Histoire

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Bamako, 2 mai 1918. Au cœur des grands axes de communication, la capitale du Soudan français est l’épicentre de la mission menée par Blaise Diagne. Désigné commissaire de la République par Clemenceau pour convaincre les chefs indigènes de reprendre l’effort de guerre, le premier député africain dispose de tous les moyens de transport modernes. Après le chemin de fer, la colonne coloniale poursuit son épopée en convoi automobile à travers le Mali et le Burkina Faso actuel. Mais comment réussir dans un territoire, marqué par les révoltes de 1915 et 1916 suscitées par le recrutement des tirailleurs ?

Fort de son expérience sénégalaise (voir chapitre 1) et guinéenne (voir chapitre 2), Blaise Diagne part en campagne pour enrôler de nouveaux soldats dans la boucle du Niger. Afin de mettre toutes les chances de son côté, le député s’appuie sur une méthode incompréhensible par certains fonctionnaires du ministère de la Guerre. En effet, Blaise Diagne n’enrôle pas directement les nouvelles recrues. Il vient à leur rencontre lors de grandes palabres orchestrées par ses lieutenants. L’enjeu est de les convaincre de leur nécessaire implication : les enfants de l’Empire français doivent porter secours à la patrie à l’agonie. Et pour gagner leur confiance, et surtout celle de leurs familles, Blaise Diagne a des arguments, auxquels il croit. La République n’a-t-elle pas publié les décrets de sa nouvelle politique à l’adresse des indigènes en janvier 1918 ? C’est ce que souligne le député de la Guadeloupe Gratien Cambace en vantant « la manière » dont Blaise Diagne entreprend sa mission, dans un article pour le Petit Parisien du 12 juin 1918 :

« Pour effectuer dans les colonies ce recrutement, il y a comme en tout, la manière : inspirer confiance aux indigènes, montrer aux chefs d’abord, et par leur intermédiaire aux populations, que la France saurait leur prouver sa reconnaissance, non seulement en paroles, mais surtout par des actes, par l’octroi d’avantages pécuniaires, par l’amélioration des conditions d’existence des indigènes, de leur statut. On ne saurait trop le répéter, les décrets du 14 janvier 1918 inaugurent une politique indigène nouvelle. »





La nouvelle de l’arrivée de la mission Diagne se répand de villes en villages en Afrique occidentale française : Bamako, Bougouni, Sikasso, Bobo-Dioulasso, Diébougou, Boromo, Koudougou, Ouagadougou et encore vers le nord Yako et Ouahigouya. Les populations convergent en direction de leurs cercles respectifs, conduites par leurs chefs et leurs marabouts. Et attendent parfois plusieurs jours celui que l’on surnomme « La voix de l’Afrique ».

Blaise Diagne télégraphie le 16 avril au gouverneur Gabriel Angoulvant, gouverneur général de l’AOF et de l’AEF, qu’il est retardé par l’assemblage des pièces détachées des Ford T. Les voitures sont finalement montées à Bakel, près de la frontière sénégalaise, puis acheminées à Bamako avant la fin du mois… la traversée des anciennes contrées rebelles se fera donc à quatre roues !




  • Le convoi automobile dans la boucle du Niger
  • A Bougouni Haut-Sénégal-Niger
  • Les drapeaux de la République flottent sur le cercle de Bougouni
Le convoi automobile dans la boucle du Niger
 


L’arrivée de la mission Diagne est spectaculaire. Pour la première fois, un convoi d’automobiles sillonne les pistes africaines de la boucle du Niger. Avec à sa tête un député africain, en costume blanc trois pièces, secondé par plusieurs officiers noirs décorés de médailles. À la vue des populations africaines, Blaise Diagne est reçu comme le plus haut représentant de la République par les autorités coloniales, mais aussi par la chefferie, prête à collaborer si les usages sont enfin respectés. Et c’est toute la stratégie politique du député sénégalais, élaborée grâce aux rapports de ses émissaires envoyés sur le terrain dès 1917. D’après le lieutenant Abd el Kader, fils du fama de Sansanding, missionné officieusement dans les anciennes zones de révoltes situées au nord de Bobo-Dioulasso, c’est moins le principe du recrutement qui est rejeté par les chefs, que la violence de sa méthode, présente à tous les esprits.

Ce sont donc les intermédiaires, les chefs religieux et coutumiers, que les officiers noirs de la Mission vont solliciter. C’est avec eux qu’il s’agit de négocier avant l’arrivée du fameux commissaire de la République.




  • Arrivée du convoi à Bobo-Dioulasso
  • La cour de la chefferie de canton
  • A Bobo-Dioulasso avec les chefs musulmans
  • Passage de la Volta
La cour de la chefferie de canton
 


À chaque palabre, Blaise Diagne en appelle à la responsabilité des chefs et les rappelle à leurs devoirs s’ils veulent prétendre à un nouveau statut.

« En versant le même sang, vous obtiendrez les mêmes droits », c’est la formule qu’il répète avec conviction.

Mais Blaise Diagne ne recrute pas en personne. Ganté de blanc et ceinturé de son écharpe tricolore, il met en scène le recrutement. Une grande opération de propagande comme en attestent ces photographies oubliées et redécouvertes à la faveur de cette enquête.



Palabre à Diébougou


Danses Lobi à Diébougou


Informés par les autorités coloniales du recrutement des tirailleurs décidé par Georges Clemenceau, dont la politique extérieure et intérieure est totalement dédiée à l’effort de guerre, les Pères blancs du village de Réo, situé entre Boromo et Koudougou, savent qu’ils pourront disposer de 50 francs pour gratifier chaque fournisseur de l’enrôlement d’une unité de soldats. Comme toutes les autorités locales, ils sont invités à se déplacer pour accueillir le commissaire de la République Blaise Diagne.


Réo - 9 mai 1918
Extrait du diaire des Pères blancs, dans lequel sont relatés les évènements au jour le jour.

Les Pères Préfets François et Viguier se rendent à Koudougou à l'occasion de l'arrivée de M. Blaise Diagne. Le Commissaire et sa nombreuse suite font leur entrée à Koudougou à 2h30 de l'après-midi en automobiles, neuf en tout, pour eux et leurs bagages. Le gouverneur du Haut Sénégal Niger, M. Brunet, fait partie de la Mission. La circonscription de Koudougou doit recruter 1500 hommes.

M. Diagne fait un long palabre aux chefs de canton et leur fait comprendre qu'il est de leur devoir et de leur intérêt de donner l'exemple en offrant spontanément des membres de leur propre famille (enfants ou frères). On demande des volontaires et M. Diagne fait miroiter à leurs yeux tous les avantages pécuniaires et moraux qu'ils ont à fournir un nombreux contingent de soldats

À la lecture de ces archives religieuses, on peut vérifier que le recrutement à proprement dit ne commence que le mois suivant, alors que Blaise Diagne et son aéropage sont presque arrivés au terme de leur mission. Un recrutement sans vague, alors qu’il se déroule dans une zone particulièrement sensible où vivent un million d’Africains sur 100 000 km². C’est là que l’armée française avait dû concentrer la puissance de ses troupes afin de mettre fin aux révoltes de 1915 et 1916. Mais les Français auraient-ils repris le contrôle de cette zone sans l’appui du royaume Mossi de Ouagadougou et le renfort de sa cavalerie ?



Halte sur la route de Ouagadougou


Sur la route pour Ouagadougou, les neuf automobiles de la mission Diagne font halte, dans l’attente d’une audience au palais du Mogho Naaba. Le commissaire de la République se doit de saluer l’ami des Français, mais il souhaite également exprimer tout son respect à l’autorité d’un roi puissant choisi par l’administration coloniale pour asseoir son pouvoir dans le vaste territoire difficilement contrôlable du Haut-Sénégal-Niger. Comme les autres chefs Mossi, le roi Koom II se doit de montrer l’exemple. Mais comment va-t-il exprimer sa supériorité sur les autres chefs ? Jusqu’où engagera-t-il son peuple ?



Le roi Mossi Koom II et ses ministres


Sur ce cliché unique du Mogho Naaba Koom II, dont on ne connaissait aucune représentation photographique au sein du palais de Ouagadougou, on distingue au centre le Roi en habit de guerre, traditionnellement de couleur rouge, chargé de nombreuses amulettes.

Le Mogho Naaba est entouré de ses Kug Zindba, ses « ministres ». Le deuxième à sa droite est le Baloum Naaba Tanga, en poste depuis 1910, grand conseiller du souverain et proche de la Mission catholique. Au premier plan, prosternés : les sogone (ou soronés) du roi, c’est-à-dire ses serviteurs palatins. On voit aussi un joueur de bendre (tambour royal) et un autre serviteur tenant la Cane du roi.

À sa droite sur l’image, son ministre de la Guerre, le Naaba Pawitraogo à la réputation extrêmement autoritaire.

À gauche, nous voyons un marabout enturbanné. Il est possible qu’il soit le marabout de la cour. Les marabouts qui fréquentaient le royaume Mossi de Ouagadougou étaient le plus souvent des Peuls ou assimilés aux peuls.



Blaise Diagne et le roi Koom II


L’officier Abd el Kader Mademba seconde Blaise Diagne


Ouagadougou - 26 avril 1918
Extrait du diaire des Pères blancs, dans lequel sont relatés les évènements au jour le jour.

