Dialogue interreligieux

« Lorsque nous travaillons pour les âmes, nous ne pouvons user que de persuasion et d'amour... Nous ne pouvons rien faire tant que nous n'avons pas persuadé les gens autour de nous qu'ils sont aimés... » (Cardinal Lavigerie, 1885)

« Nous croyons qu'en toute religion il y a une secrète présence de Dieu, des semences du Verbe qui reflètent un rayon de sa lumière... » (Chapitre 1967)

« Nous célébrons et partageons cette vie avec Dieu lorsque nous allons à la rencontre des cultures et des religions... nous réjouissant de la foi vivante de ces croyants et les rejoignant dans leur quête de la Vérité, cette Vérité qui nous rend tous libres. » (Chapitre 1998)

Missionnaires, nous sommes appelés à faire les premiers pas pour rencontrer les personnes, qu'elles que soient leurs convictions, leur religion.

Au Burkina Faso, cette réalité se traduit surtout dans la rencontre respectueuse et évangélique avec les adeptes des religions traditionnelles et avec les musulmans.

Dans cette rubrique, nous étudierons divers aspects de ces religions, particulièrement de l'islam.

« La Bible à l’épreuve de la haine » de Gilles Teulié : les racines théologiques de l’apartheid

Critique 

Ce livre montre comment une Église réformée a pu soutenir et justifier le système de ségrégation raciale et sociale en Afrique du Sud.

  • Dominique Greiner, 
« La Bible à l’épreuve de la haine » de Gilles Teulié : les racines théologiques de l’apartheid
 
Dans son ouvrage, Gilles Teulié montre le rôle de l’Église dans l’Apartheid en Afrique du Sud. Photo d’illustration : Dom Boshoff, de l'Église réformée néerlandaise, fait la lecture à un grand groupe d'enfants dans sa crèche missionnaire en Afrique du Sud.FOX PHOTOS/GETTY IMAGES

La Bible à l’épreuve de la haine. Protestantisme et ségrégation raciale en Afrique du Sud, XVIIe-XXe siècle

de Gilles Teulié

Labor et Fides, Genève, 2022, 580 p., 39 €

De 1950 à 1991, l’Afrique du Sud a vécu sous l’apartheid, un régime de ségrégation raciale visant à maintenir la suprématie de la minorité blanche sur l’ensemble de la population. Mais comment un tel système a-t-il pu « voir le jour et conditionner la vie de tout un peuple pendant tant d’années alors qu’au même moment un processus de décolonisation était enclenché dans le monde », s’interroge Gilles Teulié, professeur de civilisation britannique et des pays du Commonwealth à l’université d’Aix-Marseille ?

« Peuple élu »

Pour répondre à cette question en évitant généralisations abusives ou simplifications outrancières, « il nous faut plonger dans les racines du mal et remonter au tout début de la colonisation européenne afin de saisir les mécanismes psychiques et mentaux qui ont gouverné la relation Blanc-Noir », écrit le spécialiste de l’Afrique du Sud. Il parcourt donc l’histoire depuis le début du long trek des calvinistes sud-africains (1652-1795) jusqu’à « la lente sortie théologique de l’Apartheid (1985-2020, NDLR) ».

Il montre comment se construit l’identité afrikaner (celle des descendants blancs des colons néerlandais, allemands, français ou scandinaves, généralement de confession protestante), autour du calvinisme et de l’histoire afrikaner interprétée à la lumière de la Bible : à la fin du XIXe siècle, les Afrikans s’identifient au peuple hébreu, le peuple élu en train de prendre possession de la terre promise.

La prégnance de cet imaginaire est telle que la Nederduitse Gereformeerde Kerk (NGK), l’Église réformée néerlandaise, originaire des Provinces-Unies et implantée en Afrique du Sud depuis 1652, apportera son soutien à la politique de séparation raciale qui se met en place à partir des années 1950. Une interprétation spécieuse de la Bible sert à justifier une philosophie politique exclusive et agressive.

