Nigeria : ce qu’a fait Buhari pour les entreprises

« Buhari, le bilan économique » (2/5). Cadre réglementaire, fiscalité, maillage des entreprises… Le chef de l’État a signé cinq initiatives pour clarifier l’environnement des affaires.

Mis à jour le 4 août 2022 à 14:10
 
 
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Muhammadu Buhari signe le projet de loi sur l’industrie pétrolière à Abuja, le 16 août 2021. © Nigeria Presidency/Handout via REUTERS

 

Selon un proverbe yoruba du sud-ouest du pays, « c’est dans les marmites noires que l’on fait la bouillie blanche », une sentence utilisée pour illustrer une des pages plus satisfaisantes du bilan de Buhari. Alors que la situation économique globale du pays est plutôt sombre, les cinq principales politiques en faveur des entreprises présentées ci-dessous ont été cruciales pour la croissance du commerce et de l’esprit d’entreprise au Nigeria.

. Companies and Allied Matters Act (CAMA) 2020

En août 2020, Muhammadu Buhari signe ce texte de loi relatif aux entreprises et à leur environnement de travail. À l’époque, le cabinet de conseil KPMG salue la première mise à jour complète du droit nigérian des sociétés depuis 30 ans.

La nouvelle loi renforce l’efficacité de l’enregistrement des entreprises, modernise l’administration grâce à l’utilisation des nouvelles technologies et réduit les obstacles réglementaires pour les petites et grandes entreprises.

« Cette loi a changé la donne », estime Otuyiga Olasunkanmi, associé du cabinet d’avocats Templars, « en particulier pour les petites et moyennes entreprises (PME) et les jeunes entreprises technologiques. »

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Des dispositions telles que la possibilité pour une société privée de n’avoir qu’un seul actionnaire ou directeur, le relèvement du seuil de définition des petites entreprises à 120 millions d’euros de chiffres d’affaires et 60 millions d’actif net (au lieu de 2 millions d’euros de CA et un actif net inférieur ou égal à 1 million d’euros actuellement), l’abrogation de l’obligation de tenir des assemblées générales annuelles, de nommer des auditeurs ou un secrétaire de société, ont réduit les goulets d’étranglement réglementaires pour les petites entreprises au « strict minimum », selon M. Olasunkanmi.

La reconnaissance des registres électroniques, de l’enregistrement, du transfert des actions et des réunions pour les sociétés privées a renforcé la facilité et l’efficacité des affaires dans le pays.

. Petroleum Industry Act (PIA)

Bien qu’il dispose des deuxièmes réserves prouvées de pétrole brut d’Afrique, le secteur pétrolier nigérian contribue peu (7,24 % en 2021) au PIB du pays, en raison de la faible production de pétrole, des vols de pétrole à grande échelle, de la baisse des prix mondiaux des produits de base et de l’instabilité du régime de change du pays.

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La loi sur l’industrie pétrolière (Petroleum Industry Act, PIA) promulguée en août 2021 après 20 ans de plaidoyer en faveur de son adoption, vise à optimiser son potentiel, alors même que le pays tente de diversifier ses sources de revenus. La transparence et l’adaptation des structures de gouvernance du secteur pétrolier sont des priorités de cette loi. Elle définit également des cadres juridiques, réglementaires et fiscaux en des termes qui constituent l’une des tentatives les plus audacieuses de refonte du secteur pétrolier au Nigeria, selon PricewaterhouseCoopers.

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Uwa Osadiaye, vice-président senior, analyste pétrolier et gazier chez FBNQuest, explique que le PIA est un bon texte de loi, compte tenu des nombreux problèmes critiques qu’il aborde. Il pense qu’il s’agit d’une base solide pour développer le secteur, même si des ajustements pourraient être apportés ultérieurement.
Estimant l’impact de la PIA sur les perspectives d’investissement dans le secteur, M.Osadiaye ajoute qu’il n’y aura peut-être pas une ruée d’investissements étrangers importants dans le secteur pétrolier en raison de la transition énergétique induite par le changement climatique, mais la loi crée un cadre réglementaire et fiscal clair pour les projets pétroliers et gaziers en cours et futurs, comme la raffinerie Dangote et le projet Train 7 Gas.

La loi facilitera certainement les investissements étrangers dans le domaine du gaz. La production d’électricité à partir du gaz devrait également bénéficier d’un afflux accru de capitaux privés et d’entreprises, dit-il.

