Pères Blancs


José Maria Cantal
Pb espagnol en Algérie

Conférence internationale à Zagreb Croatie,
du 23 au 25 avril 2015

En l’honneur de l’ouverture officielle du Centre islamique de Zagreb (en avril 1987), le Meshihat (Conseil) de la communauté islamique de Croatie a l’habitude d’organiser chaque année une conférence scientifique ou spécialisée de deux ou trois jours. Cette année, la conférence a eu lieu du 23 au 25 avril, avec pour thème L’islam et les médias. Elle fut organisée en partenariat avec le Centre culturel Ibn Sina de Sarajevo (Bosnie-Herzégovine) et de l’Université publique de Zagreb.

J’ai été aimablement convié à y participer avec une intervention intitulée La présence médiatique chrétienne dans un pays musulman : l’expérience de l'Église catholique en Algérie. L’islam des Balkans étant très marqué par le l’islam turc et iranien, le Maghreb lui est fort méconnu. Voilà pourquoi mon intervention, ainsi que celle du professeur Tunisien Abderrazak Sayadi, ont donné une ouverture à d’autres aspects du monde musulman.

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Texte de l'exposé du P. José Cantal

Il est important de souligner que cette conférence annuelle est organisée en Croatie, le plus jeune État adhérent à l’Union européenne (depuis le 1er juillet 2013), qui fait preuve d’un haut niveau de conscience sociale et politique en privilégiant le dialogue et la tolérance pour résoudre au niveau institutionnel la question de la différence à l’égard des minorités ethniques et religieuses, particulièrement à l’égard des musulmans et de l’islam.

Légitimement, les musulmans de Croatie sont fiers de rappeler que l’Assemblée nationale croate avait reconnu l’islam, déjà en 1916 (à l’époque, le pays faisait encore partie de l'Empire austro-hongrois), en tant que religion officielle du pays, aux côtés du christianisme catholique et orthodoxe. Le centenaire de cette reconnaissance sera solennellement célébré par différentes manifestations culturelles et religieuses tout au long de l’année 2016. Aujourd’hui, la Croatie compte environ 60 000 musulmans (1,40% des habitants) au sein d’une population de 4 millions et demi des habitants, très majoritairement catholiques (87%). En tant que citoyens à part entière, aucune restriction n’est faite aux musulmans du point de vue juridique. En ceci, la Croatie peut être tenue comme modèle pour l’Europe et le reste du monde.

Mon invitation, ainsi que celle du professeur Sayadi, fut rendue possible grâce aux recommandations de la Petite Sœur Vesna Zovkic (qui a vécu quelques années en Algérie et en Tunisie) et à l’engagement de Monsieur Tomislav Kovac, professeur de théologie fondamentale à la Faculté de théologie catholique de l’Université de Zagreb. Monsieur Kovac est également membre du Conseil œcuménique et de dialogue interreligieux de la Conférence des évêques de Croatie et il est personnellement impliqué dans le dialogue islamo-chrétien en Croatie.

Faisant parti du Comité d’organisation de la conférence, c’est lui qui nous a invités à y participer. Ce laïc, père de deux fillettes, est un parfait francophone et un passionné de rencontres. Et justement, pour bien profiter de notre présence, il nous a préparé un intense programme durant notre semaine de séjour à Zagreb. En voici un petit compte-rendu.

Lundi, 20 avril : À la Faculté de théologie catholique de l’Université de Zagreb, dans le cadre du cours de Missiologie, j’ai donné un exposé sur La vocation et l’engagement missionnaire des Pères Blancs, notamment dans le monde musulman. C’était la première fois que je m’adressais à un auditoire qui n’avait jamais entendu parler des Pères Blancs, du cardinal Lavigerie, du PISAI… ni de la vision « optimiste » des relations avec les musulmans que les Pères Blancs offrent à l’Église Universelle. Les questions des étudiants, dont beaucoup de jeunes laïcs, m’ont permis de partager la richesse théologique de notre petite Église d’Algérie et j’ai largement fait connaître le récent document de la CERNA « Serviteurs de l’Espérance».

Mardi, 21 avril : À l’Université catholique croate, le professeur Abderrazak Sayadi et moi étions les invités d’une tribune intitulée La place des chrétiens dans le monde musulman : regards sur l’Algérie et la Tunisie. Le recteur, la vice-rectrice et le secrétaire général de l’Université étaient présents et nous ont ensuite gratifiés d’un dîner. Des représentants de la presse catholique locale était également au rendez-vous. Nous avons reçu un chaleureux accueil d’un public très curieux, mais souvent porté par les clichés sur le Maghreb.

