Justice et Paix

" Je suis homme, l'injustice envers d'autres hommes révolte mon coeur. Je suis homme, l'oppression indigne ma nature. Je suis homme, les cruautés contre un si grand nombre de mes semblables ne m'inspirent que de l'horreur. Je suis homme et ce que je voudrais que l'on fit pour me rendre la liberté, l'honneur, les liens sacrés de la famille, je veux le faire pour rendre aux fils de ces peuples l'honneur, la liberté, la dignité. " (Cardinal Lavigerie, Conférence sur l'esclavage africain, Rome, église du Gesù)

 

NOS ENGAGEMENTS POUR LA JUSTICE T LA PAIX
S'EXPRIMENT DE DIFFÉRENTES MANIÈRES :

En vivant proches des pauvres, partageant leur vie.
Dans les lieux de fractures sociales où la dignité n'est pas respectée.
Dans les communautés de base où chaque personne est responsable et travaille pour le bien commun.
Dans les forums internationaux pour que les décisions prises ne laissent personne en marge.

Dans cette rubrique, nous aborderons différents engagements des Missionnaires d'Afrique, en particulier notre présence auprès des enfants de la rue à Ouagadougou et la défense du monde paysan.

 

Vincent Bolloré en garde à vue
pour des soupçons de corruption en Afrique

Le groupe Bolloré Africa Logistics est incontournable sur le continent africain.
© ERIC PIERMONT / AFP
 

Selon une information rapportée par le journal « Le Monde », Vincent Bolloré a été placé en garde à vue ce mardi 24 avril. L'industriel français est entendu dans les locaux de la police judiciaire de Nanterre pour des soupçons de corruption en Guinée et au Togo. Les activités portuaires de son groupe à Lomé et à Conakry sont mises en cause.

Une question est au centre de cette affaire, pour laquelle une information judiciaire est ouverte : comment le groupe Bolloré a-t-il obtenu les concessions de deux terminaux à conteneurs sur les ports de Lomé et de Conakry ?

Fort soupçon de corruption

 

Un fort soupçon pèse, celui de corruption. L'affaire commence en 2010. Havas, une filiale du groupe Bolloré spécialisée en communication conseille Alpha Condé à l'occasion de la campagne présidentielle guinéenne. La même année, le groupe s'occupe également de la communication de Faure Gnassingbé, candidat à sa réélection au Togo.

Mais voilà, ces missions de conseil auraient été sous-facturées. Le but aurait été d’obtenir en échange de ce service des concessions portuaires très lucratives. Des concessions que le groupe Bolloré obtiendra par la suite.

Documents saisis

Selon les informations du journal Le Monde, cette piste est étayée par des documents saisis au siège du groupe lors d'une perquisition il y a deux ans en avril 2016. Il s’agit donc d’une enquête de longue haleine, dont la garde à vue de Vincent Bolloré dans les locaux de la police judicaire de Nanterre est le dernier épisode en date.

Par ailleurs, le directeur général du groupe Bolloré, Gilles Alix, et le responsable du pôle international de Havas, Jean-Philippe Dorent, ont également été placés en garde à vue mardi à Nanterre aux côtés de leur patron Vincent Bolloré, a appris l'AFP de source judiciaire. « Le groupe Bolloré dément formellement que sa filiale de l'époque SDV Afrique ait commis des irrégularités. Les prestations relatives à ces facturations ont été réalisées en toute transparence », a indiqué de son côté le groupe dans un communiqué.


L'Afrique, un continent stratégique pour le groupe Bolloré

Au niveau de la logistique portuaire, le groupe Bolloré a fait de l’Afrique sa terre d’élection. Il s’y est installé il y a plus de 30 ans. Bolloré Africa Logistics, la filiale du groupe sur le continent gère aujourd’hui, seule ou en partenariat, 16 ports maritimes et une vingtaine de ports secs. Des marchés que le groupe dit avoir gagné grâce à son expertise portuaire, son expérience et son réseau industriel.

Le port de Lomé au Togo. © Getty Images

Le groupe est également concessionnaire de la gestion d’un certain nombre de lignes ferroviaires en Afrique de l’Ouest, mais aussi au Cameroun. Des chemins de fer qui relient souvent les villes portuaires aux capitales des pays traversés.

