Du Dahomey au Bénin, les dates clés

L'ambassadeur du Dahomey en France, Emile Zinsou (à gauche), serre la main du ministre des Affaires étrangères, Maurice Couve de Murville, au cours d'une cérémonie au Quai d'Orsay le 08 mars 1962 à Paris.
L'ambassadeur du Dahomey en France, Emile Zinsou (à gauche), serre la main du ministre des Affaires étrangères, Maurice Couve de Murville, au cours d'une cérémonie au Quai d'Orsay le 08 mars 1962 à Paris. © AFP

Comme beaucoup de pays africains, le Dahomey accède à l’indépendance en 1960. Il ouvre la série dès le 1er août.  Et c'est Hubert Maga qui en devient le premier président. Mais le tout nouvel État accède à l’indépendance dans un jeu d’alliances de personnes et de partis qui présage déjà de l’instabilité politique à venir. Retour sur les principales dates de l'histoire politique du Dahomey devenu Bénin, le 30 novembre 1975. 

En 1945, le gouvernement provisoire français instaure une représentation à double collège pour les colonies au sein de l’Assemblée nationale. Le premier regroupe les citoyens français, Blancs et le second les sujets de l’empire colonial, les indigènes, c’est-à-dire les autochtones, Noirs. C’est à ce titre que Sourou Migan Apithy est élu premier représentant du Dahomey et du Togo au côté du révérend-père Francis Aupiais, en octobre 1945. 

Mais les deux représentants du même territoire vont très rapidement s'opposer et de manière frontale. Toute l’histoire politique du Dahomey devenu Bénin se noue à cette époque. Au palais Bourbon à Paris (siège de l’Assemblée nationale),Sourou Migan Apithyrejoint le groupe constitué par la Section française de l’internationale ouvrière (SFIO), alors que le révérend-père Aupiais se retrouve dans le groupe opposé, celui du Mouvement républicain populaire (MRP).  

Sourou Migan Apithy.
Sourou Migan Apithy. DR

Les courants politiques manifestent leur opposition en octobre 1946 lors du congrès fondateur de Rassemblement démocratique africain (RDA) à Bamako. La délégation du Dahomey y tient une importante place avec Sourou Migan Apithy élu vice-président et Louis-Ignacio Pinto président de la commission de politique générale. Emile Derlin Zinsou, lui, refuse le poste de secrétaire général reprochant au nouveau RDA son affiliation au Parti communiste français (PCF). Ce couac au niveau africain est révélateur des animosités que les Dahoméens entretiennent entre eux. Dès lors, l’histoire politique du Dahomey sera jalonnée d’alliances entre partis qui se font et se défont au gré des intérêts et querelles de ses dirigeants.  

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Peu avant la constitution du RDA, la IVe République nait en France le 13 octobre 1946. Elle ouvre la voie à la formation du Conseil général par territoire dont celui du Dahomey qui voit le jour le 15 novembre 1946. Ses représentants constitueront un Conseil de la République qui siègera au Grand conseil de l’Afrique occidentale française (AOF) et à l’Assemblée de l’Union française. C’est à cette même période qu’on situe la naissance du premier grand parti dahoméen : Union progressiste dahoméenne, UPD avec Sourou Migan Apithy. Un second groupe influent, le Bloc populaire africain (BPA) s’installe aussi sur l’échiquier politique mené par Emile Poisson et Justin Tométin Ahomadégbé, dès le mois de décembre 1946.  

Mais en 1947 au rythme de l’instabilité politique en France, une série d’élections ouvre la voie à une période d’agitation politique devenue le lot de ce territoire qui prépare fiévreusement son autonomie. Par ailleurs, l’éloignement des représentants dahoméens au sein des institutions de la IVe République à Dakar et à Paris va favoriser l’émergence de groupuscules et de nouveaux leaders qui ont développé un discours de terrain avec des préoccupations locales. Des scissions apparaîtront au sein de l’UPD et marqueront à jamais la vie politique de ce futur État. 

En mai 1951 les élections à l’Assemblée nationale française révèlent une profonde rupture. L’UPD implose. Le leader légendaire Apithy est contesté. Il va aux élections avec une liste « Union française ». Les natifs du nord du Dahomey auxquels le comité directeur de l’UPD avait refusé une seconde place sur sa liste claquent la porte et fondent le Groupement ethnique du nord du Dahomey (GEND) qui deviendra plus tard le Mouvement démocratique dahoméen (MDD). Son leader est Hubert Maga. Sourou Migan Apithy refonde son parti rebaptisé, le Parti républicain du Dahomey (PRD). 

