Procès de l'assassinat de Sankara: premières auditions des témoins extérieurs

 

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La statue géante corrigée du capitaine Thomas Sankara dévoilée à Ouagadougou, le dimanche 17 mai 2020 (image d'illustration). RFI/Yaya Boudani

 

Au procès de l’assassinat du président Thomas Sankara, l’audition des témoins résidents hors du Burkina Faso a démarré ce lundi 10 janvier. Aziz Fall Salmone et Thierry Secretan ont été entendus par visioconférence. 

Avec notre correspondant à Ouagadougou, Yaya Boudani

Le professeur Aziz Fall, le coordinateur du comité international justice pour Thomas Sankara, est revenu sur ce qu’il considérait comme de « prétendus complots » qui devaient servir d’alibi aux hommes de Blaise Compaoré pour passer à l’acte. « Il y avait le complot de 20h et Gilbert Diendéré devait semer la zizanie entre les deux gardes, en faisant croire que Boukari Kaboré dit "le lion" préparait un coup d’État contre Thomas Sankara ». 

Le témoin souligne que des Libériens lui auraient aussi révélé avoir aperçu Blaise Compaoré au Conseil de l’entente, le 15 octobre 1987, alors que celui-ci affirmait être dans son lit, pour cause de maladie.

De son côté, Thierry Secretan, journaliste et proche de l’ex-président ghanéen Jerry Rawlings, précise que Thomas Sankara avait rassuré Jerry Rawlings qu’il pouvait gérer la situation. « Plusieurs fois, il a refusé la médiation de l’ex-président ghanéen », fait savoir le journaliste.  À la suite du coup, il soutient que Jerry Rawlings était convaincu de la culpabilité de Blaise Compaoré dans la mort de Thomas Sankara. « Pour Rawlings, il s’agit d’un coup bien cordonné et déclenché par Blaise Compaoré 

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« Mais quel était le mobile du coup d’État ? », demande un avocat des parties civiles. « Blaise Compaoré avait certaines frustrations sur le fait que Thomas Sankara soit le numéro un, alors qu’il l’avait sorti de prison, en 1983 », insiste Thierry Secretan.

Le témoignage post-mortem du témoin Salif Diallo

Un autre témoignage constitue selon Aziz Fall une pièce maitresse de cette affaire : celui de Salif Diallo, ancien président de l’Assemblée nationale décédé en août 2017. Il était le directeur de cabinet de Blaise Compaoré à l’époque des faits, et avait été entendu par le juge d’instruction en 2016. Sa déposition a donc été lue lors de l’audience hier.

Au juge en 2016, Salif Diallo a dit avoir cru longtemps à l’innocence de Blaise Compaoré sur la mort de Sankara. Jusqu’en ce jour de février 1988 où Blaise Compaoré lui a confié une lettre à transmettre à un chef d’État de la sous-région, sans citer de nom.  

Pour maitre Prosper Farama, avocat de la famille Sankara, ces révélations de Salif Diallo confirment le rôle de Blaise Compaoré et les ramifications étrangères dans l’assassinat de Thomas Sankara.

« Salif Diallo fait partie des personnages qui, le 15 octobre, ont été le plus en contact avec Blaise Compaoré. Bon, quand il dit qu'il est allé remettre un colis à un chef d'État, il l'aurait ouvert devant lui en lui disant clairement que c'est ce qui arrive à ceux qui s'en prennent au vieil âge, sous-entendu Houphouët-Boigny. Je pense que si Blaise l'envoie voir un chef d'État avec un courrier de ce genre, qui parle de l'assassinat de Thomas Sankara, c'est parce que quelque part lui aussi a été un homme de confiance de Blaise Compaoré. »

À son retour de la mission, Salif Diallo explique que Blaise Compaoré lui aurait défendu de répéter à quelqu’un d’autre ce qu’avait déclaré ce chef d’État, car il ne serait pas en mesure de le protéger.