Finance Act 2020

La loi de finances 2019 avait été signée pour moderniser les lois fiscales, promouvoir l’équité fiscale, introduire des incitations fiscales pour les entreprises locales et les investisseurs étrangers intéressés par les infrastructures et les marchés de capitaux et soutenir les petites et moyennes entreprises.

Il s’agissait surtout de clarifier le rapport entre taille de l’entreprise et taux d’imposition : les petites entreprises, dont le chiffre d’affaires est inférieur à 25 millions d’euros, sont exemptées de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et de l’impôt sur le revenu des entreprises (IRPE).
Les entreprises qui fabriquent localement des produits sanitaires et alimentaires de base sont également exemptées de TVA. Les entreprises de taille moyenne qui paient leur CIT [impôt sur le revenu des personnes morales, ndlr] 90 jours avant la date limite peuvent bénéficier d’un bonus fiscal de 2%, contre 1% pour les autres. Une mesure qui tend à atténuer la double imposition.

La loi de finances 2020 continue dans cette veine de clarification du cadre fiscal, en prévoyant notamment un engagement électronique entre les autorités fiscales et les entreprises, de sorte qu’elles puissent répondre, à distance, à une convocation du tribunal d’appel fiscal.

. Presidential Power Initiative (PPI)

Ce projet est un accord gouvernemental signé entre le président Buhari et son homologue allemande, Angela Merkel, en 2018, afin de faire passer la capacité électrique opérationnelle du Nigeria de 5 000 MW actuellement à 25 000 MW.
Les entreprises nigérianes perdent plus de 2,6 milliards de dollars par an à cause du manque de fiabilité du réseau électrique. En effet, seuls 55,4 % des Nigérians ont accès à l’électricité contre 84,4 % des Africains du Sud, 85,9 % des Ghanéens et 100 % des Égyptiens, selon la Banque mondiale.

La mise en œuvre du projet vient à peine de commencer en raison des perturbations liées au Covid-19 et de certains désaccords sur le contenu local et le degré d’automatisation notamment. La capacité opérationnelle du pays (de la production à la distribution) devra atteindre 7 000 MW après sa première phase dans 18 mois, puis 11 000 MW au terme de la deuxième phase et enfin 25 000 MW après sa troisième et dernière phase.

Plus de 80 % des entrepreneurs nigérians citent le manque de fiabilité du réseau électrique comme principal obstacle à leurs activités. Le PPI, s’il est mené à bien, réduira considérablement la charge des entreprises, contraintes de produire elles-mêmes la majeure partie de l’énergie dont elles ont besoin.

. National MSME Clinics

Cette initiative gouvernementale rassemble les agences fédérales pour faciliter leur engagement auprès des micro, petites et moyennes entreprises (MPME, MSMEs en anglais, ndlr) à travers le pays afin de supprimer les goulots d’étranglement réglementaires, de communiquer les politiques du gouvernement, de stimuler les entreprises locales et d’encourager la croissance dans plusieurs secteurs de l’économie.

Les domaines critiques que ce programme couvre sont l’accès au financement, l’enregistrement des entreprises, l’enregistrement et la certification des produits, la diffusion d’informations, l’acquisition de compétences/le renforcement des capacités, l’accès au marché et la conformité fiscale.

Depuis son inauguration en 2017, le programme a enregistré plus de 600 000 MPME. Son fonds de survie conçu pour aider les MPME à surmonter le choc de la pandémie a déboursé plus de 64 milliards de naïras (soit 151 millions d’euros) et bénéficié à plus de 900 000 entreprises, avec un accent mis sur les entreprises détenues par des femmes et celles ayant des besoins spécifiques, selon le gouvernement.

Le Shared Facility Scheme, qui fait partie du dispositif MSME Clinics, est conçu pour réduire les coûts opérationnels des MPME en fournissant un accès partagé abordable aux équipements essentiels tels que l’électricité, l’Internet et les machines. De telles installations ont été créées dans les États d’Anambra, d’Imo, d’Edo, de Benue, de Gombe et de Lagos, dans des zones présentant un avantage comparatif.

Selon Atiku Samuel, expert en politique publique à l’International Budget Partnership, essayer de reproduire la co-création qui a très bien fonctionné pour l’écosystème des startups technologiques dans l’espace MPME est un moyen louable de stimuler la productivité. Il pense que ça peut être la solution pour faire croître l’économie, surtout si elle réussit à toucher plus de 40 millions de petites entreprises dans le pays. « L’idée est aussi d’améliorer le niveau des informations qui remontent au gouvernement, pour qu’il adapte ses politiques ou ses interventions sectorielles aux besoins réels du terrain », explique M.Samuel.