Mali: le gouvernement veut négocier, les jihadistes accepteront-ils?

Un oued dans le massif du Tigharghar.

Un oued dans le massif du Tigharghar.
 Photo RFI / Guillaume Thibault

Au Mali, l’information fait grand bruit depuis le début de la semaine, le gouvernement de transition a donné mandat au Haut conseil islamique pour amorcer un dialogue avec les groupes jihadistes maliens qui sévissent dans le pays. Le Jnim (Groupe de soutien à l’Islam et aux musulmans) d’Iyad Ag Ghaly, et la Katiba Macina d’Amadou Koufa, qui en est une composante. Il ne s’agit pour l’instant que d’une « mission de bons offices » qui doit établir le contact. L’objectif final, c’est de trouver des positions communes pour mettre un terme aux attaques et aux combats qui ensanglantent le pays depuis près de dix ans. Si cette option du dialogue pose de nombreuses questions, notamment sur les contours envisageables d’un tel accord, la première des questions qui se pose est la suivante : les groupes jihadistes sont-ils prêts à entamer de telles discussions ?

Ni la Katiba Macina, ni le Jnim, ni Aqmi, leur maison-mère, n’ont encore réagi officiellement.

Plusieurs éléments incitent à croire qu’ils peuvent accueillir favorablement l’offre de dialogue du gouvernement malien. D’abord parce que des contacts sont régulièrement, et de longue date, établis, notamment lorsqu’il s’agit de faire libérer des otages. 

C’était le cas il y a un an, lors de la libération de Soumaïla Cissé, de Sophie Pétronin et de deux Italiens. Les services maliens de renseignement étaient alors en contact direct avec des cadres du Jnim, en particulier Seidane Ag Hitta, l’un des lieutenants d’Iyad Ag Ghaly. 

Au début du mois, c’est la religieuse colombienne Sœur Gloria qui a été libérée et, cette semaine encore, le Premier ministre Choguel Maïga a affirmé que des discussions étaient menées actuellement pour les otages toujours détenus.  

Mais il ne s’agit là que de négociations ponctuelles, sur un point précis, avec un objet de discussion unique et bien délimité, pas de pourparlers devant définir les différents moyens d’établir la paix à long terme.

Le précédent Niono

De telles négociations existent pourtant déjà, à l’échelle locale : dans le cercle de Niono, le Haut conseil islamique a obtenu en mars dernier un accord de cessez-le-feu inédit avec les combattants de la Katiba Macina. 

Accord fragile, il a été rompu et de nouvelles discussions peinent à le remettre sur pied, mais qui n’aurait pas été possible sans l’aval de la hiérarchie de ces combattants : Amadou Koufa, pour la Katiba Macina, et au-dessus de lui Iyad Ag Ghaly, pour le Jnim. 

Préalable de taille

Ces chefs jihadistes accepteront-ils d’amorcer au niveau national ce qu’ils ont tenté localement ? Dans un communiqué de mars 2020, le Jnim envisage sérieusement cette possibilité, mais pose un préalable de taille : que les soldats français et les Casques bleus de la Minusma quittent le Mali. Une manière d’ouvrir et de fermer la porte dans le même temps.

Aujourd’hui encore, en dépit des fortes tensions diplomatiques accumulées depuis le coup d’État militaire d’août 2020 et qui n’ont cessé de se renforcer ces dernières semaines, entre Bamako et la communauté internationale, les autorités de transition ont jusqu’ici rappelé leur volonté de poursuivre leur coopération avec la France et avec tous leurs partenaires.  

Rapport de force

Enfin, les groupes jihadistes ne sont actuellement pas en position de faiblesse sur le terrain. S’ils subissent régulièrement des pertes, leur présence -dans le centre du Mali- notamment ne cesse de se renforcer, certaines parties du territoire passant même sous leur contrôle.

Le ministre malien des Affaires étrangères Abdoulaye Diop a d’ailleurs invoqué la semaine dernière la situation sécuritaire pour justifier un éventuel report des élections censées marquer la fin de la Transition.

Pas sûr donc que ces groupes trouvent leur intérêt à ouvrir aujourd’hui des négociations de paix. À moins qu’ils ne profitent de l’actuel rapport de force pour tenter d’imposer au maximum leurs conditions.

Les veuves de militaires veulent négocier avec les jihadistes 

Tout juste cent militaires maliens ont été tués dans des attaques terroristes pour le seul premier trimestre de cette année, selon les chiffres de la Mission des Nations unies dans le pays, Minusma. Leur nombre total n’a pas pu être indiqué par l’armée, mais les convois militaires, les casernes et les postes de gendarmerie sont des cibles privilégiées des groupes terroristes.

Dans la ville-garnison de Kati, Djeneba Keita préside la Fedavem, qui rassemble les associations des veuves de militaires : « Le fait de négocier avec Iyad Ag Ghaly et Amadou Koufa est une très bonne chose. On a perdu nos maris, on a perdu beaucoup d’enfants, dans cette guerre asymétrique (terroriste, ndlr). Trop de tueries, il faut que ça cesse maintenant. » 

De telles négociations portent par nature le risque de l’impunité, des combattants jihadistes responsables d’attaques meurtrières pouvant être amenés à bénéficier d’amnistie. Mais pour Djeneba Keita, ce n’est pas un obstacle : « Non, je n’ai pas peur ce ça. Les jihadistes sont nos parents aussi (ils sont Maliens, ndlr). Eux ils meurent, nous aussi nous mourons… Ce qui est fait est fait. Nous pardonnons. Dieu est grand, et Dieu est là pour nous tous. » 

La représentante des veuves de militaires maliens indique même sa disponibilité pour participer aux négociations.