« Arrivée à Ouagadougou du lieutenant Mademba, fils du fama de Sansanding, décoré de la Légion d'honneur, de la fourragère, de la croix de guerre avec palmes. Ce jeune homme qui a passé quelques années à la mission de Ségou a tenu à nous rendre visite dès son arrivée. Il fait partie de la mission de recrutement qui a à sa tête le commissaire de la république, M. Diagne, député du Sénégal. Il est envoyé pour préparer le terrain au Commissaire qui doit arriver sous peu à Ouagadougou. »

Ouagadougou - 28 avril 1918

« Le lieutenant Abd el Kader Mademba a commencé son travail et il inaugure bien du recrutement. Il a rendu visite au Mogho Naaba, tous les chefs de canton étant réunis au palais. Le Naaba a écouté avec placidité son discours. Sur l'invitation du lieutenant à lui dire ce qu'il pensait, il a répondu :

"Il y a longtemps que j'ai donné mon coeur à la France et comme je n'en ai qu'un, je ne puis lui en donner un autre."

Pour bien montrer qu'il disait vrai, il (Le Naaba) a donné son frère Djiba Naaba comme tirailleur.

Cet exemple n'a pas tardé à porter ses fruits. Tous les grands naabas, tous les chefs de canton se croient obligés d'en faire autant et ils viennent présenter qui leurs fils, qui leur frère. C'est presque de l'enthousiasme.

Nous recommandons aux chrétiens de ne pas rester en retard et de s'offrir s'ils prévoient qu'ils seront pris. La chose étant ce qu'elle est, nous jugeons que l'intérêt de la mission le demande.

Le Gounga Naaba a présenté son fils Michel, et le Ballom Naaba un des frères, Étienne ou Georges, au choix. »



L’héritier du Mogho Naaba engagé volontaire entre le commissaire de la République et le gouverneur de la Colonie



Allant jusqu’à sacrifier son propre frère, héritier du trône des Mossi, le Mogho Naaba va bien au-delà des précédents recrutements dans son engagement aux côtés de la France combattante. Il implique ses ministres et sa cour et son comportement oblige les autres rois à également sacrifier leurs fils. Mais pour quelles raisons Koom II et ses ministres font-ils ce choix ? Comment le royaume de Ouagadougou peut-il être récompensé d’un tel engagement ?




  • Yako, cercle de Ouagadougou
  • Ouahigouya - Les chefs indigènes sont au palabre
  • Arrivée à Ouahigouya
  • Palabre à Ouahigouya, Haut-Sénégal-Niger
Yako, cercle de Ouagadougou
 






Dakar, 12 février 1918. Ceinturé de l’écharpe tricolore, costume trois pièces et gants blancs, le commissaire de la République qui débarque dans la colonie sénégalaise est noir. Il a fière allure. Premier député africain élu au Parlement, il se bat pour améliorer le statut des indigènes. Mais depuis le début de la guerre, l’armée française enrôle par décrets spéciaux à une cadence accélérée. Des recrutements brutaux et répressifs contre lesquels les populations se sont rebellées et soulevées en 1915 et 1916. Comment Blaise Diagne va-t-il relever le défi d’une nouvelle mobilisation massive ?


Blaise Diagne salue les autorités coloniales


Le tout nouveau gouverneur de l’Afrique occidentale française (AOF), Gabriel Angoulvant, accueille Blaise Diagne en soulignant « l’enthousiasme évident suscité dans un grand nombre de milieux autochtones par la présence d'un frère de race parvenu à une haute situation dans le pays ». Un enthousiasme qui fait peur au général Mangin, le théoricien de la « Force noire ». L’initiateur de la mobilisation des Africains depuis le début du conflit mondial se méfie du discours émancipateur de Blaise Diagne. La nomination de ce dernier par Georges Clemenceau, président du Conseil depuis 1917, a déclenché une polémique dans la presse où s’affiche l’hostilité du lobby colonial. Ce à quoi le député Diagne a répondu, le 24 janvier 1918, dans le journal L'Homme Libre :

Ceux qui tombent sous la mitraille ne tombent ni en blancs ni en noirs. Ils tombent en Français et pour le même drapeau. En quoi un noir, membre du Parlement, serait-il moins qualifié qu'un blanc pour parler à des noirs ?

Georges Clemenceau est déterminé. Anticolonialiste, il est prêt à améliorer le statut des Africains, mais le Tigre (le surnom de Clemenceau) est pragmatique, son seul objectif est la guerre et il lui manque 200 000 hommes.

C’est dans cet état d’esprit que Clemenceau relance les recrutements en Afrique ; et s’il désigne Blaise Diagne pour cette mission, c’est justement parce qu’il a conscience de la nécessité de changer de méthode.




Bain de foule dans les rues de Bamako




C’est par la voie du chemin de fer Dakar-Niger, reliant Dakar à Bamako en passant par Thiès, Kayes et Kita, qu’il faut imaginer les premiers déplacements de Blaise Diagne pour organiser les recrutements. Si la ligne n’est pas construite jusqu’à Koulikoro en 1918, elle le sera en 1924 afin de désenclaver la boucle du Niger pour acheminer les matières premières de la colonie vers la métropole via le port de Dakar.




Blaise Diagne est accueilli à Kita


Kita - 20 mars 1918
Extrait du diaire des Pères blancs, dans lequel sont relatés les événements au jour le jour.

« Arrivée à Kita à treize heures de M. Diagne, commissaire de la République, avec sa suite. Il y a aussi parmi eux Abd El Kader, fils du Fama de Sansanding, actuellement lieutenant et décoré de la Légion d’honneur, de la Croix de guerre. Le Père Decottignies a été heureux de revoir ce jeune officier qu’il avait autrefois sous ses ordres au commencement de la guerre, lorsqu’il était chargé des écuries du 2e régiment de tirailleurs à Kati. C’est Abd el Kader qui a été auprès des populations de Kita l’interprète du commissaire Diagne. Le commissaire a donné aux anciens tirailleurs des gratifications variant entre 100 francs et 10 francs. Le Père Bazin et le Père Decottignies ont été présentés à Monsieur le commissaire et Monsieur le gouverneur à la gare, puis à la résidence par Monsieur l’administrateur Sicamois. Vers 15h, le commissaire et sa suite ont repris le train spécial pour Toukoto, où ils avaient l’intention de faire une palabre dans la soirée. »




La foule à Kita attend la palabre


L’arrivée de la mission Diagne, savamment orchestrée, impressionne. Composée de 350 membres, l’escorte incarne toutes les expressions du pouvoir et de la puissance du commissaire de la République.

Trois officiers noirs entourent Diagne : Galandou Diouf, figure politique de Saint-Louis du Sénégal, Dousso Ouologen, originaire de Bandiagara, et le lieutenant Mademba Abd el Kader, fils du fama (roi) de Sansanding.




Au centre, l’officier Mademba Abd el Kader


L’administration coloniale est réquisitionnée. Les commandants de cercle ou les gouverneurs, qu’ils soient militaires ou civils, tous dépendent du député sénégalais, comme en témoignent ces photographies inédites découvertes aux Archives nationales, des photographies dont on ne connaît toujours pas l’auteur, un siècle après…

Bamako, 14 mars 1918. Arrivé par le chemin de fer, le commissaire de la République, mandaté par le président du Conseil Georges Clemenceau, est chargé de recruter de nouveaux tirailleurs par dizaines de milliers. Il se nomme Blaise Diagne et sa réputation le précède. Seul député africain du Parlement, il s’est distingué par l’éloquence de son discours égalitariste. Si le député Diagne entend obtenir le statut de citoyen français pour les indigènes de l’Empire, c’est avec les mêmes droits et les mêmes devoirs. D’où son engagement pour la mobilisation des Africains dans l’ultime recrutement de la Grande Guerre.


Après une première campagne au Sénégal, Blaise Diagne poursuit sa mission de recrutement dans l’AOF (Afrique occidentale française). Depuis Bamako, point de départ de tous ses déplacements, il câble ses dépêches au ministère des Colonies à qui il doit rendre compte.

Bamako - 17 mars 1918
Dépêche de Blaise Diagne

« Aujourd'hui / Bamako / important palabre.
Mille chefs indigènes des régions / Bamako/ Dédougou / Bobo-Dioulasso et Dori – ces trois dernières provinces révoltées en 1916 – prêtèrent serment fidélité France/ Affirment solennellement leur loyalisme / se déclarent prêts à donner tous les soldats qui leur seraient demandés/ partiraient eux-mêmes si nécessaire.
Ce résultat obtenu après que j’ai défini but mission / précisé politique généreuse inaugurée par décrets janvier 1918.
Tous chefs interprètent geste Gouvernement comme symbole nouvelle politique / justice et confiance à l'égard race noire. »


Le ministère des Colonies transmet les dépêches au ministère de la Guerre. Mais la méthode Diagne suscite de l’incompréhension au sein de la 8e direction du ministère qui se plaint auprès de Clemenceau. Depuis plus d’un mois qu’il est arrivé en AOF, pourquoi n’a-t-il pas commencé à recruter ?

Une première réponse est à trouver dans la façon dont il a fait sensation à Paris dès sa nomination…

24 janvier 1918
Entrefilet dans Le Journal : « La garde noire de M. Diagne »

« Hier, dans la salle des pas perdus, à la Chambre, irruption inattendue d’une théorie  de soldats noirs. Cela fit impression.
Ils étaient bien une quinzaine, adjudants et sous-officier, qui suivaient M. Blaise Diagne, député du Sénégal, considérant le lieu avec une curiosité amusée, et riant de toutes leurs dents blanches. »


N’en déplaise aux autres députés, Diagne a choisi de s’entourer de soldats noirs, élevés dans la hiérarchie militaire pour leurs faits d’armes et décorés par la République. Selon l’écrivain Amadou Hampâté Bâ , l’état-major de la mission Diagne de 1918 est composé de jeunes officiers africains « galonnés d’or, gantés de blancs, bardés de médailles et de fourragères ». C’est ainsi que le recrutement est précédé d’une vaste opération de communication.