Le groupe a investi deux milliards d’euros dans ces deux secteurs ces huit dernières années, et il a parfois des positions de monopole, comme en Côte d’Ivoire. Bolloré en Afrique, c’est aussi des plantations, notamment de palmiers à huile dans un certain nombre de pays d’Afrique occidentale et d’Afrique centrale.

C

Un nouveau pas

vers l'abolition de la peine de mort

Nous avons recensé 993 exécutions en 2017, soit 4% de moins qu’en 2016 et
39 % de moins qu’en 2015. Un pas vers l’abolition totale de cette pratique cruelle
et barbare ?

Chaque année nous publions notre rapport annuel sur la peine de mort, rapport
statistique sur l'état de cette pratique partout dans le monde.

Pour 2017 nous avons enregistré au moins 2 591 condamnations à mort dans 53
 pays, ce qui représente une baisse notable par rapport au chiffre record de 3 117
enregistré en 2016. Hélas, ces chiffres n'incluent pas les milliers de sentences
capitales prononcées en Chine, les statistiques en la matière relevant toujours du
secret d’État dans ce pays.

 

« Une lueur d’espoir » en Afrique Subsaharienne

L'Afrique subsaharienne a réalisé d'importants progrès en vue de l'abolition capitales
recensées dans toute la région.

La Guinée est d’ailleurs devenue le 20e État de l'Afrique subsaharienne à avoir aboli
la peine de mort pour tous les crimes, et le Kenya a supprimé le recours obligatoire à
ce châtiment en cas de meurtre.

Le Burkina Faso et le Tchad ont également pris des mesures pour le supprimer en
adoptant de nouvelles lois ou en déposant des projets de loi en ce sens.

 Du fait des progrès enregistrés en Afrique subsaharienne, cette région continue de
représenter une source d'espoir en ce qui concerne l'abolition. Les dirigeants de
certains pays de la région ont pris
des mesures qui permettent d'espérer que le châtiment le plus cruel, inhumain et
dégradant
qui soit sera prochainement aboli.

Nous avons enregistré une baisse du nombre de pays procédant à des exécutions
en Afrique subsaharienne.

https://www.amnesty.fr/peine-de-mort-et-torture/actualites/un-nouveau-pas-vers-
labolition-de-la-peine-de-mort

Ce dernier étant passé de cinq en 2016 à deux en 2017 : le Soudan du Sud et la
Somalie sont les seuls pays à avoir procédé à des exécutions en 2017.
Les informations signalant que le Botswana et le Soudan ont repris les exécutions
en 2018 ne doivent pas faireoublier toutes les avancées réalisées par d'autres pays
dans toute la région.    

En ce qui concerne le reste de l'Afrique, la Gambie a signé un traité international
engageant le pays à ne pas procéder à des exécutions et à s'orienter vers l'abolition
de la peine de mort dans sa législation.

Le chef de l'État gambien a mis en place en février 2018 un moratoire officiel
(interdiction temporaire) sur les exécutions.

 Étant donné que 20 pays de l'Afrique subsaharienne ont à présent aboli la peine
de mort pour tous les crimes, il est grand temps que les autres pays du monde
suivent leur exemple et relèguent dans les livres d’histoires cet abominable châtiment. 

S'ils continuent en 2018 de prendre des mesures pour restreindre le recours à la
peine de mort et pour la supprimer, les pays qui continuent à travers le monde de
procéder à des exécutions vont se retrouver extrêmement isolés.

Lire aussi : Il faut que l'Afrique abandonne la peine de mort

Des avancées notables dans le reste du monde

Les progrès enregistrés en Afrique subsaharienne en 2017 sont représentatifs des tendances positives relevées dans le reste du monde.

Tout comme la Guinée, la Mongolie a aboli la peine de mort pour tous les crimes, ce qui a porté le nombre total de pays abolitionnistes à 106 en 2017. Comme le Guatemala est devenu abolitionniste pour les crimes de droit commun tels que le meurtre, le nombre de pays ayant aboli la peine de mort en droit ou en pratique est passé à 142.

