Étudiants, religieux, panafricanistes… Qui sont les soutiens du capitaine Ibrahim Traoré ?

Arrivé au pouvoir il y a plus de trois mois, le jeune président de la transition burkinabè bénéficie toujours d’un appui populaire hétéroclite. Décryptage.

Par  - à Ouagadougou
Mis à jour le 19 janvier 2023 à 08:31
 
 

 traore

 

Le capitaine Ibrahim Traoré lors d’une cérémonie pour les 35 ans de l’assassinat de Thomas Sankara, le 15 octobre 2022, à Ouagadougou. © OLYMPIA DE MAISMONT / AFP

 

 

Il était presque comme chez lui. Ce mardi 17 janvier, le capitaine Ibrahim Traoré, ancienne figure de la puissante Association nationale des étudiants du Burkina (Aneb), était de retour sur les bancs de l’université de Ouagadougou, où il était encore inscrit en Sciences de la vie et de la terre il y a une douzaine d’années. Sur place, le jeune président de la transition, 34 ans, a été accueilli chaleureusement, comme c’est le cas lors de la plupart de ses déplacements.

Sa légitimité populaire, Traoré la tire d’abord des Assises nationales qui avaient rassemblé, le 14 octobre, deux semaines après sa prise de pouvoir, environ 300 représentants de l’armée et de la police, des organisations coutumières et religieuses, de la société civile, des syndicats, des partis politiques ainsi que des déplacés internes victimes des attaques jihadistes.

Dialogue avec la classe politique

« Ibrahim Traoré a fait l’objet d’un consensus des forces vives de la nation lors des Assises nationales. Il bénéficie du soutien de tous les acteurs politiques mais il doit se tenir à équidistance des différents partis, assure un cadre du Congrès pour le progrès et la démocratie (CDP). Les jeunes officiers gardent leurs distances avec la classe politique, afin de ne pas être accusés d’être proches de tel ou tel camp. Cette réserve vis-à-vis de la classe politique est la bienvenue. Dès qu’une autorité de transition prend position, elle déclenche les hostilités. »

À LIREAu Burkina Faso, qui sont les hommes du capitaine Ibrahim Traoré ?

Malgré le maintien de la suspension des activités politiques par le nouveau pouvoir, le dialogue avec la classe politique ne semble pas rompu. D’après nos sources, une commission mixte, instaurée par le régime du lieutenant-colonel Damiba pour élaborer le calendrier de la transition, peaufine actuellement ses conclusions. Elle devrait rendre son rapport au Premier ministre, Apollinaire Kyelem de Tambéla dans les jours à venir.

Appuyé par des leaders musulmans…

Plus de trois mois après son arrivée aux affaires, le capitaine Ibrahim Traoré, que certains n’hésitent pas à comparer à Thomas Sankara, bénéficie toujours d’un véritable soutien populaire. « Nous soutenons Traoré parce que c’est un patriote qui incarne une rupture. Il sait se mettre à l’écoute de la rue. En 100 jours au pouvoir, il a montré sa volonté de mieux faire et de prendre en compte les aspirations du bas peuple », confie Monique Kam, dirigeante du Mouvement M30 Naaba Mogho, qui lutte contre la présence de la France au Burkina Faso.

Celui qui est officiellement le plus jeune chef d’État au monde est aussi appuyé par des religieux, en particulier par des leaders musulmans. Le 13 janvier, au lendemain de sa visite à Bobo-Dioulasso, les cheikhs de la ville lui ont exprimé leur soutien en organisant une grande prière pour la paix sur la place Tiéfo Amoro. Sur les réseaux sociaux, cette scène a rapidement suscité un tollé chez certains, qui y ont vu le signe d’une confusion entre l’État et la religion. « C’est une stratégie de pénétration et d’implantation, même si la majorité de ceux qui s’égosillent dans les audios haineux et les prêches enflammés n’en savent peut-être rien », a estimé, sur sa page Facebook, Newton Ahmed Barry, ancien journaliste et ex-président de la Commission nationale électorale indépendante (Ceni).

… et protégé par des panafricanistes

Dans le milieu de la société civile, des mouvements panafricanistes, qui appellent Ibrahim Traoré à rompre avec la France et à se tourner vers la Russie, entendent s’ériger en gardiens de la transition. Et pour cause : entre les discours pro-russes et le ton ferme employé à l’égard des partenaires occidentaux, le régime des capitaines répond, à leurs yeux, aux aspirations du peuple burkinabè. « Le collectif des organisations de la société civile panafricaniste, qui a vu le jour récemment, est l’un de ses soutiens de taille », glisse un membre de la Coalition des patriotes du Burkina Faso (Copa BF), qui milite contre la présence française dans le pays.

À LIREBurkina Faso : manifestation anti-française, drapeaux pro-russes et tension à Ouagadougou

Fin décembre, quand le régime de Traoré a affirmé avoir déjoué une tentative de déstabilisation du redouté lieutenant-colonel Emmanuel Zoungrana, ces mouvements panafricanistes avaient été les premiers informés. Avant cela, fin novembre, de nombreux partisans d’“IB” étaient sortis dans les rues de Ouaga pour soutenir la transition, après qu’un message audio évoquant une tentative de coup d’État avait circulé sur les réseaux sociaux.