Une véritable flotte est affrétée pour Blaise Diagne et sa suite. La mission embarque sur d’immenses barges à Bamako sur le fleuve Niger. Mais à Kouroussa, c’est par le chemin de fer de Guinée, nouveau symbole du génie français, que le commissaire de la République poursuit son voyage jusqu’à Conakry. Les gares deviennent les théâtres dans lesquels Blaise Diagne met en scène le faste de ses arrivées.

Fort de sa popularité réaffirmée à Dakar et à Bamako, Blaise Diagne part confiant pour la Guinée française le 27 mars 1918. Il atteint Kouroussa par le fleuve puis reprend le train à partir de Dabola, traverse Mamou et Kindia pour arriver à Conakry le 8 avril 1918. Mais d’après nos sources religieuses, la campagne de Guinée est loin d’être gagnée !


  • Embarquement pour Kouroussa
  • Nuage de sable sur le fleuve Niger
  • La population se regroupe sur la berge
  • La mission accoste à Kouroussa
  • Au contact avec la population
La mission accoste à Kouroussa
 

Extrait du diaire des spiritains, dans lequel sont relatés les événements au jour le jour

Kouroussa - 4 avril 1918

« Dans la matinée, arrivée de Diagne, député du Sénégal, commissaire général de la République en Afrique française. La raison du voyage de ce distingué personnage est d’engager les Noirs à se faire tirailleurs pour la défense de notre patrie. Il paraîtrait que sa parole ne produit pas un extraordinaire effet. »

Kouroussa - 11 avril 1918

« Le commissaire de la République, de retour de Conakry, arrive à Kouroussa vers sept heures du matin. L’impression générale de cette visite, auprès des Noirs, n’est guère en faveur de ce représentant de notre gouvernement. L’un ou l’autre griot clamait bien que M. Diagne était désormais le grand « fama » (roi) de la France ; mais quand la population a vu qu’il ne tranchait pas les palabres qu’on lui soumettait, il y a eu des mécontentements et les réclamations n’ont pas manqué. D’abord les femmes des tirailleurs qui sont à la guerre ; ces braves personnes ont trouvé en effet surprenant que M. Diagne, ayant soi-disant pouvoir sur le Gouverneur ‘’jusqu’à le mettre à la porte de la Colonie’’ ne leur fasse pas rendre les allocations qu’elles avaient reçues depuis le début des hostilités. Puis c’était, paraît-il, le tour des anciens tirailleurs valides ou invalides, qui demandaient au député du Sénégal le prix de leur dévouement à la patrie. On comprend facilement que tous ces gens, n’ayant rien obtenu, n’aient pas en odeur de sainteté le commissaire de la République ainsi que les Sénégalais. »

Les notes des pères spiritains traduisent l’époque. Commencée en 1914, la Grande Guerre épuise l’Afrique depuis cinq ans, sur le front et à l’arrière. Si les fils sont enrôlés, leurs familles sont également soumises à l’effort de guerre. Elles sont contraintes de fournir les porteurs et puisent dans leurs récoltes pour nourrir les contingents.

Faut-il encore que la France fasse appel à l’Afrique ? C’est cette exaspération qui s’exprime à travers les revendications des mères et des anciens soldats.

Mais on peut également lire dans ces lignes toute l’hostilité des pères spiritains de Guinée face à l’autorité d’un Africain franc-maçon promu commissaire de la République. Blaise Diagne est en effet un citoyen français, car il est né à Gorée en 1872, l’une des quatre communes françaises du Sénégal. De surcroît, la loi Diagne du 29 septembre 1916 étend à tous les habitants de ces communes (Saint-Louis, Gorée, Rufisque et Dakar) l’exercice de plein droit à la citoyenneté. Et en 1918, devenu commissaire de la République, Blaise Diagne incarne la puissance et le pouvoir de l’État. De fait, il se situe au-dessus de toutes les autorités coloniales de l’Afrique occidentale française, dans un contexte où les relations entre l’Église et l’État sont encore houleuses (à la suite de la loi de 1905 séparant les Églises et l’État). Une provocante remise en question de l’ordre établi dont témoignent ces photographies inédites à la gloire de la campagne africaine de Blaise Diagne.


  • De Kouroussa à Dabola en Guinée française
  • Arrivée à la gare de Dabola
  • Étape à Dabola. Entre Kouroussa et Mamou
  • Rue principale de Mamou en Guinée
  • Mobilisation à Mamou en Guinée française
Étape à Dabola. Entre Kouroussa et Mamou

Diaire des spiritains de Sainte-Marie de Conakry

8 avril 1918

« À 10 h, M. Blaise Diagne, député du Sénégal, commissaire du gouvernement de la République, arrive en gare. Il est accompagné du gouverneur qui est allé à sa rencontre jusqu’à Kouroussa, car il descend du Soudan. Il est reçu avec les honneurs dus au gouverneur général : c’est le maire qui lui souhaite la bienvenue à la gare. Puis il reçoit tous les chefs de service à l’Hôtel du gouvernement. Dans l’après-midi, il fait un long palabre devant l’Hôtel aux chefs indigènes sur l’objet de sa mission : le recrutement de nouvelles troupes noires. Auparavant, il a parlé aux Européens, et il n’est point tombé dans le ridicule, au contraire. Sans doute l’élément blanc est en général froissé dans son amour propre ; mais ce Noir est loin d’être dépourvu, et il est arrivé avec de très grands pouvoirs. »

9 avril 1918

« Nos jeunes gens nous demandent la fanfare pour rehausser le vin d’honneur qu’ils offrent avec les Sénégalais au député du Sénégal. Le révérend père Préfet essaie de leur faire comprendre que les idées politiques de cet homme ne nous permettent pas de le fêter comme s’il était l’un des nôtres. La cérémonie est à 5 h du soir : presque tous les Européens y sont invités par un ‘‘comité indigène’’, qui a été créé à cet effet ; le révérend père préfet et le père supérieur le sont, mais ils ne s’y rendent pas. »

Quelles sont les idées politiques de Blaise Diagne ?
Premier Africain de l’histoire française à siéger au palais Bourbon, il est élu député le 10 mai 1914 dans la circonscription des « Quatre communes » du Sénégal. Surnommé « la voix de l’Afrique », il se pose en représentant de l’ensemble des Africains des colonies françaises.

« Il est pénible pour un indigène comme moi d’entendre, dans cette assemblée, discuter des intérêts et de l’avenir des indigènes, chacun apportant son système et sa conclusion, sans que, jamais, ceux qui auront à subir ou accepter vos décisions puissent faire entendre leur voix ».

Membre du groupe Union républicaine radicale et radicale-socialiste, Blaise Diagne fait partie de la même famille politique que celui qui le choisit pour sa mission de 1918 : Georges Clemenceau. Mais ce n’est pas le seul lien entre les deux hommes. Blaise Diagne est aussi un animal politique. Et tout comme le Tigre (le surnom de Clemenceau), celui que l’on admire ou que l’on moque en l’appelant « la voix de l’Afrique » est profondément attaché à la laïcité et partage les valeurs de la franc-maçonnerie.

C’est ainsi que le combat de Blaise Diagne pour les indigènes de la République est celui d’un intellectuel humaniste, mais assimilationniste. Tout au long de sa campagne africaine, il martèle son appel à rejoindre l’armée française pour la défense de la patrie d’une formule unique :

En versant le même sang, vous gagnerez les mêmes droits.

Diaire des spiritains de Sainte-Marie de Conakry

9 avril 1918

« Deux ou trois jeunes originaires du Sénégal prennent la parole puis c’est Soussou, un ancien de notre mission de Boffa. L’un de ces derniers revendique sottement les grands droits du citoyen français à l’égalité, et s’attire une verte réponse de Diagne, qui lui dit que pour ces droits il faut d’abord les mériter, en remplissant son devoir, et le 1er devoir en ce moment est de servir la France et de verser son sang pour elle. Après ce ‘‘vin d’honneur’’, le député, commissaire du Gouvernement, est reçu à la Loge maçonnique de Conakry. »


  • Jour d’arrivée de la mission à Conakry
  • Les chefs religieux arrivent à la palabre
  • La foule à l’écoute de Blaise Diagne
  • Palabre entre chefs et officiers à Conakry
  • Conakry - Hôtel Dubot, avant le vin d’honneur
  • Vin d’honneur offert au commissaire de la République
  • Blaise Diagne et la société coloniale de Conakry
Les chefs religieux arrivent à la palabre

Diaire des spiritains de Boffa

12 Avril 1918

« On dit de nouveau nos mers hantées par les sous-marins boches. On dit que la réception de notre député nègre, Diagne, a fait fiasco à Conakry. On dit qu’il y aura un enrôlement général des nègres et des blancs. On dit ! Mais que ne dit-on pas. Dieu bénisse la France et ses armées. »



 

Génocide rwandais: un médecin poursuivi en France
suspendu de ses fonctions

          Le palais de justice de Paris, France (image d'illustration).
          © Eric FEFERBERG / AFP
 

En France, le docteur Twagira a été suspendu de l'hôpital où il travaillait près de Paris, après la protestation de la commission rwandaise de lutte contre le génocide. Ce médecin rwandais avait été condamné, par contumace en 2009 au Rwanda, pour crime de génocide et il est aujourd'hui poursuivi en France pour les mêmes faits, sur la base d'une plainte du collectif des parties civiles pour le Rwanda.

Pour l'avocat du docteur Charles Twagira, la suspension de son client par son employeur est une violation de la présomption d'innocence. Ce médecin rwandais serait, selon lui, accusé à tort par les autorités rwandaises.