Ce qui donnera lieu à de vigoureuses prises de position de la part de théologiens et d’autres Églises opposés à l’apartheid. L’auteur relate les étapes d’une « résistance (chrétienne) de longue haleine qui a débuté dès les premiers mois du régime d’apartheid » sous la forme de débats, de forum, de déclarations, de messages, comme celui adressé au peuple sud-africain en 1967, qui rejette pour la première fois cette politique de ségrégation comme étant non biblique et non chrétienne.

Prêtres et pasteurs, fer de lance de la résistance

Dans les années 1980, les prêtres et les pasteurs deviennent le fer de lance de la résistance anti-apartheid. Les églises et les temples se transforment en lieux politisés où l’on peut organiser la résistance. Les pressions extérieures jouent aussi, qu’elles viennent du Conseil œcuménique des Églises ou de l’Alliance réformée mondiale (ARM) réunie à Ottawa en 1982 qui déclare que « l’apartheid est une hérésie ».

Toutes ces initiatives sapent progressivement « les fondations de l’apartheid et les certitudes de ses serviteurs, les membres de la NGK ». Réunie en synode en 1986, cette Église fait un pas décisif en qualifiant l’apartheid d’« erreur » (…) mais sans pour autant s’autoriser à critiquer le gouvernement. Et il faudra attendre quelques années pour que la NGK reconnaisse que l’apartheid est un péché et qu’elle « a gravement failli en fondant la ségrégation forcée de gens sur une base biblique ». Ce qui lui permettra d’être de nouveau admise au sein de la famille confessionnelle de l’ARM en 1998, dont elle avait été exclue au début des années 1980.

Mais l’histoire n’est pas pour autant achevée. « Les soubresauts de l’après-apartheid n’en finissent pas de secouer les communautés sud-africaines, mais peut-être est-ce parce qu’une forme d’apartheid subsiste, celui de la pauvreté… », écrit Gilles Teulié. En effet, plus de trente ans après la fin de ce système, les Églises réformées ne sont pas toujours unies et les tensions entre communautés persistent. Le temps de « guérir les blessures » que Nelson Mandela, figure historique de la lutte anti-apartheid, appelait de ses vœux n’est pas encore advenu.

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Peut-on représenter l’islam de France ?

  • Didier LeschiSpécialiste des cultes et de la laïcité, ancien chef du bureau central des cultes
  • Abdelhaq NabaouiAncien aumônier national des hôpitaux pour le culte musulman et président de l’École nationale des cadres religieux et aumôniers musulmans (Encram)

Emmanuel Macron reçoit, jeudi 16 février à l’Élysée, le Forum de l’islam de France (Forif), la nouvelle plateforme de dialogue entre l’État et le culte musulman née en février 2022. Alors que le Conseil français du culte musulman n’est plus l’interlocuteur des pouvoirs publics, la question de la représentation de l’islam au niveau national reste en suspens.

  • Recueilli par Marguerite de Lasa et Matthieu Lasserre, 
Peut-on représenter l’islam de France ?
 
En photo : Gérald Darmanin, prononce un discours lors du Forum de l'Islam de France, le 5 février 2022, au Palais de Iena à Paris. Emmanuel Macron reçoit ce jeudi 16 février le Forif.GEOFFROY VAN DER HASSELT/AFP

► La légitimité des représentants dépend de leur autorité intellectuelle

Didier Leschi, spécialiste des cultes et de la laïcité, ancien chef du bureau central des cultes.

Depuis le début, l’enjeu de la représentation de l’islam de France a été de résoudre des problèmes pratiques. Il s’agissait d’abord d’instaurer un rapport de confiance entre les collectivités et les responsables locaux du culte musulman pour que celui-ci bénéficie du cadre juridique français, et favoriser notamment la construction de lieux de culte.

En ce sens, le travail effectué depuis Jean-Pierre Chevènement a permis aux fidèles musulmans de voir leur situation considérablement améliorée, comme l’attestent la multiplication des lieux de culte, le développement des aumôneries musulmanes dans les armées, au sein de l’administration pénitentiaire et dans les hôpitaux ou encore le développement du marché du halal.

