Appelé à servir en Afrique et au-delà !
Expérience de leadership
(PE n°1092 – 2018/06)

Mettez la photo dans les toilettes !

Je me souviens encore que lorsque j’ai été élu par les confrères de France pour participer au Chapitre général en tant que Délégué, je me suis dit qu’il n’y avait pas de danger. J’avais « échappé » au Chapitre général de 1998 et je terminais ma thèse tout en me préparant à ouvrir la maison francophone de théologie à Abidjan et à y enseigner au nouveau Institut Catholique Missionnaire d’Abidjan. Les candidats de la Fraternité Lavigerie (Toulouse) me taquinaient en me demandant où ils devaient mettre ma photo si j’étais élu Supérieur général. Je leur ai dit « vous pouvez la mettre dans les toilettes ; je suis sûr que là-bas vous me verrez tous les jours ! » Nous avons tous ri à ce sujet et je suis allé à Rome. C’était en 2004. Je ne savais pas que leur prophétie se réaliserait en 2010 ; mais entre temps le Centre de formation avait déménagé en Côte d’Ivoire. Je suis sûr qu’ils y ont trouvé un endroit différent pour ma photo !

Premier assistant général (2004-2010)

Quand j’ai été élu assistant général puis premier assistant général quelques jours plus tard, cela m’a choqué. Mon expérience dans le leadership était principalement dans le domaine de la formation en plus d’être le deuxième plus jeune de l’équipe du Conseil général. Sachant que ce n’était pas dû à mon talent particulier dans l’animation des confrères, mais plutôt une invitation de ces derniers à être au service de toute la Société dans un rôle de leadership, je l’ai acceptée dans la foi.

Il est vrai que les Constitutions et lois prévoient un rôle pour le Premier assistant, mais en réalité, alors que le Conseil général travaille en équipe, je ne me suis pas senti plus spécial que les autres. J’ai joué mon rôle dans l’équipe, en suivant les différents domaines de la mission et des provinces que le Supérieur général, le père Gérard Chabanon m’avait confiés à moi ainsi qu’à mes collègues assistants (P. Raphael Deillon, Georges Jacques et Jim Greene). Je rendais compte à lui, à l’équipe et, ensemble, nous cherchions le moyen d’avancer. J’ai appris qu’il était important de jouer mon rôle dans le Conseil et d’être vraiment une personne d’équipe plutôt que d’essayer de me montrer et de prendre le crédit d’une chose ou d’une autre, même si j’en étais convaincu ou si j’avais conçu et présenté l’idée.

J’ai senti qu’il était important d’être aussi ouvert que possible avec le Supérieur général et mes collègues assistants pendant les discussions sur les différentes questions et, à la fin, de m’aligner sur la décision commune et d’en payer le prix. Certaines choses m’ont troublé mais quand à la fin de la journée, j’ai prié le Rosaire et que je les ai mises entre les mains de ma Mère, j’ai trouvé le calme dont j’avais besoin pour dormir.

P. Richard Kuuia Baawobr, alors Supérieur Général

En parcourant les communautés et les centres de formation, je me suis rendu compte que ce qui était important était d’être un symbole de l’unité de la Société et de faciliter la construction de ponts en partageant des informations et des idées. Quand nous avions vu qu’une chose était bonne dans une partie de la Société et pouvait donc enrichir l’autre partie, nous l’avons partagée à travers conférences ou articles.

C’est au cours des années comme Assistant général (2004-2010) que j’ai pris davantage conscience que la mission de Dieu que nous avons reçue en tant que Société appartient à tous, peu importe où l’on se trouve. Nous avons tous, par conséquent, le devoir de l’appuyer même, et surtout, lorsque les membres d’un Secteur en question n’ont pas de personnel capable de l’exécuter. J’ai senti que la nomination de confrères en Europe, en Amérique, en Inde et aux Philippines, était une bonne chose en ce qu’elle participe à la mission dans ces lieux comme Missionnaires d’Afrique avec un charisme spécifique, pour promouvoir les vocations et favoriser l’interculturalité dans nos communautés. De telles nominations étaient encore considérées comme spéciales, nécessitant de l’attention et devant être faites après des années d’expérience missionnaire en Afrique, véritable lieu de mission (comme certains ont pensé et l’ont limité géographiquement). Cela a dû évoluer dans notre praxis missiologique. Les ouvertures qui ont été faites ici et là étaient, à mon avis, importantes et nécessaires pour devenir une politique de nomination de stagiaires et de jeunes confrères. Ce n’était pas au détriment des provinces africaines mais plutôt un réveil de notre responsabilité commune à assumer ensemble.

En tant que Supérieur général (2010-2016)

La plus grande surprise est venue quand j’ai été élu Supérieur général au Chapitre général de 2010. J’avais apparemment, miraculeusement, survécu à une thrombose veineuse profonde en 2007 et j’étais maintenant prêt à relever le défi de retourner à la formation si le nouveau Conseil voulait que je me rende à Abidjan. Cette nouvelle invitation à continuer à servir comme chef de l’équipe de direction signifiait que je devais mettre de côté mes projets personnels ! Pas toujours facile mais quand c’est fait dans la foi, c’est gratifiant. Comme le dit l’adage, Dieu écrit tout droit sur des lignes tordues.

Représenter la Société, animer et diriger une équipe, être le gardien d’une vision et d’une mission communes telles qu’expliquées par le Chapitre général et dans la fidélité à la vision de notre Père, le cardinal Charles Lavigerie, etc., voilà quelques-unes des choses que j’ai dû faire comme Supérieur général pendant 6 ans. L’équipe générale qui m’a été donnée par le Chapitre général, composée des pères Jos Van Boxtel, 1er assistant, Emmanuel Ngona, Sergio Villasenor et Peter Welsh a été très utile. Compte tenu de nos expériences et de nos talents missionnaires différents, nous pouvions réaliser le mandat qui nous a été confié par le Chapitre.

P. Richard Kuuia Baawobr, alors Supérieur Général, dans son bureau

Ce fut, pour moi, un moment de mûrissement de la conviction que la mission ne se limitait pas seulement à l’Afrique mais aussi à l’Europe, aux Amériques, à l’Asie, etc. Les mots « en dehors de l’Afrique » devraient être abandonnés. Ma lecture missiologique et le dialogue avec d’autres Sociétés missionnaires m’ont fait prendre conscience de l’importance de la déterritorialisation de la mission et de voir cette mission au-delà des termes géographiques. Même si l’expression « Afrique et au-delà » n’a pas été retenue dans la formulation finale des documents du Chapitre de 2016, elle est reflétée dans les politiques de nomination qui ont été acceptées et qui sont actuellement en place. Nous venons de loin et je suis heureux d’avoir été témoin d’une partie de ce voyage en tant que membre de la Société dans un rôle de leadership au moment où il prenait forme.

Mgr Richard Kuuia Baawobr poussant son véhicule lors d’une tournée dans le diocèse de Wa

Après avoir été exposé aux différentes provinces, aux différentes expressions de la même mission en tant que Société, j’ai senti que j’avais grandi et que je pouvais apporter cela dans un autre domaine de service à la Société. Le pape François a décidé autrement. C’est pourquoi, depuis février 2016, j’ai accepté la nouvelle mission comme Servus Misericordiae Dei parmi le peuple de Dieu à Wa.

Merci à tous de m’avoir formé et de me soutenir encore dans mon apprentissage à servir. Que Dieu vous bénisse ! Priez pour moi !

+ Richard Kuuia Baawobr, M.Afr.,
    Évêque de Wa (Ghana)