Récits de prison - Récits de liberté



Ayant le désir de vivre la foi chrétienne en Algérie

nous avons fait la démarche de demander à tous les chrétiens vivant ici, comme dans le récit des disciples d’Emmaüs :

« De quoi parliez-vous en chemin ? »,

c’est-a-dire, de quoi sont nourries nos rencontres, nos échanges,

nos méditations.


L’Eglise Catholique étant autorisé par l’Algérie à rendre visite aux prisonniers qui se sont déclarés chrétiens en entrant en prison.

Nous leurs avons aussi demandé de nous livrer leurs récits.

Les aumôniers aussi en parlent.

En voici des témoignages inattendus d’une partie du Peuple de Dieu.



Les villes citées, en gras et entre parenthèses,

correspondent aux nom des sièges des diocèses.




L’ensemble des récits et des nouvelles sur l’année interdiocésaine

se trouvent disponibles sur le site : www.eglise-catholique-algerie.org


GROUPE 12 (Constantine)
G12R1 : La prison tambour de la vie

Moi, la prison, elle m'a donné beaucoup d'idées. Avant, je ne savais pas. Parce que y'a des choses que je faisais avant en croyant que c'était bien alors que c'était mal. Merci à Dieu de m'avoir mis en prison car il m'a sauvé, il m'a fait connaître le bien et le mal.

La condamnation est quand même très dure, c'est long. La prison est une école, un tambour de la vie, et on doit remercier Dieu de nous avoir sorti de la mauvaise route, parce que y'a des choses qu'on croit mal mais qui nous font du bien. Peut-être serais-je mort depuis longtemps si j'avais continué ? Je suivais la vie seulement, sans penser à ce qui va arriver. Toujours on remercie Dieu. Malgré toutes les difficultés, que Dieu nous donne le bonheur.

G12R2 : Obéissance

Je suis du Nigeria. J'ai quitté mon pays à l'âge de 21 ans. J'ai commencé à voyager dans beaucoup de pays. Le dernier où je suis entré était l'Algérie. Avant que je ne vienne, mon père m'avait demandé d'arrêter de voyager et il m'avait recommandé de commencer à faire quelque chose au pays. Mais jamais je n'ai écouté mon père quand j'étais au Nigéria. Je n'ai jamais écouté mes parents quand ils me disaient quelque chose. J'étais très têtu. J'ai donc désobéi et je suis venu en Algérie. La première ville où je suis arrivé s'appelle Tamanrasset. J'ai téléphoné à un contact qui m'a amené à sa maison. Le lendemain, la police est venue et elle a découvert de la drogue dans la maison où j'étais hébergé. C'est comme ça que j'ai été arrêté et envoyé en prison pour quelque chose dont je n'étais même pas au courant.

Ca m'a fait comprendre, d'abord qu'il ne faut pas désobéir à ses parents ; ensuite qu'il faut savoir être content de ce qu'on a : débrouille-toi avec et Dieu t'aidera ; enfin, j'ai appris à être patient dans la vie. Quand je sortirai de cette prison, je mettrai ma confiance en Dieu et ne ferai plus jamais rien contre la loi.

G12R3 : Une leçon de vie

Ma vie en Algérie m'a donné beaucoup d'idées dans ma vie et beaucoup de conseils. Ça m'a changé tous mes comportements et mes idées parce que ça m'a fait souffrir. Ça m'a fait connaître beaucoup de choses. Ça m'a fait voir des choses que je n'avais jamais vues dans ma vie. Donc la vie d'Algérie m'a donné une leçon de vie mieux comme la souffrance est un conseil. Elle m'a fait changer de comportement, d'idées, de faire ce qui est bon et de laisser ce qui est mauvais dans la vie. Maintenant je prie Dieu de me donner un bon sommeil, de laisser tout ce qui est mauvais, de faire tout ce qui est beau.

