Histoire

La repentance de Mathieu Kérékou (7 à 11)

 

En février 1990, les Béninois, lassés de la révolution marxiste-léniniste, réclament du changement.

Après 18 ans de pouvoir sans partage, Mathieu Kérékou accepte le dialogue et la tenue d’une conférence nationale souveraine des forces vives de la Nation avec ces mots : « Nous sommes venus nous confesser. Ce type de conférence est rare en Afrique. Et la fierté du Bénin, c’est d’avoir dans cette salle ses anciens présidents. Il ne faut pas trahir l’Afrique. Si cette conférence échoue, le Bénin tombera dans le chaos. »

 

Mathieu Kérékou, la révolution (3&4)

30 novembre 1975. Le Dahomey, nom jugé à consonance trop coloniale, est rebaptisé Bénin. Après l’instabilité politique et sociale qui règne dans le pays depuis son accession à l’indépendance, les officiers supérieurs renversent le régime civil avec son conseil présidentiel et décident d’instaurer l’option marxiste-léniniste. À sa tête, un certain commandant Mathieu Kérékou.

Le nouvel homme fort du pays a décidé dans cette période de guerre froide de tourner le dos à l’Occident et d’embrasser le bloc de l’Est.

Restitutions au Bénin : pour Patrice Talon, une exposition hautement politique

Par  - Envoyée spéciale à Cotonou
Mis à jour le 22 février 2022 à 18:54
 

 

Le président béninois Patrice Talon, lors du vernissage de l’exposition des oeuvres des trésors royaux restitués par la France, le 19 février 2022 au palais présidentiel. © DR / Présidence Bénin.

 

Les œuvres restituées par la France sont – enfin – visibles à Cotonou. L’exposition, qui se tient dans les locaux de la présidence, est à la fois historique et symbolique.

De Cotonou à Ouidah, en passant par Porto-Novo, impossible de manquer les affiches qui ont fleuri ces derniers jours sur le bord des principaux axes du sud du pays. Sur les ondes des radios, sur les écrans de télévision, à la une des journaux et jusque dans les écoles, l’information a circulé partout. Après cent-vingt-neuf années d’exil, les Béninois peuvent, enfin, admirer les 26 œuvres pillées, en 1892, dans le trésor du royaume d’Abomey, par le général français Alfred Dodds.

Les œuvres, restituées par la France, le 10 novembre dernier, au terme de longues années d’âpres négociations, sont exposées jusqu’au 22 mai au palais de la Marina. Quel meilleur écrin que l’édifice présidentiel pour cet évènement, qui se devait d’être à la hauteur du moment : historique et symbolique ?

Passé et présent se répondent

L’espace d’exposition – plus de 2 000 m2 dans un bâtiment au cœur des jardins du chef de l’État – offre aux nombreux visiteurs une déambulation originale. Les 26 œuvres sont en effet présentées aux côtés d’une centaine de pièces d’art contemporain, crées par 34 artistes béninois d’hier et d’aujourd’hui. Parmi eux, certains des créateurs les plus renommés de la scène contemporaine béninoise, à l’image de Dominique Zinkpè, « tuteur » de nombreux artistes, ou encore Julien Sinzogan, connu pour ses acryliques sur la traite des Noirs. Les toiles inspirées du vaudou d’Yves Apollinaire Pédè, décédé en 2019, ont aussi trouvé leur place près des œuvres venues d’un autre siècle. Elinae Aïsso a, pour sa part, présenté une envoûtante installation en sons et lumières, De l’invisible au visible, dans laquelle elle met en scène 22 asens – ces autels portatifs vaudous qui servent de messagers entre les vivants et les morts.

Une scénographie aussi spectaculaire qu’inédite dans laquelle le passé et le présent semblent se répondre. Avec un double message : la volonté affichée de se réapproprier l’histoire « au présent », mais aussi de prouver que le pillage et la dépossession n’ont en rien entamé la vitalité et la créativité de la scène artistique béninoise.