« Mon client est mis en examen pour des faits qui sont extrêmement graves, cela est une certitude. Maintenant, il faut regarder le dossier dans son ensemble. Ce sont des plaintes qui sont déposées en France par une association téléguidée par le Rwanda. Le Rwanda est une dictature. En vérité, si vous regardez la plainte qui a été déposée par ce collectif en 2009 contre monsieur Twagira, elle est fondée uniquement sur des documents judiciaires, couverts par le secret,  donc normalement, j’imagine aussi au Rwanda, des actions judiciaires, et qui sont des documents officiels, des interrogatoires par des procureurs. Il est encore plus dommage de voir qu’on en arrive à quelques bonnes âmes qui viennent dénoncer la mise en examen de mon client pour pouvoir le faire renvoyer d’un hôpital où il avait été embauché en toute connaissance de cause », estime maître Arthur Vercken.

Pour Alain Gauthier, président du Collectif des parties civiles pour le Rwanda (CPCR), avec ou sans confirmation des accusations, les charges sont trop graves pour laisser Charles Twagira exercer dans un hôpital public français.

« Monsieur Twagira, je ne sais pas dans quelle condition, il a réussi à se faire embaucher. D’après les éléments que nous avons eus, il aurait prétendu qu’il avait été blanchi par la justice. Donc, on estime nous que s’il est poursuivi en justice, mis en examen, quand même pour génocide, il n’a pas de raison qu’il puisse travailler, en tout cas dans des institutions publiques telles qu’un hôpital. Nous avons manifesté un petit peu notre désapprobation lorsque nous avons appris qu’il travaillait dans l’hôpital de Liancourt ».

Et le président du CPCR dément tout un manque de respect de la présomption d’innocence : « C’est le discours que tiennent la plupart des avocats de la défense. Il y a eu trois procès jusqu’à maintenant. Le sérieux de notre travail a toujours été apprécié. Nous, ce que nous souhaitons, c’est que Twagira soit jugé ».

Attaque du Splendid Hôtel:
retour sur une terrible nuit à Ouagadougou

Des images du Splendid Hôtel, en feu, après l'attaque par des hommes armés, le 15 janvier 2016.
© REUTERS/RTB via REUTERS TV
 

L'assaut, donné par les forces spéciales au Splendid Hôtel et au restaurant Le Capuccino, attaqués par des hommes armés depuis vendredi soir, est terminé. Une opération de sécurisation était également en cours dans un second hôtel ce samedi. Le premier bilan fourni par des témoignages recueillis par le directeur du principal hôpital de Ouagadougou fait état d'au moins « une vingtaine de morts ». Les attaques ont été revendiquées par Aqmi. Retour sur l'événement.

Le ministère de l’Intérieur a donc annoncé, ce samedi 16 janvier dans la matinée, la fin de l'assaut au Splendid Hôtel, l'un des principaux établissements de Ouagadougou, la capitale burkinabè. Au même moment, l’opération s’est également terminée au café-restaurant Le Cappuccino, situé en face de l'hôtel et lui aussi ciblé par les tireurs. Le président Kaboré s'est déplacé, ce samedi, à l'hôtel Splendid, principal théâtre de l'assaut jihadiste.

C'est sur la terrasse de ce dernier qu'ont été retrouvés une dizaine de corps par les sapeurs-pompiers. Il s'agit là du premier bilan officiel fourni par les autorités burkinabè. Il n'y a pour le moment pas de chiffre concernant l'hôtel, mais selon des témoignages recueillis par le directeur du principal hôpital de Ouagadougou, il y aurait au moins « une vingtaine de morts ».

Des opérations se poursuivent en revanche dans un hôtel voisin, le Yibi, a affirmé le ministre de la Sécurité, Simon Compaoré.

Pour l'heure, 126 personnes ont été libérées et 33 blessés ont été évacués selon le ministère de l’Intérieur. Il a également confirmé la mort de trois jihadistes, tués au cours des opérations.

Vendredi soir, à 19h30 TU, des tirs multiples et des détonations retentissent. Des véhicules garés devant l'établissement explosent et plusieurs hommes cagoulés, arrivés à bord de 4X4, font irruption dans l'hôtel, situé sur l'avenue Kwame Nkruma.
 

Le groupe al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) a revendiqué l'attaque, selon SITE, le centre américain de surveillance des sites islamistes.

Un Conseil des ministres extraordinaire aura lieu ce samedi matin avec le président Roch Marc Christian Kaboré.

L'assaut a duré plus de sept heures

Les assaillants, dont on ignore toujours le nombre exact - 3 ou 4 selon des témoins - s'étaient retranchés dans l'hôtel avec des otages. « Le quartier est bouclé et les dispositions sont prises pour lancer l'assaut et libérer les otages », expliquait vers 22h TU Alpha Barry, le ministre des Affaires étrangères burkinabè.

L'assaut a finalement été donné aux alentours d'1h30 (heure locale et TU). La nuit et la configuration du quartier, en construction, ont rendu difficile une intervention rapide, les forces de sécurité avançant lentement vers l'hôtel.

« L'assaut a commencé », avait également indiqué l'ambassadeur de France, Gilles Thibault, sur Twitter. « Les différentes composantes des forces armées et de sécurité se sont réparti les missions », a-t-il affirmé.

Des forces spéciales françaises sont stationnées en banlieue de Ouagadougou dans le cadre de la lutte antijihadiste dans le Sahel. Les Etats-Unis, qui disposent également de 75 militaires dans le pays, ont indiqué apporter un soutien aux forces françaises autour de l'hôtel.

L'ambassade de France a mis en place une cellule de crise pour ses 3 500 ressortissants qui vivent dans le pays. Le président François Hollande a dénoncé une « odieuse et lâche attaque », confirmant par ailleurs le soutien des forces françaises aux forces burkinabè.

"J'ai vu trois ou quatre individus cagoulés et armés qui se sont introduits dans l'hôtel et après ça s'est mis à tirer, et les gens ont commencé à crier et à fuir"
Témoignage
15-01-2016 - Par RFI

Fréquenté par des Occidentaux

Concernant le déroulé de l'attaque, selon un journaliste joint sur place par RFI, deux véhicules ont explosé devant l'hôtel, à 19h30 TU. Il dit avoir vu deux pick-up prendre feu. Ces deux explosions ont ensuite enflammé une dizaine d'autres véhicules, selon l'AFP.

Le Splendid Hôtel est l'un des principaux hôtels du centre de Ouagadougou, prisé par les Occidentaux et le personnel des agences onusiennes. L'aéroport est tout proche. Des séminaires y ont régulièrement lieu.

On ne sait pas combien de clients et de membres du personnels se trouvaient à l'intérieur au moment de l'attaque.

Qui sont les assaillants ?

Selon les premières informations, trois ou quatre hommes armés et encagoulés se sont ensuite engoufrés dans l'établissement.

Le groupe jihadiste al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) a revendiqué l'attaque, selon SITE, une organisation américaine qui surveille les sites internet islamistes. Selon SITE, Aqmi a posté un message sur la messagerie Telegram, attribuant l'attaque au groupe islamiste al-Mourabitoune qui a récemment rejoint ses rangs.

Alpha Barry
16-01-2016 - Par RFI

Le restaurant Cappuccino également visé

Outre le Splendid Hôtel, un café-restaurant situé juste en face et également fréquenté par une clientèle étrangère, le Cappuccino, a également été la cible des tireurs. Un employé du restaurant, cité par l'AFP, évoque « plusieurs morts ». Le ministre burkinabè de l'Intérieur fait état d'une dizaine de corps retrouvés sur la terrasse du restaurant.

Caché derrière un mur, un soldat burkinabè inspecte les environs de l'hôtel attaqué par un commando jihadiste le vendredi 15 janvier à Ouagadougou. © REUTERS/Stringer

Le Burkina jusque là épargné

Cette attaque est inédite dans la capitale burkinabè, même si le pays, membre du G5 Sahel consacré notamment à la lutte antiterroriste et « point d'appui permanent » de l'opération française Barkhane, a déjà été la cible d'opérations jihadistes.

Elle survient plus de deux mois après un assaut de jihadistes contre l'hôtel Radisson de Bamako, le 20 novembre, au Mali. La prise d'otage avait fait au moins 21 morts, dont deux assaillants. Elle avait été revendiquée par deux groupes jihadistes : al-Mourabitoune de l'Algérien Mokhtar Belmokhtar et le Front de Libération du Macina. Pendant plusieurs heures, les assaillants avaient retenu en otage quelque 150 clients et employés. Les forces maliennes, appuyées par des forces spéciales françaises et américaines et des agents de l'ONU avaient réussi à exfiltrer 133 personnes.

Cette attaque survient dans un contexte que certains habitants décrivent comme étant pourtant calme. Depuis la mise en place du nouveau gouvernement, la vie reprenait son cours, comme l'explique cette résidente française.

Tout le monde reprenait son train de vie quotidien, on recommençait à apprécier les lieux de vie nocturnes, que ce soit les maquis, les restaurants, les salles de spectacle, les théâtres etc. Et c'est vrai que là je suis meurtrie dans mon corps.
Témoignage d'une résidente française à Ouagadougou
16-01-2016 - Par Bineta Diagne
 
 

Une attaque à la frontière malienne

Par ailleurs, un communiqué de l'armée burkinabè a indiqué qu'une attaque contre un convoi de gendarmerie avait fait deux morts plus tôt vendredi après-midi, dans le nord à la frontière avec le Mali.

Le Splendid Hôtel à Ouagadougou est fréquenté par les Occidentaux et les personnels onusiens. © By Zenman via Wikimedia Commons

Turbulence et Re-définition dans la Société, 1960-1980 (PE n° 1085)

La Société au début des années 1960

Dans les années qui ont suivi la deuxième guerre mondiale, la Société a connu une période d’expansion et de renouveau spirituel. Il y eut une grande croissance en nombre. Sur une période de dix ans (1947-1957), la Société est passée de 2.380 à 3.167 membres et, en 1965, elle comptait au délà de 3.600 membres. Beaucoup de nouvelles communautés furent fondées et de nouvelles activités lancées. La Société est devenue officiellement bilingue en 1947 et, en 1952, le généralat déménagea de Maison Carrée (Alger) à Rome. En 1957, pour la première fois de son histoire, un non français, le père Leo Volker, fut choisi comme Supérieur général.

