Air Afrique au temps de sa splendeur : quand le pape montait à bord (3/6)

| Par - Infographie : Marie Toutlemonde
Jean-Paul II accueilli par Félix Houphouët-Boigny à Abidjan, en 1980.
Jean Paul II  accueilli par Félix Houphouët-Boigny à Abidjan, en 1980.
 

« Il était une fois Air Afrique » (3/6). Lorsque Jean-Paul II ou l’actrice Ursula Andress empruntaient ses avions, Air Afrique se sentait pousser des ailes. Jeune Afrique revient sur les beaux jours de la compagnie.

« Quand on parle d’Air Afrique aujourd’hui, c’est souvent pour en évoquer l’échec. Mais il ne faut pas oublier tous les succès qu’a engrangés la compagnie pendant plus de quarante ans. Depuis, personne d’autre n’a réussi une telle prouesse. »

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UNE CERTAINE FIERTÉ NOUS HABITAIT EN MONTANT DANS UN AVION AFRICAIN, PILOTÉ PAR UN AFRICAIN, AVEC UN PERSONNEL AFRICAIN

Dès l’entame de notre conversation, Ibra Wane, entré à Air Afrique en 1992 à l’âge de 29 ans en tant que cadre commercial, après avoir été « biberonné à la compagnie », et devenu ensuite chef du service de la coopération internationale, pose le ton : nostalgique de ces années-là, il y a rencontré beaucoup de gens « très denses et d’une compétence extraordinaire ».

Fierté africaine

Retour donc, dans ce volet, sur les beaux jours de la compagnie. Dans les années 1970, deux solutions s’offraient aux passagers désireux de voyager entre Paris et les capitales africaines francophones : la française UTA (par ailleurs actionnaire minoritaire d’Air Afrique) et Air Afrique. Depuis le 18 mai 1965, ils pouvaient aussi prendre les vols d’Air Afrique pour rallier les États-Unis.

Le PDG d’Air Afrique Cheikh Boubacar Fall © AFP

« D’un côté, les coopérants, les hommes d’affaires, qui optaient pour la compagnie française, de l’autre, un melting-pot francophone qu’habitait une certaine fierté communautaire en montant dans un avion africain, piloté par un Africain, avec un personnel africain », résume un passager nostalgique de la compagnie.

Si Pape Sow Thiam, entré à Air Afrique dès 1967 et DG de la compagnie de 1999 à 2001, nuance quelque peu cette image d’Épinal, assurant que « tous les passagers n’étaient pas là par conviction », lui aussi se rappelle de cette atmosphère particulière, loin des vols uniformisés d’aujourd’hui.

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PARTICIPER À CETTE AVENTURE FUT UNE CHANCE INCROYABLE

« Nos passagers nous disaient qu’ils se sentaient en Afrique dès qu’ils montaient dans l’avion, même si on était encore à Roissy ou au Bourget, d’où partaient nos avions les premières années. La décoration, la musique, les repas, la tenue du personnel, et même les films… Tout cela participait à l’identité de la compagnie », assure-t-il.

Personnel navigant d’Air Afrique © DR

Le travail et la fête

Jeune salarié d’UTA envoyé en 1969, à 25 ans, en détachement pour Air Afrique au Gabon, Jacques Julien salue de son côté la « chance incroyable » qui lui a fait participer à l’aventure. « Cette idée de construire quelque chose ensemble, ça valait drôlement le coup », confie l’ancien chef d’escale qui, en dix ans chez Air Afrique, sera aussi passé par Dakar, N’Djamena et Abidjan.

« Au Tchad, ça dépotait, les équipes déchargeaient un cargo en une heure, c’était magnifique ! » se souvient celui qui a débarqué dans le pays « en pleine affaire Claustre ».
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LE PAPE A TENU À VOYAGER À BORD D’UN AVION D’UNE COMPAGNIE AFRICAINE

Et lorsqu’ils passaient par Paris, les équipages ne passaient pas inaperçus : descendus au Méridien, dans le 17e arrondissement de la capitale française, on les retrouvait à La Gazelle, restaurant camerounais du même quartier, puis dans les boîtes de nuit Black and White et Keur Samba.

Pour les inconditionnels de la compagnie, ce fut donc une grande de fierté lorsque le pape Jean-Paul II choisit Air Afrique pour sa tournée africaine, qui le mènera en 1980 du Zaïre à la Côte d’Ivoire, en passant par le Congo, le Kenya, le Ghana, la Haute-Volta et la Côte d’Ivoire.

Un souverain pontife à Abidjan

S’il était arrivé à Kinshasa depuis Rome à bord d’un DC-10 d’Alitalia, le souverain pontife avait loué un appareil d’Air Afrique pour continuer sa tournée et rentrer à Rome. « Comme c’était un périple africain, le pape a tenu à voyager à bord d’un avion d’une compagnie africaine », rapportera plus tard André Compaoré, l’un des cadres de la compagnie, à la presse burkinabè.

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ON LUI AVAIT SPÉCIALEMENT AMÉNAGÉ UNE CABINE OÙ IL ÉTAIT ISOLÉ DU RESTE DE LA DÉLÉGATION

Chargé des relations extérieures de la compagnie, ce dernier avait en effet été choisi pour rejoindre la délégation du souverain pontife, composée de ses proches collaborateurs et de journalistes, afin de s’assurer que tout se passe bien.

« On lui avait spécialement aménagé une sorte de cabine en première classe, où il était tout seul, isolé du reste de la délégation », se rappelle l’ancien cadre, selon lequel, à l’arrivée à Rome, Jean-Paul II s’était plié  déjà  au jeu des « selfies » avec les hôtesses, stewards et autres personnels d’Air Afrique.

D’autres célébrités d’envergure internationale ont pris place à bord d’avions de la compagnie, telle l’actrice suisse Ursula Andress, James Bond Girl et icône des aventures de 007 contre Dr No.

L’actrice suisse Ursula Andress embarque à bord d’un vol Air Afrique. © DR