention de certains Egyptiens. Ils se sont très vite rendu compte que Mamadou était bien l’équivalent en arabe de Muhammad, le nom du Prophète. Et ils étaient choqués: « How come Muhammad and You are a Priest!!!? How? » (Comment se fait-il que toi Mamadou tu sois prêtre?) Quelques membres de l'Eglise m'ont posé la même question. A eux j'ai partagé mon expérience de conversion. Et cela a fait boule de neige. L’histoire est partie comme un feu de brousse. Mais en retour, j'ai reçu un avertissement après à peine trois semaines dans le pays. Il semblait que le groupe sallafiste pourrait bien s'en prendre à moi et qu'il fallait que je fasse attention. Du coup je devais faire attention à ne pas être accusé d’être là pour faire du prosélytisme; faire attention tout en rendant témoignage au Christ auprès des fidèles. Une fidèle égyptienne m'a soufflé à l'oreille après une messe: "Ce n'est pas pour rien que tu es passé par ici chez nous, merci!" Trois de mes enseignants qui sont musulmans m'ont posé cette question, après avoir entendu mon témoignage sur ma conversion à la St. Paul,: « Avec ce témoignage, veux-tu dire que tout le monde doit devenir chrétien? » et avec fermeté, j'ai donné la même réponse que j'avais donnée à mon père il y a maintenant près de 20 ans: « Si ce qui m'est arrivé ne vous arrive pas, alors tenez ferme à ce que vous avez; ou vous n'aurez ni ce que j'ai ni ce que vous aviez. » C'était un bel échange de près de deux heures debout après les cours.

J'ai eu de très bonnes relations avec tous. Il y a un respect spécial que nous avons les uns pour les autres. Une d'entre elles m'a dit un matin: « J'aime ta vision de la vie, tu as une Paix et une sérénité contagieuses ». C'est beau quand on reçoit de tels témoignages. Aussi voudrais-je partager avec vous mes vœux les plus chers: que nous soyons une Eglise plus Témoin, des peuples plus en quête de la « connaissance mutuelle » et un Temps de grâces de la part du Seigneur. En conciliant ainsi nos efforts humains avec la grâce divine nous cheminerons vers l'Espérance promise et un Monde meilleur.



Mamadou Adrien Sawadogo, M.Afr.