Les œuvres restituées par la France au Bénin sont exposées dans un vaste bâtiment, dans les jardins de la présidence. © Marie Toulemonde pour JA

 

Les œuvres restituées par la France au Bénin sont exposées dans un vaste bâtiment, dans les jardins de la présidence. © Marie Toulemonde pour JA

 

CERTAINS SE SONT PROSTERNÉS SOLENNELLEMENT AUX PIEDS DES ŒUVRES, AFIN D’HONORER CES MORCEAUX DE L’ÂME DES ANCÊTRES REVENUS AU PAYS

Pour encourager les Béninois à s’y rendre, l’exposition est gratuite, sous réserve de s’être inscrit en amont et de se présenter avec une simple pièce d’identité. Le pari semble d’ores et déjà réussi. L’affluence a dépassé les objectifs des organisateurs. Alors que 500 visiteurs étaient attendus pour le premier jour de l’exposition, dimanche, ce sont 1 147 Béninois qui ont franchi les grilles du palais. Au-delà de la seule affluence, c’est l’ampleur de la ferveur des visiteurs qui frappe. Dimanche, dans l’espace d’exposition, l’émotion était palpable. Certains n’ont pas hésité à se prosterner solennellement aux pieds des œuvres des trésors d’Abomey, afin d’honorer ces morceaux de l’âme des ancêtres revenus au pays.

La veille, lors de l’inauguration officielle, le président Patrice Talon s’était entouré d’une dizaine de rois venus de tout le pays, en grande tenue d’apparat, sceptres en main. Le chef de l’État a dit, lui aussi, « sa fierté et sa foi en ce que nous fûmes, en ce que nous sommes, et en ce que nous serons ».

Main tendue

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L’ancien président béninois Nicéphore Soglo, lors de l’exposition au palais de la Marina, le 19 février 2022. © DR / Présidence béninoise


Le président béninois a d’ailleurs profité de l’évènement pour jouer la carte de la concorde nationale, et tendre la main à certains de ses opposants politiques. Il avait notamment convié pour le vernissage l’ancien Premier ministre de Thomas Boni Yayi, Lionel Zinsou – rentré à Cotonou dans l’avion présidentiel après trois ans d’exil – ainsi que l’ancien président Nicéphore Soglo. « Un événement créatif de cette portée est au-dessus de toute controverse », a notamment ajouté Lionel Zinsou, visiblement heureux d’être de retour au Bénin. Celui qui a fait face à Patrice Talon dans les urnes lors de la présidentielle de 2016 n’a pas hésité à féliciter le chef de l’État. « Comme il l’a promis dans son slogan de campagne, il a révélé le Bénin », a lâché Lionel Zinsou. De quoi faire hausser quelques sourcils parmi ses – anciens ? – alliés politiques.

Symbole historique, outil de stratégie politique, l’exposition est aussi un moyen, pour l’exécutif béninois, de faire la promotion du riche vivier d’artistes contemporains auprès des grands acteurs internationaux de l’art et de la culture. Commissaires d’exposition, historiens, directeurs de musées, institutionnels… Ils étaient nombreux à avoir fait le déplacement à Cotonou pour l’occasion.

La question, désormais, est celle de l’après. Quand, exactement, l’acte II du processus de restitution engagé sera-t-il posé ? « Ces 26 œuvres ne constituent que le tout premier épisode d’un feuilleton qui promet d’autres séquences », insiste Jean-Michel Abimbola, ministre du Tourisme, de la Culture et des Arts, confirmant que le Bénin ne compte pas s’arrêter à cette première victoire. Ferme sur les principes et l’objectif, le ministre se montre aussi prudent et diplomate quant à la stratégie engagée. « Notre approche n’est ni vindicative ni guerrière. Nous ne demandons pas la restitution de l’intégralité des œuvres présentent ailleurs, cela serait absurde, explique-t-il. En revanche, nous sommes partisans de la circulation des œuvres et nous sommes prêts également à envisager la piste des copies. » Dans les couloirs de l’exposition, entre les statues des rois d’antan, Jean-Michel Abimbola n’hésite pas à rêver tout haut de voir, un jour, le Bénin accueillir des œuvres prêtées par le Louvre, évoque La Joconde et, sourire aux lèvres, avance l’idée d’un « Louvre de Cotonou », à l’image de celui créé par Paris, à Abou Dhabi.