Mercredi 22 avril : À Matica hrvatska (la principale institution culturelle nationale en Croatie), le professeur Abderrazak Sayadi, notre hôte Tomislav Kovac et l’intellectuel musulman Senad Bajramovic ont participé à une tribune consacrée au thème L’islam et la démocratie. M. Bajramovic nous a tous fait applaudir quand il a dit que « Si l’islam devait se doter d’une autorité centrale, nous aimerions qu’elle ressemble au Pape François ». Durant la soirée, nous avons rencontré Ana et Otto, deux membres du groupe œcuménique et interreligieux Croyants pour la paix (Vjernici za mir), qui promeut un engagement théologique et pratique en faveur de la paix. Ils ont montré un grand intérêt pour notre École de la différence et le Ribat Essalam.

Jeudi 23 avril : En début de soirée, ouverture officielle de la conférence L’islam et les médias au Centre islamique de Zagreb. Le mufti de Croatie, Aziz Efendi Hasanovic, prononça un chaleureux discours de bienvenue, en présence du recteur de l’Université de Zagreb, du délégué du Ministère des sciences et de l’éducation, de beaucoup de personnalités de la communauté académique, culturelle et politique, du corps diplomatique, ainsi que d’une centaine de personnes dans le public. J’ai eu l’honneur de faire la connaissance de Monsieur Saïd Charna, le premier secrétaire de l’Ambassade d’Algérie à Zagreb, à qui j’ai promis une copie de mon intervention.

Si le français était peu connu des autres invités, l’arabe classique m’a permis de parler directement avec les deux muftis (le précédent et l’actuel), mais aussi avec quelques diplomates Iraniens (dont un ayant servi à Alger), avec d’autres invités et avec notre chauffeur, un jeune croate ayant étudié à Oman.

Vendredi 24 avril : Début de la conférence à la Faculté de droit de l’Université de Zagreb, avec une intervention inaugurale (digne du discours du Pape à la curie romaine de décembre dernier!) prononcée par le mufti émérite Ševko Efendi Omerbašic (qui fut mufti de Croatie de 1988 à 2012). C’est dans ce cadre que j’ai présenté mon exposé sur la présence médiatique de l’Église catholique en Algérie, en parlant des différents bulletins diocésains, de Pax et Concordia, d’autres publications occasionnelles, ainsi que du site internet et de la page facebook de l’Église catholique d’Algérie.

Dans un contexte où la quasi totalité des intervenants ont parlé d’islamophobie, mon texte a été qualifié d’optimiste par la modératrice de la session, Madame Fahira Fejzic-Cengic, professeur de communicologie et de journalisme à l’Université de Sarajevo, qui elle aussi avait parlé d’islamophobie! Au cours de la même matinée, le professeur Sayadi a tenu une intervention sur La réception du « Printemps arabe » dans les médias arabes : le cas de la Tunisie. Nos deux interventions furent très bien accueillies.

La conférence s’est poursuivie en fin d’après-midi, au Centre islamique de Zagreb, avec une Table ronde réunissant différents journalistes spécialisés dans le domaine de la religion. Juste avant, nous avions également été invités à assister à la remise des diplômes de fin d’année aux jeunes lycéens du Lycée islamique de Zagreb (qui est reconnu par le Ministère de l’éducation en Croatie).

Samedi 25 avril : Toute la journée s’est passée au Centre islamique. Pendant les pauses, nous pouvions visiter la grande et belle salle de prière de la mosquée, qui comporte une entrée unique pour hommes et femmes, ou bien nous promener et discuter avec les autres intervenants dans l’agréable parc qui entoure le Centre. La dernière session fut terminée par une intervention du mufti Hasanovic, puis la conférence se clôtura par la lecture et l’approbation d’une déclaration finale. S’ensuivit un dernier repas en commun et de chaleureuses salutations.


Aziz Efendi Hasanovic, mufti actuel de Croatie et le recteur de l'université

Que retenir de ce voyage ? D’abord l’accueil chaleureux de tous ceux qui se sont dévoués pour nous faciliter le séjour : les frères de la Province dominicaine de Croatie qui nous ont logés les premiers jours, la Petite Sœur Vesna qui nous a servi de guide et traductrice, le pasteur baptiste Tomo Magda et son épouse très intéressés par les initiatives de paix, les organisateurs de la conférence qui nous ont fait confiance en acceptant nos thèmes, le professeur Tomislav Kovac (que nous aurions tout à gagner à l’inviter au Maghreb!) par son ouverture et la richesse de ses contacts, ceux qui ont mis à notre disposition voitures, appartements, amitiés et – ce qui est une denrée de plus en plus rare! – leur temps pour nous écouter.


P. José avec le mufti émérite Ševko Efendi Omerbašic

L’islam de Croatie avec sa présence incontestable en Europe centrale et qui partage à part entière la citoyenneté, la langue, les origines ethniques (je n’ai jamais vu tant de musulmans blonds et avec des yeux bleus!). Et des pans entier de la culture croate me semblent un modèle à étudier en Algérie, pour nous qui, à l’AIDA, nous sommes définis comme Église citoyenne. De même, je repars avec les images d’une Église catholique vivante et dynamique que nous pourrions aussi inviter à mieux nous connaître!

José Maria Cantal Rivas pb