Le Père Leo Volker

En 1962, le père Volker décrivait quelques-unes des difficultés auxquelles le Conseil général devait faire face à ce moment-là :

« Cette année, 88 prêtres seront ordonnés et 18 Frères feront leur serment perpétuel. Mais, en même temps, nous devons nous soucier de 50 vicariats et préfectures apostoliques, 13 grands séminaires, le généralat et 9 provinces et pro-provinces. Vous comprenez notre angoisse …» (Lettre circulaire n° 20. P. Leo Volker, 03.10.1962)

Tels étaient les défis de l’abondance. Il y avait beaucoup de missionnaires travaillant en Afrique : ainsi, la Tanzanie d’aujourd’hui avait deux provinces avec un total de 350 confrères ; le Burkina Faso aussi avait deux provinces et un total de 270 confrères ; l’Ouganda en avait 205, la Zambie et le Malawi 350, le Congo 300. A l’exception du Nigéria et du Mozambique, la Société œuvrait seulement dans les territoires qui lui avaient été confiés par la Propaganda Fide au temps du fondateur.

En ce temps-là, les Pères Blancs étaient «blancs» : ils portaient tous la gandoura et, à de rares exceptions, ils étaient tous européens ou nord-américains d’origine. La vie dans la Société était gouvernée par des règles très claires, telles que définies par le “Directoire”. Dans toutes les communautés de la Société les confrères prenaient leurs repas, disaient les mêmes prières et avaient leur récréation en même temps, finissant chaque journée en chantant le Sancta Maria.

Au début des années 1960, presque tout le monde pensait que la Société continuerait de suivre la ligne de la décade précédente. Mais les années 1960 devaient s’avérer être un grand tournant pour la Société. « Le vent du changement » soufflait sur presque tous les aspects de la vie. La plupart des pays africains obtenaient leur indépendance. La vie de l’Eglise subissait un changement radical avec le Concile Vatican II. Ce fut une décade de bouleversement politique et social en Europe (cf. les événements de 1968). C’était à la fois un changement de structures et de modes de pensée. Et la Société fut touchée par tous ces changements.

Indépendances africaines

La plupart des pays africains ont obtenu leur indépendance dans les dernières années 1950 et dans les années 1960. La Société avait prévu quelques-uns des changements qui auraient lieu en Afrique, mais fut surprise par la vitesse à laquelle ils se produisirent et par les dimensions de ces changements. En général, les confrères accueillirent l’indépendance d’une manière positive. Beaucoup contribuèrent positivement à la préparation de l’indépendance par leur travail dans le domaine de l’éducation et de la formation de l’élite, la création de la presse et leur souci des problèmes sociaux.

Plaque commémorative

Mais l’indépendance signifia un changement très important pour les missionnaires. Dans quelques pays, la transition vers l’indépendance fut paisible et ne causa pas de problèmes majeurs. Mais, en d’autres endroits, la transition fut pénible. Au Congo, l’indépendance fut dramatique : des confrères furent tués en 1961, 1964 et 1965. Les missionnaires furent expulsés de Guinée en 1967. Quelques confrères ont perdu la vie en Algérie. En Tunisie et en Algérie une situation radicalement différente a surgi : la plupart des chrétiens quittèrent le pays et partirent pour l’Europe (Kabyles chrétiens et colons européens) ; les confrères durent donc apprendre à vivre dans un milieu entièrement musulman. A cause de l’indépendance, les gens, dans quelques pays, devinrent plus exigeants et plus sûrs d’eux-mêmes. Il y eut un éveil de sentiments nationalistes en quelques endroits. Dans l’Eglise, ce mouvement d’indépendance s’exprima dans la volonté d’africanisation et d’authenticité. Beaucoup de pays africains passèrent par une période de rejet de tout ce qui était lié à la vieille puissance coloniale, et connurent une sensibilité accrue envers tout ce qui pouvait être perçu comme influence européenne et coloniale. Quelques missionnaires eurent des difficultés avec l’ingérence des cadres politiques et des officiels. Pour quelques missionnaires, l’Afrique n’était plus le lieu qu’ils connaissaient et ils rentrèrent en Europe. Mais la plupart ont accepté la nouvelle situation sans trop grosse difficulté.

Le Père Georges Defour et les jeunes du Mouvement Xavéri à Bukavu

Quelques domaines traditionnels administrés jusqu’alors par l’Eglise furent pris graduellement par les Etats nouvellement indépendants : écoles, hôpitaux. Quelques-uns ressentirent cela comme une perte. D’autres le virent comme un avantage.

Les méthodes pastorales changèrent. Beaucoup de groupes d’Action catholique furent créés et se sont développés au cours de cette période. On insista plus fortement sur des projets de développement car on avait une plus grande conscience de la nécessité de lutter contre le mal sous toutes ses formes.

La formation des hiérarchies locales

Comme les pays africains devenaient indépendants, l’Eglise africaine fit de même.

Jus Commissionis

(Cf. Histoire de la Société des missionnaires d’Afrique. Rome 1990, p. 53)

Jusque dans les années 50, les relations entre un Institut missionnaire et le territoire où il servait étaient réglées par le « Jus Commissionis » : un contrat entre la Propaganda Fide et l’Institut missionnaire par lequel ce dernier recevait une responsabilité spéciale au service de l’Eglise sur ce territoire. Dans l’Eglise universelle, le Jus Commissionis fut abrogé en 1969. Mais, dans les Eglises africaines où les missionnaires d’Afrique travaillaient, les hiérarchies locales furent établies dans les années 50 abrogeant ainsi, de fait, le Jus Commissionis. Les vicariats devinrent des diocèses au sens plein.

L’impact de ces changements ne se fit sentir que dans les années 60 quand les hiérarchies qui avaient été établies dans les années 50, commencèrent à être africanisées. En 1962, au début du concile, il y avait 330 évêques venant de diocèses africains mais seulement 80 d’entre eux étaient africains.

Tandis que l’africanisation aurait dû être une cause de fierté chez les missionnaires (c’était un signe qu’ils avaient réussi dans leur tâche) – et, pour l’immense majorité, il en fut ainsi – pour un petit nombre ce fut considéré comme une perte. L’africanisation des Eglises a bien signifié une certaine perte de pouvoir et de contrôle. Les choses ne se faisaient plus de la manière à laquelle les missionnaires étaient habitués. Un missionnaire a déclaré que quelques-uns se sentaient comme une mère dont la fille venait d’être mariée ! Les Instituts missionnaires n’avaient plus leurs missions. Quelques missionnaires avaient le sentiment que l’africanisation de l’Eglise était un signe que leur rôle dans l’Eglise africaine était terminé et qu’il leur fallait partir, afin de forcer les chrétiens africains à assumer leurs responsabilités et de leur permettre de les assumer.

Pays Abrogation du
Jus Commissionis
Premier
évêque africain
Les évêques africains
sont la majorité
Haute Volta
(Burkina Faso)
1955 1960 1968
Mali 1955 1962 1976
Gold Coast
(Ghana)
1950 1960 1973
Nigéria 1950 1973  
Ouganda 1953 1939 1969
Tanganyika
(Tanzanie)
1953 1951 1962
Nyassaland
(Malawi)
1959 1956 1961
Rhodésie du Nord
(Zambie)
1959 1965 1965
Zaire – R.D. Congo 1959 1960 1963
Rwanda 1959 1952 1962
Burundi 1959 1959 1962

Les premiers évêques africains furent reçus avec joie ; plus tard, des difficultés ont été éprouvées à cause de nouvelles directives pastorales (ou leur manque). Dans quelques cas, les évêques africains avaient des priorités autres que celles de leurs prédécesseurs blancs. Ceci a causé des frictions entre les régionaux et les nouveaux évêques – par exemple dans les domaines des nominations et de la gestion financière. Quelques confrères ont craint d’être mis entre les mains d’évêques africains sans être suffisamment protégés et soutenus par la Société. Des contrats furent donc prévus pour clarifier la situation nouvelle. Mais dans la réalité des situations vécues, les contrats ont eu une valeur limitée ! Le Supérieur général et ses assistants, par leurs visites et rencontres, travaillaient à apaiser ces craintes. La plupart des confrères ont réagi généreusement à la situation nouvelle.

En dépit de l’abrogation du Jus Commissionis, la Société a ressenti qu’elle avait une obligation morale envers ses diocèses et les missionnaires y sont restés. Cela a cependant ouvert la voie à de nouvelles possibilités que la Société allait assumer après le Chapitre de 1974. La Société pouvait maintenant envoyer des missionnaires vers de nouvelles régions : Nairobi (Kenya), Afrique du Sud, Tchad, Niger et le Copperbelt en Zambie.

Contribution des missionnaires d’Afrique à l’établissement de l’Eglise locale

De bien des manières, la Société a pris une part active à la construction de l’Eglise locale. Une des priorités pastorales de la Société, presque dès le début, fut l’établissement et la marche de séminaires en vue de former le clergé local. Dans les années 60, beaucoup de membres du clergé local avaient été formés dans des séminaires administrés par les Pères Blancs. Après leur ordination, beaucoup d’entre eux ont vécu et travaillé dans des communautés de Pères Blancs. Avec l’africanisation des diocèses, une des premières choses à être transmise fut la direction des séminaires diocésains. Quelques confrères restèrent comme professeurs.

le Grand séminaire de Kipalapala en construction

La Société fut active dans la formation des prêtres africains, des Sœurs et des Frères. Un exemple est l’Institut de Ggaba (Kampala, Ouganda) qui déménagea plus tard à Eldoret (Kenya). Des confrères furent impliqués dans la formation et la mise en place des Petites Communautés Chrétiennes et dans la création de syllabus d’éducation religieuse. Un bon nombre de prêtres diocésains prirent part aux sessions et retraites organisées à Jérusalem. Parallèlement à la formation du clergé local des confrères furent aussi actifs dans la fondation et la conduite de Centres de formation de catéchistes.