Vers l’acte II ?

Le président béninois Patrice Talon et son homologue français Emmanuel Macron, le 9 février 2021 à l’Élysée. © DR / Présidence de la République française


Le président béninois Patrice Talon et son homologue français Emmanuel Macron, le 9 février 2021 à l’Élysée. © DR / Présidence de la République française

Son homologue française, Roselyne Bachelot, venue à Cotonou accompagnée d’Emmanuel Kasarhérou, le directeur du musée du Quai Branly, s’est montrée plus prudente. Elle n’en a pas moins assuré que « ce travail de restitution continue ». La récente visite de Jean-Luc Martinez, ancien directeur du Louvre, à qui Emmanuel Macron a demandé, en août dernier, de se pencher sur la faisabilité d’une loi-cadre visant à systématiser et mieux organiser les futures restitutions, est un signe en ce sens.

Les espoirs ne sont pas que culturels ou historiques. Si Jean-Michel Abimbola veut faire du Bénin « le centre névralgique de création et diffusion artistique du continent », c’est aussi parce qu’il entend « mettre la création au service du développement ». D’ici à 2026, le gouvernement prévoit de mettre sur la table la bagatelle d’1 milliard d’euros, dont la moitié provient de fonds privés, dans un ambitieux programme d’investissements. D’ici à la fin de 2024, pas moins de quatre musées devraient sortir de terre dans le pays. Le premier, le Musée international de la mémoire de l’esclavage (Mime), dans l’enceinte de l’ancien fort portugais de Ouidah, devrait être terminé d’ici à la fin de cette année. Le deuxième, le Musée de l’épopée des Amazones et des rois du Danxomè (Meard), sera situé sur l’ancien site royal d’Abomey. Le Musée international du vodun (MIV) est également en cours de création à Porto-Novo, et le Musée d’art contemporain (MAC) doit enfin voir le jour dans le centre de Cotonou.

« Le patrimoine est un actif économique », insiste Alain Godonou, fondateur de l’École du patrimoine africain de Porto-Novo, désormais chargé des musées à l’Agence nationale du patrimoine et du tourisme (ANPT). Les chantiers qui se multiplient dans le secteur du tourisme, l’un des leviers de croissance identifiés par les autorités béninoises, sont là pour le prouver. Sur la route reliant Cotonou à Ouidah, un Club Med est en cours de construction. La cité lacustre de Ganvié a entamé sa transformation. Seule ombre au tableau, les espoirs fondés sur l’attrait touristique des parcs du W et de la Pendjari, dans le nord du pays, où un projet de constructions de lodge de luxe pourrait connaître un brutal coup d’arrêt, à cause de la menace jihadiste qui ne cesse de s’étendre en direction des pays du golfe de Guinée et menace les espoirs de développement touristique du pays. Un autre combat, complexe et difficile, en perspective.

Guinée : pourquoi Sékou Touré divise encore, cent ans après sa naissance

Par Jeune Afrique - Rachid Ndiaye, ancien ministre guinéen de la Communication
Mis à jour le 12 février 2022 à 10:08
 

 

Sékou Touré, c’est l’homme du « non » au référendum du général de Gaulle, le 28 septembre 1958. © Agence Internationale/Archives JA.

 

Chantre du nationalisme pour les uns, tyran pour les autres, l’ancien président a laissé un héritage ambivalent, analyse Rachid Ndiaye, ex-ministre guinéen de la Communication. En témoigne la polémique née de la décision de la junte de donner son nom à l’aéroport de Conakry.

Né en janvier 1922, le premier président guinéen aurait eu cent ans cette année. Mis à part le palais de Sékhoutoureya et l’aéroport international de Conakry, récemment rebaptisé par le président de la transition, Mamady Doumbouya, aucun autre édifice public ne porte le nom du leader du Parti démocratique de Guinée (PDG).