Un autre enjeu consiste à faire en sorte que la représentation ne soit pas uniquement assumée par des personnes immigrées, mais qu’elle puisse aussi associer des personnes nées en France, pleinement citoyens français et croyants. C’est un des objectifs du Forif. Les premières générations de représentants, si elles ont permis une meilleure prise en compte du culte musulman dans le pays, ne sont pas parvenues à être clairement identifiées comme des représentants d’un islam de France, du fait de liens historiques, affectifs et financiers avec des pays d’origine. Elles se sont trouvées de plus en plus en décalage avec les nouvelles générations de croyants musulmans.

La deuxième difficulté, c’est que ces représentants n’ont pas réussi à investir la problématique théologique. Or, c’est le cœur du problème de la construction d’un islam de France : comment faire en sorte que la croyance musulmane, légitime, ne soit pas en France l’otage des dérives islamistes ? Dans mon livre (1), j’avais utilisé une métaphore en disant : « Ce qui manque à l’islam de France, ce sont des Bernanos musulmans », c’est-à-dire des personnes qui, à partir de leur foi, s’élèvent de manière ferme pour défendre l’acceptation de leur altérité, parce que nous appartenons à une commune humanité. C’est ce qu’a fait Bernanos au moment de la guerre d’Espagne.

Or, dans la période actuelle, indépendamment de la forme que prend la représentation du culte musulman – CFCM ou Forif –, ce qui est frappant, c’est la difficulté à penser que la révolte en Iran est peut-être la meilleure chose qui puisse arriver au monde musulman. Et l’absence de prises de position des responsables musulmans sur ce sujet – que je constate – ne les aide pas à devenir crédibles, aussi bien auprès des fidèles musulmans que vis-à-vis de l’ensemble de la société française.

La légitimité de la représentativité ne relève donc pas uniquement d’une technique ou d’une structure, mais d’une autorité intellectuelle et de la force d’un débat théologique interne. Le problème n’est pas tant la multiplicité des représentants ou leur mode de désignation que leur autorité morale et intellectuelle.

► Le Forif semble être le format adéquat

Abdelhaq Nabaoui, ancien aumônier national des hôpitaux pour le culte musulman et président de l’École nationale des cadres religieux et aumôniers musulmans (Encram).

Après l’échec du Conseil français du culte musulman (CFCM), il fallait trouver une nouvelle organisation pour représenter le culte musulman. Hormis dans certaines régions, dont la nôtre en Alsace, le travail du CFCM n’a pas été à la hauteur des attentes.

Il y avait plusieurs obstacles. Tout d’abord, l’ingérence étrangère était une entrave aux travaux menés. Il y avait également un problème de représentation lié au fonctionnement en fédérations. Celles-ci voulaient que leurs membres, qui sont restés à peu d’exceptions près les mêmes depuis 2003, gardent les postes à responsabilité. Enfin, nous avions un problème de compétence dans la gestion des dossiers.

Avec le Forum de l’islam de France (Forif), je crois que nous avons trouvé le format adéquat. En un an, nous avons constitué quatre groupes de travail qui rendront déjà leurs conclusions et leurs propositions au président de la République jeudi 16 février. Par exemple a été décidée la création d’un Conseil national des aumôneries musulmanes pour accompagner et former les aumôniers en France.

Je constate une vraie volonté de l’État d’accompagner la structuration du culte musulman, sans ingérence dans notre organisation et dans le respect de la loi de 1905. Nous avons une relation de confiance et d’échange : tout le monde est conscient que l’on doit travailler ensemble. Le 2 février, le Forif a été reçu par le ministre de l’intérieur, qui a exprimé sa satisfaction devant les conclusions que nous avons présentées.

Une place importante est laissée au dialogue entre les membres. Les avis divergents sont entendus et permettent de dialoguer pour avancer ensemble. La nouvelle instance est également plus représentative. Les groupes sont composés de femmes, d’hommes, de personnes jeunes comme de plus âgées, d’imams, de responsables associatifs, d’aumôniers… C’est un reflet de ce que l’on voit sur le terrain. Ce travail s’articulera avec les assises territoriales de l’islam de France (Atif) dans les départements. Les conclusions seront étudiées afin d’être mises en place au niveau local. Encore une fois, le fonctionnement s’améliore.