Relations entre la Société et les Eglises locales

Un des problèmes principaux de la Société fut de redéfinir le rapport des missionnaires à l’Eglise locale. Jusque dans les années 50, les missionnaires étaient en charge de la mission ; ils avaient fondé l’Eglise locale et l’avait organisée. Mais avec l’établissement des hiérarchies locales et avec un clergé diocésain devenant plus nombreux et prenant des postes de responsabilité, les relations entre les missionnaires et les Eglises locales subirent un changement radical.

Le Père Bob Gay

Tel fut le principal point focal des « chapitres d’aggiornamento ». Dans le rapport du Supérieur général au Chapitre de 1986, le père Bob Gay décrivit l’évolution qui eut lieu entre les années 1967 et 1980. Il écrivait : « Le développement peut être conçu comme la construction lente d’une phrase très simple : La Société des missionnaires d’Afrique est au service des Eglises locales d’Afrique ». Il écrivait encore :

« Le Chapitre de 1967 insistait sur le fait que nous sommes au service de l’Eglise locale. C’était une réaffirmation nécessaire. Nous sommes à la fin de l’ère missionnaire du Jus Commissionis et aux premières années d’une hiérarchie constituée en Afrique. Notre entière perspective de l’apostolat se devait d’être ajustée à cette vue de la mission.» (Rapport du Supérieur général. P. Bob Gay, Petit Echo 1986, p. 528.)

Le Père Théo Van Asten

Le Chapitre de 1967 a affirmé que nous sommes «au service de l’Eglise locale». Le père Théo Van Asten, guidé par Mgr Blomjous, insista sur le besoin de travailler étroitement avec et au sein des Eglises locales émergentes.

Le Chapitre de 1974 s’efforça de clarifier le service que la Société offrait à l’Eglise locale. Ce n’est pas un service inconditionnel. La Société est au service de l’Eglise locale comme Société missionnaire, mais selon son charisme propre, sa spiritualité et son mode de vie. Si la Société devait offrir un service inconditionnel à l’Eglise locale, elle pourrait s’enliser dans ces régions où elle a travaillé traditionnellement et perdre son charisme missionnaire. La Société devrait être prête à aller de l’avant et à entreprendre de nouvelles tâches. Le Chapitre de 1974, avec son insistance sur la première évangélisation, parlait de tâches d’avant-garde et pionnières. Il a défini, comme tâches prioritaires de la Société, la première évangélisation, le dialogue avec l’islam, l’évangélisation dans des situations nouvelles telles que : apostolats urbains, travail avec les migrants, communautés chrétiennes de base.

Mgr Blomjous

Le Chapitre de 1980 centra son attention sur l’identité de la Société. Quelle est l’identité de la Société au service des Eglises locales en Afrique ? Le chapitre a réaffirmé que nous sommes au service de l’apostolat dans le monde africain, plus particulièrement en Afrique. Notre projet apostolique commun est de témoigner de l’évangile, en vivre et de le proclamer au sein des peuples de l’Afrique. (Chapitre 1980, Documents n° 26) Nous nous efforçons d’obtenir cela non pas tout d’abord comme individus, mais comme communautés internationales et interraciales offertes aux Eglises locales. Il a aussi insisté sur notre charisme missionnaire avec son intérêt particulier pour le monde de l’islam et, finalement, sur ce qui constitue notre identité de missionnaires d’Afrique. (Cf. Rapport du Supérieur Général. P. Bob Gay, Petit Echo 1986, p. 529) Il a insisté sur nos tâches prioritaires : première évangélisation aux frontières de l’Eglise, autonomie des Eglises locales, dialogue avec les musulmans, travail pour la justice et le développement, animation missionnaire et service des confrères. La Société travaille au sein des Eglises locales mais, en même temps, respecte sa propre identité missionnaire.

Dans la période considérée ici, les rapports entre la Société et les Eglises locales ont changé radicalement. On peut distinguer différents moments :

Au stade initial de l’évangélisation, les missionnaires ont joué un rôle dominant. Jusqu’aux années 50 et 60 presque toutes les fonctions importantes dans l’Eglise locale étaient entre les mains de la Société.

Alors que la hiérarchie locale était établie et que le clergé local devenait plus nombreux et plus expérimenté, beaucoup de fonctions et de paroisses leur furent transmises. La Société cependant continuait à jouer un rôle signifiant. Les missionnaires étaient encore nombreux et beaucoup de paroisses étaient encore entre leurs mains.

Dans les années récentes, comme le clergé local devenait plus nombreux et que les missionnaires devenaient le petit nombre, notre présence devint de plus en plus marginale.

1. “Partir pour de bon” ou “période de transition” ?

A la rencontre de Bangkok du Conseil mondial des Eglises en 1973, on disait que les Eglises du Tiers-Monde ne deviendraient jamais adultes aussi longtemps qu’il y aurait une présence massive de représentants d’Eglises du «premier monde». L’aide financière apportée par les pays développés et les missionnaires étrangers étaient cause de dépendance. Afin que les Eglises du Tiers-Monde deviennent adultes, on proposa que les Eglises du monde développé éliminent temporairement leur aide financière et « partent ». La suggestion de « partir » provoqua un tas de discussions en différentes parties de l’Eglise catholique. On appela “moratoire” cette idée de « partir ».

Dans les milieux catholiques le “moratoire” n’a pas eu beaucoup d’influence. Il n’avait pas la faveur des évêques africains. Au contraire, ils étaient activement à la recherche de plus de missionnaires parce que, dans la plupart des diocèses, il y avait encore un manque de prêtres et de religieux. Le fait que, dans quelques pays africains, il y eut un afflux d’autres congrégations, affaiblit l’argument qu’il était temps de plier bagage et de rentrer chez soi.

Même si l’idée de moratoire n’a pas dominé la réflexion de la Société, elle a eu cependant une certaine influence. Elle a causé un sentiment de découragement chez certains. Les questions « Pourquoi sommes-nous ici ? » et « Qu’est-ce que nous y faisons ? » étaient posées. Quelques confrères ont pu trouver dans cette théorie la justification de partir pour d’autres raisons, souvent personnelles. Cela a eu des répercussions négatives sur l’animation missionnaire. Pour les missionnaires d’Afrique, c’est en Tanzanie que ce mouvement a été le plus fort.

À un niveau officiel, les évêques africains répondirent à ce débat sur le moratoire en publiant une déclaration durant le Synode des évêques à Rome. Ils rejetaient l’idée du moratoire comme étant une cassure dans les relations fraternelles entre les Églises, les plus vieilles et les plus jeunes. Ils insistaient sur le fait qu’il y a encore besoin de missionnaires, mais que la coopération entre elles devra prendre de nouvelles formes qui prendront en compte les aspirations des jeunes Églises pour plus d’autonomie et de responsabilité. Ils encouragèrent leurs propres Églises à se prendre plus en charge et ils demandaient aux Églises occidentales de faire passer leur aide par des projets gérés localement. (John Baur, 2000 ans de christianisme en Afrique, p. 314.)

En Europe et en Amérique du Nord, la notion de mission fut de plus en plus attaquée dans la presse et ailleurs. On disait que les missions avaient exporté la domination européenne et la civilisation européenne, qu’elles prolongeaient l’influence des puissances coloniales et qu’elles exportaient un modèle européen d’Eglise. On disait encore que la mission devrait cesser et que les missionnaires devraient se retirer des territoires de mission. Cette atmosphère eut pour effet de décourager quelques missionnaires. (« La société des missionnaires d’Afrique des années cinquante à aujourd’hui », J-C Ceillier, p. 1.)

Alors que l’Eglise en Afrique s’africanisait, il y eut, en certains endroits, une tension entre clergé local et clergé étranger. On avait le sentiment que le moment était venu de transmettre la responsabilité de l’Eglise au clergé local – spécialement pour les séminaires. C’était le temps de la transmission ; pour certains, ce fut un temps difficile. Il y avait de nouvelles tensions : missionnaires – évêques du pays ; missionnaires – nombre croissant de prêtres dans le clergé diocésain. Pour quelques missionnaires cela fut un temps difficile parce que l’Eglise locale n’était plus organisée comme autrefois. Quelques missionnaires eurent de mauvaises expériences et furent découragés. Ils ont vu cela comme un signe que le moment était venu de laisser l’Église d’Afrique aux Africains et de permettre au clergé africain de prendre ses responsabilités.

En certains endroits, le clergé local ressentait la présence des missionnaires comme un obstacle. Quelques évêques africains virent les missionnaires comme un mal nécessaire ! (John Baur, 2000 ans de christianisme en Afrique, p. 313) – parce qu’ils empêchaient l’inculturation. Souvent, quand le clergé local devint suffisamment nombreux et forma un groupe distinct, il y eut des tensions entre eux et les missionnaires qui étaient là depuis longtemps. Au Zaïre, cette tension était forte si bien que quelques-uns parlaient de guerre froide. Quand le clergé local eut la majorité et fut en charge, cette tension disparut. (W. Bühlmann, «The coming of the Third Church», p. 273)

Cependant il était clair qu’un certain type de mission avait fait son temps, celui d’une Eglise dominée par les missionnaires européens et les finances européennes ; une Eglise identifiée aux vieilles puissances coloniales. Dans les années 60, une nouvelle réalité émergea : une Eglise africaine où le missionnaire était au service des évêques africains et de l’Eglise africaine. Le missionnaire européen n’était plus en charge comme c’était le cas autrefois. Il était invité à entrer dans un nouveau rapport avec l’Eglise locale et à passer d’une position de maître à celle de serviteur. Pour les missionnaires qui réussirent à faire ce pas, la mission a continué avec la même urgence qu’auparavant.