Ahmed Sékou Touré a dirigé la Guinée de 1958 à 1984. Décédé aux États-Unis le 26 mars 1984, enterré le 30 mars 1984 à Conakry, l’homme a laissé un héritage politique qui divise encore les Guinéens. Héros pour les uns, tyran pour les autres, pour reprendre la dichotomie popularisée par l’historien Ibrahima Baba Kaké dans son livre Le héros et le tyran (Jeune Afrique, 1987).

Électoralement, depuis la disparition du président Ahmed Sékou Touré, le PDG ne pèse plus grand-chose et n’a remporté aucune élection d’envergure. Le candidat qui briguait la magistrature suprême sous sa bannière n’a été crédité que de 0, 56 % en 1993 et le parti n’a obtenu trois sièges à l’issue des élections législatives de juin 2002.

« Pas de dignité sans liberté ! »

Mais Sékou Touré, c’est aussi l’homme du « non » au référendum du général de Gaulle, le 28 septembre 1958. Pour de nombreux Guinéens, surtout au sein de l’ancienne génération qui a participé à la lutte pour l’indépendance, il demeure une figure de la résistance à l’ancien colonisateur. Il a honoré la Guinée et l’Afrique, en donnant le signal des indépendances en Afrique francophone. De lui subsistent encore cette image d’un souverainiste hostile à tout interventionnisme extérieur et ce célèbre discours prononcé le 28 septembre 1958.

Ce jour-là, galvanisé par la foule, Sékou Touré consomme la rupture avec le général français : «  Il n’y a pas de dignité sans liberté, lance-t-il de sa voix de stentor. Nous préférons la pauvreté dans la liberté à l’opulence dans l’esclavage. » « On a parlé d’indépendance, elle est à la disposition de la Guinée, la métropole ne s’y opposera pas, elle en tirera bien sûr les conséquences », répondit le général, en demandant aussitôt le retrait de l’administration civile et militaire française de la Guinée.

POUR BEAUCOUP, C’EST AUSSI CE DIRIGEANT QUI A DOTÉ SON PAYS DE SA PROPRE MONNAIE, ŒUVRÉ POUR L’UNITÉ DU CONTINENT

Sékou Touré, pour beaucoup, c’est aussi ce dirigeant qui a doté son pays de sa propre monnaie, œuvré pour l’unité du continent en participant à la création de l’Organisation de l’unité africaine (OUA) – la Guinée, avec Diallo Telli, occupera le premier poste de secrétaire général de 1964 à 1972. L’ancien président a également soutenu de nombreux mouvements de libération nationale, allant du Congrès national africain (ANC) de Nelson Mandela au Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap-Vert (PAIGC), d’Amilcar Cabral. Il a aussi ouvert les bras à de multiples révolutionnaires exilés, comme le Camerounais Félix Moumié ou le Ghanéen Kwame Nkrumah, après son renversement en 1966.

Et parce que la nostalgie se nourrit de tout, ceux qui se revendiquent de son héritage aiment à rappeler les origines de Sékou Touré, en écho à cette époque où la corruption et l’enrichissement des élites ne régissaient pas la politique. Un vieux militant se souvient d’un « président modeste, dont la famille paternelle était venue du Soudan français [actuel Mali] pour chercher fortune en Guinée, à l’époque sous domination française ». « Côté maternelle, il s’inscrit dans la lignée de l’empereur Samory Touré [figure de la lutte anti-coloniale, déporté par les Français sur l’ile de Ndjolé au Gabon en 1898] », poursuit notre interlocuteur.

Un homme sanguinaire, adepte de la terreur

Mais aucun souvenir n’est jamais univoque, et nombreux aussi sont ceux à se rappeler les années les plus sombres d’un règne qui dura 26 ans. Ils n’ont pas oublié le parti unique, la confiscation des libertés, la violence et le tristement célèbre camp Boiro. Pour eux, Sékou Touré rime encore avec terreur, exécutions, délation. C’est l’homme à cause duquel tant de Guinéens ont dû se résoudre à l’exil. Un passif lourd, ineffaçable, fait de morts et de drames, sur lequel le coup d’État du 3 avril 1984 viendra jeter une lumière crue.

