Sainte Joséphine Bakhita

Esclave soudanaise puis religieuse



J
oséphine Bakhita naquit au Soudan en 1869. Bakhita n’est pas le prénom qu’elle reçut de ses parents à sa naissance. Elle est faite prisonnière par des négriers arabes à l'âge de neuf ans. L’effroi éprouvé le jour de son enlèvement, provoqua quelques trous de mémoire.

Cette terrible expérience lui avait fait oublier son prénom Bakhita, qui signifie “fortunée”, est le prénom qui lui fut donné par ses ravisseurs. Vendue et revendue plusieurs fois sur les marchés de El Obeid et de Khartoum, elle connut les humiliations, les souffrances physiques et morales de l’esclavage. Elle connut les atrocités d'un esclavage qui laissa dans son corps les signes profonds de la cruauté humaine : on a dénombré jusqu’à 144 cicatrices des sévices subis.

Vers la liberté
Dans la capitale du Soudan, Bakhita fut rachetée par un Consul italien, Calliste Legnani. Pour la première fois, depuis le jour de son enlèvement, elle se rendit compte, avec une agréable surprise, que personne ne lui donnait des ordres, n’utilisait plus le fouet, et qu’on la traitait même de façon affable et cordiale. Dans la maison du Consul, Bakhita connut la sérénité, l’affection et des moments de joie, peut-être même s’ils étaient encore voilés par la nostalgie de sa famille, perdue pour toujours.
Des événements politiques obligèrent le Consul à partir pour l’Italie. Bakhita demanda de partir avec lui et avec un de ses amis, Auguste Michieli.

En Italie
Arrivé à Gênes, Monsieur Legnani, suivant les demandes de l’épouse d’Auguste Michieli, accepta que Bakhita restât avec eux. Elle suivit sa nouvelle “famille” dans leur domicile de Zianigo (dans la banlieue de Murano Veneto) et, quand naquit leur fille Mimmina, Bakhita en devint l’éducatrice et l’amie.

L’acquisition puis la gestion d’un grand hôtel à Suakin, sur la Mer Rouge, contraignirent Mme Michieli à déménager dans cette localité pour aider son mari. Entre-temps, d’après un conseil de leur administrateur, Illuminato Checchini, Mimmina et Bakhita furent confiées aux Sœurs Canossiennes de l’Institut des catéchumènes de Venise. Et c’est là que Bakhita demanda et obtint de connaître ce Dieu que depuis son enfance « elle sentait dans son cœur sans savoir qui Il était».
« Voyant le soleil, la lune et les étoiles, je me disais en moi-même : Qui est donc le Maître de ces belles choses ? Et j’éprouvais une grande envie de le voir, de le connaître et de lui rendre mes hommages ».

Fille de Dieu
Après quelques mois de catéchuménat, Bakhita reçut le Sacrement de l’Initiation chrétienne et donc le nouveau nom de Joséphine. C’était le 9 janvier 1890. Ce jour-là, elle ne savait pas comment exprimer sa joie. Ses grands yeux expressifs étincelaient, révélant une émotion intense. Ensuite on la vit souvent baiser les fonts baptismaux et dire : « Ici, je suis devenue fille de Dieu ! ».

Chaque nouvelle journée la rendait toujours plus consciente de la façon dont ce Dieu, qui maintenant la connaissait et l’aimait, l’avait conduite à lui par des chemins mystérieux, la tenant par la main.

Quand Madame Michieli revint d’Afrique pour reprendre sa fille et Bakhita, celle-ci, avec un esprit de décision et un courage insolites, manifesta sa volonté de rester avec les Mères Canossiennes et de servir ce Dieu qui lui avait donné tant de preuves de son amour.

La jeune Africaine, désormais majeure, jouissait de la liberté d’action que la loi italienne lui assurait.
Fille de Madeleine, Bakhita demeura dans le catéchuménat, où se fit plus clair pour elle l’appel à se faire religieuse, à se donner entièrement au Seigneur dans l’Institut de Sainte Madeleine de Canossa.