Les problèmes causés par une présence missionnaire pesante dans l’Eglise locale furent résolus de différentes manières :

Beaucoup de missionnaires firent la transition et marchèrent avec leur temps.
Il y eut beaucoup de départs de l’Afrique – pour des raisons diverses. Quand je suis arrivé en Ouganda en 1974, j’ai entendu parler de tous les confrères qui avaient quitté le pays dans les quelques années précédentes ; ils étaient partis soit à cause de la difficulté de renouveler leurs permis de travail dans l’Ouganda d’Amin ou leur inhabilité à se réajuster à la situation nouvelle.

En même temps, il y eut une chute sérieuse dans le nombre de missionnaires arrivant en Afrique. A ce moment-là, les vocations en Europe avaient chuté très sérieusement.

Avec l’insistance nouvelle de pousser en avant les tâches pionnières (Chapitre de 1974), la Société a commencé à envoyer des missionnaires vers d’autres régions et de nouveaux pays : Tchad, Niger, Afrique du Sud, Soudan.

Pour la majorité, les Pères Blancs ont négocié cette transition sans problèmes majeurs. Les supérieurs majeurs ont insisté sur le besoin de travailler de pair avec le clergé africain et au sein des nouvelles Eglises locales émergentes. Le père Jean-Marie Vasseur, Supérieur général de 1974 à 1980, se dépensa à réinjecter enthousiasme et dynamisme dans la Société. Il a montré que, au lieu de partir sur la pointe des pieds, la Société était plus nécessaire que jamais. Il fit remarquer que la Société recevait plus de demandes de missionnaires de la part d’évêques africains qu’on ne pouvait en satisfaire, y compris des demandes venant d’évêques de territoires où nous ne travaillions pas.

Père Jean-Marie Vasseur

Le Concile Vatican II

Un autre domaine où le «vent du changement» soufflait fut au sein même de l’Eglise. Les années autour du concile Vatican II (1962-1965) fut un temps passionnant, un temps de questionnement et de réexamen de beaucoup d’aspects de la foi et de la vie de l’Eglise. Le but du concile était l’aggiornamento : mettre l’Eglise à jour en l’adaptant aux réalités du monde moderne.

Vatican II s’est révélé être un grand tournant dans la réflexion sur la mission. Jusqu’à ce moment-là, le but de la mission avait été de «sauver les âmes», «convertir les païens» et «établir l’Eglise». Il y avait un aspect de «mission civilisatrice» et ceci était lié jusqu’à un certain point à la colonisation. La poussée de la mission venait de l’ouest vers le Tiers-Monde, un mouvement à sens unique centralisé depuis Rome. Trois documents conciliaires (Ad Gentes, Nostra Aetate et Gaudium et Spes) ont proposé une nouvelle approche de la mission. La mission est maintenant perçue comme un partage de la mission de la Trinité et est basée non seulement sur la rédemption mais aussi sur l’incarnation. Le concile soulignait la valeur des autres religions et le respect qui leur était dû.

Il y eut un changement majeur dans l’ecclésiologie. De «extra ecclesiam nulla salus» (pas de salut hors de l’Eglise), l’Eglise s’ouvrait à l’œcuménisme et au dialogue avec les autres religions. Ce changement de théologie eut des implications pratiques considérables pour le travail missionnaire. S’éloignant d’un modèle purement hiérarchique, l’Eglise mettait l’accent désormais sur le peuple de Dieu dans lequel tous les hommes sont appelés à prendre part. L’Eglise locale revêtait maintenant une importance beaucoup plus grande.

Résultant du concile, beaucoup de changements se sont manifestés et ils sont arrivés rapidement. Un vent de démocratie et de liberté soufflait dans l’Eglise. Ceci l’amena à questionner beaucoup d’aspects de sa vie. Quoique les documents conciliaires aient été propagés rapidement, cela prit beaucoup de temps pour qu’ils soient lus et digérés. La conséquence pour certains, à brève échéance, a été la désorientation et la confusion. Quelques catholiques ne savaient plus que penser et que croire. Beaucoup de ce qu’ils avaient cru jusque-là et leurs manières de prier et de considérer le ministère semblaient être récusées et rejetées. C’est à ce moment-là que beaucoup de prêtres quittèrent le ministère ; d’autres se disaient découragés. Cependant, pour beaucoup d’autres, le concile fut comme un souffle d’air frais qu’ils accueillirent avec enthousiasme.

Pour quelques aspects de la vie et de la discipline de l’Eglise, le couvercle qui les étouffait fut enlevé. Beaucoup de choses qui avaient été réprimées, montaient maintenant à la surface. Après un long temps d’obéissance stricte à des façons de faire et de penser, le pendule a commencé à prendre une autre direction. Une grande partie de la confusion de ce temps-là était due au fait que quelques changements dans l’Eglise se firent sans préparation adéquate ; ils se matérialisèrent très rapidement et quelques-uns étaient trop radicaux. Le concile a ouvert les portes – des catholiques sont allés plus loin que ce qui était écrit dans les documents.

Les Chapitres d’ “Aggiornamento”
(1967, 1974, 1980)

Le Chapitre de 1967

La Société, comme toute autre congrégation, devait repenser tous ses buts et structures à la lumière du second concile du Vatican. Le concile avait accompli un aggiornamento de toute l’Eglise ; il était maintenant nécessaire pour la Société d’appliquer cet aggiornamento – ceci a été fait au cours de trois chapitres : 1967, 1974 et 1980.

Durant ces Chapitres dits « d’aggiornamento », toutes les structures et buts de la Société furent repensés à la lumière du concile. Il y avait tant à faire en 1967 que le Chapitre se déroula en deux sessions séparées. Le Chapitre produisit deux séries très riches de documents dans lesquels presque tous les aspects de la Société et de sa mission étaient repensés. A la différence des autres chapitres celui-là pensa qu’il était nécessaire de donner une présentation théologique pour chacun des points traités. Toutes les structures de la Société furent remises en question et beaucoup d’entre elles furent rejetées (sans être immédiatement remplacées). Voici quelques-uns des points principaux du chapitre de 1967 :

  • Le missionnaire et la Société en général sont au service des Eglises locales en Afrique.
  • L’activité missionnaire comprend à la fois l’évangélisation de ceux qui ne connaissent pas encore Jésus-Christ et aussi le soin à donner aux jeunes Eglises pour qu’elles parviennent à maturité. (Chapitre 1967, n° 136.)
  • La notion d’adaptation (précurseur de l’inculturation) : il faut permettre aux jeunes Eglises africaines d’exprimer leur foi d’une manière adaptée à leur culture.
  • Un plus grand respect pour les religions non-chrétiennes – spécialement pour l’islam.
  • La vie de communauté fut réexaminée à la lumière d’idées telles que co-responsabilité et dialogue. Chaque communauté devait avoir son rythme propre. L’obéissance et les relations avec les supérieurs furent rénovées.
  • Respect et appréciation de la vocation des Frères, ouverture aux vocations africaines et conscience du besoin d’un système plus ouvert de formation.

Dans la vie de la Société le pendule virait vers un autre versant. Ce qui avait été négligé jusqu’alors était maintenant développé ; en conséquence, quelques éléments se sont perdus, au moins pour un temps. Quelques notions majeures et principes de vie intérieure commencèrent à être négligés : humilité, abnégation, renoncement, sacrifice. D’un autre côté, il y eut une plus grande insistance sur les droits et le développement de la personne individuelle et de ses capacités.

Alors que beaucoup de bonnes choses ont été dites et écrites au Chapitre, il y eut, au moins à brève échéance, un problème de mise en place des décisions. Au début, toutes les décisions ne furent pas bien comprises. Les confrères eurent la tendance de suivre les décisions qui étaient en faveur d’une plus grande liberté personnelle, tandis que les décisions qui traitaient d’une plus grande responsabilité communautaire tendaient à être laissées de côté. Tout cela apporta une grande liberté pour certains, mais une confusion pour d’autres. En certains endroits, la règle, l’horaire, les vieilles structures d’autorité disparurent. Ceux qui avaient dépendu de ces éléments se sentirent perdus.

Période de turbulence (1967 – 1974)

Les Chapitres de 1974 et 1980 continuèrent et complétèrent le travail du Chapitre de 1967. Les années 1967-1974 furent, pour certains, un temps d’incertitude et de contestation à la fois dans la Société, dans toute l’Eglise et aussi dans l’ensemble de la société. Beaucoup de confrères quittèrent la Société et la prêtrise. De 1967 à 1981, 368 prêtres quittèrent la Société : 252 furent laïcisés, 61 furent incardinés dans d’autres diocèses et 55 partirent de façon irrégulière. Ce fut un temps de transition : avant les années 1960 les missionnaires faisaient marcher les Eglises locales en Afrique ; maintenant ils étaient au service d’Eglises locales qui étaient aux mains d’évêques et de clergés locaux. Des convictions profondément ressenties et des manières de faire furent contestées – quelques-unes par le concile, d’autres par des changements de mentalité à la fois en Afrique (à cause de l’indépendance) et dans la société occidentale. Beaucoup de structures de la Société qui avaient été mises en place avant 1967 étaient rejetées mais n’avaient pas encore été remplacées par de nouvelles. Le nombre de confrères qui partaient et la chute du nombre de ceux qui entraient eurent un effet décourageant.

Pour d’autres, ces temps-là furent passionnants et exaltants. Beaucoup ont été remplis d’enthousiasme par les conséquences du Concile et des indépendance africaines. La distanciation d’avec la rigidité du vieux «directoire» ouvrit la voie à une nouvelle liberté. Pour ceux qui avaient une forte «colonne vertébrale», tout cela fut une source d’énergie. Mais pour ceux qui avaient été formés par la dure «carapace» de la règle, ce fut très déroutant.