Le format évolutif de la nouvelle instance apporte une capacité d’adaptation bienvenue. Il faudra laisser encore un peu de temps au Forif pour qu’il grandisse sainement. Une année est insuffisante pour en tirer un bilan définitif. Nous devons maintenant continuer dans cette voie, corriger les lacunes, ouvrir de nouveaux chantiers comme le financement des lieux de culte. Le Forif doit par ailleurs trouver toujours plus de gens compétents et de professionnels formés pour répondre aux attentes. Nous devons poursuivre nos efforts pour devenir l’interlocuteur fiable et responsable dont l’État a besoin.

(1) Misère(s) de l’islam de France, Éditions du Cerf, 2017.

Journée mondiale des malades : « J’ai en moi une force de vie qui me surprend »

Entretien 

À l’occasion de la Journée mondiale des malades et fête de Notre-Dame de Lourdes, ce samedi 11 février, Marie-Caroline Schürr, formatrice en entreprise, et Cécile Gandon, graphiste à l’Office chrétien des personnes handicapées et autrice, témoignent avec une force d’âme incomparable de leur expérience du handicap : lucide et pleine d’espérance.

  • Recueilli par Florence Chatel et Clémence Houdaille, 
 
Journée mondiale des malades : « J’ai en moi une force de vie qui me surprend »
 
Cécile Gandon (à gauche) et Marie-Caroline Schürr (à droite), à Versailles, le 3 janvier 2023.MARC CHAUMEIL POUR LA CROIX

La Croix : Vous avez toutes les deux un handicap de naissance. Cécile Gandon, vous dites dans votre livre (1) qu’il vous a obligée à une certaine vérité. Pourquoi ?

Cécile Gandon : Je travaille à plein temps. J’ai une vie quasiment normale, mais quand je marche, les gens voient mon handicap qui atteint mes jambes et m’oblige à marcher avec une canne. Il y a donc une certaine transparence même si toutes mes fragilités ne sont pas apparentes. La fatigue et les douleurs contre lesquelles je lutte sont invisibles. Cela m’oblige à reconnaître et à expliquer mes limites plus spontanément. Partant de là, les relations sont peut-être plus vraies. Quand je relis ma vie, je constate que mes amis proches sont notamment ceux avec qui j’ai pu parler du handicap.

Marie-Caroline Schürr : Mon corps se rappelle à moi tous les jours. J’ai une maladie génétique et orpheline rare. Elle entraîne un blocage progressif de l’ensemble des articulations, des destructions osseuses, une petite taille. Quand j’étais enfant, j’avais conscience de ma différence, mais elle se voyait moins car j’avançais sur un tricycle. Aujourd’hui, il ne me reste que ma main gauche pour faire ce que je peux. De plus en plus, je dépends des autres pour un grand nombre d’actions et j’ai de l’aide trois fois par jour pour le lever, la douche, les repas, le coucher… Mais j’arrive quand même à vivre seule et je me sens vraiment autonome. Pour moi, l’autonomie c’est reconnaître sa dépendance vis-à-vis des autres et pouvoir mener son projet de vie.

Les regards sur le handicap peuvent être durs. Comment les appréhendez-vous ?

M.-C. S. : Je me suis beaucoup interrogée sur ces regards durs. Est-ce mon handicap qui effraie les gens ou quelque chose qui se réveille en eux en me voyant ? J’ai appris à accueillir ces regards comme n’étant pas dirigés contre moi. Pendant dix ans, j’ai enseigné l’anglais en lycée. Je trouvais naturel que les élèves ne soient pas d’emblée à l’aise avec mon handicap. Je pense que toute peur tombe quand on met des mots dessus. En début d’année, je leur expliquais ma maladie, ce qu’elle impliquait pendant les cours. Leurs questions et leurs regards qui changeaient m’ont aidée à me réconcilier avec moi-même. Parfois, j’entends des enfants dans la rue : « Qu’est-ce qu’elle a la dame ? Pourquoi elle est petite ? » Si je n’arrive pas à accueillir ces questions qui disent ma réalité, je ne me sens pas bien au fond de moi-même.