Seuls 23 pays continuaient de procéder à des exécutions, ce chiffre étant inchangé par rapport à 2016 alors même que plusieurs États ont repris les exécutions après une interruption.

D'importantes mesures ont également été prises pour restreindre le recours à la peine de mort dans des pays qui sont pourtant de fervents défenseurs de ce châtiment.

En Iran, le nombre d'exécutions recensées a diminué de 11 % et le nombre d'exécutions de personnes condamnées pour des infractions liées aux stupéfiants a baissé de 40 %. Des mesures ont été prises pour relever le seuil de la quantité minimale de drogue à partir de laquelle la peine de mort est obligatoirement prononcée.

En Malaisie, des lois relatives aux stupéfiants ont été modifiées afin de laisser aux juges une certaine latitude dans le choix de la peine en cas de trafic de drogue. Ces modifications vont vraisemblablement conduire à une réduction du nombre de sentences capitales prononcées dans ces deux pays à l'avenir.

Les mesures prises par l'Iran et la Malaisie pour modifier leur législation relative aux stupéfiants montrent bien que les choses sont en train de changer, même dans la minorité de pays qui continuent de procéder à des exécutions.

L'Indonésie, qui a exécuté quatre personnes condamnées pour des infractions liées aux stupéfiants en 2016, dans le cadre des initiatives mal avisées prises par le pays pour combattre la criminalité liée à la drogue, n'a procédé à aucune exécution l'an dernier et a fait état d'une légère diminution du nombre de sentences capitales prononcées.

Lire aussi : Asie-Pacifique : un chemin encore long vers l'abolition totale

Le combat contre la peine de mort encore d’actualité

Au moins 21 919 personnes dans le monde se trouvent encore sous le coup d'une condamnation à mort.

https://www.amnesty.fr/peine-de-mort-et-torture/actualites/un-nouveau-pas-vers-labolition-de-la-peine-de-mort" data-reactid="355">

Des mesures positives ont été prises en 2017 dont nous pourrons mesurer le plein effet dans les mois et les années à venir.

Cependant, certains pays prennent encore des mesures rétrogrades, ou menacent de le faire, la campagne contre la peine de mort  est d'une importance toujours aussi fondamentale.

Lire aussi : Ces pays qui ont utilisé la peine de mort en 2017

Au cours des 40 dernières années, nous avons assisté à un énorme changement allant dans le bon sens en ce qui concerne le recours à la peine de mort à travers le monde, mais il est nécessaire de continuer d'intervenir de toute urgence pour mettre fin à cette abominable pratique que constituent les homicides commis par l'État.

 La peine capitale s'inscrit dans une culture marquée par la violence et n'apporte aucune réponse.  

Le chemin est encore long pour mettre fin à ce châtiment cruel, inhumain et dégradant.

 Pour plus de détails sur l'Afrique, cliquer sur le lien ci-dessous

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Niger: nouvelles arrestations
de membres de la société civile

L'entrée de la prison de Koutoukalé, près de Niamey, au Niger.
© RFI/Moussa Kaka
 

Au Niger, la manifestation de la société civile prévue ce dimanche 15 avril contre la loi de finances 2018, et interdite par la municipalité de Niamey, n'a pas eu lieu. Plusieurs membres de la société civile ont toutefois été arrêtés dans la soirée.

Ce dimanche 15 avril, les organisateurs étaient invisibles sur les principales places où devaient se tenir la marche et le meeting. Dans la soirée, trois leaders de la société civile ont été arrêtés. Ibrahim Diori de l'Association Alternative espace citoyen, a été arrêté chez lui par des policiers en civil qui sont venus sonner à sa porte. Maïkou Zodi, du mouvement Tournons la page, lui, été interpellé dans la rue, alors qu'il était en voiture. Abdourahamane Idé, membre de la Jeunesse pour une nouvelle mentalité, s'est quant à lui rendu de son propre chef au commissariat, vers 22h30, après avoir été appelé par la police.

Ces arrestations ont eu lieu en marge des manifestations. A l'heure actuelle, les trois hommes n'ont toujours pas été déférés devant le Parquet. Leurs avocats ont néanmoins été notifiés des chefs d'inculpation retenus contre eux : participation à une manifestation interdite et dégradation de biens publics. Pourtant, ils n'ont pas été interpellés durant les rassemblements.

