Missionnaires d'Afrique
JPIC/RD

Andreas Göpfert, M.Afr
Mali

La Province de l'Afrique de l'Ouest et l’engagement
en faveur de JPIC-RD

Malgré la concision de son sigle, la PAO (Province d’Afrique de l’Ouest) couvre un territoire immense. D’une extrémité à l’autre, il fait des milliers de kilomètres : de Nouakchott à Zinder, 3.686 km ; de Kidal à Abidjan, 2.204 km. Six nations, comptant au moins 150 groupes ethniques et langues, dont beaucoup chevauchent les frontières, font la richesse et la diversité de la Province. Alors, quel est l’engagement en faveur de JPIC-RD (Justice, Paix, Intégrité de la Création -Rencontre et Dialogue) des confrères de cette Province si vaste et si riche de tant de diversités culturelles et religieuses, socio-politiques et économiques ?

Comment traduire concrètement la vision de la Société des Missionnaires d’Afrique dans une action pastorale qui tienne compte de l’histoire des terroirs, des mutations en cours dans le monde rural et le monde urbain, des intérêts divergents, des besoins et ambitions des individus, des groupes humains homogènes et hétérogènes, des populations et des nations entières ?

Comment être sel de la terre et lumière du monde dans une action commune avec les agents pastoraux et les communautés chrétiennes et dans la collaboration avec d’autres groupes, structures et institutions de toute religion et conviction ? Comment faire face à l’insécurité grandissante dans la région ? C’est un défi pour tous les confrères et toutes nos communautés parsemés sur ce vaste territoire.

Si le lecteur attend, en lisant cet article, une ou plusieurs réponses toutes faites, il risque d’être déçu. Certes, la Province compte déjà des acquis, surtout l’engagement de tous les confrères, les uns à la base, et certains dans des structures spécifiques. Mais certains de ces acquis sont fragiles et vulnérables face aux multiples changements et aux mutations que connaît la région. Voici un petit aperçu de ce qui est en train de se faire au cours de cette année pastorale 2014-2015.

En septembre 2014, douze confrères de la Province se sont rencontrés à Sikasso pour réunir leurs forces en vue de mieux sensibiliser, animer et encourager tous les confrères de la Province. Étaient présents les représentants des commissions JPIC-RD des quatre secteurs de la Province, des représentants des structures tenues par les Missionnaires d’Afrique, telles que “Foi et Rencontre” (cfrbamako.eu.pn) et “l’IFIC” de Bamako, le “Centre Sénoufo” de Sikasso (senoufo.blog.fr?; www.senoufo.com), le “SEDELAN” de Koudougou (www.abcburkina.com).

Au cours de la rencontre, nous avons fait un tour de table de tout ce qui se réalise déjà dans les communautés, dans des maisons de formation, et à travers les autres structures des Missionnaires d’Afrique. Chacun des participants était surpris de la diversité des engagements et de la multitude des réalisations. En même temps, nous nous sommes aperçus que nous ne sommes pas assez au courant de ce que “les autres”, confrères et structures, réalisent dans la même Province. Le manque de concertation et de collaboration, le manque d’échange d’expériences, le manque de continuité dans les actions consécutives à des changements du personnel, la faible communication, l’ignorance, l’attachement aux idées préconçues et aux habitudes, et bien d’autres obstacles se dressent sur notre chemin. Cela diminue notre capacité à être des acteurs crédibles de la justice, de la paix, de la réconciliation, de la sauvegarde de l’environnement, de la rencontre et du dialogue.

Après échange et réflexion, prenant en considération les diversités et les particularités du milieu, et portant attention aux différents défis politiques, religieux et sanitaires de la région, nous avons ciblé un thème qui mobilise et guide tous les confrères dans leur contexte spécifique :

“Conscients de l’insécurité dans nos milieux de vie, soyons des artisans de paix.”

L’insécurité vient de plusieurs sources : les courants extrémistes religieux, l’instabilité sociopolitique, l’environnement dans lequel nous vivons (insalubrité, sachets plastiques, déboisement), la santé (précautions en face de la maladie du virus Ébola), l’alimentation déficiente, la circulation routière, etc. Bref, l’insécurité dans chaque situation où la paix peut être menacée.

Comme moyens pour la réalisation de ce thème dans nos milieux respectifs, nous proposons : planifier une animation des confrères ; s’informer de toutes les formes d’insécurité ; être vigilants, prudents, et ne pas provoquer nos auditoires par nos paroles (homélies, discours, etc.) ; favoriser une entraide intersectorielle et intercommunautaire pour la formation (établir une liste des personnes ressources) ; proposer un dépliant contenant les questions JPIC-RD pour l’animation de nos récollections ; diffuser les outils existants dans les domaines concernés ; nous éduquer à la paix (par exemple, à l’occasion des rencontres des secteurs, forums, rencontres occasionnelles des communautés).

À la suite de la rencontre, chaque communauté a reçu des documents d’animation concernant l’éducation à la paix. Actuellement, il est un peu tôt pour faire une évaluation de ces initiatives qui sont mises en route par des confrères. Tous ont-ils pris à cœur le thème proposé et essaient-ils de l’intégrer dans leurs activités pastorales ? Quant à nos différentes structures œuvrant en faveur de JPIC-RD, elles ont déjà commencé à mieux collaborer.

En analysant notre milieu, d’autres préoccupations
surgissent et demandent un discernement sérieux :

Dans des contextes de crise, le “marché” de paix, réconciliation, interreligieux, environnement et migration est en plein boom. Autrement dit, ça rapporte bien ! Il suffit d’assimiler le jargon employé par les organismes internationaux, de faire un joli projet en promettant le renforcement des capacités, et l’argent coule en abondance. Sous couvert de partenariat, les initiatives locales à la base sont soutenues financièrement, mais on cache que les acteurs sur le terrain ne sont que de simples exécutants, des signataires lors des ateliers et séminaires. Le versement des per diem soulage et permet de satisfaire certains besoins des participants, mais les grosses dépenses du projet partent ailleurs. En œuvrant pour JPIC-RD, quelle voie suivre pour ne pas compromettre notre rôle de prophètes ?

Face à de nouvelles menaces et adversités qui ciblent les Églises et leurs membres, est-ce que notre Société, et en particulier notre Province, favorise et développe la capacité de résilience des confrères, pour qu’ils puissent faire face à ces situations traumatisantes, par exemple par la qualité des relations, le soutien fraternel, la vie communautaire renforcée, la communication et le partage ?

Est-ce que notre Société développe les aptitudes des confrères à faire face aux événements troublants, par exemple par la capacité d’adaptation, la souplesse au changement, la résistance au stress, la qualité de la communication, les rituels, les célébrations, la spiritualité, les compétences interreligieuses, etc. ?

L’engagement en faveur de JPIC-RD fait partie de notre vie missionnaire. Dans le passé, cet engagement n’était pas toujours bien compris, mais actuellement, nous sommes ressourcés et réconfortés par le témoignage du pape François et par ses écrits si pertinents. Malgré les nombreux obstacles rencontrés, gardons la joie et l’espérance en tout ce que nous entreprenons au niveau de JPIC-RD.

Andreas Göpfert, M.Afr

 

Tiré du Petit Echo N° 1060 - 2015/04