C. G. : Je rencontre aussi de telles situations. Souvent, ce qui me blesse le plus, c’est de ne pas pouvoir expliquer à l’enfant pourquoi je marche ainsi sur la pointe des pieds. Sa maman gênée par sa question le presse d’avancer, elle lui dit qu’elle lui expliquera plus tard. J’entends des chuchotements. C’est dur. Quand j’étais adolescente, j’ai beaucoup souffert de moqueries à cause de mon handicap. En grandissant, j’ai appris à faire un tri entre les regards qui me blessent et ceux qui me relèvent, ne me réduisent pas à mon handicap, me trouvent belle. Parfois, c’est le regard que je porte sur moi-même qui est le plus blessant. J’ai encore du mal quand j’aperçois mon reflet dans une vitrine dans la rue. J’apprends à ne pas baisser les yeux, à regarder en face la réalité et à me dire : telle que tu es, tu es belle. C’est un travail.

Vous avez toutes les deux la foi. En avez-vous voulu à Dieu de votre handicap ?

C. G. : Oui, quand j’étais en première et terminale. Je me souviens d’un camp avec des jeunes chrétiens à la montagne. Pendant que tous partaient en randonnée, je restais au chalet. Un jour, je suis allée en colère me mettre en face de la croix dans la chapelle. Je pleurais et criais intérieurement. Et j’ai vu Jésus sur la croix. Pourquoi lui crier dessus alors qu’il était dans la même situation que moi ? Il y a eu un vrai renversement de situation.

M.-C. S. : J’ai connu des grands moments de découragement et de colère après la mort de mon frère aîné, atteint de la même maladie que moi. Ma foi est un pilier dans ma vie, mais elle ne m’empêche pas de souffrir et de traverser des déserts. Quand on est sur un lit d’hôpital entre la vie et la mort, ce n’est pas simple. Pourtant, c’est dans ces heures de dépouillement que j’ai été le plus consolée par le Christ. Ce sont des expériences spirituelles personnelles extrêmement fortes qui se passent la nuit.

C. G. : Une nuit où j’étais hospitalisée, j’avais des douleurs nerveuses qui me prenaient toute la jambe. Les médicaments que l’on m’avait donnés n’agissaient pas encore. C’était très difficile. À trois heures du matin, j’ai reçu un message de toi, Marie-Caroline, me disant que tu pensais à moi. Ce texto m’a réconciliée avec la vie. Il n’a pas enlevé ma douleur, il n’a pas fait arriver le jour plus vite, mais c’est comme si, dans le désert où je me trouvais, j’avais découvert un pays habité. Maintenant, quand j’ai une insomnie, je pense aux personnes qui souffrent comme moi, aux moines et aux moniales qui prient, à tous ceux qui travaillent. La nuit n’est pas seulement le négatif du jour, du rien ou du vide. C’est du plein.

Vous aimez toutes les deux aller à la grotte de Lourdes. Priez-vous pour votre guérison ?

C. G. : J’ai un rapport très ambigu à la guérison. Je prie pour être guérie parce que j’ai envie de pouvoir danser, porter des enfants dans mes bras sans risquer de les faire tomber, escalader la montagne. En même temps, je n’aime pas que l’on me dise : « Dieu n’a pas voulu ton handicap. » Qu’est-ce cela veut dire ? Qu’il ne m’a pas voulue telle que je suis ?

M.-C. S. : Pendant longtemps, j’ai été très mal à l’aise à l’idée de demander la guérison. J’avais peur d’être quelqu’un d’autre en étant guérie. Malgré l’évolution de la maladie, les hospitalisations à répétition ces dernières années, je suis toujours vivante. C’est un vrai miracle. Aujourd’hui, j’en ai assez de souffrir. Dans ma prière, je demande au Seigneur de me soulager.

Les débats sur la fin de vie mettent en avant la souffrance des personnes. Quel regard portez-vous sur un éventuel projet de loi légalisant le suicide assisté ou l’euthanasie ?

