SFAX TUNISIE

Participer à la vie

En septembre 2005, les Pères Blancs ont ouvert une nouvelle communauté à Sfax, en Tunisie, pour être plus proches du peuple tunisien. L’équipe est composée d’Erik Bladt, Belge, de Pierre Songré, Burkinabé, et de Simon Gornah, Ghanéen. Erik, 66 ans, a une longue expérience de l’Algérie et de la Tunisie. Simon, 45 ans, a longtemps travaillé à Tunis pour la Caritas et pour l’Association tunisienne d’aide aux sourds (l’ATAS). Pierre, 36 ans, a commencé son ministère, après l’ordination, dans le diocèse du Sahara, en Algérie, avant d’aller avec Simon se perfectionner en arabe et en islamologie au Caire et à Rome.

Pierre Songré Image Erik Bladt
En septembre 2005,Pierre, Simon et Erik ont été envoyés à Sfax, Tunisie. Mme Kitty, Sfaxienne, descendante des familles italiennes et maltaises arrivées en Tunisie au XIXe s.,
est venue leur préparer des fruits de mer.

Il nous fallait d’abord entrer dans la vie de la communauté chrétienne de Sfax dont Pierre fut nommé curé. Erik est notre économe et moi, j’ai été nommé responsable de l’équipe. Tous trois, nous attachons beaucoup d’importance à vivre au cœur de notre communauté chrétienne. Elle est formée de deux équipes de religieuses (Petites Sœurs de Jésus et Filles de la Charité de saint Vincent de Paul), d’une centaine de jeunes subsahariens chrétiens étudiant à l’université, de quelques personnes chrétiennes mariées en Tunisie et d’un nombre restreint d’anciens Sfaxiens d’origine européenne. Dans la ligne de nos prédécesseurs, la porte de notre maison est largement ouverte aux Tunisiens pour l’échange et la rencontre. Tout ceci exige une connaissance de la langue et de la culture arabo-musulmane et des capacités pour l’écoute et de dialogue, parfois en français mais aussi souvent en arabe tunisien.

Pierre le curé paroissiens originaires des pays sub-sahariens
Pierre est le curé d’une paroisse formée majoritairement d’étudiants chrétiens de l’Université de Sfax, originaires de l’Afrique sub-saharienne.

Sfax en TunisieImageEn termes de temps et d’énergie, notre équipe père blanc (en Tunisie, on n’emploie pas le mot ‘missionnaire’ et le mot ‘Afrique’ désigne souvent la partie du continent au sud du Sahara), se donne sans compter pour l’accompagnement des jeunes chrétiens qui étudient à l’Université de Sfax. Ils viennent d’une vingtaine de pays de l’Afrique subsaharienne, du Burkina, du Gabon, de l’un et l’autre Congo, du Burundi, etc. Ils viennent plutôt des pays francophones d’Afrique. L’Église diocésaine a reconnu leur association sous le nom de JCAT (à prononcer j-catte) : Jeunesse chrétienne africaine en Tunisie. On peut dire que dans les principales villes de Tunisie, la JCAT est la face la plus visible de l’Église. C’est en tout cas le cas à Sfax, ville carrefour des centres universitaires du sud de la Tunisie. Nous nous efforçons d’assurer l’animation et la coordination entre étudiants pour une meilleure intégration dans l’Église et dans la société tunisienne.

Il faut signaler que notre évêque est un arabe palestinien, né en Jordanie, S. E. Mgr Maroun Lahham. Le Cardinal Lavigerie fut le premier évêque titulaire de Tunis/Carthage, de 1884 à 1892. On évalue généralement à 20 000 le nombre des catholiques vivant en Tunisie. Notre présence à Sfax va cependant au-delà des frontières et des murs de l’Église. Nous ne nous permettons plus de parler en termes de quantité.