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Les querelles de personnes alimentent des courants aux lignes floues au sein des partis au sud du pays, alors que dans le nord Hubert Maga, fédérateur, réussit à hisser son mouvement au rang de parti rassembleur. En août 1957 le MDD d’Hubert Maga devient le Rassemblement démocratique dahoméen (RDD), alors qu’au sud une kyrielle de partis voient le jour. En marge de ce bouillonnement politique l’histoire va continuer de s’écrire. En mai 1957, Sourou Migan Apithy est élu vice-président du Conseil de gouvernement du Dahomey, le poste de président étant réservé de droit au gouverneur de la colonie. 

Le 28 septembre 1958, le Dahomey dit « Oui » au référendum instituant la Ve République en France et à la Communauté française. Le 4 décembre 1958, Apithy est tout nouveau président du Conseil de gouvernement. Mais ironie du sort, contrairement à ce qui s’est passé dans la plupart des anciennes colonies accédant à l’indépendance, cette position de président du Conseil de gouvernement ne le portera pas à la tête du nouvel État. 

En avril 1959, la première Assemblée nationale dahoméenne est élue sans majorité politique distincte. C’est alors un gouvernement d’union nationale qui conduira le pays à l’indépendance. Deux grands groupes politiques se constituent et s’opposent au sud du pays autour de deux leaders, Apithy et Ahomadégbé, inconciliables. Cette situation profite à Hubert Maga qui reçoit le soutien de l’Union démocratique dahoméenne (UDD-RDA) de Justin Ahomadégbé. Maga est élu premier président du Dahomey, le 26 juillet et proclame l’indépendance du pays le 1er août 1960. 

Les oppositions politiques dans le nouvel État sont d’une telle violence que l’armée décide d’y mettre un terme. Le 28 octobre 1963 le colonel Christophe Soglo prend le pouvoir ouvrant ainsi le ban des coups d’État militaires. En janvier 1964, il confie les rênes du pouvoir à Sourou Migan Apithy. Ce dernier est vite démis de ses fonctions et remplacé par Justin Ahomadégbé. Mais de nouvelles tensions politiques ramèneront, en décembre 1965, les militaires au pouvoir, avec le même Christophe Soglo, devenu entre-temps général. 

Au rythme d’un coup d’État militaire tous les 18 mois environ, tous les leaders politiques ont, à un moment ou un autre, été portés à la présidence de la République. C’est dans ce contexte d’instabilité politique chronique et de turbulences que les militaires installèrent le docteur Emile Derlin Zinsou à la présidence de la République du Dahomey le 17 juillet 1968. La présidence Zinsou sera de courte durée : il sera renversé au bout de 18 mois, le 10 décembre 1969 par les militaires. 

Le président du Dahomey, Emile Zinsou (D), est photographié avec Lucien Harmegnies, un membre du Parti socialiste belge, le 22 août 1969 en Belgique.
Le président du Dahomey, Emile Zinsou (D), est photographié avec Lucien Harmegnies, un membre du Parti socialiste belge, le 22 août 1969 en Belgique. © AFP

En mai 1970, un Conseil présidentiel est instauré entre les frères ennemis : Hubert Maga, Justin Tométin Ahomadégbé et Sourou Migan Apithy. Une présidence tournante tous les 2 ans est prévue avant des élections générales. Mais un nouveau coup d’État militaire interrompt l’expérience, le 26 octobre 1972. Le commandant Mathieu Kérékou prend la tête d’un gouvernement militaire révolutionnaire qui mettra un terme définitif aux coups d’État. Les militaires s’installent durablement au pouvoir en mettant au point une nouvelle alliance nationale qui est plutôt une adhésion forcée à leurs idéaux.  

Ce régime transforme la vie politique, sociale et économique du Dahomey en impliquant des civils à la gestion du pouvoir. Il décrète le marxisme-léninisme comme doctrine d’État, le 30 novembre 1974, avant de procéder un an plus tard, le 30 novembre 1975, au changement de nom. La République populaire du Bénin naît avec l’instauration d’un parti unique, le Parti de la révolution populaire du Bénin (PRPB). Le 30 novembre, est décrété fête nationale à la place du 1er août. 

Mais le parti unique et le pouvoir totalitaire de Mathieu Kérékou conduisent l’État béninois à la faillite. Le marxisme-léninisme est enterré avec, en février 1990, la première des Conférences nationales en Afrique. La République populaire cède la place à la République du Bénin avec le retour du multipartisme inaugurant le « renouveau démocratique ». En 1991, Nicéphore Soglo  devient le premier président de la nouvelle République du Bénin.