Dialogue interreligieux

« Lorsque nous travaillons pour les âmes, nous ne pouvons user que de persuasion et d'amour... Nous ne pouvons rien faire tant que nous n'avons pas persuadé les gens autour de nous qu'ils sont aimés... » (Cardinal Lavigerie, 1885)

« Nous croyons qu'en toute religion il y a une secrète présence de Dieu, des semences du Verbe qui reflètent un rayon de sa lumière... » (Chapitre 1967)

« Nous célébrons et partageons cette vie avec Dieu lorsque nous allons à la rencontre des cultures et des religions... nous réjouissant de la foi vivante de ces croyants et les rejoignant dans leur quête de la Vérité, cette Vérité qui nous rend tous libres. » (Chapitre 1998)

Missionnaires, nous sommes appelés à faire les premiers pas pour rencontrer les personnes, qu'elles que soient leurs convictions, leur religion.

Au Burkina Faso, cette réalité se traduit surtout dans la rencontre respectueuse et évangélique avec les adeptes des religions traditionnelles et avec les musulmans.

Dans cette rubrique, nous étudierons divers aspects de ces religions, particulièrement de l'islam.

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Lettres d’un musulman (Compte-rendu)

Couverture RequiemMohamed Nadim : Requiem pour le Père Jacques Hamel

Lettres d’un musulman

Bayard 2017 – 142 pages – 12.90€

ISBN 978-2-227-49220-2

Ce mercredi 26 juillet 2017 sera le premier anniversaire de la mort, disons le meurtre ou encore l’assassinat, du Père Jacques Hamel dans l’Église de Saint-Étienne-du-Rouvray, près de Rouen en France. Ce serait une bonne occasion pour acheter et réfléchir à partir de ce livre écrit par un musulman algérien Mohammed Nadim. En le lisant, ne soyez pas à l’affût de nouveaux détails inédits sur l’Islam et les Musulmans ou encore sur les dernières manifestations terroristes qui nous ont secoués. Non, prenez ce livre et essayez seulement de vous sentir en communion avec cet algérien ordinaire, musulman de surcroît, qui exprime d’une part sa douleur devant ce crime et d’autre part sa communion avec tous les hommes de bonne volonté, pleinement humains, et bien souvent croyants en ce Dieu qui est au-delà de toutes nos affiliations religieuses.

Mohammed Nadim rêve d’un monde meilleur ; c’est un rêve « escorté par la sagesse » ; un rêve où se manifeste une certaine indignation, « mais chose étrange et belle, il n’y a nullement de haine. » (p.29). Il demande pardon non pas au nom de sa religion, mais au nom des hommes (p.39). La contemplation de la nature autour de lui, de tout ce qui est humain et beau, voilà ce qui lui redonne espoir. Car, ces fanatiques, nous dit-il, « n’ont-ils jamais rien admiré d’autre dans leur vie que les précipices et les gouffres et les abîmes ? » (p.40) – « Que leur dire, que leur répondre ? se demande-t-il : « Rien sinon que nous vivons notre foi dans la paix et l’amour de Dieu. » (p.77) Ou encore « Nous avons été à la hauteur de l’humanité, nous avons été des hommes. » (p.82)

Y aurait-il encore quelque chose à faire ? Oui, nous répond Mohammed Nadim. Nous devons entrer en contact les uns avec les autres, être et vivre ensemble. Mais, souligne-t-il, « inutile de nous arrêter au seuil de l’amitié, hébété et confus … car ce que nous tenons pour impossible devient possible dans la réalité. Nous avons en nous la force dont on commence à peine à saisir le pouvoir … nous possédons toutes les armes de l’amour. » Et l’auteur de conclure par ces mots d’une grande profondeur : « Toute main tendue est plus généreuse que l’immobilité et le refus. » (p. 97 à 99)

Cessons donc de ne faire que subir les événements mais au contraire soyons dynamiques et construisons notre futur. Et à l’occasion de ce premier anniversaire, rassemblons-nous entre humains de toutes croyances et nous verrons de nouveau que « l’humanité tout entière ; fidèle à l’essentiel se dresse et marche pour redire avec des mots simples et tranquilles ce qu’il y a de plus beau chez l’être humain » (p.27). Au-delà de toutes nos affiliations religieuses, retrouvons-nous donc autour de l’essentiel : notre humanité commune. Pourquoi ne pas faire nôtre cette prière que nous confie l’auteur :

Dieu, donne-nous la bonté des cœurs

Car sans la bonté, la fraternité, l’amitié et le partage,

Quelle expression aurons-nous sur le visage

Sinon un sourire qui se délite ;

Quel usage ferons-nous du cœur

A part un semblant de courtoise attitude,

Puisque nous n’aurons bientôt plus personne à convier.

On ne peut pas rester indifférent devant le témoignage poignant que nous trouvons dans ce livre.

Gilles Mathorel

Saison 2 épisode 2 : Monokini, burkini, même combat!