G12R4 : Me remettre dans les rails

Ça fait maintenant un bon moment que je suis en Algérie. J'ai vécu beaucoup d'expériences durant mes années en Algérie et je pense que toutes ont d'une manière ou d'une autre renforcé ma foi en la vie. Je crois que l'expérience que je vis maintenant, je veux dire celle de la prison, est voulue par Dieu, pour me faire regarder en arrière, me souvenir d'où je viens et savoir où je veux aller.

Parce que, en fait, c'est comme si j'avais déraillé, si j'étais sorti du chemin que je devais faire, comme si j'avais oublié la raison pour laquelle le Seigneur avait ouvert sur moi la porte de ses bénédictions.

En un certain sens, je suis content que cela soit arrivé, je veux dire que je sois en prison, parce que ça m'a vraiment aidé à réfléchir, et à reprendre la trace dont j'étais sorti. Maintenant, Dieu, aide-moi ! Amen.

G12R5 : Le déclenchement d'une vie nouvelle

Je suis en Algérie depuis un bout de temps. Mais ma vie spirituelle, maintenant, je la vis autrement. Quand j'étais dehors, en liberté, mon niveau de foi était très bas, très alourdi. Depuis que je suis entré en prison en 2010, et particulièrement suite aux visites du père X et aux autres frères rencontrés ici, j'ai partagé la Parole de Dieu avec eux, je sens que mon niveau de foi a augmenté et par la grâce de Dieu même ma connaissance biblique a évolué par rapport à quand j'étais dehors.

« Dieu châtie tous ceux qu'il aime afin qu'ils puissent changer leur vie » (Ap 3,19). Pour moi, la prison, c'est le déclenchement d'une vie nouvelle, c'est le piston par lequel le Seigneur a fait que je puisse à nouveau approcher de lui et revivre dans la foi.

« La foi est une ferme assurance de choses qu'on espère, une démonstration de celles qu'on ne voit pas. » (Heb 11,1) ce qui fait que j'ai maintenant l'assurance et l'espoir d'une nouvelle vie, cela grâce à cette détention.

J'ai compris que c'est Dieu qui est le maître de la vie. « Quand j'étais une masse informe, tes yeux me voyaient et sur ton livre étaient inscrits avant les jours qui m'étaient destinés » (Ps 119,16) Maintenant j'ai compris que je peux demander à Dieu de m'accorder sa grâce en me faisant éloigner de la fausseté et de la parole mensongère. « Qu'il ne me donne ni la pauvreté ni la richesse, mais qu'il m'accorde le pain qui m'est nécessaire » (Prov 30,7).

G12R6 : Un lieu fort de mon ministère

Depuis cinq ans, je viens deux fois par mois dans cette prison. Ce n'est pas moi qui l'ai voulu. C'est le diocèse qui me l'a demandé.

Les premières fois, c'était très difficile, surtout la sortie. La dernière minute où chacun se précipitait vers moi pour me supplier d'appeler sa femme à l'autre bout du monde, de parler au directeur, de faire ceci ou cela. Sortir ensuite alors que les autres restaient, avoir moi seul le privilège de revoir le soleil ! Entendre toutes ces souffrances, des années sans nouvelle des familles, les pressions pour se convertir, les violences, ... Et ne pas pouvoir répondre à toutes leurs attentes, ne pas avoir le droit de faire ce qu'ils me demandent.

Aujourd'hui, je peux dire que la prison est un des lieux qui m'encouragent le plus dans mon ministère. La rencontre de ces hommes qui ont ce courage, cette dignité, cette persévérance, cette fidélité, ce sourire malgré leurs épreuves, cette foi dans le Seigneur, cette assiduité dans la méditation des Écritures.

Dans l'enfer de la prison, je vois des oasis de fraternité, de liberté intérieure. C'est une grande chance pour moi d'être témoin de cela. Je rends grâce.


GROUPE 14 (Alger)
G14R1 : Dieu est ma vie

Un jour, je me suis trouvée en prison dans un box avec des algériennes. A l’heure où j’ai entendu la sentence du jugement, j’ai eu envie de mourir et de me laisser mourir. J’ai pensé à mes enfants et à mon mari.