Ce lundi matin, Mohamed Bazoum, le ministre de l'Intérieur a expliqué au téléphone qu'ils avaient pu être arrêtés, en tant que responsables de la manifestation. Comme ce sont eux qui ont déposé auprès des autorités, la demande officielle, par conséquent, ils sont « comptables », selon le ministre, de tout ce qui advient durant le rassemblement. Il s'appuie pour cela, sur la loi de 2004, qui régit le droit de manifester.

22 militants en détention

En l'occurrence, la manifestation de ce dimanche était interdite, pour des raisons de sécurité, car elle était prévue de nuit. Pour Mamane Kaka Touda, responsable de la jeunesse d'Alternative espace citoyen, tout est cela est une interprétation un peu tordue de la loi de 2004 : « La loi 2004 exige aux autorités de prendre une décision, un arrêté motivé. Nous pensons que le fait de dire que dans l’après-midi, vous n’avez pas le droit de marcher, ce n’est pas une motivation parce que, quand la Constitution du Niger qui est la loi fondamentale, reconnaît la liberté de manifestation, nulle part dans la Constitution, il n’est écrit qu’il faut manifester le matin et non l’après-midi. On a fait six manifestations pacifiques à Niamey, c’est la discipline des organisateurs qui a fait en sorte que la sécurité a été assurée. Ils n’ont jamais mis même cinq ou dix policiers pour régler la marche. Ça, c’est un des  arguments juste pour, de manière systématique, tuer la démocratie. Et je pense que c’est peine perdue parce qu’ils vont continuer à arrêter les gens parmi nous et nous allons nous battre ».

Le mouvement de mobilisation a pris du plomb dans l'aile. Depuis le 25 mars, la plupart de ses leaders ont été arrêtés. Avec les dernières arrestations, cela porte à 25 le nombre d'interpellations. Les principaux dirigeants du mouvement de contestation sont derrière les barreaux depuis près de 15 jours, dispersés dans des centres de détention en dehors de Niamey. Et ils le resteront jusqu'à la fin de l'instruction de leur dossier, a confirmé Mohammed Bazoum qui rappelle que le gouvernement est droit dans ses bottes. « Nous sommes un Etat et nous avons des lois, a-t-il conclu. Rappelant que toutes les manifestations de jours depuis le mois de janvier ont été autorisées ».

Pour le moment, j’ignore ce qu’il leur est reproché. Mais tout est parti de cette interdiction opposée par la délégation spéciale de la ville de Niamey par rapport à la tenue de la manifestation.

Yinoussa Djimraou, secrétaire général du Mouvement patriotique pour une citoyenneté responsable (MPCR) 16-04-2018 - Par Clémentine Pawlotsky

Burkina Faso: dans les écoles,
le sentiment d’insécurité s’inscrit dans la durée

Les élèves d’une école primaire dans le village de Loumbila, au nord de Ouagadougou, au Burkina Faso, le 23 novembre 2004.
© ISSOUF SANOGO/AFP

Au Burkina Faso, toujours pas de nouvelle de l'enseignant enlevé jeudi au nord du pays. Il se trouvait dans l'école de Bouro dans la commune de Nassoumbou, à une trentaine de kilomètres de Djibo quand il a été enlevé par des hommes armés qui ont tiré en l'air en  scandant « Allah Akbar ». Les pressions et menaces sur les écoles de la région du Sahel au nord du Burkina sont fréquentes.

Dans cette région, plus d'une centaine d'écoles sont fermées. Les deux provinces touchées sont celles du Soum et celles de l'Oudalan. Depuis la rentrée scolaire de septembre, deux à trois attaques ont lieu chaque mois dans ces régions. Les hommes armés arrivent généralement à moto, font irruption dans la cour et menacent verbalement les enseignants. Cette semaine, les assaillants sont allés plus loin. Dans une école, ils ont enlevé un instituteur et tué un élève. Dans une autre, ils ont saisi tout le matériel pédagogique avant de le brûler.