Le Chapitre de 1974

Le Chapitre de 1974 continua le travail de celui de 1967 : il garda, adapta et modifia, quand nécessaires, les résultats du Chapitre précédent. Le Chapitre fut guidé par 3 principes :

  • La mission n’est pas finie – nous continuons.
  • La mission devrait se centrer de plus en plus sur le monde non chrétien.
  • Afin d’être fidèle à notre vocation missionnaire, nous avons besoin de formation continue et d’un approfondissement de notre vie spirituelle.

Le Chapitre clarifia le service que la Société pouvait offrir aux Eglises locales. Il présenta notre manière de vivre : communauté, attitudes apostoliques : espérance, fidélité, offrande de soi, amour et respect pour les populations avec lesquelles nous vivons et travaillons.

Après le Chapitre de 1974, la Société, sous la direction du père Jean-Marie Vasseur, continua de redécouvrir sa propre identité et son propre dynamisme après la crise des années 1960 :

  • La spiritualité ignacienne fut réaffirmée. La maison de Jérusalem fut ouverte à des retraites ignaciennes et des sessions bibliques. Des sessions sur la spiritualité ignacienne furent organisées à Dublin et Thy-le-Château pour la formation du personnel.
  • Notre charisme missionnaire fut réaffirmé. On s’écarta du service inconditionnel de l’Eglise locale pour un service de l’Eglise comme Société missionnaire ayant son charisme propre.
  • La communauté fut réaffirmée. Le Chapitre de 1974 parlait de regrouper, ramener les confrères ensemble dans le but de la vie communautaire. La chapitre de 1980 déclara que la Société était prête à mettre des communautés de missionnaires d’Afrique à la disposition des évêques, non plus des hommes individuellement. On insista à nouveau sur la règle de trois et les communautés mixtes furent découragées. On insista sur le besoin d’une vie de communauté de qualité.

Dans les dernières années 1970 et les premières de 1980, la Société ouvrit des maisons de formation en Afrique pour y accepter des vocations africaines.
Le petit livre « Notre Identité », écrit par un groupe de confrères, fut publié ainsi qu’une série de lettres circulaires écrites par des membres du Conseil général sur divers aspects du charisme et de l’esprit missionnaire d’Afrique.

La Société lança de nouvelles fondations dans des pays où elle n’avait pas été présente jusque-là : par exemple, en Afrique du Sud et dans l’Est de l’Ouganda

Le Chapitre de 1980

Le Chapitre de 1980 fut le dernier chapitre d’aggiornamento. Ce fut le chapitre de « notre identité ». Les chapitres précédents avaient déclaré que la Société était au service de l’Eglise africaine et avaient défini les modalités de ce service. Le Chapitre de 1980 sentit le besoin de souligner et de clarifier l’identité de la Société qui s’était mise au service des Eglises locales. Il développa qui nous sommes. Il insista sur le fait que nous sommes membres de communautés et sur la qualité de la vie de communauté.

Chiffres

Quand on regarde l’appartenance à la Société depuis 1960 on peut distinguer deux moments :

  • Après avoir atteint un sommet en 1967 (3621 membres), le nombre de confrères principalement d’origine européenne et nord-américaine commença à décliner ; ce déclin a continué jusqu’à aujourd’hui.
  • En même temps, le nombre de confrères africains (et de ce qu’on avait l’habitude d’appeler le «Délégation Intercontinentale») a continué à augmenter depuis l’ouverture du premier Cycle africain en 1979. Il y a maintenant presque 300 confrères africains dans la Société et ce nombre croît.

La baisse des chiffres

Jusqu’en 1967/68, le nombre de confrères dans la Société a augmenté constamment. La Société atteignit 3.618 membres en 1967. C’est une augmentation de 526 en 10 ans. Mais, dès ce moment-là, le nombre a commencé à baisser. Depuis les premières années 1980, le nombre des membres de la Société a diminué en moyenne de 50 par an, alors qu’il avait augmenté de plus de 50 par année durant les 10 années d’avant 1967.

Année
(1er janvier)
1947 1957 1967 1977 1986 1998 2006 2014
Nombre total
de confrères
2380 3169 3618 3172 2671 2096 1684 1366

Dans les années 50, un total de 980 confrères furent ordonnés et 116 Frères firent leur serment perpétuel. Dans les années 60, il y avait environ 75 ordinations et 15 serments perpétuels par an. En 1972, ce nombre était tombé à 21 ordinations et 2 serments perpétuels. Le point le plus bas fut atteint vers la mi-1980 quand une moyenne de 3 furent ordonnés par année et aucun Frère ne fit de serment perpétuel.

Dans les premières années 60, les vocations en Europe et en Amérique du Nord étaient encore nombreuses ; la Société construisait encore des séminaires en Europe. Mais à la fin de la décade, la Société les vendait parce qu’il n’y avait plus assez de vocations. En 1966, il y avait 4 scolasticats (plus de 200 étudiants). En 1974 il y en avait deux : Strasbourg (2 maisons) et Totteridge, avec un total de 50 étudiants. Le déclin sérieux des vocations commença en 1965/66. La période durant laquelle le plus petit nombre entrèrent dans la Société fut la décade des années 70. Ce ralentissement faisait partie d’un changement radical dans la société occidentale dans son ensemble. La société devenait rapidement sécularisée. Il y eut un abandon qui se généralisa de la pratique religieuse.

La baisse des chiffres est due à la chute des vocations, mais aussi au nombre de confrères quittant la Société. La pire période des départs fut 1967 – 1973 : 241 quittèrent (170 laïcisés).

Vocations africaines

Dans les années 1934 – 1980, un total de 17 Africains du Sud du Sahara devinrent prêtres dans la Société et adhérèrent comme prêtres (« Histoire de la Société des missionnaires d’Afrique », p. 24. Vocations Pères Blancs en Afrique, Piet Horsten, Petit Echo 1980, pp. 453–462). En 1934, la Congrégation pour la Propagation de la Foi publia un décret déclarant qu’on ne devait permettre à aucun Africain de se joindre à un Institut religieux durant leurs années de séminaire ou durant leurs 3 premières années de prêtrise sans une permission spéciale du St Siège, la raison en étant le besoin de développer les Eglises locales en Afrique. A un moment donné, en 1954, la Congrégation adoucit la règle mais la réimposa l’année suivante. La plupart des Africains qui réussirent à joindre la Société avaient été formés dans leurs pays d’origine et c’est seulement après leur ordination qu’ils faisaient leur noviciat et étaient acceptés dans la Société. La plupart d’entre eux ont travaillé dans leurs pays d’origine. Cet embargo officiel continua jusqu’en 1970.

Le principe d’accepter des candidats africains fut accepté au Chapitre de 1967 («XXème Chapitre», n° 368). Le concile Vatican II avait insisté sur le besoin pour chaque Eglise d’être missionnaire («Ad Gentes », 8, 20, 38). Mais cette décision ne fut pas appliquée immédiatement. Il devait n’y avoir aucune hâte à recruter. Beaucoup d’évêques qui furent consultés après le Chapitre de 1967 n’étaient pas en faveur de nous voir recruter, car eux-mêmes avaient seulement quelques vocations dans leurs grands séminaires. Le besoin primait pour les Eglises d’Afrique de devenir indépendantes.

La question des vocations africaines fut rediscutée au Chapitre de 1974. Quelques confrères africains présents au Chapitre interpellèrent la Société : «Est-ce que nous voulons des membres africains ou voulons-nous seulement manifester un intérêt de pure forme à cette idée ?» La décision d’accueillir les Africains dans la Société fut réaffirmée (Chapitre 1974, n° 168). Le but, en acceptant les Africains, était d’aider l’Eglise africaine à devenir plus missionnaire et à augmenter l’internationalité et la catholicité de la Société.

La pratique d’accepter des candidats africains fut appliquée quelques années plus tard dans les régions où les évêques étaient d’accord. Avant l’ouverture de maisons de formation en Afrique, il y eut quelques candidats africains qui entrèrent dans la Société au début des années 70.

Premier cycle à Bambumines (Zaïre)

La première maison de formation fut ouverte le 15 octobre 1978 au Zaïre à Bambumines. L’initiative en revint aux régions du Rwanda, Burundi et Zaïre. Un premier cycle fut ouvert en Tanzanie en 1980 (Kahangala), en Ouganda (Katigondo et ensuite Kisubi) en 1981. Le Centre de Première Phase du Ghana (une communauté dans le séminaire inter-diocésain de Tamale) a débuté officiellement en 1977, même s’il y avait déjà un premier candidat en 1976. Le Malawi ouvrit un Premier Cycle en 1982 et la Zambie en 1983. Les premières années des Premiers Cycles africains furent un temps d’expérimentation – les confrères devaient inventer tout un nouveau système. En quelques endroits, nos étudiants suivaient un grand séminaire local (e.g. Tamale) ; en d’autres endroits, la Société dut fournir tout le corps professoral ; ainsi à Kahangala et à Bambumines.

Première promotion de Bambumines

En 1980, avec l’ouverture de «Nouveaux projets» (qui devinrent plus tard la Délégation Intercontinentale), la Société commença de recevoir et de former des vocations provenant non seulement de l’Afrique mais aussi de sources «non-traditionnelles» : Pologne, Inde, Philippines, Mexique et Brésil. Il y a maintenant 50 confrères provenant de ces pays.

Conclusion

La période 1960-1980 a été un temps de turbulence durant lequel la Société a dû s’adapter à un monde nouveau. Au cours de ces années, la Société enracinée dans le charisme de son fondateur s’est redéfinie et la Société, telle que nous la connaissons aujourd’hui, émergea.

Dave Sullivan, M.Afr.