Pas de téléphone, pas d’heure, pas de visite, tristesse et dépression - seule avec moi avec la peur des autres prisonnières, des gardiennes et tout le monde...

Je connaissais un peu Dieu mais maintenant je le connais bien plus.

Avant je ne priais pas. Je n’avais pas confiance en Dieu. Même au début où j’étais ici. Je n’avais pas confiance à Dieu. Puis cette confiance a grandie beaucoup. Maintenant, je sais surtout dans mon cœur qu’Il existe et cette confiance grandit encore beaucoup.

L’appel à la prière des musulmans : je ne me suis pas laissée influencer mais inviter et rappeler à prier dans mon cœur notre prière à Dieu de Jésus Christ sans me tourner vers la Mecque.

Le manque de liberté a fait grandir l’espoir et le désir de cette liberté perdue et recherchée. Il a fait grandir en moi ma liberté intérieure, personnelle. Je ne suis pas la même avec ma vérité.

Je suis davantage solide dans la tolérance, avec la patience et ma persévérance.

J’ai duré 10 ans ici, il me reste encore 5 ans. Je remercie Dieu pour le bien qu’il me fait. Il me donne la santé et la patience. Je le remercie aussi beaucoup de la visite de vous (Aumôniers) qui nous aidez à tenir et nous réconfortez avec la Parole de Dieu chaque lundi. Dieu est tout pour moi, même si les jours sont tous pareils ici, monotones : tout passe et Dieu est ma vie.

G14R2 : Notre Relation avec le Personnel de la Prison

Même munis de notre Autorisation en tant qu’Aumôniers : « Permis de Communiquer », il nous a fallu à 2 reprises nous rendre à la Cour Suprême, pour justifier de notre désir de nous rendre chaque semaine à la prison d’El Harrach. Cependant, à la toute 1ère visite de Présentation, nous avions été accueillis les bras ouverts par l’Autorité compétente avec les mots : « Bienvenus, on vous attend, on a besoin de vous ». Notre désir et décision de visiter chaque semaine, en alternance les hommes et les femmes, a permis de nous faire connaître et reconnaître, par le Personnel présent aux différents points de passage.

Notre persévérance et régularité, depuis plus de 2 ans à deux, a permis d’établir la confiance. Ils deviennent plus accueillants, attentifs à nous-mêmes et respectueux pour notre travail. Ils nous renvoient notre façon d’être : « vous nous aidez, ils sont plus calmes quand vous êtes passés » ; « votre simplicité, votre sourire nous réjouissent » ; « vous nous donnez à voir un bon côté de votre religion que nous ne soupçonnions pas » ; « 2 personnes de nationalité étrangère, venir les mains vides, pour rencontrer des chrétiens et la prière, cela est un apport nouveau et apprécié.

En conclusion, nous deux, avons le plaisir d’être là, pour les prisonniers chrétiens et de continuer en développant un contact chaleureux avec tout le Personnel.


G14R3 : Ma vie en prison, dont j’ai tiré avantage

C’est une histoire magnifique et une bonne nouvelle de victoire dans ma vie aujourd’hui.