Face à l'insécurité grandissante, l'Unicef et ses partenaires burkinabè se mobilisent. Depuis plusieurs mois, ils ont mis en place un programme de soutien aux écoles, aux instituteurs et aux élèves, comme l’explique Karim Sankara, administrateur du programme protection de l'enfant et éducation pour l'Unicef, à Dori : « Les écoles, la plupart du temps, ne sont pas des écoles qui sont clôturées. Donc n’importe quelle personne peut passer à l’intérieur de l’école. L’idée c’est de sécuriser les écoles avec les populations pour empêcher par exemple le passage ou aussi renfoncer la sécurité des enseignants. Pour pouvoir faire face à leur propre stress, mais aussi d’être capable de pouvoir accompagner les élèves lorsqu’ils sont mis devant une situation par exemple de gens quand ils veulent les enlever à l’école ».

 

En raison  de l'insécurité, 21% des écoles du Soum et 17% de celles de la région de l'Oudalan sont fermées. Le sentiment d'insécurité s'est inscrit dans la durée. Certaines écoles n'ont pas ouvert leur porte depuis septembre 2017, une situation qui affecte directement 11 000 élèves, selon les données récoltées par l'Unicef.

Les métis, forcément suspects

 
 
par

Directeur de recherche à l’Institut de recherche pour le développement (IRD), à Paris.

La récente querelle entre les footballeurs Mbappé et Assou-Ekotto a relancé le débat sur la double appartenance culturelle. Les métis de naissance suscitent des sentiments contradictoires, entre racisme, rejet assumé ou inconscient, admiration et fantasmes. De manière implicite ou explicite, ils sont souvent sommés de renoncer à une nationalité.

Tribune. Le 21 février, le président français Emmanuel Macron recevait à l’Élysée son homologue libérien George Weah. Il avait réuni autour de l’ex-Ballon d’or des personnalités du monde du football dont, notamment, le jeune prodige du Paris-Saint-Germain Kylian Mbappé. Ce beau monde devisait sur un projet de développement du sport en Afrique, déclenchant sur Twitter l’ire caustique de Benoît Assou-Ekotto, joueur des Lions indomptables du Cameroun.

Le métis franco-camerounais a ainsi raillé « les joueurs européens d’origine africaine qui portent le continent dans leur cœur et qui veulent aider le sport africain tout en s’empressant de jouer pour une sélection européenne ».

Piqué au vif, Mbappé, dont la mère est algérienne et le père camerounais, a pour sa part ironisé sur « ces joueurs du continent […] qui veulent aider le sport africain tout en se battant avec un coéquipier sur la scène internationale [lors de la Coupe du monde en 2014 au Brésil] ».

 

Cette querelle en apparence puérile entre Assou-Ekotto et Mbappé laisse apparaître en filigrane quelques-unes des questions essentielles que pose la double appartenance culturelle. Si les débats autour de ceux que l’on nomme – parfois abusivement – « les binationaux » occupent les médias, le cas spécifique des métis de naissance – et leur place dans nos sociétés – est un sujet peu abordé. Entre racisme, rejet assumé ou inconscient, admiration et fantasmes, les métis suscitent des sentiments contradictoires, les non-dits le disputant aux discours ambigus.

« Identité métisse »

Pourtant, ce métissage est une réalité sociale forte sur le continent depuis le milieu des années 1950. À l’orée des indépendances, en effet, des vagues successives de jeunes Africains vont se former en Europe et aux États-Unis. Leur retour au bercail rime avec l’arrivée en nombre de couples mixtes. Des générations denses de métis succèdent ainsi à des naissances plus éparses et plus isolées par le passé.

Dans des lieux de socialisation comme les écoles françaises se créent des réseaux et des codes que les jeunes métis partagent avec la progéniture des élites africaines et des expatriés, deux catégories sociales dont ils se distinguent néanmoins.

Karim Wade a fait les frais d’une identité métisse perçue comme ambivalente, ambiguë, suspecte

Deux catégories entre lesquelles aussi, de manière implicite ou explicite, ils sont souvent sommés de choisir. Parce que cette « identité métisse » doit s’accommoder du regard particulier des sociétés africaines et occidentales. En Afrique, l’identité métisse est d’abord affaire de caractéristiques physiques et de distinction sociale, qui alimentent les fantasmes et suscitent des attentes spécifiques.