Sur la plage sont interdits monokini, burkini, voile dissimulant partiellement ou totalement le visage, combinaison ». Tout contrevenant(e) s’expose à une « expulsion immédiate (…)

A Lorette, dans la Loire, un maire en guerre contre le port du voile. L’arrêté interdisant foulard et burkini dans la nouvelle zone de baignade municipale crée un tollé. Par Louise Couvelaire, Le Monde, 03/07/17.

Arrêtés anti-burkini: ces communes qui s’entêtent en dépit du droit. Par Émilie Tôn et Anna Benjamin, L’Express, 08/07/2017.

 

0-kini

 

Burkini: saison 2 épisode 3.
Au Sud de la Méditerranée: même combat, méthode opposée?

burkini vs bikiniAu Sud de la Méditerranée, et à Annaba (Algérie) particulièrement, des femmes musulmanes se battent aussi pour être respectées dans leurs choix vestimentaires… opposés à ceux de leurs consœurs du Nord. Dans le même but? Si d’un côté, le burkini semble marquer une opposition à une forme de laïcité, de l’autre, le maillot ou bikini à une forme d’islamité. Expressions de liberté, de soumission, de religiosité, de laïcité, de bien-être ou mal-être social, les sociologues auront leurs théories, les politologues en présenteront d’autres…

Le costume de bain, instrument d’une négociation entre la femme et la société

« En fait, la lutte de pouvoir que se livrent le burkini et le bikini ne doit pas être traitée de manière aussi binaire. Au lieu de se livrer à un débat idéologique qui ne fait que convaincre chaque camp de la supériorité de son opinion, il est important de comprendre que la tenue de plage traduit le rapport de la société algérienne au corps des femmes. « La question qui se pose ici est celle de la présence du corps féminin dans l’espace public », explique Fatima Oussedik, sociologue et professeur à l’université d’Alger.

« Comme le souligne Yasmina Chouaki, membre du collectif féministe « Ferwa Fadhna N’Soumer », dans les années 1990, le corps féminin n’avait pas sa place dans les espaces publics : lorsque les femmes étaient obligées de sortir de la sphère privée, elles couvraient entièrement leur corps. Aujourd’hui, les femmes – et donc leur corps – veulent reconquérir tous les espaces publics. Mais pour faire accepter cette reconquête par le reste de la société, les femmes doivent recourir à des subterfuges. « À la plage, on constate une négociation entre la femme et la société qui passe par le costume », explique ainsi Oussedik.

« En d’autres termes, ce qu’on observe sur les plages algériennes, c’est un lent mouvement de réintroduction du corps féminin dans l’espace public, un mouvement qu’il ne faut pas brusquer », conclut-elle. » Extrait de « Du bikini au burkini : les Algériennes racontées par leurs maillots de bain » par la Rédaction d’Algérie-Focus, 15/08/2014 (sic).

En Algérie, ces femmes militent pour pouvoir enfin se baigner sans être harcelées sexuellement, Floriane Valdayron, Marianne, 13/07/17,  et repris par Alger1.com.

En Algérie, des réunions secrètes de femmes en maillot de bain font polémique par Anais Moine, Au Féminin, 20/07/17.

L’Islam contre le Radicalisme, Manuel de contre-offensive (Compte-rendu)

Islam contre radicalisme

Imam Abdelali MAMOUN: L’Islam contre le Radicalisme,  Manuel de contre-offensive.
Éd. du Cerf, 2017. 224 p. ISBN : 9782204110792. 19 €.

L’auteur, A. MAMOUN, est l’imam de la mosquée d’Alfortville et le vice-président de la conférence des imams de France.

Comme le dit si bien le sous-titre de ce livre, il est un « manuel de contre-offensive» qui se charge de dénoncer à partir des saintes écritures de l’Islam (le Coran et les Hadiths) l’usage anachronique et hors-contexte des versets qui incitent à la violence et à la haine.

La « contre-offensive» de L’Imam se veut un mouvement de tous les musulmans de France, car, écrit-il dans les premières pages de son livre « Lançons donc, nous musulmans français, cette contre-offensive en nous réappropriant notre religion, car en laisser le monopole à des islamistes incultes nous mènerait vers une défaite assurée et une tragédie sans précédent. » (p. 15)

L’Imam Amoun dans son franc-parler dévoile les préjugés, les tabous et les méthodes usitées par les Islamistes, Salafistes, Takfiristes ou Djihadistes pour endoctriner les jeunes.

Selon ses propres mots, «une foi qui pousse à la ségrégation, aux sectarismes agressifs, à l’extension de l’Anathème et de l’apostasie; une foi qui prône la misogynie et sacralise la mort, ne rentre pas en ligne de compte avec l’Islam». Alors l’auteur s’efforce de nous montrer avec des preuves scripturaires que l’Islam n’est pas: l’islamisme, le takfirisme, le salafisme, le djihadisme, le panislamisme;  qu’il n’est ni apatride, ni antirépublicain, ni antidémocratique ni un messianisme apocalyptique etc.