Le Dieu Tout Puissant s’est manifesté dans ma vie. Je vivais une vie misérable, dehors, dans la cage d’un fumeur de drogue, appelé drogué, prisonnier spirituel, comme avide de sexe, ivrogne, lascif, prostitué. Mais le Dieu Tout Puissant m’a sauvé du plan de l’ennemi dans ma vie, et m’a transformé en un enfant de Dieu. Dieu a dit à son peuple « Vous devez être saints, car Moi, votre Seigneur et votre Dieu je suis Saint (Lévitique 19,2). Plus je lis les Ecritures, plus j’en viens à connaître Dieu : « Nous sommes transformés en cette même image, de gloire en gloire » 2 Corinthiens 3,18. Une priorité est ajoutée : connaître Dieu en esprit et en vérité est quelque chose qu’Il fait en nous quand nous suivons son chemin. Nous ne pouvons en aucun cas le mettre à notre crédit car Lui seul le rend possible. Aujourd’hui, je suis une nouvelle personne dans le Seigneur. Ma peur, ma détresse, ma frustration, mon désarroi, mon échec, ma faiblesse, ma servitude, mon emprisonnement spirituel, ma haine et toutes les forces du mal ont été enlevés de ma vie, et restaurés : puissance, faveur, bénédiction, renouveau, force, paix, joie, habitation heureuse, avancée, onction, liberté, entièreté et succès véritable dans ma vie, grâce à Dieu. Je ne suis plus le même. Je marche en présence de Dieu où tout prend sens. « Je rendrai grâce parce que je suis terriblement et magnifiquement créé » Psaume 139,14. « Que je mange ou que je boive, quoi que je fasse, je le fais pour la gloire de Dieu » 1 Corinthiens 10,31. J’ai été sauvé en prison. « C’est pourquoi je vous exhorte, frères et sœurs, par la miséricorde de Dieu, à offrir vos personnes en sacrifice vivant, saint et agréable à Dieu : c’est là votre culte spirituel » Romains 12,1.

Rappelez-vous toujours ceux qui sont en prison. Faites votre devoir pour eux en envoyant des Bibles ou n’importe quel livre chrétien, par le prêtre ou par quelqu’un qui a l’habitude de les visiter. Priez aussi pour eux. L’argent n’est pas tout. Et obéissez aux lois de l’Algérie. Ne commettez pas de crime dont vous savez qu’il sera terrible pour vous. Demandez à Dieu sa miséricorde et sa grâce.


GROUPE 30 (Constantine)
G30R1 : La paix malgré les blasphèmes

Le jour du match Cameroun-Tunisie, toute la salle était pour la Tunisie, sauf un chef qui était avec moi. Quand le Cameroun s’est qualifié pour la Coupe du monde, mon émotion était telle que j’ai tapé de joie de toutes mes forces sur le mur... et je me suis cassé la main.

Quand je suis entré en prison en 2010, j’étais le seul black. J’étais étonné de voir des gens qui blasphèment quand ils se fâchent, au lieu d’insulter les autres. A chaque fois, ça me blesse le cœur. C’est là que j’ai ressenti le besoin d’avoir une Bible. J’ai écrit au prêtre d’Oran pour lui dire que je voulais absolument qu’un prêtre plus proche vienne nous voir. Mais notre courrier ne sortait pas. Alors avec les autres blacks arrivés par la suite, on a demandé ensemble à voir le directeur. Deux mois plus tard, des réponses ont commencé pour la première fois à nous parvenir, et un père a commencé à venir, envoyé par le père d’Oran. Il m’a apporté une Bible, et depuis je dors bien, je peux méditer et trouver la paix même quand j’entends ces blasphèmes. Je prie, je trouve la paix, je fais des rêves qui se réalisent. Y’a encore un rêve qui ne s’est pas réalisé, que ma Cassation était acceptée. J’attends encore, sereinement.

Je vois que Dieu ne nous a pas oubliés. On s’est retrouvés à plusieurs blacks dans un même bloc, on a parlé ensemble au responsable (ils ont eu peur d’un mouvement collectif). Dieu était avec nous, il ne dort jamais, ce qu’il fait pour nous est bon, le Père M. vient, on reçoit des lettres, on n’est plus perdus.

G30R2 : Triste, mais content

Bismillah Errahman Errahim, Au nom de Dieu le Tout Miséricordieux. Je suis musulman. Je suis entré en Algérie en 2008. Deux mois après, j’étais en prison, à Tamanrasset, puis à Babar.

C’est dur, j’ai écrit beaucoup de lettres, mais je n’ai jamais eu de réponse. Je pense qu’elles n’ont jamais été envoyées. Je suis triste parce que personne de ma famille ne sait que je suis ici. Je m’en remets entre les mains de Dieu qui connait toute chose.

