Un nostalgique de l’Algérie française à la vice-présidence du groupe d’amitié France-Algérie

Les propos du député RN José Gonzalez sur la colonisation et l’OAS avaient fait scandale à l’Assemblée nationale en juin 2022.

Mis à jour le 3 janvier 2023 à 13:43
 
 
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José Gonzalez à l’Assemblée nationale, le 8 décembre 2022. © Magali Cohen/Hans Lucas via AFP

 

« J’ai l’immense plaisir de vous annoncer que j’ai été nommé vice-président du groupe d’amitié France-Algérie par le bureau de l’Assemblée nationale ! Cette nomination est le symbole de mon intérêt particulier pour les relations franco-algériennes. » C’est par ces deux phrases postées le 30 décembre sur son compte Twitter que le député du Rassemblement national (RN), José Gonzalez, pied-noir né à Oran en 1943, a annoncé sa nomination à la vice-présidence du groupe présidé par Fadila Khattabi, élue Renaissance.

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Aussitôt rendu public, le choix du député des Bouches-du-Rhône (13) a suscité un tombereau de réactions indignées, tant en France qu’en Algérie. Mathilde Panot, présidente du groupe LFI à l’Assemblée et députée de la 10ᵉ circonscription du Val-de-Marne (94), évoque « un nostalgique de l’Algérie française et un défenseur de l’OAS. Cette nomination est une honte et une insulte. »

« Cette nomination par le bureau de l’Assemblée nationale est hautement emblématique de la légendaire et désastreuse bonne conscience coloniale et postcoloniale française, commente de son côté l’historien Fabrice Riceputi. Elle est un symptôme parmi d’autres d’une véritable aphasie postcoloniale, d’une incapacité à reconnaître la réalité de la colonisation et de la guerre coloniale d’Algérie, pourtant fort bien connue. »

Diplomatie parallèle

La désignation de cet élu du Rassemblement national s’est faite selon les procédures en vigueur pour la composition des groupes d’amitié, qui sont au nombre de 154 au sein de l’Assemblée nationale française. « Le nombre de vice-présidents est déterminé à la fois en fonction de l’effectif total du groupe d’amitié et de celui des groupes politiques de l’Assemblée, ceux de ces groupes dont le nombre de membres dépasse un certain seuil ayant droit à des vice-présidences supplémentaires », précise le règlement de l’hémicycle. Le RN, qui compte 89 députés, préside déjà deux groupes d’amitié, ceux de l’Inde et du Brésil. Le parti de Marine Le Pen a réussi à placer trois de ces élus (José Gonzalez, Bryan Masson et Géraldine Grangier) au sein de ce groupe d’amitié France-Algérie.

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Fonctionnant comme une sorte de diplomatie parallèle, les groupes d’amitié mettent en contact les députés français avec les acteurs des relations bilatérales : ambassadeurs du pays en poste en France, diplomates du Quai d’Orsay, spécialistes du pays, journalistes, hommes d’affaires, artistes ou responsables d’associations… Ces contacts et ces échanges, indique une note de l’Assemblée nationale, peuvent prendre la forme d’auditions ou de rencontres au sein de l’hémicycle. Les membres d’un groupe amitié organisent régulièrement des réunions de travail lorsqu’une personnalité parlementaire ou gouvernementale du pays concerné se rend en France pour une visite officielle.

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De fait, les trois élus du RN et particulièrement José Gonzalez pourraient être amenés au cours de cette législature à rencontrer des personnalités algériennes dans le cadre des activités du groupe d’amitié France-Algérie. Même si la désignation de Gonzalez n’a pas fait l’objet de commentaires ou de réactions officielles à Alger ou à Paris, elle n’est pas de nature à faciliter les activités de ce groupe d’amitié, alors que les relations entre les deux pays sont au beau fixe depuis la visite de Macron en Algérie en août 2022. Le président algérien Abdelmadjid Tebboune devrait effectuer une visite officielle en France dans le courant de cette année.

Nostalgiques et rapatriés

C’est qu’avant de faire l’actualité avec sa nomination au groupe d’amitié France-Algérie – qui comprend 67 membres dont 9 vice-présidents -, José Gonzalez avait déjà défrayé la chronique le 28 juin 2022. Ce jour-là, le député du RN ouvrait, en tant que doyen, la séance inaugurale de la 16e législature au Palais Bourbon, en s’adressant aux nostalgiques de l’Algérie française et aux rapatriés de 1962. « J’ai laissé là-bas une partie de ma France. Je suis un homme qui a vu son âme à jamais meurtrie par le sentiment d’abandon », déclarait-il dans son discours lu et amendé par Marine Le Pen.

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Tollé au sein de la nouvelle assemblée. De nombreux députés seront encore plus scandalisés par les propos qu’il tiendra à la presse dans la salle des Quatre-Colonnes, peu de temps après son discours. Questionné sur les crimes coloniaux commis par la France en Algérie, il lance : « Venez avec moi en Algérie dans le djebel, je vais vous trouver beaucoup d’Algériens qui vont vous dire : quand est-ce que vous [les Français] revenez ? »

Interrogé sur les crimes commis par l’OAS (Organisation armée secrète) qui a semé la terreur en Algérie entre 1961 et 1962, José Gonzalez a botté en touche : « Je ne suis pas là pour juger si l’OAS a commis des crimes ou pas. » Dans la foulée, il considérait qu’Emmanuel Macron avait commis « une erreur monumentale » en qualifiant la colonisation française en Algérie de « crime contre l’humanité ».

Admiration pour Jean-Marie Le Pen

José Gonzalez arrive à Marseille à l’âge de 19 ans, après la signature des accords d’Évian qui ont mis fin à la guerre d’Algérie. Directeur d’une auto-école, puis membre de la Chambre de commerce et d’industrie d’Aix-Marseille-Provence, il s’engage dans les rangs du Front national après une rencontre en 1978 avec Jean-Marie Le Pen. Élu municipal et conseiller régional, il ne quittera plus le parti d’extrême et ne cache pas son admiration pour son fondateur. « C’est la politique qu’il [Le Pen, NDLR] menait pour le devenir de la France qui me plaisait. J’étais à peu près d’accord sur toutes les idées, donc je me suis engagé à ses côtés tout en restant à ma place sur mon territoire », expliquait-il sur Europe 1 en juin 2022. Il recevra d’ailleurs les félicitations de Le Pen père pour son discours inaugural à l’Assemblée nationale.

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Ayant vécu à Oran jusqu’à l’âge de 19 ans, José Gonzalez ne peut pas ignorer la terreur que l’OAS a fait régner dans cette ville entre 1961 et 1962. C’est le général Edmond Jouhaud, l’un des quatre officiers qui ont fomenté de putsch d’avril 1961, qui y dirigeait l’organisation illégale dont il était l’un des fondateurs. Assassinats individuels, massacres collectifs, attentats à la bombe et à la voiture piégée… les membres de l’OAS ciblaient Algériens et Européens sans distinction (diverses sources historiques estiment le nombre total de ses victimes à 2 700). Ce climat de guerre totale s’est intensifié encore davantage après la proclamation du cessez-le-feu de mars 1962, prélude à l’indépendance de l’Algérie. À Oran, les « équipes spéciales » de l’OAS interdisaient notamment aux Européens de quitter l’Algérie pour la métropole.

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On ignore encore si, dans le cadre de ses nouvelles fonctions au sein du groupe d’amitié entre les deux pays, José Gonzalez aura l’occasion de retourner un jour dans le djebel en Algérie. Ce qui semble à peu près certain, c’est qu’il n’y sera pas le bienvenu.