Cependant, le principal objectif de notre équipe père blanc est de participer à la vie de la ‘communauté humaine’ sfaxienne. Comment être solidaires du peuple tunisien ? Les prêtres diocésains qui travaillaient dans la région avant notre arrivée nous ont montré le chemin. Eux, ils l’ont fait tout naturellement car ils sont souvent nés en Tunisie et ont choisi d’y demeurer après l’indépendance. Ils nous ont ouvert les portes pour que nous puissions nous engager dans l’une ou l’autre des nombreuses associations d’entraide sociale, fondées et dirigées par des Sfaxiens.

Quelques jours par semaine, je travaille dans un village d’enfants SOS-Enfance, à 32 km au sud de Sfax. La Maison de la France, qui dépend de l’ambassade de France en Tunisie, située à quelques minutes de notre maison, m’a demandé de donner quelques cours de français (oui, à moi Ghanéen !) à quelques adultes qui ont besoin d’améliorer leur français pour la rédaction de leurs thèses, ou tout simplement pour les aider à mieux s’intégrer dans le monde de travail qui exige un minimum de connaissance de la langue française. J’ai aussi accepté récemment un nouvel engagement. J’aide une jeune tunisienne à monter un ciné-club pour enfants. Nous avons déjà réalisé quatre séances.

Mais je veux dire quelques mots d’un autre engagement qui a conquis mon cœur et qui occupe tout le reste de mon temps, c’est l’association Errabii (Le printemps) qui soutient des adultes handicapés.
J’ai tout d’abord été amené à collaborer avec cette association en tant que directeur du projet d’agriculture, une petite ferme de cinq hectares située à 14 km de Sfax. La première année, je servais aussi de chauffeur pour transporter les handicapés en attendant que l’association achète un véhicule. Nous accueillons chaque jour de 10 à 15 handicapés.

Errabii a été fondée pour assurer un suivi à l’âge adulte des handicapés pris en charge dès leur enfance par d’autres associations. Nous y accueillons aussi des adultes retenus à la maison, à l’abri de toute relation étrangère, pour des motifs de honte ou d’ignorance de la nature des handicaps. Le but poursuivi est toujours l’autonomie du handicapé. Comment peuvent-ils trouver une place dans la société s’ils restent à la maison jour et nuit, se repliant sur eux-mêmes et devenant une charge impossible à porter pour des parents vieillissants ? Quelques-uns, plus débrouillards, n’avaient pour style de vie que la mendicité et le vagabondage. Il faut cependant avouer que l’autonomie responsable reste un idéal difficilement réalisable pour certains.

ImageImageFondée par des Tunisiens, l’association Errabii accueille des personnes handicapées mentalement qui n’ont pas la possibilité d’être intégrées dans un atelier protégé. Leur dignité humaine est respectée et l’association cherche à faire surgir les potentialités cachées de ces hommes et femmes touchés par des handicaps génétiques ou accidentels. Ceci se réalise petit à petit à travers des activités où ils peuvent s’exprimer (certains ne savaient pas parler…), produire (comme des légumes), et entrer en relation avec le monde extérieur à leur famille d’origine. Justement, ces familles se trouvent libérées d’un grand poids… parfois porté longtemps en silence et en cachette. Errabii aide les familles à s’informer, à réagir, à se soutenir et à s’organiser. Certaines de ces familles sont pauvres en ressources. D’autres peuvent contribuer financièrement et moralement. L’État tunisien participe au financement de l’association. Des bienfaiteurs locaux et étrangers sont aussi sollicités. Par exemple, à notre demande, nous avons reçu un soutien de la maison généralice à Rome, de la caisse de solidarité de notre Société.

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Voici quelques exemples de projets soumis récemment à des bienfaiteurs : un projet d’élevage de moutons sur notre ferme, avec construction d’une étable ; un projet d’assistance médicale spécialisée pour les handicapés et les honoraires d’une accompagnatrice ; un projet pour l’achat de chaussures et de vêtements.
Nous, les trois confrères de la communauté, chacun avec ses talents personnels, nous essayons de rester disponibles pour participer à la vie de la communauté chrétienne et de la communauté humaine de Sfax.

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Simon Gornah