Voix d'Afrique N°111.

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Une femme missionnaire,
humble et remarquable


 

 

Sœur Marguerite Laporte est l’une des figures marquantes chez les Sœurs Blanches
pour les responsabilités qu’elle a eues au Conseil général de la congrégation
puis pour ses dons artistiques au service de l’artisanat du pays.
Oui, ce fut une femme missionnaire remarquable, mais qui sut rester humble.

 

Née le 9 décembre 1900 dans une famille chrétienne du sud-est de la France, Marguerite Laporte frappe à la porte des smnda en octobre 1923. Elle revêt la robe et la pèlerine noires, ainsi que le bonnet de tulle, bien faits pour décourager toute prétention esthétique !

En 1924 à Alger Saint Charles (berceau de la congrégation), Marguerite reçoit l’habit blanc et quitte son joli nom de fleur, pour celui de l’humble bergère de Pibrac : Germaine. Au noviciat, c’est une agréable compagne, organisatrice et artiste, qui jamais ne se fait valoir.

Après sa profession en 1925, elle est envoyée à Alger-Marengo pour suivre un cours d’infirmière. Munie de son diplôme c’est à Ouargla qu’elle est nommée. Pendant 14 ans, elle soigne de son mieux tous ceux qui viennent au dispensaire. Avec les soins, il y a toujours la parole d’encouragement et de sympathie.

En octobre 1944, elle est nommée Supérieure Régionale du Sahara. Pendant 3 ans, elle sillonne la région par tous les temps et les moyens de locomotion possibles. On la sent libre, même dans sa façon de vivre la Règle, qu’elle est chargée de faire respecter. Pourtant, elle n’est pas toujours comprise, et parfois même critiquée plus ou moins ouvertement. C’est le lot de ceux qui secouent le ronron rassurant.

Quelques années plus tard, notre sœur va connaître une autre responsabilité non moins lourde : son élection au Conseil Général la bouleverse et elle pleure devant la respectable assemblée…

Sans perdre de temps, elle se met au travail. Avec la secrétaire générale, elle aide à mettre sur pied une « Documentation » accessible à toutes les sœurs, et elle prépare le Directoire qui paraît en 1953. Pour la première fois, les vœux y sont présentés sous leur forme positive, et non seulement sous leur aspect juridique et restrictif.

Suivent alors les visites dans les divers postes de la congrégation, visites qui élargissent ses horizons et facilitent sa compréhension des différentes provinces.

En mai 1959, Mère Germaine-Marie, est élue Assistante générale.
En mai 1965, elle termine son mandat de 6 ans, mais elle reste encore trois ans à la Maison généralice. Ce sont des années de ressourcement, de prière et de travail dans l’ombre.

Janvier 1970 : c’est le retour en Algérie. Elle peut enfin déployer d’une façon inattendue, ses dons artistiques et ses connaissances. Nommée par la congrégation pour suivre l’artisanat et son évolution dans nos ouvroirs en Algérie, elle est bien vite embauchée par la Direction de la Tutelle des S. A .P. (Sociétés Agricoles de Prévoyance). Elle doit constituer un Bureau de Recherche sur les tissages, les broderies, les poteries… tout un trésor qui va se perdre et qu’il faut garder, améliorer, moderniser. Elle y travaille d’arrache-pied.

À la demande du Ministère de l’Agriculture et de la Réforme agraire d’Algérie, Sr Marguerite (elle a repris son nom de baptême, comme la plupart des sœurs après le chapitre de 1969), participe à une étude sur les origines et l’avenir des arts traditionnels dans ce pays. Pays qu’elle parcourt pendant plusieurs années à la recherche d’un artisanat local, en tissage, broderie, poterie et vannerie. Quand on voit les magnifiques albums que le Ministère de l’Agriculture a édités grâce à elle, se doute-t-on de la somme d’efforts persévérants qu’ils lui ont coûtés ? « Jeux de trame en Algérie » 1975 – « Pour un renouveau des Arts populaires en Algérie » 1977 – « À la rencontre de la poterie modelée » 1982.

Seules les personnes qui ont vécu avec elle peuvent mesurer la quantité de travail, de patience, d’humilité aussi, qu’elle a dû déployer pour réaliser ce travail colossal.

En Kabylie, elle va chez une potière, et à partir de l’argile, elle apprend de cette femme, tout le processus de préparation de la poterie.

Sœur Marguerite sait écouter et observer les femmes algériennes, pour s’initier à tous les rouages de cet art traditionnel. Celles-ci d’ailleurs sont à la fois nos maîtres et nos collaboratrices, sans lesquelles le développement assez extraordinaire des ouvroirs, n’aurait pas été possible. Car l’objectif premier des ouvroirs, est la promotion de la femme dans la famille et la société. Le respect du droit des femmes, est indispensable à la reconnaissance de leur dignité, et de leur rôle social.

Certes, la formation et le soutien assurés aux artisans, par le Ministère de l’Agriculture et de la réforme agraire, relèvent d’une politique de promotion socio-culturelle des ruraux. Sœur Marguerite l’a compris depuis longtemps, dans l’attention qu’elle porte à la qualité technique et artistique des produits. Elle veut mettre en valeur le patrimoine national algérien, et lui assurer une audience internationale.

17 années durant, jusqu’a son retour définitif en France, Sr Marguerite se donne « corps et âme », dans ce travail de recherche, d’exploitation et de mise en valeur de l’héritage culturel algérien. C’est à force de démarches pour aller à la rencontre – jusque dans les endroits les plus reculés – de l’art ancestral, qu’elle arrive à faire naître la conscience de la nécessité de la sauvegarde et de la continuité de ce patrimoine.

Elle est très exigeante dans une recherche constante de qualité et d’authenticité, selon le génie propre à l’Algérie, et dans les normes de ses traditions culturelles les meilleures.

Si ce travail de grande envergure qu’elle entreprend, a pour but premier de sauvegarder le patrimoine national algérien, il permet en même temps aux artisan(e)s de travailler à leur propre promotion sociale.

Il faut noter que si l’inventaire de l’art du tissage comme celui de la poterie ou de la broderie, remonte dans le passé pour retrouver les cheminements d’une forme de culture très ancienne, son but est en définitive d’aider à enraciner les créations naissantes, dans un humus authentiquement maghrébin.

C’est vraiment là, peut-on dire, le sens profond de l’œuvre de sœur Marguerite. Et le Ministre de l’Agriculture, Tayebi Larbi, l’a fort justement exprimé dans l’hommage qu’il a rendu à ce travail : « Il nous amène à une connaissance toujours meilleure de l’Algérie et de ses valeurs profondes, celles du lointain passé, et celles d’un avenir qui se tisse au rythme des efforts du présent ».


Sr Huguette Régennass