M.-C. S. : À l’hôpital, les soignants n’ont plus le temps d’accompagner les malades. Au lieu de soulager la souffrance, on envisage de la supprimer par une solution radicale avec l’hypocrisie de dire que c’est pour nous aider. Parfois quand je vais mal, j’ai juste besoin d’une présence silencieuse à mes côtés. Je n’ai pas envie de mourir. J’ai en moi une force de vie qui me surprend toujours. Mais ces débats me poussent à me demander : à quel degré de dépendance vais-je devenir indigne de vivre ? Cela me fait peur parce que lorsque l’on est allongé sur un lit d’hôpital sans pouvoir bouger, on est très vulnérable. Et cela peut aller très vite d’injecter un produit.

C. G. : Tant que tu croiras à la valeur de ta vie, les autres ne pourront pas se permettre de te dire : « Dehors ! » La difficulté, c’est quand nous n’y croyons plus nous-mêmes et que nous aurions besoin d’entendre : « Continue, je crois en toi. » Des kinés qui m’ont suivie au long cours m’ont ainsi beaucoup aidée.

M.-C. S. : La dépendance est une contrainte et une souffrance. Mais des choses très belles peuvent se passer quand nous nous épaulons avec nos bras cassés. En mai dernier, je suis partie trois semaines sur le chemin de Saint-Jacques, seule, mon sac à dos accroché à mon fauteuil électrique. J’avais quelques logements de réservés, mais pas tous. Et je ne savais pas qui allait m’aider pour la douche, le coucher et le lever du lendemain. Chaque soir, en arrivant vers 16 heures à l’étape, j’allais mendier l’amour des autres. Je n’ai jamais essuyé de refus. Des inconnus du monde entier m’ont aidée. Je me souviens d’une jeune femme pour qui c’était très difficile de voir mon corps fragile et nu. Elle n’arrêtait pas de dire « es muy complicado, es muy complicado » (c’est très compliqué, NDLR). Deux jours plus tard, je l’ai croisée à nouveau. Elle s’est précipitée sur moi en pleurs : « Marie-Caroline, je te remercie parce que tu m’as montré que tout valait la peine dans la vie. »

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La lumière d’un sourire

Rencontrer Cécile Gandon, c’est d’abord voir son visage illuminé par un sourire rayonnant. À 40 ans, l’autrice de Corps fragile, cœur vivant (1) vient de recevoir le prix coup de cœur du jury, dans la rubrique « témoignage », au Salon du livre chrétien de Dijon. D’une plume poétique, Cécile y raconte en de courts chapitres sa vie avec « un handicap qu’on dit “léger” » et qui lui « donne une démarche boitillante », selon ses propres mots. De sa naissance à ses premiers jeux en cour de récréation, de sa vie d’étudiante à son travail actuel de graphiste à l’Office chrétien des personnes handicapées, elle nous entraîne à sa suite, sans gommer les difficultés de la route, mais avec toujours cette douceur et cette force qui la caractérisent.

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Intrépide aventurière

À 37 ans, Marie-Caroline Schürr déjoue les préjugés. On la croit rivée à son fauteuil roulant électrique sous le ciel versaillais, et cette aventurière roule sur une route espagnole entre Léon et Saint-Jacques-de-Compostelle. Du 24 mai au 12 juin 2022, elle a ainsi parcouru les 400 derniers kilomètres du Camino, seule, vivant de la providence pour compenser sa grande dépendance physique. « Je ne me suis jamais sentie aussi libre et vivante », confie cette intrépide qui, sitôt de retour, a créé sa boîte : Envol’moi. Malgré une santé très fragile, cette femme à la joie profonde donne des formations en entreprise sur l’interdépendance, ou comment travailler en équipe en acceptant ses différences. Sur la porte de son salon, une parole résume sa philosophie : « Ceux qui pensent que c’est impossible sont priés de ne pas déranger ceux qui essaient. »

(1) Corps fragile cœur vivant, Éditions Emmanuel, 160 p., 15 €.