Fils de l’ex-président sénégalais Abdoulaye Wade, Karim Wade a été au centre d’un scandale politico-financier qui lui a valu d’être condamné en 2015 à six ans de prison avant d’être gracié puis exilé au Qatar. Curieusement, pour justifier leur ressentiment envers celui qu’ils avaient surnommé « le ministre du Ciel et de la Terre », les Dakarois mettaient aussi en exergue sa méconnaissance du wolof, qu’ils assimilaient à un déficit d’« intégration ». Karim Wade aura peut-être payé cher sa filiation, mais il a aussi fait les frais d’une identité métisse perçue comme ambivalente, ambiguë, suspecte.

Gommer la part blanche

En France, le cas de Philippe Ebanga, responsable du département sécurité maritime, fluviale et aérienne de Total, dévoile une autre facette de la question. En 2012, nommé porte-parole de la marine française, cet autre métis franco-camerounais est présenté par la presse comme le « premier Noir » à occuper cette prestigieuse fonction. Parler du « énième Vendéen » n’aurait pas été inapproprié…

Quand on est l’élément exogène, on doit faire un peu d’effort : sans se renier, s’intégrer au groupe déjà constitué », affirme Philippe Ebanga

Mais, ici, on n’hésite pas à gommer la part blanche des métis, ce qui est parfois mal vécu. « Mon père est noir ; j’en suis fier. Mais dire que je suis noir revient à nier l’existence de ma mère », confie Pierre, un cadre franco-gabonais. « Français de souche » par l’un de ses parents, le métis devrait être perçu comme français quel que soit son lieu de naissance.

Pour réaliser son rêve de devenir officier, Ebanga a, lui, fait le choix, symboliquement fort, de renoncer à sa nationalité camerounaise. « Quand on est l’élément exogène, dit-il, on doit faire un peu d’effort : sans se renier, s’intégrer au groupe déjà constitué. » Son parti pris est à l’opposé de celui d’Assou-Ekotto. Nul ne peut l’en blâmer : « aider l’Afrique » – et donc opter pour le continent – n’est pas une obligation.

Certains se réapproprient l’assignation à se présenter comme « d’origine africaine », pourquoi seraient-ils moins d’origine européenne ?

C’est une décision personnelle, certes dictée, peu ou prou, par le poids du regard extérieur. C’est ce que le sociologue américain Charles Cooley nommait en 1902 le « looking-glass-self », la manière de se construire à travers le regard d’autrui. Certains se réapproprient l’assignation à se présenter comme « d’origine africaine », parfois en dépit du bon sens – pourquoi seraient-ils moins d’origine européenne ?

C’est le cas d’Assou-Ekotto qui le fait avec une délectation manifeste. Au point d’emprunter aux illuminés des stades de football leur rhétorique à connotation raciste pour s’en prendre à ceux de ses homologues qui n’auraient pas effectué le bon choix : le sien. Accommodant une citation de Victor Hugo à sa sauce, il moque ainsi « [le] lion qui imite [le] lion [et] devient un singe ». Ce qui est révélateur d’un malaise profond. Et si Mbappé n’était que le miroir inversé de l’errance identitaire d’Assou-Ekotto, et l’agressivité de ce dernier envers les « siens », l’illustration d’un doute identitaire ?

J’ai gagné le droit de ne pas choisir », disait Yannick Noah

Lorsque, en novembre 2011, Obama reçoit à la Maison-Blanche Ian Khama, le président du Botswana, ils échangent moult amabilités de circonstance. Fils du premier président Seretse Khama, Ian est né de l’union – qui défraya la chronique dans les années 1950 – entre un étudiant en droit venu du Bechuanaland et une jeune secrétaire britannique, Ruth Williams. Seretse Khama dut renoncer à son titre royal pour sa dulcinée. Obama et Khama n’abordèrent pas le sujet de leur proximité identitaire. Un silence volontaire porteur de sens. Yannick Noah disait en 1989 : « J’ai gagné le droit de ne pas choisir. »