Les seules lettres que j’ai reçues, c’est celles du Père M. Quand je voulais venir à la rencontre avec les autres prisonniers noirs, l’Administration ne voulait pas. Pourquoi ? Je ne veux pas devenir chrétien ! J’ai insisté, alors ils ont dit oui. Je suis content.

G30R3 : Sans famille oui, sans Dieu non

La seule expérience que j’ai à partager est celle-ci : Quand je regarde ma vie, je m’aperçois que Dieu est là et veille toujours sur moi. Ici en prison, j’ai réalisé combien Dieu est proche, bien que je ne puisse ni le voir ni entendre sa voix.

J’ai aussi observé que, pour un chrétien, vivre au milieu de personnes de religion différente peut être une grosse épreuve, avec beaucoup de discrimination. Tu ne peux demeurer dans ta foi et ta religion que par la grâce de Dieu. Il y a des gens qui vous offrent des cadeaux ou des faveurs pour vous faire changer de foi. Vous ne pouvez être sûr de votre foi que quand vous avez vécu et traversé ce qu’on vit ici. Depuis 2008 que je suis en prison, je n’ai reçu ni lettre ni message de ma famille. Aussi je puis attester qu’un homme peut vivre sans sa famille, mais qu’il ne peut pas vivre sans Dieu.

G30R4 : Dieu nous ramènera sur notre terre

J’ai vu la fin d’un juste et aussi celle d’un pécheur. Je crois qu’il y a plus de bien à être juste, comme dans cette prison où Dieu est bon pour moi en toutes choses. Je crois que si je fais ce que désire Dieu Tout Puissant, il aura pitié de moi et me sortira de cette prison, parce qu’il a dit dans le livre du prophète Jérémie (Jr 42,12) : « Je vous montrerai la miséricorde, et qu’il peut avoir pitié de vous et vous faire retourner sur votre terre. »

C’est pourquoi je crois qu’être juste est très très bon et que, quoi que vous demandiez, Dieu le fera pour vous, et qu’à chaque fois que viendra la tentation, Dieu vous donnera la force de la surmonter et vous délivrera de tout mal.

Je vous demande ainsi qu’à l’Eglise de nous aider en priant Dieu de nous délivrer de cette prison, parce que le livre de Jérémie (Jr 33, 3) dit : « Invoque moi et je te répondrai, je te montrerai de grandes choses que tu ne connais pas. »

G30R5 : La liberté m’avait aveuglé et fait prendre du retard

L’expérience que j’ai envie de partager, c’est l’amour lointain de mes proches auxquels je pense toute la journée, et mes lectures bibliques qui me remontent le moral certains jours de désespoir. C’est ma croyance et mes prières qui me permettent de tenir. J’ai pris conscience que la liberté m’avait aveuglé, j’ai accumulé beaucoup de retard pendant toutes ces années de liberté.

De temps à autre, j’ai l’impression d’être abandonné, puis tout à coup du fond de mon subconscient monte le sentiment de n’être pas abandonné. J’ai eu du mal à m’adapter, je ne me doutais pas que c’était si difficile de se retrouver cloîtré pour des années. Des fois, je pensais tout arrêter pour avoir la paix du cœur, mais il y a cette petite voix intérieure qui surgit je ne sais d’où et me fait chasser les mauvaises pensées. Pourquoi le Tout-Puissant me fait-il passer par là, quelle est la leçon à en tirer ? Des questions je m’en pose tout le temps, je reconnais avoir péché, mais est-ce le prix à payer pour ma faute ?

Je ressens une forte émotion en lisant certains passages bibliques. Quand je lis le récit de ce que le Seigneur Jésus-Christ a accompli et accomplit encore pour nous, je trouve réconfort. Des pensées qui me tourmentaient depuis le début de mon incarcération se sont évaporées à force de prier, lire, rêver, écrire.


 

GROUPE 40 (Constantine)
G40R1 : Jamais tout seul !