Aux États-Unis, des pubs pour « réhabiliter l’image de Jésus »

Le 12 février, deux publicités autour du Christ seront retransmises lors du Super Bowl, le rendez-vous sportif le plus suivi en Amérique du Nord. Elles s’inscrivent dans une campagne d’un milliard de dollars et qui s’étale sur trois ans.

  • Alexis Buisson, 

 

Aux États-Unis, des pubs pour « réhabiliter l’image de Jésus »
 
Lancée en mars 2022, la campagne « He Gets Us » consiste en une série de courtes vidéos abordant la vie de Jésus et diffusées sur les réseaux sociaux, à la télévision ou dans la rue, comme ici à Las Vegas.ERIC JAMISON/AP

New York (États-Unis)

De notre correspondant

Le Super Bowl, finale très attendue du championnat de football américain, qui se déroule cette année en Arizona dans la nuit du dimanche 12 au lundi 13 février, sera un moment fort pour les équipes de Kansas City et de Philadelphie. Mais il le sera aussi pour Brad Hill, l’un des responsables de Gloo, une plateforme de communication numérique dédiée au monde religieux.

Il fait partie des cerveaux de la campagne « He Gets Us » (« Il nous comprend »), destinée à « réhabiliter l’image de Jésus » outre-­Atlantique. Deux de ses publicités seront diffusées pendant l’événement sportif le plus suivi aux États-Unis. « Nous aurons l’attention de plus de 100 millions de téléspectateurs », se félicite-t-il.

Si une large majorité des Américains reconnaissent l’importance spirituelle de Jésus, ses enseignements sont plus ou moins connus. Surtout, les chrétiens sont perçus par ceux qui ne le sont pas comme « hypocrites » (à 50 %), «catégoriques dans leurs jugements» (à 49 %) ou encore « arrogants » (à 32 %), d’après un sondage Ipsos réalisé en 2022 pour l’Église épiscopalienne. Les débats autour de l’avortement et de l’homosexualité, les scandales sexuels au sein de l’Église catholique mais aussi la présence de fondamentalistes chrétiens parmi les émeutiers du Capitole, le 6 janvier 2021, ont contribué à ternir leur image et, – selon les initiateurs de la campagne – à voiler, du même coup, celle du Christ.

Lancée en mars 2022, « He Gets Us » consiste en une série de courtes vidéos léchées abordant différents aspects de la vie de ­Jésus (« le rebelle », « le docteur », « la colère », « réfugié »…). Le spectateur est dirigé vers un site où il peut lire des références évangéliques au sujet de la polarisation politique, de l’égalité des sexes, de la pauvreté ou de l’immigration. Les curieux sont aussi invités à entrer en contact avec l’un des 20 000 membres du réseau de « He Gets Us ». «Nous voulons montrer que l’expérience de Jésus peut être pertinente face aux fardeaux de la société actuelle : la solitude, l’anxiété, les problèmes de santé mentale… », reprend Brad Hill.

Les vidéos de « He Gets Us » ont déjà été vues des milliards de fois sur les réseaux sociaux, à la télévision, dans la rue – elles ont notamment été diffusées sur les écrans de Times Square à New York. La cible : un public «ouvert sur le plan spirituel, mais sceptique envers le christianisme». Cette population culturellement chrétienne mais désengagée représenterait 54 % des adultes américains d’après les études menées en 2021 par les organisateurs de la campagne.

Derrière le projet se trouve The Signatry, bras fiscal de la Servant Foundation, une fondation basée à Kansas City dont le rôle est de mettre en relation de riches donateurs chrétiens avec des ONG. Le fonds a initialement investi quelque 100 millions de dollars dans la campagne (20 millions uniquement pour les deux réclames du Super Bowl). Au total, les organisateurs prévoient de mettre un milliard de dollars (928 millions d’euros) dans cette initiative sur trois ans.

Les noms des donateurs ne sont pas publics, à l’exception de celui de l’homme d’affaires David Green qui a révélé la participation financière de sa famille lors d’une émission de radio. En 2014, Hobby Lobby, la société fondée par ce milliardaire proche des milieux évangéliques, fut au cœur d’un litige remarqué autour de la liberté religieuse des entreprises familiales chrétiennes, obligées par la réforme du système de santé adoptée sous Barack Obama de rembourser les avortements de leurs employés à travers leur assurance.