La colère et l’incompréhension quand l’aéroport de la capitale guinéenne a été renommé viennent de là. « Le lieutenant-colonel Mamadi Doumbouya a-t-il perdu la raison ? On pourrait le penser depuis qu’il a arbitrairement donné à l’aéroport de Conakry le nom du sanguinaire Sékou Touré », s’est emporté Tierno Monénembo, qui a consacré, dès 1979, son roman Les Crapauds-brousse (Seuil) à la dictature. L’écrivain a immédiatement accusé le chef de la junte de « comploter en douce pour replonger le pays dans les années les plus noires de son histoire, celle des pendaisons publiques, des aveux radiophoniques obtenus sous la torture, des haines ethniques et des pénuries de toutes sortes ».

LE RÉGIME DU PRÉSIDENT SÉKOU TOURÉ FRAPPAIT PLUS DUREMENT LES SOCIÉTÉS CONSERVATRICES, CONSIDÉRÉES COMME HOSTILES À LA RÉVOLUTION

Les persécutions ont-elles été menées sur une base ethnique ? L’affirmer n’est pas une nouveauté. Dans les années 1990, l’opposant Mamadou Bâ souhaitait, dans une interview, que le groupe ethnique auquel appartenait Sékou Touré « demande pardon » pour ces crimes. Mais cela fait aussi des années que des membres de l’Association des victimes du camp Boiro réclament la fin de cette compétition mémorielle ou communautaire. « En fait, le régime du président Sékou Touré frappait plus durement les sociétés conservatrices, considérées comme hostiles à la révolution, soutient Ali Camara, un professeur de droit public proche de l’ancien parti unique. Il a frappé toutes les aristocraties, qu’elles soient peules, malinkés, soussous. Les grandes familles étaient, à ses yeux, l’incarnation de la féodalité. Ce n’était pas ethnique, mais idéologique. »

Une veuve choyée par le nouveau régime

Enfin, Sékou Touré aujourd’hui, c’est aussi une famille. Fille d’un médecin français et d’une jeune femme originaire de Guinée forestière, sa veuve, Andrée, désormais âgée de 88 ans, vit toujours à Conakry, dans le domicile familial du quartier de Coleah Corniche. Les nouvelles autorités du pays viennent de lui octroyer une villa, dans une banlieue de Conakry, dont l’Église catholique guinéenne, par la voix du cardinal Robert Sarah, a revendiqué la propriété. Andrée Touré a si peu apprécié la sortie du prélat qu’elle a rétorqué : « Si Robert Sarah a oublié cela, il faut que je le lui rappelle : c’est grâce au président Sékou Touré que son ethnie, les Coniaguis, a commencé à porter des habits. »

Elle-même a toujours vécu dans l’ombre d’un mari à la personnalité écrasante, loin de la politique. Après le coup d’État de 1984, elle ne sera toutefois pas épargnée et sera enfermée à la prison de Kindia avec son fils Mohamed, sa belle-fille Aminata, ainsi que ses frères et les frères et sœurs de son mari. Elle y passera quatre ans avec son fils. Aminata sera libérée au bout d’un an. Pour la veuve de l’ex-chef d’État, ce sera ensuite l’exil au Maroc, en Côte d’Ivoire, au Sénégal, puis de nouveau au Maroc, avant son retour en Guinée, en 2000.

Un bilan pleinement assumé par ses enfants

Des années après son emprisonnement, Aminata Touré – l’unique fille du président, née en 1954 – raconta avoir été très proche de son père. « Dans la vie, il ne m’a jamais dit non », confessait-elle, rappelant la simplicité de Sékou Touré. « Tout le monde sait qu’il portait sa tenue tergal, sans broderie, rien du tout, un bazin simple, se souvenait-elle. Il voulait aussi manger comme tous les Guinéens. On n’avait même pas le droit de laisser le climatiseur tout le temps en marche, parce que en ville, le peuple n’en avait pas. Il voulait qu’on parte à l’école comme tout le monde. Il a fallu qu’on se batte pour avoir droit à une vieille jeep. Il était vraiment marqué par l’austérité, dégagé de toutes contingences matérielles. »