Depuis mon entrée dans cette prison, je me croyais abandonné, tout seul ; quelqu’un a dit : il a tout perdu ! Je suis resté couché dans mon lit. Mon frère africain me dit : Ne sois pas trop triste, nous sommes là. C’est un moment de la vie. Cà va passer !

Chose étonnante pour moi. Mes camarades me disaient : il y a un prêtre qui vient le lundi. Et moi, dans ma tête, j’attendais de voir ce prêtre. Et un lundi, j’ai vu le prêtre ; nous avons échangé des mots. Il m’a donné des mots qui me réconfortaient. Je me suis rendu compte que je pouvais envoyer des messages à ma famille et j’ai compris que je n’étais plus tout seul. Et quand j’ai compris cela, je me suis rapidement rappelé d’un chant : Jamais tout seul ! Tout le temps où je suis stressé, je chante ce chant et c’est un réconfort.

J’ai compris que même dans une prison, Dieu pouvait envoyer quelqu’un nous secourir. On n’est jamais tout seul. Car Jésus notre Sauveur nous garde.

Ce que j’ai acquis des Algériens maintenant : la remarque, plus dans le sens négatif. Je me suis rendu compte que nous sommes différents de tout ce qu’ils sont. Ils nous démontrent que nous sommes différents d’eux, jusqu’au niveau le plus minimum, jusqu’au manger... jusqu’à être rassasiés (allusion aux paniers venus des familles algériennes). Ils pensent quand même à nous donner les déchets (comme pour le chat à la maison ! rires). Ce que j’ai compris de ces gens, la soumission. Pour obtenir quelque chose d’eux, il faut être plus hypocrite qu’eux pour s’en sortir dans cette prison.

Ce que je veux de l’Eglise : qu’elle nous soutienne, parce que, dans nos têtes, nous sommes perdus où nous sommes ; dans cette prison, il n’y a que l’Eglise et Dieu pour nous soutenir ; que Dieu donne des forces aux dirigeants de l’Eglise.

G40R2 : Qu’on nous donne une canne à pêche

Dans le monde entier, il y a des règles qui régissent et organisent la vie dans les prisons. Ici en Algérie, les gens se comportent en « donneurs de poisson ». Oh peuple d’Algérie, combien de temps nous donnerez-vous du poisson ? Quand nous enseignerez-vous comment pêcher dans votre pays ?

Ils aiment leurs compatriotes plus que les étrangers. L’un des problèmes auxquels je dois faire face est la santé : les traitements médicaux et les questions de nourriture sont très mal gérés. Beaucoup de détenus ne menant que ce que leur apporte leur famille lors des visites. Et les familles leur versent de l’argent sur leur compte pour acheter le nécessaire à la cantine. Mais nous personne ne vient nous voir sauf le prêtre qui vient chaque lundi et nous porte secours pour le plus urgent, et nous voulons dire combien ça nous est précieux. Il prend soin de nous comme des parents de leurs enfants. L’amour et la compréhension qu’il manifeste à notre égard me font comprendre, dans ma vie en Algérie, qu’il y a plus de liberté dans la vie chrétienne que dans la vie musulmane. Je ne me sens jamais mieux que quand est avec nous le prêtre qui nous rend visite, et qui nous manifeste attentions et prévenance et subvient à certains de nos besoins les plus urgents. Merci encore au prêtre qui nous a fourni les Saintes Ecritures et nous aide à être plus proche de la Parole de Dieu. Son seul défaut est de ne pas être très fort en anglais ce qui empêche de lui partager tout ce qu’on ressent. Que Dieu le garde et lui fasse faire des progrès.

G40R3 : Avec un trio de jeunes Algériens

La première fois que je rentre en prison, je suis venu au greffe... je mets les empreintes.

1° question : Parlez-vous français ou arabe ?

2° question : Je suis musulman ou chrétien ?

Chose étonnante : pourquoi je ne parle pas arabe. Mon pays a été colonisé par les Français. Je parle donc français.