Après son baptême, elle entrait dans la Congrégation des Canossiennes à Vérone sous le nom de Joséphine. Ce jour-là elle rédigea cette prière :
« O Seigneur, si je pouvais voler là-bas, auprès de mes gens et prêcher à tous et à grands cris Ta Bonté, combien d'âmes je pourrai Te conquérir ! Tout d’abord ma mère et mon père, mes frères, ma sœur encore esclave… tous les pauvres noirs de l'Afrique… Fais, ô Jésus, qu'eux aussi Te connaissent et T'aiment ».
Le 8 décembre 1896, Joséphine Bakhita se consacra pour toujours à son Dieu qu’elle appelait, usant une douce expression : « Mon Maître ! ».

Durant plus de cinquante ans, cette humble Fille de la Charité, vrai témoin de l’amour de Dieu, vécut en n’occupant que des emplois modestes : cuisinière, chargée de porterie, lingère, brodeuse, sacristie, concierge.
Lorsqu’elle se dédia à cette dernière tâche, ses mains se posaient avec douceur sur la tête des enfants qui fréquentaient chaque jour l’école de l’Institut. Sa voix aimable, qui rappelait les berceuses et les chants de sa terre natale, se faisait agréable pour les petits, réconfortante pour les pauvres et les souffrants, encourageante pour tous ceux qui frappaient à la porte de l’Institut.
Son humilité, sa simplicité et son sourire constant lui gagnèrent le cœur de tous les habitants de Schio.

Témoignage d’amour
Son humilité, sa simplicité et son sourire constant conquirent le cœur de tous les habitants de Schio. Les Sœurs l’estimaient pour sa douceur inaltérable, sa bonté exquise et son profond désir de faire connaître le Seigneur.
« Soyez bons, aimez le Seigneur, priez pour ceux qui ne le connaissent pas. Considérez cette grande grâce de connaître
Dieu ! »

Pendant la guerre 1940-45 la ville de Schio est la cible de plusieurs bombardements. Aux Sœurs qui l'invitent à se réfugier dans le souterrain de la maison, elle dit : « Non, je n'ai pas peur, je suis dans les mains de Dieu. Il m'a libérée des mains des lions, des tigres et des panthères, ne voulez-vous pas qu'il me sauve aussi des bombes ? » Elle assure d'ailleurs qu'aucune bombe ne tombera sur l'école des Religieuses ou sur les maisons de Schio. En effet, la ville n'est pas touchée.

La dernière épreuve
Elle accepte avec une joyeuse sérénité la maladie qui rend sa respiration difficile et sa marche pénible. À une religieuse qui l'assiste, elle confie : « Je m'en vais lentement, lentement, pas à pas vers l'éternité. Jésus est mon capitaine et moi, je suis son assistante. Je dois porter les valises. L'une contient mes dettes, l'autre, plus lourde, les mérites infinis de Jésus. Que ferai-je devant le tribunal de Dieu ? Je couvrirai mes dettes avec les mérites de Jésus et je dirai au Père Éternel : maintenant juge ce que tu vois…

Au Ciel j'irai avec Jésus et j'obtiendrai beaucoup de grâces. Je viendrai te visiter dans tes rêves si le Patron me le permet. Au Paradis j'aurai dû pouvoir et j'obtiendrai pour tous beaucoup de grâces… »

Dans l’agonie, elle revécut les jours terribles de son esclavage, et, à maintes reprises, elle supplia l’infirmière qui l’assistait : « Lâchez un peu les chaînes… elles me font mal ! ».
Ce fut la très Sainte Vierge Marie qui la libéra de toute souffrance.
Ses dernières paroles furent : « Notre-Dame ! Notre-Dame ! », tandis que son ultime sourire témoignait de sa rencontre avec la Mère du Seigneur.

Mère Bakhita s’est éteinte le 8 février 1947 dans la maison de Schio, entourée de la communauté en pleurs et en prières. Une foule accourut rapidement à la maison de l’Institut pour voir une dernière fois leur “petite Mère noire” et lui demander la protection du ciel.

Son corps est resté intact et souple dans la mort. Sa réputation de sainteté s’est désormais répandue sur tous les continents. Nombreuses sont les grâces obtenues par son intercession.

Le Pape Jean-Paul II a béatifié Joséphine Bakhita le 17 mai 1992. Elle a été déclarée Sainte le 1er octobre 2000.

D’après les Archives du Vatican

(Voir "Voix d'Afrique" n° 111)