« On n’a plus que nos yeux pour pleurer » : le choc après l’attaque d’un convoi de ravitaillement au Burkina Faso 

Analyse 

Un convoi qui devait ravitailler la population de Djibo est tombé, lundi 26 septembre, dans une embuscade. Au moins onze soldats ont été tués, une cinquantaine de civils sont portés disparus. De Djibo à Ouagadougou, les Burkinabés sont consternés par l’ampleur de cette attaque.

  • Ludivine Laniepce, correspondante à Ouagadougou (Burkina Faso), 
« On n’a plus que nos yeux pour pleurer » : le choc après l’attaque d’un convoi de ravitaillement au Burkina Faso
 
Des personnes déplacées à l'intérieur du Burkina Faso attendent de l'aide à Djibo, le 26 mai 2022.SAM MEDNICK/AP

Une poignée d’hommes silencieux et impuissants. Face à eux, en file indienne le long d’une route, des dizaines de camions éventrés et renversés brûlent. Des cabines fantômes et des armatures encore rougeoyantes, un sol parsemé de monticules de marchandises perdues. Seule une colonne de fumée noire, à perte de vue, relie encore les véhicules entre eux.

Les vidéos amateurs donnent une idée de la violence du choc qui s’est déroulé lundi 26 septembre, en début d’après-midi, à quelques dizaines de kilomètres de Djibo, chef-lieu de la province du Soum, dans la région du Sahel (dans le nord du Burkina Faso).

Ce convoi de ravitaillement, composé de plus d’une centaine de véhicules et escorté par le quatorzième régiment interarmes de l’armée burkinabée, a été « la cible d’une attaque lâche et barbare », selon les mots du porte-parole du gouvernement, Lionel Bilgo, non loin de Gaskindé. Dans son bilan provisoire, il fait état de « 11 corps de militaires retrouvés, 28 blessés (…) et d’une cinquantaine de civils portés disparus ». Les dégâts matériels sont considérables.

La ville de Djibo encerclée

« On dirait que dans ce pays, on n’a plus que nos yeux pour pleurer, déplore Boukary (1), un membre de la société civile de Djibo, de retour des lieux du drame et encore sous le choc. Je suis allé faire mes constats mardi. Il y avait encore beaucoup de blessés parmi les transporteurs et les habitants. »

Encerclée depuis février par des groupes armés terroristes, la ville est une souricière pour les 350 000 personnes qui s’y trouvent. « Nous dépendons des convois et des escortes de l’armée pour nous nourrir, mais aussi pour entrer ou sortir de la ville. C’est pourquoi beaucoup de civils se trouvent dans ces convois, explique Hama (1), un habitant de Djibo. Des femmes, des enfants, des écoliers ou des étudiants, des commerçants… Ici, nous n’avons plus rien à manger, plus un sac de quoi que ce soit chez les commerçants… »

De plus en plus de convois attaqués

Dans la capitale, les images diffusées sur les réseaux sociaux échauffent les esprits. « Quand on voit ces tonnes de vivres parties en fumée, on voit aussi ce que les gens de Djibo n’auront pas, et donc de quoi elles manquent depuis des mois, et ça fait mal, déplore un responsable d’ONG burkinabée sous couvert d’anonymat. On est aussi en droit de se demander si ce convoi était sécurisé par des moyens aériens suffisants. »

À cette question, le lieutenant-colonel Yves Didier Bamouni, à la tête du Commandement des opérations du théâtre national, assurait il y a quelques semaines à La Croix :«Nous avons des moyens aériens pour assurer le suivi et la protection de ces convois. » II expliquait alors que pour ravitailler une ville comme Djibo, il faut passer par la route mais «les groupes armés terroristes guettent les passages pour mieux les attaquer. » Une stratégie qui a pris une ampleur dramatique depuis le début de l’été.

L’armée burkinabée, qui a déployé des renforts dans la zone, mène des opérations de sécurisation. Selon des sources sécuritaires locales, le convoi de ravitaillement du lundi 26 septembre aurait été victime d’embuscades menées simultanément par des dizaines d’hommes armés à moto. Plusieurs personnalités de la société civile redoutent que le bilan officiel fasse état de dizaines de victimes civiles supplémentaires.

(1) Les prénoms ont été modifiés.