Le greffier : il faut que tu sois musulman. Ma réponse : chacun est libre de croire en Dieu comme il l’entend.

Ils m’ont envoyé dans la salle : n° d’écrou...la salle où je dois partir... Dans la salle, j’ai trouvé un frère subsaharien, tous les autres sont Algériens. Je me suis étonné quand je suis arrivé... Les Algériens sont différents de peau, « donc cette salle est pour les Algériens pas pour les Noirs » (réflexion des détenus algériens). Même question : musulman ou chrétien ? J’ai dit : chrétien. « Pourquoi je ne prie pas avec eux... ? » je me suis rendu compte que ceux qui venaient à peine de faire la prière, ils insultaient Dieu. Réponse de leur part : « Pourquoi ? C’est normal ! »

A peine trois mois en prison, j’ai fait connaissance avec trois Algériens dans la même salle que moi. On se partage tout ensemble : fruits, nourriture, vêtements, ... Ils ne font pas la différence. On discute ensemble. Une fois, des frères algériens se sont fâchés contre eux : « Pourquoi vous partagez avec les babayes ? » Réponse du trio : « Non, c’est normal, c’est un être humain ». Tous, ce sont des jeunes. Mais dans la chambre, qu’est-ce qu’ils disent ? « Il ne faut pas faire confiance aux Noirs, parce que ce sont des animaux, des singes. » Après, on s’assoit ensemble, chrétiens et musulmans. On est ce qu’on est, chrétiens ou musulmans. On se réunit entre nous pour parler de leur prophète et du nôtre.

G40R4 : Un bon musulman reconnait la religion chrétienne

J’ai été étonné du fait qu’un Algérien me fasse comprendre que le musulman qui ne reconnait pas la religion chrétienne n’est pas un bon musulman. Je me retrouve le plus souvent en pleine méditation sans toutefois faire attention, entendre le plus souvent une voix qui m’appelle, ne sachant pas qui. Je ressens en ce moment une présence divine dans mon instinct.

Il m’arrive des moments dans ces conditions que je vis de me sentir libre plus que ne l’étais grâce à certains signes ou rêves dont je vis momentanément. Je suis convaincu qu’il y a un Esprit protecteur à tout moment où l’on se trouve. Nous, chrétiens d’Algérie, nous sommes mal vus par la majorité du peuple de ce pays à cause de son manque de bon enseignement en religion. Cela me pousse à un effort d’être et vivre un peu comme le dit la religion chrétienne catholique. En ce quoi concerne ce que j’attends de l’Eglise, je veux que l’Eglise soit plus ouverte au peuple algérien afin de mieux faire comprendre, à ceux qui veulent bien sûr, que le prophète et Messie est bel et bien le Christ Jésus. J’attends aussi beaucoup de l’Eglise un tout petit soutien du côté de la justice aux chrétiens détenus et surtout en détention préventive, puisque c’est un calvaire à vivre, et que je le vis présentement. Sans tout oublier le grand soutien que nous porte le père G grâce à la main puissante de Jésus-Christ donnée par le Père Tout-Puissant. Je tiens aussi à encourager l’Eglise chrétienne catholique d’Algérie de continuer dans cette voie. Comme on dit : Quelle que soit la durée de la nuit, le soleil finira par briller.

G40R5 : Etre des modèles pour nos frères musulmans

Ces derniers temps, quoi de neuf ? Une joie et une peine : une naissance et une prison.

J’ai été étonné de voir qu’il y a encore une population qui ne réfléchit vraiment pas (jeunesse), qui ne connait pas les interdits de la vie commune.

Ca nous a poussés à essayer de faire comprendre à ceux qui nous sont proches certaines bases du vivre-ensemble.

Cela nous a rendus très confiants envers la foi en Dieu ; nous ajuster un peu plus dans notre façon de vivre.

L’expérience qui a modifié notre vie ou notre regard de croyants est qu’on a été obligés de nous conduire en dignes musulmans pour changer la vie de nos co-religieux qui vivent avec nous.