Sans nous dire explicitement ce qu’est l’Islam, et où classer tous les musulmans français appartenant à ces groupes précités, A. Amoun suggère plutôt «des mesures radicales contre le radicalisme». Des mesures qui pourraient même « dissoudre l’association et mettre la mosquée ainsi que ses activités adjacentes […] école coranique sous tutelle d’une structure musulmane conforme » (p. 202) aux normes de la République.

Ce livre est particulier du fait qu’il ose indiquer non seulement comment détecter les symptômes de la radicalisation mais aussi comment déconstruire les manœuvres de la radicalisation par un discours vrai de l’Islam.

Magloire Bamali.

Écouter l’interview de l’imam A. Mamoun par Geneviève Delrue lors de l’émission Religions du monde: Islamisme: la contre-offensive de l’imam d’Alfortville, RFI, 19/03/17

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Nouvelles de la Diyanet en France… et en Turquie

« La Diyanet (ou Présidence des affaires religieuses) représente l’islam officiel turc, sunnite et hanéfite, tous les autres groupes religieux doivent donc se définir par rapport à elle […].

Extrait de propos de Benjamin Bruce recueillis par A.-B. Hoffner: « «Le discours sur “l’islam de France” a un écho limité dans les mosquées turques»« , La Croix, 28/06/17.

« L’arrivée à la tête du CFCM d’un Franco-Turc place cet islam turc sous les projecteurs. Un islam réputé discret, et qui cultive ses spécificités, étroitement liées à l’histoire de son pays d’origine : influence des traditions soufies, influence aussi d’une laïcité comprise comme un contrôle étroit de la religion par l’État […].
« Sauf exception, l’État turc ne finance jamais la construction de mosquées, explique Benjamin Bruce, chercheur à Sciences-Po. En revanche, il envoie des imams et paie leurs salaires, ce qui représente un soutien financier considérable. Dans chaque pays, un conseiller religieux (rattaché à l’ambassade) et un ou plusieurs attachés religieux (rattachés aux consulats) sont envoyés par la Diyanet [ndlr: la Présidence des affaires religieuses] pour coordonner les activités des imams.»

Extrait de « En France, l’islam turc cultive sa spécificité » par A.-B. Hoffner et Florence Pagneux, La Croix, 28/06/17.

« L’étau se resserre sur la petite minorité chrétienne de Turquie. Fait sans précédent depuis la fin de l’Empire ottoman, l’antique monastère syrien orthodoxe de Mor Gabriel vient de tomber dans l’escarcelle de la toute-puissante Diyanet, la direction des affaires religieuses qui gère l’islam turc lié à l’État.»

Extrait de « La Turquie fait main basse sur des églises et monastères syriens orthodoxes » par Samuel Lieven, La Croix, 28/06/17.

Voir aussi: Uygar Gültekin: « Diyanet wins the church lottery from Mardin« , Agos, 23/06/17.

Monastère Mor Gabriel             

                                                        Monastère Mor Gabriel (Photo Agos)

Islams politiques. Courants, doctrines et idéologies (Compte-rendu)

Islams politiques
Sous la direction de Sabrina Mervin & Nabil Mouline:
Islams politiques. Courants, doctrines et idéologies, CNRS Éditions, Paris 2017, 231 pp.

Les auteurs – dont certains sont chargés de recherche au CNRS – étudient de manière synthétique les grands systèmes et courants politiques du monde musulman contemporain.

Ils analysent les doctrines et les idéologies de ces mouvements, en expliquent les concepts et en retracent brièvement l’histoire.

Des encadrés rappellent certains textes fondateurs et présentent les auteurs musulmans et les événements qui sont à la base de ces courants de l’islam.

La question qui traverse les débats, à des moments cruciaux de l’histoire contemporaine des mondes mususlmans, est celle de la conception du pouvoir et de la forme du gouvernement et d’organisation qui ‘convient’ à l’islam” ( p.11)

En onze chapitres nous parcourons ainsi les mouvements et les systèmes de gouvernement suivants :

  1. Les réformistes musulmans à partir du 19me siècle

  2. Les wahhabisme et le salafisme

  3. L’islamisme des Frères Musulmans

  4. Le djihadisme à la recherche du califat perdu

  5. Les leaders mudjahidin soufistes au Pakistan et en Afghanistan

  6. La confrérie de la Naqshbandiyya en Iraq jusqu’à l’Etat Islamique

  7. Le chiisme duodécimain : autorité religieuse et pouvoir politique

  8. Le zayidisme et l’imamat au Yemen

  9. Les alaouites de Syrie

  10. L’ibadisme dans le sultanat d’Oman et au Maghreb

  11. L’imamat ismaélien de Karim Aga Khan.

Un livre intéressant qui nous fait mieux comprendre le monde musulman d’aujourd’hui dans toute sa diversité et avec ses conflits et ses enjeux, en constante recherche et évolution.

Hugo Mertens.