ON N’AVAIT PAS LE DROIT DE LAISSER LE CLIMATISEUR TOUT LE TEMPS EN MARCHE, PARCE QUE LE PEUPLE N’EN AVAIT PAS

En 1977, Aminata se maria avec Maxime Camara, célèbre footballeur du Hafia FC. Juge d’instruction, elle défendra jusqu’au bout l’œuvre et le bilan de son père, sans exprimer le moindre regret. Elle était à ses côtés, en mars 1984, dans l’avion médicalisé qui le transportait en urgence à Cleveland, aux États-Unis, où Sékou Touré est finalement décédé. Femme d’affaires, active entre le Maroc et la Guinée équatoriale, elle avait été élue maire de Kaloum en 2018. L’héritière s’est éteinte à l’âge de 68 ans le 12 janvier dernier, à Rabat, dans ce royaume du Maroc que son père, qui avait tissé des liens étroits avec Mohamed V, considérait comme sa seconde patrie.

EN 2018, LES DÉBOIRES JUDICIAIRES DU FILS DE SÉKOU TOURÉ, MOHAMED, ONT DÉFRAYÉ LA CHRONIQUE

Quant à Mohamed, le fils de Sékou et Andrée Touré, il effectua lui aussi toutes ses études en Guinée – sorti de l’université Polytechnique en 1981, il sera affecté au contrôle financier du ministère de l’Économie. Marié à Denise Cros, la fille d’un ancien ministre de son père, il s’est exilé aux États-Unis après ses quatre années en prison à Kindia – c’est outre-Atlantique que sont nés et qu’ont été élevés ses enfants. Rentrée en Guinée en 2010 pour devenir le secrétaire général du PDG, lui aussi a toujours dit assumer le bilan de son père.

En 2018, ses déboires judiciaires ont défrayé la chronique. Son épouse et lui ont été condamnés à sept ans de prison pour travail forcé par la justice texane, à la suite d’une plainte déposée par une ancienne employée de maison. Le couple a en outre été condamné à verser à la victime près de 300 000 dollars de dommages et intérêts. La preuve d’un « complot permanent », aux dires de sa mère.

Le Liberia célèbre ses 200 ans

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Vue du quartier de West Point à Monrovia, au Liberia. JOHN WESSELS AFP

Le Liberia a fêté ce lundi 14 février les 200 ans de son existence.

Le pays a accueilli plusieurs dirigeants et dignitaires étrangers pour commémorer l'arrivée, il y a deux siècles jour pour jour, des premiers esclaves affranchis venus des États-Unis.

Des fanfares et des danses traditionnelles ont rythmé la journée au stade Samuel Doe, surbondé, de Monrovia. Les Libériens s'y sont rendus en masse pour participer aux festivités. Parmi les invités, les présidents de la Gambie, du Niger et du Togo ainsi que des représentants du Nigeria, du Gabon et des États-Unis.

Un moment historique, selon le président George Weah qui a ouvert la cérémonie du bicentenaire. « Aujourd'hui, nous commémorons les 200 ans du début de notre voyage pour devenir un État souverain, et finalement le premier pays africain à être établi comme une nation indépendante ».

Lorsque les premiers esclaves américains libres arrivent en 1822 sur ce territoire qui sera baptisé Monrovia, les relations avec les populations locales sont immédiatement compliquées. Elles seront à l'origine des deux guerres civiles qui feront quelques 250 000 morts. Aujourd'hui, c’est sur l'unité nationale que le président George Weah a voulu insister. 

« Nous devons nous concentrer sur la promotion de l'unité entre tous les Libériens et encourager chacun à apporter des contributions significatives à la construction de notre nation, a-t-il lancé. Je crois que nos ancêtres regarderont le Liberia d'aujourd'hui avec fierté et satisfaction, en voyant que leurs rêves se sont réalisés. »

Mais la réalité est bien différente. Le Liberia, pays d'environ 5 millions d'habitants au bord de l'Atlantique, reste l'un des pays les plus pauvres au monde.