« He Gets Us » ne veut pas être vue comme un outil d’évangélisation. D’après Brad Hill, le projet a été lancé avant tout par des «chrétiens inquiets de voir l’histoire de Jésus devenir source de division » : «Quand on demande au grand public les valeurs qu’incarne Jésus, il évoque son amour, la paix, l’hospitalité. Rien à voir avec la colère que l’on voit aujourd’hui dans la société. »

Pèlerinage au sanctuaire Notre-Dame de Yagma : Les fidèles catholiques prient pour la paix au Burkina

Accueil > Actualités > Société • LEFASO.NET • dimanche 5 février 2023 à 22h24min 
 
Pèlerinage au sanctuaire Notre-Dame de Yagma : Les fidèles catholiques prient pour la paix au Burkina

 

Les fidèles catholiques du Burkina se sont réunis au sanctuaire Notre-Dame de Yagma, ce dimanche 5 février, à l’occasion du pèlerinage national, pour prier pour eux-mêmes et pour le pays. Cette année, cet important rendez-vous de l’Eglise catholique au Burkina a été placé sous le thème « Avec Marie, notre mère, avançons au large dans l’évangélisation ». La messe a été présidée par monseigneur Gabriel Sayaogo, archevêque de Koupèla.

 

Récitation du chapelet, chants, adoration et prières ont rythmé ce pèlerinage national. Venus des diocèses de Ouagadougou, Koupèla, Manga, Dédougou, Ouahigouya, et bien d’autres, les pèlerins ont demandé à Dieu des grâces pour le Burkina Faso. Ils ont aussi confié au Seigneur la préparation des 125 ans d’évangélisation au pays des hommes intègres. « Comme vous le savez, les premiers missionnaires sont arrivés en Haute Volta entre 1900 et 1925. Fidèles donc à la tradition de l’Eglise, nous allons célébrer un grand jubilé en 2025. C’est une action de grâce au Seigneur pour les missionnaires qui nous ont apporté Jésus et son évangile, avec les œuvres sociales », a expliqué le cardinal Philippe Ouédraogo, archevêque métropolitain de Ouagadougou, à la fin de la célébration eucharistique.

 



Monseigneur Michael Francis Crotty, nonce apostolique

Se prononçant sur le thème du pèlerinage de cette année, Mgr Gabriel Sayaogo a dit ceci : « En recevant le baptême, nous nous sommes engagés à quelque chose. C’est renoncer à la séduction de ce monde, c’est renoncer aux tentations de ce monde. Malheureusement, au fur et à mesure que nous vivons, nous retombons dans ces séductions et tentations. Mais ce qui est important pour nous, en tant que chrétiens, et sachant que la grâce du Christ est avec nous, sachant qu’il nous tient la main pour nous relever, c’est de nous relever comme lui-même il l’a fait en portant sa croix. Nous devons, à chaque moment, engager la marche ; à chaque moment demander au Seigneur de nous tenir la main, et à chaque moment avancer ».



Monseigneur Gabriel Sayaogo, archevêque de Koupela

Présent à la messe du jour, le nonce apostolique, Mgr Michael Francis Crotty, a dit sa joie de se joindre aux fidèles catholiques du Burkina pour prier pour la paix, la réconciliation et la cohésion sociale.



Son Eminence le Cardinal Philippe Ouedraogo ,archevêque métropolitain de Ouagadougou

Les fidèles pèlerins sont repartis la joie au cœur et surtout soulagés d’avoir pu effectuer le déplacement pour communiquer avec Dieu. « J’ai prié pour mon pays bien-aimé, le Burkina Faso. J’ai prié pour que la paix revienne dans mon pays. Le pèlerinage s’est bien passé et je repars toute soulagée. Quand je suis arrivée, j’ai prié pour la famille j’ai prié pour tout le monde », a confié Marie Madeleine Zio, un des pèlerins.


Marie Madeleine Zio, pèlerin

Carine DARAMKOUM
Lefaso.net